Décision n° 459-R-1988

le 1 décembre 1988

Le 1er décembre 1988

RELATIVE AU réexamen de la demande présentée par Canadien Pacifique Limitée en autorisation d'abandonner l'exploitation de la subdivision Kaslo dans la province de la Colombie-Britannique, entre Rosebery (point milliaire 3,8) et Nakusp (point milliaire 31,2), soit une distance totale de 27,4 milles.

Référence n 39309.144


HISTORIQUE DE LA DEMANDE

Le 30 août 1974, Canadien Pacifique Limitée (ci-après le CP) a déposé auprès de la Commission canadienne des transports (ci-après la CCT) conformément à l'article 253 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, une demande en autorisation d'abandonner l'exploitation de la subdivision Kaslo, entre un point situé près de Denver Canyon (point milliaire 0,0) et Nakusp (point milliaire 31,2), soit une distance de 31,2 milles dans la province de la Colombie-Britannique.

L'ordonnance n R-21537 du 22 octobre 1975 publiée par la CCT à la suite d'une audience publique tenue à Nakusp (Colombie-Britannique), les 30 et 31 juillet 1975, exigeait que le CP continue d'exploiter la subdivision Kaslo entre Denver Canyon et Nakusp.

L'ordonnance n WDR-00096 du 31 décembre 1980 rendue par la CCT à l'issue d'une audience publique tenue à Nakusp en Colombie-Britannique, le 25 septembre 1980, pour réexaminer la demande ordonnait au CP de continuer d'exploiter la subdivision Kaslo entre Rosebery (p. m. 4,3) et Nakusp (p. m. 31,2), mais l'autorisait à cesser d'offrir le service sur la subdivision entre le point milliaire 0,0 et un point situé près de Rosebery (p. m. 4,3).

En vertu d'une demande présentée par le CP le 31 juillet 1981, l'ordonnance n WDR-00096 a été modifiée par l'ordonnance n WDR-00467 du 21 septembre 1981 afin de tenir compte d'un changement dans le millage du point Rosebery entre le point milliaire 4,3 et le point milliaire 3,8.

L'ordonnance n WDR-1984-00134 du 5 juillet 1984 a été rendue à l'issue d'une audience publique tenue à Nakusp en Colombie-Britannique, le 2 mai 1984, pour réexaminer la demande du CP. L'ordonnance exigeait que le CP continue l'exploitation de la subdivision Kaslo entre Rosebery (p. m. 3,8) et Nakusp (p. m. 31,2).

Le 9 octobre 1987, le CP demande à la CCT de réexaminer la demande. Le 19 novembre 1987, la Commission fait publier un avis de la demande d'abandon.

Le 1er janvier 1988, la Loi nationale de 1987 sur les transports, S.C. 1987, c. 34 (ci-après la Loi) entre en vigueur par proclamation du gouverneur en conseil. En vertu de l'article 160(7) de la Loi, toutes les demandes d'abandon demeurées en suspens le 31 décembre 1987 ont été transférées à l'Office national des transports (ci-après l'Office) pour qu'il prenne une décision conformément aux dispositions de la Loi. C'est pourquoi, le 15 juillet 1988, l'Office a fait publier un avis de réexamen de la demande d'abandon.

HISTORIQUE DE L'EMBRANCHEMENT

La subdivision Kaslo a été construite par la Nakusp and Slocan Railway Company en 1894-1895 pour répondre aux besoins des industries minières et forestières de la région. Cet embranchement a été relié aux voies construites à la même époque par la Kaslo and Slocan Tramway Company, formant ainsi un réseau ferroviaire continu de Kaslo, près du lac Kootenay à Nakusp, sur le lac Upper Arrow. Le Canadien Pacifique a par la suite loué les voies de la Nakusp and Slocan Railway Company jusqu'à la dissolution de cette dernière en 1957, époque où ses biens furent dévolus au Canadien Pacifique.

Reliée au service de bac porte-wagons assuré sur les lacs Arrow et à la subdivision Arrow Lake du CP qui s'étendait dans le sud de Revelstoke à Arrowhead jusqu'à son abandon en 1968, cette ligne formait un lien nord-sud entre les deux corridors ferroviaires est-ouest du CP en Colombie-Britannique. Un service de bac porte-wagons est assuré par le CP sur le lac Slocan, entre Slocan City et Rosebery, au moyen d'un chaland à coque d'acier construit en 1951 qui appartient au CP. Le chaland qui n'a pas de moteur est tiré par un remorqueur. Ce dernier appartient à la Slocan Lake Towing Limited qui fournit ses services au CP aux termes d'un contrat.

EMPLACEMENT DE LA LIGNE

Une carte de la région figure en appendice A. La subdivision Kaslo est située dans la partie sud-est de la Colombie-Britannique. Telle qu'elle existe actuellement, la subdivision va de Rosebery sur la rive nord-ouest du lac Slocan jusqu'à Nakusp en bordure est du lac Upper Arrow et est coupée du gros du corridor ferroviaire principal du CP dans le nord par des barrières de montagnes et de lacs.

ÉTAT DE LA VOIE

Dans sa demande, le CP fait valoir que les rails et les traverses de la subdivision sont généralement dans un état passable, mais il note que si l'exploitation se poursuit, il faudra remplacer 5 000 traverses entre le point milliaire 3,9 et le point milliaire 16,0. Le ballast est composé de gravier très sablonneux et la voie devra être remise en état et renforcée si l'exploitation doit se poursuivre après 1987. En outre, la cale du bac de Rosebery a besoin de réparations. Sur la subdivision Kaslo, la vitesse maximale autorisée est de 10 milles à l'heure et les trains ne peuvent dépasser 5 milles à l'heure entre le point milliaire 29,0 et le point milliaire 31,0. Au quai d'embarquement de Rosebery et dans ses approches, la vitesse est limitée à 4 milles à l'heure. Le CP estime toutefois que l'état de la voie dans la subdivision Kaslo est adéquat, compte tenu des restrictions de vitesse et des niveaux de trafic actuel.

DESCRIPTION DU SERVICE

Le service ferroviaire est assuré "à la demande" par différentes équipes de train de marchandises sans affectation de Nelson (C.-B.). Au niveau de trafic actuel, il faut un train par mois.

En outre, les wagons doivent traverser le lac Slocan dans un bac porte-wagons affrété par le CP, service qui a coûté en moyenne 163 000 $ par année de 1984 à 1986.

TRAFIC DE WAGONS COMPLETS

La forêt est la principale ressource de la région. Au cours des dix dernières années, le nombre d'expéditeurs utilisant la subdivision, de même que les volumes de trafic acheminés, ont décliné au point que l'embranchement n'est plus utilisé que par un seul expéditeur pour le transport vers l'extérieur de produits du bois qui se limitent presque exclusivement de poteaux de lignes de différentes longueurs. Le tableau suivant montre le trafic au cours des trois dernières années.

SOMMAIRE DU TRAFIC - CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE
Subdivision Kaslo
Rosebery (p. m. 3,8) à Nakusp (p. m. 31,2) (wagons complets)
  1985 Reçu 1985 Expédié 1986 Reçu 1986 Expédié 1987 Reçu 1987 Expédié
SUMMIT LAKE - 3 - 0 - 0
NAKUSP - 107 - 49 - 71
TOTAL 0 110 0 49 0 71

PERTES RÉELLES

Les "Pertes réelles" telles que déterminées par l'Office conformément aux dispositions du Règlement sur le calcul des frais ferroviaires et de l'article 157 de la Loi pour les années 1985 à 1987 sont données au tableau suivant :

Année Dépenses totales $ Recettes $ Pertes réelles $
1985 1 073 066 278 784 794 282
1986 1 044 179 156 697 887 482
1987Note 1 758 431 205 828 552 603

L'appendice B fournit des renseignements plus détaillés concernant ces chiffres et les éléments qui ont servi à les préparer.

AUTRES MOYENS DE TRANSPORT

La route provinciale n 6 est parallèle à la subdivision Kaslo entre Rosebery et Nakusp et elle donne accès à Slocan, Castlegar et Nelson au sud et à Vernon, via Fauquier, à l'ouest. En outre, la route provinciale n 23 permet de se rendre de Nakusp jusqu'à Revelstoke au nord et de rejoindre la route transcanadienne via Galena Bay. Les routes provinciales n 31, 31A et 3A relient New Denver à Kaslo et Nelson.

Le CP a des points de service à Slocan City, subdivision Slocan, à Nelson, subdivision Boundary, et à Revelstoke, subdivision Shuswap. En outre, il y a une gare ferroviaire du Burlington Northern Railroad à Nelson.

OPPOSITION AU PROJET D'ABANDON

Les avis de demande ont soulevé une certaine opposition parmi les intéressés.

L'honorable Stephen Rogers, à l'époque ministre des Transports et de la Voirie de la province de Colombie-Britannique, a envoyé une lettre d'opposition à l'honorable Erik Nielsen, président de l'Office national des transports, avec copie conforme à l'honorable John Crosbie, alors ministre des Transports. Dans sa lettre, le ministre Rogers faisait état d'inquiétudes sérieuses chez les expéditeurs et les collectivités qui dépendent du chemin de fer face au projet d'abandon de service du CP et faisait valoir qu'aucune mesure ne devrait être prise sans évaluer d'abord les besoins des expéditeurs et pris dûment en considération l'intérêt public. M. Rogers se disait d'avis que des audiences publiques menées en vertu de la nouvelle Loi seraient un outil essentiel pour prendre une décision éclairée.

Une vive opposition a aussi été manifestée par la B. J. Carney and Company Ltd., par l'entremise de son président M. J. Comerford. M. Comerford était irréductiblement opposé à ce que le CP obtienne un réexamen rapide de sa demande, attendu que la B. J. Carney Company Ltd. avait besoin de temps non seulement pour maintenir ses activités normales, mais aussi pour tenter de trouver des moyens de transport de remplacement économiques. M. Comerford a indiqué que des essais avaient démontré que les billes de bois qu'expédie sa compagnie pouvaient être transportées par camion même si on croyait antérieurement cela impossible. Toutefois, il affirmait que cette solution était excessivement coûteuse et aurait des effets très négatifs sur le fonctionnement de la compagnie, l'obligeant à ralentir ses activités, ce qui aurait, par ricochet, des répercussions néfastes dans les localités qui profitent des retombées des activités de la compagnie. Dans un autre document présenté à l'Office à la suite de l'Avis de réexamen du 15 juillet 1988, M. Comerford réitère son opposition à l'abandon et il fait à nouveau état des problèmes auxquels sa compagnie doit faire face en cherchant une solution de rechange pour le transport de ses produits.

Dans sa réponse à cette lettre, le CP mentionne qu'il a examiné le résultat des essais de transport des billes de la B. J. Carney du chantier de Nakusp en Colombie-Britannique jusqu'aux installations de traitement de Galloway dans la même province. Le CP fait valoir que les résultats de l'étude indiquent qu'en se fondant sur les volumes expédiés en 1985, la B. J. Carney pourrait débourser 50 000 $ de plus annuellement pour le transport de ses poteaux de Nakusp à Galloway par camion au lieu de par chemin de fer. Le CP suggère à M. Comerford que la compagnie pourrait demander une subvention en vertu de l'article 175(6) de la Loi pour le remboursement de ses coûts additionnels.

D'autre part, dans une autre lettre à l'Office en date du 8 juillet 1988, le CP affirme que d'après des informations obtenues d'un cadre supérieur de la B. J. Carney and Company Ltd., le transport par camion des poteaux de la compagnie se serait révélé moins coûteux que le transport par chemin de fer. L'Office ne peut toutefois pas fonder son analyse sur des ouï-dire.

M. Rolland L. Schmidt, de Trail en Colombie-Britannique, qui se dit le porte-parole de plusieurs habitants de Nelson (C.-B.) et de la vallée de Slocan, prétend que la demande devrait être rejetée pour trois raisons. La première, c'est que la vallée de Slocan est en pleine expansion à l'heure actuelle, dans les secteurs miniers et forestiers, et que la suppression du service ferroviaire pourrait avoir un effet néfaste sur le développement futur. La deuxième c'est que l'abandon de l'embranchement entraînerait la perte d'un certain nombre d'emplois. La troisième, c'est que tout le transport en provenance et à destination de la vallée de Slocan et de Nakusp devrait se faire par camion, ce qui augmenterait encore davantage les risques sur les tronçons de route déjà extrêmement dangereux de la vallée de Slocan. M. Schmidt est d'avis qu'une audience publique devrait être convoquée pour examiner la demande. Une lettre de M. W.R Thorp et une autre de M. H. G. Mayson, tous deux de Nakusp (C.-B.), font valoir des préoccupations concernant la transmission de la propriété des terrains après l'abandon de l'embranchement. Il faut préciser que la cession des terrains sur lesquels passe une voie ferrée abandonnée n'est pas du ressort de l'Office.

La Chambre de commerce de Nakusp et du district a écrit pour maintenir son opposition à la demande d'abandon. La Chambre est d'avis que la voie ferrée pourrait être d'un bon rapport mais que le CP n'a fait aucun effort pour la rentabiliser.

APPUI AU PROJET D'ABANDON

Une lettre d'appui à la demande d'abandon a été envoyée par M. Bob Brisco, c. r., député de Kootenay-ouest. M. Brisco affirme qu'il a discuté personnellement de l'abandon avec un certain nombre d'intéressés, y compris des maires et des syndiqués. Il affirme qu'à l'exception du maire de Nakusp, tous ceux auxquels il a parlé convenaient qu'en l'absence d'un trafic de wagons complets significatif et compte tenu du fardeau financier sous forme de subventions que représente l'embranchement pour le gouvernement du Canada, la demande d'abandon devrait être agréée. Il estime que sa position est encore renforcée par le fait que la B. J. Carney Company Ltd. de Nakusp a pu prouver que des semi-remorques chargées de poteaux peuvent sans problème quitter Nakusp par la route. Enfin, il ne voit pas la nécessité d'une audience publique concernant la demande.

Dans une autre lettre transmise à l'Office par le cabinet du Ministre, M. Emil Newbrand de Nakusp en Colombie-Britannique prétend que tout le trafic marchandises en provenance ou à destination de Nakusp est désormais acheminé par camion. M. Newbrand se dit d'avis que l'embranchement devrait être abandonné.

CONSTATATIONS

L'article 164 de la Loi exige que l'Office détermine en premier lieu si l'embranchement est rentable et, s'il ne l'est pas, s'il y a des motifs de croire qu'il peut devenir rentable dans un avenir prévisible.

L'Office estime, en se fondant sur la preuve qui lui a été présentée, que l'embranchement n'est pas rentable à l'heure actuelle. Au cours des trois dernières années pour lesquelles nous possédons des données d'exploitation, le CP a subi des pertes d'exploitation considérables sur la subdivision - plus d'un demi-million de dollars en 1987 et près d'un million en 1985 et 1986. La preuve présentée par les intervenants révèle que l'embranchement ne dessert plus qu'un seul expéditeur. Les trois autres expéditeurs qui faisaient auparavant un certain usage des services ferroviaires se sont tournés vers le camionnage qui, en l'absence de témoignage du contraire, répond de façon satisfaisante et économique à leurs besoins de transport. En outre, la preuve présentée ne permet pas de conclure que cet embranchement pourrait être rentabilisé grâce à l'activité économique actuelle ou future dans le bassin de clientèle qu'il dessert actuellement. Aucun des témoignages reçus ne nous autorise à croire que l'embranchement pourrait connaître la croissance de trafic considérable qui serait essentielle pour le rendre rentable. En conséquence, l'Office estime que la subdivision Kaslo n'offre pas de perspective de rentabilité raisonnable dans un avenir prévisible.

Le paragraphe 165(1) de la Loi stipule :

"Dans les cas où il détermine que l'embranchement ou le tronçon n'est pas rentable et qu'il n'y aucun motif de croire qu'il puisse le devenir dans un avenir prévisible, l'Office ordonne ... l'abandon de son exploitation."

Compte tenu des constatations qui précèdent, l'Office doit donc conclure qu'il faut abandonner l'exploitation de la subdivision Kaslo de Rosebery (p. m. 3,8) à Nakusp (p. m. 31,2).

L'article 168 de la Loi précise les limites de temps à l'intérieur desquelles l'Office doit ordonner l'abandon de l'exploitation d'un embranchement. Il stipule :

(1) "L'Office fixe, pour l'arrêté d'abandon prévu par les articles 162, 165, 166 ou 175 ... b) ... la date qu'il estime indiquée dans l'intérêt public"

(168(1)(b))

(2) "La date de l'abandon fixée en vertu de l'alinéa 1(b) est postérieure d'au moins 30 jours et d'au plus 1 an à celle de l'arrêté."

(168(2))

Étant donné qu'il existe d'autres moyens de transport capables de répondre aux besoins des expéditeurs dans la zone d'attraction commerciale desservie par l'embranchement, l'Office estime que l'intérêt public commande d'abandonner l'embranchement trente (30) jours après la date d'un arrêté d'abandon. Un arrêté à cet effet sera publié en conséquence.

Notes

Note 1

D'après des données préliminaires.

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