Décision n° 488-C-A-2010
le 30 novembre 2010
DEMANDE présentée par Frank Fowlie, en vertu de l'article 32 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée, en vue d'une révision de la décision no 57-C-A-2010.
Référence no M4120-3/10-01239
[1] Cette décision traite de deux questions distinctes :
- une demande en vertu de l'article 14 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005‑35 (Règles générales) visant à modifier la demande de révision de la décision no 57-C-A-2010 présentée en vertu de l'article 32 de la Loi sur les transports au Canada (LTC);
- une demande de révision de la décision n° 57‑C‑A‑2010 (décision initiale) présentée en vertu de l'article 32 de la LTC.
CONTEXTE
[2] Dans sa décision initiale du 18 février 2010, l'Office des transports du Canada (Office) a rejeté la plainte de M. Fowlie concernant le refus d'Air Canada de le transporter à bord du vol AC195 de Montréal (Québec) à Vancouver (Colombie-Britannique) le 22 mars 2009. Air Canada avait refusé d'assurer ledit transport en raison du présumé comportement inadmissible (ou turbulent) de M. Fowlie à bord du vol AC871 assurant la liaison entre Paris, France, et Montréal plus tôt cette journée-là. L'Office a décidé que M. Fowlie avait « affiché un comportement méprisant et répréhensible à bord du vol AC871 » et qu'il « ne s'était pas acquitté de son fardeau de la preuve voulant qu'il démontre qu'Air Canada n'avait pas correctement appliqué les conditions énoncées à la règle 25 de son Tarif » (intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 458).
[3] Le 1er mars 2010, M. Fowlie a déposé auprès de l'Office une demande de révision de la décision initiale en vertu de l'article 32 de la LTC (demande de révision originale).
[4] Le 9 mars 2010, l'Office a reçu une demande de M. Fowlie lui enjoignant de ne pas publier son nom dans la décision initiale. Le 16 avril 2010, M. Fowlie a appris que l'Office mettrait en suspens sa demande de révision en vertu de l'article 32 en attendant qu'une décision soit prise sur sa demande de non-publication de son nom. Le 7 juillet 2010, l'Office a publié la décision no 289‑C‑A‑2010 rejetant la demande de M. Fowlie visant la non-publication de son nom. L'Office a conclu que M. Fowlie n'avait pas atteint le niveau de preuve nécessaire et n'avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, la nécessité d'un arrêté de non-publication. Dans cette même décision, l'Office demandait à M. Fowlie de lui faire savoir s'il souhaitait que l'Office poursuive le traitement de sa demande de révision en vertu de l'article 32.
[5] L'Office a réactivé la demande de révision originale le 19 juillet 2010.
[6] Avant de traiter de la question de fond de cette demande de révision, l'Office devra rendre une décision sur la demande de M. Fowlie visant à modifier sa demande de révision originale.
I. QUESTION PRÉLIMINAIRE : DEMANDE EN VERTU DE L'ARTICLE 14 DES RÈGLES GÉNÉRALES VISANT À MODIFIER LA DEMANDE DE RÉVISION ORIGINALE
[7] Le 22 juillet 2010, M. Fowlie a fait savoir qu'il souhaitait présenter à l'Office d'autres déclarations et documents à l'appui de la demande de révision originale. Après avoir reçu et examiné les déclarations des deux parties à cette demande, l'Office a rendu la décision no LET‑C‑A‑135‑2010 en date du 16 août 2010, par laquelle il faisait savoir à M. Fowlie qu'il considérait la demande de révision originale comme étant complète et que toute demande visant à modifier ses propres déclarations devait être présentée conformément à l'article 14 des Règles générales. L'Office a également fait savoir à M. Fowlie qu'en sus de cette demande, il devait déposer des exemplaires de tous les éléments de preuve supplémentaires qu'il prévoyait produire à l'appui de ses déclarations modifiées, ainsi que des explications sur l'admissibilité de ces nouveaux éléments de preuve dans le cadre d'une procédure en vertu de l'article 32.
[8] Le 20 août 2010, M. Fowlie a déposé une demande aux termes de l'article 14 des Règles générales visant à modifier sa demande de révision originale. Cette demande était accompagnée de déclarations modifiées à l'appui de la demande de révision de M. Fowlie.
Question
[9] L'Office doit-il accepter la demande de M. Fowlie de modifier sa demande de révision originale?
Présentations
M. Fowlie
[10] À priori, M. Fowlie déclare qu'après le dépôt de sa demande de révision originale, il a retenu les services d'un avocat et a réussi ultérieurement à formuler des déclarations et des arguments plus détaillés à l'appui de sa demande.
[11] Selon M. Fowlie, ses déclarations modifiées ne soulèvent pas de nouvelles questions, mais explicitent mieux les questions soulevées dans sa demande de révision originale. M. Fowlie fait observer que ces questions se rapportent :
- aux éléments de preuve d'un témoin oculaire disponibles depuis peu, qui ont une incidence directe sur les constatations de fait et de crédibilité sur lesquelles reposait la décision initiale;
- à la question de savoir si Air Canada s'est acquittée de son fardeau de la preuve en vertu de l'article 19 de la Convention de Montréal à l'égard de sa responsabilité envers M. Fowlie à la suite de ce qu'il considère être un retard du vol.
[12] M. Fowlie soutient que sa capacité à entièrement illustrer et justifier les questions soulevées dans sa demande de révision et à aider l'Office à analyser les nouveaux éléments de preuve sera compromise si ses déclarations sont limitées aux documents qu'il a présentés à l'origine. M. Fowlie soutient par ailleurs que, si l'Office devait refuser les modifications apportées à sa demande de révision, cela équivaudrait à limiter sa demande de révision sans le concours d'un avocat.
[13] M. Fowlie fait observer qu'Air Canada est représentée par un avocat, et il ajoute que le transporteur ne subira aucun préjudice advenant que les modifications soient autorisées.
[14] Enfin, M. Fowlie affirme que l'intérêt général de la justice sera servi par l'autorisation des modifications car le fait d'agir dans ce sens « permet à l'Office de tenir compte de toutes les questions avant de rendre sa décision ». [traduction]
[15] Dans sa réplique aux déclarations d'Air Canada, M. Fowlie soutient que les déclarations du témoin qu'il a déposées constituent en fait un changement des faits ou une évolution des circonstances car ces éléments de preuve n'étaient pas disponibles au moment de la décision initiale et qu'ils sont utiles puisqu'ils ont une incidence directe sur le constat de crédibilité porté par l'Office dans sa décision initiale. M. Fowlie ajoute que l'évolution des circonstances est due à la disponibilité de nouveaux éléments de preuve qui ont un rapport avec les faits matériels présumés. Étant donné que l'article 14 des Règles générales ne contient pas de dispositions limitatives selon lesquelles toute modification ne doit porter que sur des faits nouveaux, M. Fowlie soutient que rien ne l'empêche de présenter de nouvelles déclarations tant qu'elles sont nécessaires à la procédure.
Air Canada
[16] En s'opposant à la demande de M. Fowlie de modifier la demande de révision originale, Air Canada soutient que, pour être autorisée par l'Office, toute modification proposée doit être nécessaire à la décision relative à la demande de révision, et les documents à présenter, au cas où la modification serait autorisée, ne doivent pas compromettre, entraver ou retarder le juste déroulement de la procédure.
[17] Air Canada soutient que les déclarations supplémentaires de M. Fowlie ne sont pas nécessaires à la décision relative à sa demande de révision. Air Canada ajoute qu'elles ne soulèvent pas de nouveaux éléments de preuve quant à une évolution quelconque des faits ou des circonstances depuis que la décision initiale a été rendue. Air Canada maintient que les seuls éléments de preuve présentant des faits sont les déclarations faites par Mary Ann Mulhern, qui était la compagne de voyage de M. Fowlie, et qui faisaient partie de la demande de révision originale de M. Fowlie. Selon Air Canada, les faits que soulèvent les déclarations de Mme Mulhern ne représentent pas des faits nouveaux ou une évolution des circonstances de l'affaire visée par la décision depuis qu'elle a été rendue, sans compter que les déclarations n'ajoutent aucun élément utile à l'étude de la demande de révision en vertu de l'article 32 de la LTC.
[18] Air Canada affirme par ailleurs que M. Fowlie utilise les déclarations de Mme Mulhern pour établir à nouveau le bien-fondé de la plainte originale et pour contester les constats de fait de l'Office, étant donné que les paragraphes 1 à 17 des déclarations supplémentaires de M. Fowlie ne sont que de simples répétitions de sa version des faits du 22 mars 2009, qu'il a déjà soumise à l'Office et dont celui-ci a tenu compte dans le cadre de son examen de la plainte originale. C'est pourquoi, soutient Air Canada, la présentation des déclarations supplémentaires portera préjudice au juste déroulement de la procédure en autorisant M. Fowlie à plaider à nouveau sa cause et en obligeant Air Canada à plaider à nouveau la sienne, étant donné que cette affaire a été dûment entendue et qu'une décision a été rendue.
[19] Air Canada soutient en outre qu'une demande présentée en vertu de l'article 32 ne peut pas être assimilée à la possibilité de procéder à une nouvelle audience d'une affaire ou de réévaluer la crédibilité de témoins, et que la réouverture du débat sur les faits qui ont déjà été tranchés par l'Office constituerait une infraction à l'article 31 de la LTC, qui précise que la décision de l'Office sur une question de fait relevant de sa compétence est définitive.
[20] En outre, Air Canada affirme que les déclarations du témoin en question étaient facilement accessibles (ou auraient pu l'être moyennant l'exercice d'une diligence minimale) avant que la décision initiale ne soit rendue. Air Canada soutient qu'une décision a déjà été rendue par l'Office et que de débattre à nouveau de la cause va à l'encontre des meilleurs intérêts de la justice, car Air Canada s'attendait en toute légitimité à ce que cette affaire connaisse une conclusion. Essentiellement, le transporteur affirme que les modifications demandées par M. Fowlie ne sont pas nécessaires à la décision relative à sa demande en vertu de l'article 32 et qu'elles porteront préjudice au droit d'Air Canada à une audience juste en la matière.
Décision de l'Office sur la demande présentée en vertu de l'article 14 visant à modifier la demande originale
[21] L'Office tient d'emblée à affirmer que l'analyse qui suit ne porte que sur la demande de modification en vertu de l'article 14. Même si, comme il a été mentionné plus haut, les deux parties ont déposé des déclarations sur le bien-fondé de la demande en vertu de l'article 32 dans leurs présentations relatives à la demande de modification en vertu de l'article 14, celles-ci ne présentent pas d'intérêt pour l'issue de la demande de modification en vertu de l'article 14 et ne seront pas étudiées dans ce contexte.
[22] Après avoir examiné les déclarations de chaque partie, l'Office conclut que les modifications proposées par M. Fowlie ne soulèvent pas de nouvelles questions, mais explicitent les questions soulevées dans sa demande de révision originale. Les intérêts généraux de la justice sont servis en autorisant les modifications car cela permet que toutes les questions soient intégralement présentées et examinées par l'Office avant qu'il ne rende sa décision.
[23] En outre, les modifications ne portent aucunement préjudice à Air Canada. La demande de révision a été reportée avant l'ouverture de la procédure en attendant la résolution de la demande de M. Fowlie visant la non-publication de son nom. Peu après que cette question ait été réglée, M. Fowlie a demandé l'autorisation de modifier sa demande de révision originale. Air Canada s'est vu offrir l'occasion de répondre à cette demande. C'est pourquoi l'Office accepte les déclarations modifiées et traitera ces dernières comme la demande principale pour les besoins de la révision en vertu de l'article 32.
[24] L'Office examinera donc maintenant la demande de révision de la décision initiale présentée par M. Fowlie en vertu de l'article 32 de la LTC.
II. DEMANDE EN VERTU DE L'ARTICLE 32 DE LA LTC
Contexte législatif
[25] Conformément à l'article 32 de la LTC :
L'Office peut réviser, annuler ou modifier ses décisions ou arrêtés, ou entendre de nouveau une demande avant d'en décider, en raison de faits nouveaux ou en cas d'évolution, selon son appréciation, des circonstances de l'affaire visée par ces décisions, arrêtés ou audiences.
[26] Il importe de souligner dès le départ que la procédure de révision envisagée par l'article 32 de la LTC n'est pas une procédure d'appel. Les parties qui souhaitent interjeter appel d'une décision de l'Office peuvent le faire devant la Cour d'appel fédérale en vertu de l'article 41 de la LTC.
[27] Pas plus que cette procédure n'équivaut à un pouvoir illimité conféré à l'Office de revenir sur ses décisions. La compétence de l'Office en vertu de cet article est limitée et ne peut être exercée que si, à son avis, il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances de l'affaire visée par une décision particulière depuis qu'elle a été rendue.
[28] À vrai dire, la capacité d'un tribunal à réviser une décision définitive constitue une exception à la règle du functus officio selon laquelle un tribunal n'a pas le droit de revenir sur une décision définitive. Dans l'affaire Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848, la Cour suprême du Canada a abordé la question de savoir si un conseil ou un tribunal, comme l'Office, est habilité à revenir sur une décision finale :
En règle générale, lorsqu'un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu'il a changé d'avis, parce qu'il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s'il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l'arrêt Paper Machinery Ltd. v. J.O. Ross Engineering Corp., précité.
Le principe du functus officio s'applique dans cette mesure. Cependant, il se fonde sur un motif de principe qui favorise le caractère définitif des procédures plutôt que sur la règle énoncée relativement aux jugements officiels d'une cour de justice dont la décision peut faire l'objet d'un appel en bonne et due forme. C'est pourquoi j'estime que son application doit être plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs qui ne peuvent faire l'objet d'un appel que sur une question de droit. Il est possible que des procédures administratives doivent être rouvertes, dans l'intérêt de la justice, afin d'offrir un redressement qu'il aurait par ailleurs été possible d'obtenir par voie d'appel.
Par conséquent, il ne faudrait pas appliquer le principe de façon stricte lorsque la loi habilitante porte à croire qu'une décision peut être rouverte afin de permettre au tribunal d'exercer la fonction que lui confère sa loi habilitante.
[29] L'article 32 de la LTC énonce le cadre législatif par lequel l'Office peut exercer son pouvoir de revenir sur ses décisions. L'Office a tous les pouvoirs d'interpréter les dispositions de la LTC, sa loi habilitante.
[30] Une question analogue a été tranchée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Kent c. Canada (A.G.), 2004 CAF 420 (affaire Kent). La Cour a établi un double critère pour la question de savoir si des faits nouveaux sont présentés à un tribunal dans le cadre d'une demande d'annulation ou de modification d'une décision. D'abord, il faut que les faits nouveaux avancés n'aient pas été découverts, malgré une diligence raisonnable, avant la première audience. Si tel est le cas, le tribunal doit alors passer à la deuxième étape et évaluer le caractère substantiel des faits nouveaux, c'est-à-dire qu'il doit déterminer l'importance des présumés faits nouveaux pour le fond de la demande. Au cas où il n'y aurait pas de faits nouveaux, la décision reste valable.
[31] Même si la décision rendue dans l'affaire Kent a trait au paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑8, qui mentionne la présentation de « faits nouveaux » plutôt qu'« un changement des faits et une évolution des circonstances », l'Office y voit néanmoins une source d'orientation sur ce qui peut constituer un changement des faits ou une évolution des circonstances.
[32] Pour traiter une demande de révision, l'Office doit commencer par déterminer s'il y a eu un changement des faits ou une évolution des circonstances de l'affaire visée par la décision. Si aucun changement de ce type n'existe, la décision reste valable. Si, en revanche, l'Office conclut qu'il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances depuis que la décision a été rendue, il doit alors déterminer si ce changement est suffisant pour justifier une révision, une annulation ou une modification de la décision. Lorsqu'une autre partie a participé à la première audience, l'Office peut décider d'enclencher le processus des actes de procédures pour être sûr que toutes les parties à la décision originale ont la chance de traiter des questions, notamment de la question de savoir s'il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances depuis que la décision a été rendue et de déterminer l'incidence de ce changement sur la question.
[33] La formation des membres conclut que le libellé de l'article 32 doit généralement être interprété comme intéressant seulement les faits ou les circonstances qui n'existaient pas au moment de l'audience originale ou qui n'étaient pas susceptibles d'être découverts par le demandeur à ce moment. Si le fait était connu du demandeur ou qu'il pouvait être découvert en exerçant une diligence raisonnable au moment de la plainte d'origine, il ne peut alors constituer un changement des faits ou une évolution des circonstances. Le texte de l'article 32 réfère clairement aux faits nouveaux ou l'évolution des circonstances de l'affaire visée par la décision.
[34] Le fardeau de la preuve impose au demandeur qui demande la révision de fournir à l'Office des éléments de preuve et des explications prouvant qu'un changement présumé des faits ou des circonstances s'est produit depuis que la décision a été rendue. Le demandeur doit aussi expliquer en quoi le changement présumé affecte l'issue de l'affaire.
[35] Une demande présentée en vertu de l'article 32 n'est pas la solution qui convient pour produire des éléments de preuve qui étaient connus ou qui auraient dû être connus du demandeur lors de la présentation de sa demande originale. Son but n'est pas d'offrir la possibilité à la partie perdante de compléter le dossier ou de débattre à nouveau d'une affaire. Pour que la demande aboutisse, il doit y avoir eu un changement véritable des faits ou des circonstances depuis que la décision originale a été rendue pour justifier une nouvelle audience. Cela doit être soupesé par rapport au principe juridique de base qui privilégie la finalité des décisions. Cela protège l'autre partie, qui est en droit légitime de s'attendre à ce qu'une décision, une fois rendue, est définitive.
Question
[36] Les déclarations du témoin et/ou les arguments juridiques présentés par M. Fowlie constituent-ils un changement des faits ou une évolution des circonstances de l'affaire visée par la décision initiale, justifiant ainsi que l'Office revienne sur sa décision initiale?
Analyse et constatations
[37] Dans sa demande de révision, M. Fowlie a présenté les déclarations d'un témoin, Mme Mulhern, en affirmant que leur accessibilité récente constituait un changement des faits ou des circonstances suffisant pour justifier de revenir sur la décision initiale. M. Fowlie présente par ailleurs de nouveaux arguments juridiques reposant sur l'article 19 de la Convention de Montréal à l'appui d'une nouvelle demande relative aux menues dépenses qu'il a dû engager à cause du refus d'Air Canada d'assurer son transport. L'Office constate que M. Fowlie, dans sa demande de révision originale, a présenté un argument fondé sur le Règlement de l'aviation canadien, DORS/96-433. Cet argument n'a pas été repris dans ses déclarations modifiées.
[38] L'Office a soigneusement examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés par les parties, notamment les déclarations du témoin et les arguments juridiques présentés par M. Fowlie dans sa demande de révision originale, de même que ses déclarations modifiées.
[39] Comme il a été mentionné plus haut, il incombe au demandeur de s'acquitter du fardeau de la preuve dans une révision en vertu de l'article 32 de prouver qu'il y a eu un changement des faits ou une évolution des circonstances depuis que la décision originale a été rendue. De l'avis de l'Office, M. Fowlie ne s'est pas acquitté de ce fardeau.
[40] Même si M. Fowlie formule des déclarations générales quant au fait que les déclarations de Mme Mulhern n'étaient pas disponibles avant que la décision initiale ne soit rendue, il n'a pas fourni à l'Office d'explications à ce sujet, en dépit des instructions explicites données par l'Office dans sa décision no LET-C-A-135-2010 lui demandant de fournir des explications sur l'admissibilité de ces nouveaux éléments de preuve dans le cadre d'une procédure en vertu de l'article 32. M. Fowlie a plutôt fait des déclarations à savoir qu'après que la décision initiale a été rendue, il a réussi à obtenir une déclaration de preuve de la part de Mme Mulhern, qui était assise dans le siège à côté du sien à bord du vol AC871 et qui a été témoin des événements en question, et que les éléments de preuve de Mme Mulhern ne lui étaient pas accessibles au moment où l'audience initiale a eu lieu ou lorsque la décision a été rendue.
[41] L'Office fait observer qu'Air Canada a affirmé, ce que M. Fowlie n'a pas nié, que Mme Mulhern était la compagne de voyage de M. Fowlie à bord du vol en question, élément qui démontre que M. Fowlie et Mme Mulhern se connaissaient avant d'embarquer à bord du vol. De plus, à la lecture des déclarations de Mme Mulhern, on constate que Mme Mulhern n'a pas seulement été témoin des faits et en a discuté avec M. Fowlie, mais qu'elle est intervenue auprès des employés d'Air Canada au nom de M. Fowlie. Celui-ci savait donc, au moment de l'audience originale, que quelqu'un d'autre que les employés d'Air Canada avait été témoin de l'incident et avait connaissance des événements en question. Il savait également manifestement que, s'il avait besoin de preuves corroborant sa version des faits, il pouvait s'adresser à elle, ce qu'il a fait rapidement après avoir reçu la décision initiale.
[42] L'Office constate également que Mme Mulhern a remis à M. Fowlie un témoignage signé dans les dix jours qui ont suivi la décision initiale. L'Office conclut donc qu'il est peu probable que les déclarations de Mme Mulhern n'aient pas été accessibles à M. Fowlie moyennant l'exercice de diligence raisonnable de sa part avant que la décision initiale ne soit rendue. De l'avis de l'Office, les déclarations du témoin ne constituent pas un changement des faits ou une évolution des circonstances de l'affaire visée par la décision initiale depuis qu'elle a été rendue qui aurait justifié une révision de cette décision.
[43] Pour ce qui est des arguments juridiques présentés par M. Fowlie, l'Office conclut qu'il a eu amplement l'occasion, au moment de sa plainte originale, de présenter tout argument juridique qu'il jugeait utile. Une demande de révision n'est pas la solution qui convient pour entendre à nouveau une affaire ou en appeler de questions de droit; le recours approprié consiste plutôt à interjeter appel devant la Cour d'appel fédérale.
[44] Enfin, le recours aux services d'un avocat ou un changement d'avocat pour déposer une demande en vertu de l'article 32 ne peut être considéré en soi comme une évolution des circonstances.
[45] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que ni les déclarations du témoin ni les arguments juridiques présentés par M. Fowlie ne constituent un changement des faits ou une évolution des circonstances de l'affaire visée par la décision initiale, au sens de l'article 32 de la LTC, et ne sauraient donc justifier que l'Office revienne sur sa décision initiale.
CONCLUSION
[46] À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office rejette la demande de M. Fowlie visant la révision de la décision no 57‑C‑A‑2010.
Membres
- Raymon J. Kaduck
- J. Mark MacKeigan
Membre(s)
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