Décision n° 49-AT-R-2004
le 30 janvier 2004
DEMANDE déposée par Chantal Laprise en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant le niveau d'assistance que VIA Rail Canada Inc. lui a fourni lorsqu'elle a demandé des renseignements sur le coût d'un voyage aller-retour entre Toronto (Ontario) et Montréal (Québec) pour son accompagnateur.
Référence no U3570/03-30
DEMANDE
Le 31 août 2003, Chantal Laprise a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
Le 19 septembre 2003, VIA Rail Canada Inc. (ci-après VIA) a déposé sa réponse à la demande. Le 2 octobre 2003, Mme Laprise a déposé sa réplique à la réponse de VIA. Mme Laprise a déposé un autre mémoire le 10 octobre 2003.
Dans la décision no LET-AT-R-229-2003 du 14 novembre 2003, l'Office a demandé à VIA de soumettre des renseignements supplémentaires. Le 18 novembre 2003, VIA a demandé une prolongation du délai afin de répondre à la demande de renseignements de l'Office. Dans la décision no LET-AT-R-231-2003 du 19 novembre 2003, l'Office a accordé à VIA une prolongation jusqu'au 29 novembre 2003 afin de soumettre les renseignements demandés.
Le 30 novembre 2003, Mme Laprise a soumis des renseignements non sollicités à l'Office. Dans la décision no LET-AT-R-249-2003 du 12 décembre 2003, l'Office a fourni à VIA les détails des renseignements déposés par Mme Laprise et a demandé à VIA de soumettre ses commentaires sur les détails ainsi que les renseignements supplémentaires qu'elle n'avait pas encore fournis en réponse à la décision no LET-AT-R-229-2003. VIA a déposé sa réponse le 19 décembre 2003.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 30 janvier 2004.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
Même si Mme Laprise et VIA ont toutes deux déposé des documents après les délais prescrits, l'Office, en vertu de l'article 8 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, accepte ces documents comme étant pertinents et nécessaires à son examen de cette affaire.
Dans sa demande, Mme Laprise soulève certaines préoccupations concernant la politique de VIA sur les accompagnateurs (ci-après la politique de VIA), surtout par rapport aux critères selon lesquels une personne ayant une déficience doit prouver le bien-fondé de sa demande afin d'obtenir un billet gratuit pour son accompagnateur.
L'Office note la position de Mme Laprise selon laquelle la politique de VIA est excessive et constitue une atteinte à la vie privée d'une personne ayant une déficience. À cet égard, d'après la politique de VIA, une personne demandant un billet gratuit pour un accompagnateur doit présenter une carte valide d'une organisation reconnue de personnes ayant une déficience ou un certificat médical affirmant que la personne a besoin d'aide lors des repas, pour des raisons d'hygiène personnelle ou pour l'administration de soins médicaux. Elle affirme aussi qu'elle ne comprend pas pourquoi un certificat médical confirmant son besoin de voyager avec un accompagnateur est insuffisant pour VIA. De plus, Mme Laprise suggère que si les professionnels de la santé ont de la difficulté à diagnostiquer sa condition, VIA n'est certainement pas en mesure de déterminer l'étendue de ses besoins personnels.
L'Office note aussi la position de VIA voulant que sa politique à l'égard des billets d'accompagnateurs et l'obtention de documentation médicale à l'appui sont des exigences raisonnables afin de déterminer si l'accompagnateur d'une personne ayant une déficience peut voyager gratuitement sur le réseau ferroviaire de VIA. VIA précise qu'il est nécessaire d'avoir des normes en place afin de contrôler l'octroi de voyages gratuits pour les accompagnateurs. VIA explique que les normes choisies sont raisonnables dans ces circonstances et qu'elles ne constituent pas un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience puisqu'elles sont établies à un niveau minimal qui est conforme aux obligations de VIA envers les personnes ayant une déficience, en vertu de l'article 5 de la LTC.
L'Office reconnaît que les préoccupations soulevées par Mme Laprise au sujet de la politique de VIA constituent une partie importante de sa demande et note qu'il a étudié les mémoires des deux parties sur ces enjeux particuliers. À cet égard, l'Office note que Mme Laprise a décidé de ne pas fournir à VIA un certificat médical à l'appui de sa demande pour que son accompagnateur reçoive un billet gratuit et qu'elle a plutôt décidé de voyager par autobus. L'Office note aussi qu'en raison de cette décision, VIA n'a donc pu interpréter et appliquer les exigences de la politique sur les accompagnateurs, en l'absence d'un certificat médicale attestant de la condition de Mme Laprise.
À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que les circonstances entourant les démêlés de Mme Laprise avec VIA dans cette affaire ne suffisent pas pour lui permettre d'examiner les préoccupations de Mme Laprise au sujet des trois critères de la politique de VIA relatifs aux renseignements nécessaires dont le transporteur a besoin pour valider l'octroi d'un billet gratuit à un accompagnateur.
QUESTION
L'Office doit déterminer si le niveau d'assistance que VIA a fourni à Mme Laprise lorsqu'elle a demandé des renseignements sur le coût d'un voyage aller-retour entre Toronto et Montréal pour son accompagnateur a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.
FAITS
Mme Laprise a une maladie neuromusculaire qui n'a pas encore été diagnostiquée. Elle connaît des épisodes de faiblesse qui peuvent être déclenchés par des activités comme, sans toutefois s'y limiter, la marcher, le fait de monter des escaliers, le transport de bagages, l'exercice, le fait de prendre certains médicaments et de recevoir des anesthésiques locaux. Ces épisodes peuvent avoir différents effets sur la condition physique de Mme Laprise, y compris l'incapacité totale ou partielle de parler, de cligner des yeux, d'avaler ou de bouger toute partie de son corps, et ces effets peuvent durer jusqu'à sept jours.
L'état de Mme Laprise entraîne souvent l'utilisation d'un fauteuil roulant, auquel moment elle requiert l'aide d'un accompagnateur du fait que tout son corps est touché et qu'elle connaît une perte partielle de sa force musculaire. Mme Laprise reçoit des fonds pour son accompagnateur du gouvernement de l'Ontario.
Mme Laprise avait l'intention de voyager par train de Sudbury (Ontario) à Montréal (Québec) le 19 août 2003 une consultation et un diagnostique relatives à sa maladie. Elle prévoyait revenir à Sudbury le 21 août 2003.
Le 12 août 2003, Mme Laprise a communiqué avec le centre d'appels de VIA afin de s'informer sur les billets d'aller-retour entre Toronto et Montréal, y compris sur la disponibilité de billets gratuits pour les accompagnateurs.
Mme Laprise n'a pas fourni de certificat médical à VIA et n'a pas fait de réservation. Elle a plutôt décidé de voyager en autobus jusqu'à Montréal le 19 août 2003, d'où elle est revenue le 21 août 2003.
Puisque Mme Laprise n'a pas fait de réservation auprès de VIA, l'agent de réservation à qui elle a parlé n'a créé ni dossier de réservation, ni document dans cette affaire. VIA n'a pas été en mesure retracer l'agent de réservation en question.
La politique de VIA à l'égard des personnes ayant une déficience précise, en partie, que :
[traduction] VIA ne sera pas responsable d'assurer des soins personnels pour les repas, l'hygiène personnelle ou les soins médicaux. Un accompagnateur doit accompagner toute personne qui n'est pas autonome durant le voyage (voir Aide personnelle à bord). L'accompagnateur voyagera gratuitement à moins que la personne ayant une déficience soit un enfant de moins de 8 ans ou de 8 à 11 ans effectuant une correspondance ou voyageant la nuit. VIA acceptera la détermination du passager à savoir s'il est autonome ou non et, dans le cas d'un enfant, VIA acceptera la détermination d'un parent ou d'un autre adulte.
La politique de VIA sur les accompagnateurs précise, en partie, que :
[traduction] Un accompagnateur doit accompagner toute personne ayant une déficience qui ne peut subvenir à ses besoins personnels (alimentation, hygiène personnelle ou soins médicaux) en route. VIA acceptera la détermination du passager à savoir s'il est autonome ou non [...].
L'accompagnateur doit être capable d'aider la personne ayant une déficience à monter à bord du train et en descendre, de s'occuper de toutes les formalités nécessaires et de subvenir aux besoins personnels et de voir au bien-être de la personne ayant une déficience tout au long du voyage.
L'accompagnateur sera transporté sans frais dans la même voiture et avec la même catégorie de billet [...].
Afin de profiter du privilège d'accompagnateur, la personne ayant une déficience doit présenter, pour chaque voyage, une carte valide d'une association ou d'une institution reconnue pour les personnes ayant une déficience, ou présenter une lettre récente (maximum 9 mois*) signée par un médecin et déclarant que la personne ne peut subvenir à ses besoins personnels :
- Besoins d'assistance pour :
- les repas,
- l'hygiène personnelle,
- les soins médicaux.
* Dans le cas d'une déficience « permanente », VIA pourra accepter la même lettre du médecin déclarant que l'état est permanent [nul besoin de la renouveler à tous les neuf (9) mois], pourvu qu'elle indique que la personne répond à l'une des trois exigences lui permettant de voyager avec un accompagnateur - besoin d'aide pour les repas, administration de médicaments ou assistance dans la salle de bain.
Note : Pour des raisons administratives, il est recommandé de joindre la copie originale de la lettre, mais une photocopie est acceptable.
La politique d'aide personnelle à bord de VIA précise ce qui suit :
[traduction] Le personnel de bord peut offrir les services suivants aux clients qui ont des besoins spéciaux :
- Une aide à l'embarquement et au débarquement (les voyageurs doivent prévoir leur propre assistance s'ils voyagent sur les routes desservant le Grand Nord);
- Une aide pour transférer d'un fauteuil roulant à un siège régulier;
- Une aide afin de charger et de récupérer les bagages à main;
- Une aide afin de se rendre aux toilettes et en revenir, autrement qu'en transportant la personne;
- La fourniture de repas spéciaux;
- Le service aux chambres dans une voiture-lit sans frais supplémentaires;
- Une aide restreinte avec les repas, comme l'ouverture d'emballage et l'identification d'aliments;
- La réfrigération de médicaments;
- Le fait de s'informer régulièrement des besoins de la personne au cours du voyage.
VIA ne sera pas tenue responsable en ce qui a trait à la fourniture de soins personnels comme l'assistance avec les repas, l'hygiène personnelle ou les soins médicaux.
POSITIONS DES PARTIES
Mme Laprise explique qu'en raison des fonds qu'elle reçoit du gouvernement de l'Ontario, elle a demandé à son médecin d'envoyer une note, datée du 23 juillet 2003, au gouvernement provincial confirmant le besoin pour elle d'avoir son accompagnateur lors de son prochain voyage. La note précise, en partie, que Mme Laprise ne peut voyager seule et qu'elle devra être accompagnée par son travailleur de soutien personnel. Mme Laprise affirme qu'en vertu de la subvention qu'elle reçoit du gouvernement de l'Ontario pour son accompagnateur, elle doit voyager avec ce dernier en prenant le moyen de transport le plus économique.
Mme Laprise indique qu'en raison de sa maladie neuromusculaire, elle craignait que la procédure médicale qui devait avoir lieu à Montréal produise de graves épisodes de faiblesse et qu'elle a donc déterminé qu'elle aurait besoin de l'aide de son accompagnateur durant le voyage.
Mme Laprise ajoute qu'elle a informé l'agent de réservation de VIA que même si elle n'aurait probablement pas besoin d'assistance pour les trois tâches précisément identifiées lors de son voyage à Montréal, elle nécessiterait fort probablement énormément d'aide après avoir subi les procédures médicales durant son séjour à Montréal et lors de son voyage de retour vers Toronto. Mme Laprise mentionne que lorsqu'elle a parlé à l'agent, il lui a dit que la lettre de son médecin devait confirmer qu'elle avait besoin d'aide avec ses repas, son hygiène personnelle et ses soins médicaux. Elle soutient aussi que lorsqu'elle lui a expliqué que son certificat médical ne mentionnait pas cela, l'agent lui a demandé de retourner voir son médecin afin d'obtenir une autre lettre. Mme Laprise note qu'au cours de sa conversation avec l'agent de réservation concernant le billet d'accompagnateur, l'agent ne voulait rien entendre sur sa position. De plus, il ne voulait pas examiner sa lettre avant le voyage, ni la rappeler pour lui dire si elle répondait ou non aux critères.
Mme Laprise note que l'agent du centre d'appels de VIA l'a informée qu'afin de vérifier l'admissibilité de son accompagnateur à un billet gratuit, elle devrait envoyer une copie du certificat médical qui servirait à justifier l'admissibilité de son accompagnateur à un billet gratuit. Elle devait le transmettre par télécopieur au bureau de VIA à la gare Union avant son voyage. En outre, elle devrait apporter la copie originale avec elle à la gare Union lors de son départ et, pendant qu'elle attendrait à la gare avant départ, le personnel de VIA l'informerait si son accompagnateur à droit ou non à un billet gratuit.
Mme Laprise insiste sur le caractère déraisonnable de la suggestion de l'agent de réservation selon laquelle elle et son accompagnateur devaient se rendre de Sudbury à la gare Union à leurs frais à la date prévue du voyage avant de savoir si son certificat médical suffirait pour l'octroi d'un billet gratuit. Non seulement la suggestion était-elle déraisonnable, mais elle était au-dessus des moyens de Mme Laprise puisqu'elle ne pouvait risquer de se rendre à Toronto pour découvrir que VIA ne permettrait pas à son accompagnateur de voyager gratuitement.
VIA soutient que Mme Laprise n'avait pas de lettre de son médecin déclarant qu'elle avait besoin d'aide avec ses repas, ses soins médicaux et son hygiène personnelle. VIA souligne aussi que l'agent aurait apparemment insisté pour qu'elle fournisse une lettre répondant aux normes ci-dessus avant qu'un billet d'accompagnateur soit offert au travailleur de soutien personnel de Mme Laprise. À cet égard, VIA note qu'aucune lettre n'a été reçue et que Mme Laprise ne voulait pas payer pour une autre lettre.
En réponse aux demandes afin de trouver l'agent qui aurait parlé à Mme Laprise, VIA note qu'elle n'a aucune indication qu'un agent de réservation a parlé à Mme Laprise et elle ne peut pas trouver l'agent auquel Mme Laprise fait référence. VIA affirme qu'elle n'a pas fait de réservation et qu'il n'existe aucun dossier sur cet appel.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord établir que Mme Laprise est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
L'Office croit qu'il est approprié d'adopter une approche générale et fonctionnelle afin d'interpréter son mandat établi dans la partie V de la LTC. À cet égard, l'Office note que dans la décision no 482-AT-A-1998, il a déterminé que le terme « personne ayant une déficience » comprend à la fois les déficiences permanentes et temporaires, y compris les déficiences temporaires découlant de conditions médicales. Par conséquent, compte tenu du mandat au sujet des personnes ayant une déficience et en reconnaissance de ses décisions passées sur de telles affaires, l'Office juge que vu la condition médicale de Mme Laprise et les préoccupations médicales qui y sont associées, elle est une personne ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC.
Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
L'Office note que Mme Laprise a communiqué avec le centre d'appels de VIA pour réserver des billets pour un voyage aller-retour entre Toronto et Montréal et qu'elle s'est renseignée plus particulièrement sur l'admissibilité de son accompagnateur à un billet gratuit. L'Office note aussi que VIA n'a pas commenté les mémoires de Mme Laprise concernant l'information qu'elle a reçue de l'agent de réservation de VIA, y compris la procédure proposée pour obtenir la détermination de VIA à l'égard de l'admissibilité de son accompagnateur à un billet gratuit. De plus, VIA n'a pas commenté l'entretien entre Mme Laprise et l'agent de réservation concernant la possibilité d'obtenir une confirmation préalable de l'admissibilité de son accompagnateur à un billet gratuit. Cependant, à cet égard, l'Office note que VIA a affirmé qu'il n'y a aucune preuve qu'un agent de réservation aurait parlé avec Mme Laprise et que VIA était incapable de retracer l'agent de réservation auquel Mme Laprise fait référence dans ses mémoires.
Après examen des plaidoiries, l'Office reconnaît que Mme Laprise a communiqué avec un agent de réservation au centre d'appels de VIA. Ce dernier l'a avisée qu'elle devait obtenir une autre lettre de son médecin, puisque la lettre qu'elle détenait n'indiquait pas qu'elle avait besoin de l'aide susmentionnée. De plus, la nouvelle lettre était nécessaire pour satisfaire aux exigences de la politique de VIA.
L'Office reconnaît également, qu'à la demande de Mme Laprise, l'agent du centre d'appels de VIA l'a informée que si elle ne pouvait obtenir une autre lettre qui serait conforme à la politique de VIA, elle pouvait envoyer une copie de la lettre existante qui servirait à justifier, une fois à Toronto, l'admissibilité de son accompagnateur à un billet gratuit. Elle devait la transmettre par télécopieur au bureau de VIA à la gare Union avant son voyage. De plus, l'Office reconnaît que l'agent de réservation a avisé Mme Laprise qu'il n'examinerait pas sa lettre avant le voyage et qu'il ne l'appellerait pas pour lui dire si elle était suffisante.
À la lumière de ce qui précède, l'Office estime, d'une part, que des incertitudes considérables ont été occasionnées du fait que l'agent de réservation de VIA n'a pas suggéré à Mme Laprise une façon d'obtenir une confirmation préalable de l'admissibilité de son accompagnateur à un billet gratuit. D'autre part, cette situation a constitué un facteur important dans la décision de Mme Laprise de ne pas voyager avec VIA et de prendre plutôt l'autocar. Par conséquent, l'Office conclut que cette situation a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Laprise.
L'obstacle était-il abusif ?
À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
Ayant conclu en la présence d'un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Laprise, plus précisément le fait que l'agent de réservation ne lui ait pas suggéré une façon d'obtenir une confirmation préalable relativement à l'octroi d'un billet gratuit, l'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle était abusif.
L'Office note que Mme Laprise a reconnu que la lettre de son médecin, datée du 23 juillet 2003 et écrite pour une autre raison, ne contenait pas les critères de la politique de VIA. L'Office soutient qu'en avisant Mme Laprise qu'elle devait obtenir une nouvelle lettre de son médecin, l'agent de réservation de VIA a agi conformément à la politique établie. Pour qu'une personne puisse se prévaloir du privilège que représente le billet gratuit pour un accompagnateur, la lettre doit être signée par un médecin et déclarer que la personne ayant une déficience requiert de l'assistance avec les repas, l'hygiène personnelle ou les soins médicaux.
L'Office note également que, pour acquiescer à la demande de Mme Laprise visant l'examen de la lettre de son médecin datée du 23 juillet 2003, et la confirmation qu'elle suffirait pour obtenir un billet gratuit pour son accompagnateur, l'agent de réservation de VIA aurait dû étendre la portée de la politique de VIA.
Par conséquent, l'Office estime que le fait que l'agent de réservation de VIA n'ait pas suggéré à Mme Laprise une façon d'obtenir une confirmation préalable relativement à l'octroi d'un billet gratuit n'a pas constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Laprise.
Nonobstant ce qui précède, l'Office souhaite commenter deux questions.
L'Office est d'avis qu'un aspect implicite de la volonté d'une personne de se fier au réseau de transport fédéral est la capacité de celle-ci d'identifier les options de transport disponibles, y compris les prix pertinents, avant de voyager. L'Office note que ces renseignements permettent aux personnes de prendre des décisions raisonnables et éclairées concernant leur expérience de voyage, ce qui est un facteur important pour tous les voyageurs. Il l'est d'autant plus pour les passagers ayant une déficience et qui ont des besoins particuliers lors de leurs déplacements, surtout qu'ils ont la responsabilité additionnelle de s'assurer que leurs besoins seront satisfaits par le fournisseur de transport. L'incapacité d'une personne ayant une déficience d'obtenir au préalable une assurance suffisante que ses besoins particuliers seront satisfaits lors du voyage peut être source de stress et d'inconvénients importants. De plus, elle pourrait ne plus encline à utiliser le réseau de transport fédéral à l'avenir.
Qui plus est, cet incident souligne l'importance pour la personne ayant une déficience et pour le fournisseur de transport de tenir un registre. Par conséquent, l'Office encourage les personnes ayant une déficience, en particulier au moment de faire des réservations ou si elles prévoient en faire, d'avoir les dossiers les plus complets possibles, y compris un registre des conversations, des noms des personnes-ressources et des dates.
Afin de s'assurer que des incidents semblables à ceux qu'a vécus Mme Laprise ne se reproduisent pas, l'Office encourage fortement VIA à diffuser un bulletin à ses employés, y compris ses agents de réservation, soulignant l'importance de fournir, en temps opportun, à un passager ayant une déficience une confirmation préalable de l'admissibilité de son accompagnateur à un billet gratuit. Dans le cas où il pourrait y avoir des incertitudes en ce qui a trait à cette admissibilité, VIA aurait intérêt à élaborer des procédures pour que les agents de réservation soient en mesure de traiter ce genre de situation.
CONCLUSION
L'Office conclut que le niveau d'assistance que VIA a fourni à Mme Laprise était suffisant pour lui faire connaître les dispositions de la politique de VIA et les renseignements que le certificat du médecin devait contenir. À cet égard, il est important de noter que Mme Laprise a décidé de ne pas fournir une autre lettre de son médecin qui aurait satisfait aux exigences de la politique de VIA.
Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que le niveau d'assistance que VIA Rail Canada Inc. a fourni à Mme Laprise, y compris le fait que son agent de réservation n'a pas suggéré à Mme Laprise une façon d'obtenir une confirmation préalable de l'admissibilité de son accompagnateur à un billet gratuit, n'a pas constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. Par conséquent, l'Office n'envisage aucune autre mesure dans cette affaire.
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