Décision n° 51-A-2000
le 26 janvier 2000
RELATIVE à une plainte déposée par Tamara Stark relativement au refus de Pacific Coastal Airlines Limited d'assurer son transport à bord d'un vol de Vancouver à Bella Coola (Colombie-Britannique) le 27 août 1999.
Référence no 4370/P158/99
PLAINTE
Le 29 septembre 1999, le cabinet du ministre des Transports a transmis la plainte énoncée dans l'intitulé à l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office).
Pacific Coastal Airlines Limited (ci-après Pacific Coastal) a déposé sa réponse à la plainte le 27 octobre 1999, et Mme Stark y a répliqué le 5 novembre 1999.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
À la suite de la clôture des plaidoiries, Pacific Coastal a déposé des commentaires supplémentaires. Dans la décision no LET-AT-A-323-1999 du 13 décembre 1999, l'Office a accordé à Mme Stark une prolongation du délai pour qu'elle puisse répliquer à ces commentaires. Mme Stark a fait parvenir ses commentaires le 21 décembre 1999.
Même si l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports (SOR/88-23) habilite l'Office à modifier toutes dispositions de ces règles lorsqu'il le juge indiqué, l'Office estime que les observations additionnelles ne sont pas pertinentes et ne sont pas nécessaires à l'étude de la plainte.
QUESTIONS
Dans un premier temps, l'Office doit déterminer si le refus de Pacific Coastal d'assurer le transport de Mme Stark à bord d'un vol de Vancouver à Bella Coola (Colombie-Britannique), le 27 août 1999, a constitué une infraction à certains articles de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après la Charte des droits).
Dans un deuxième temps, l'Office doit déterminer si ce refus a constitué un manquement de la part du transporteur de se conformer aux conditions applicables de son tarif.
FAITS
Membre de l'organisation Greenpeace, Mme Stark a fait une réservation sur un vol assuré par Pacific Coastal de Vancouver à Bella Coola le 27 août 1999, par l'entremise d'une agence de voyage. Après avoir reçu la réservation, le transporteur a communiqué avec Mme Stark pour l'informer que sa réservation avait été rejetée et qu'il lui refusait l'embarquement du fait de son adhésion à l'organisation Greenpeace.
POSITIONS DES PARTIES
Selon Mme Stark, le refus de Pacific Coastal d'assurer le transport d'une personne du fait qu'elle est membre d'une organisation comme Greenpeace constitue une infraction à plusieurs dispositions de la Charte des droits. Elle demande que des mesures soient prises pour mettre fin à un tel comportement de la part de Pacific Coastal qui, selon elle, est inconstitutionnel.
Mme Stark ajoute que la politique de Pacific Coastal qui consiste à refuser de transporter les membres de l'organisation Greenpeace, et elle-même, repose sur l'antipathie et des préjugés, et non pas sur les motifs qui sont énoncés dans le tarif de transport intérieur régulier du transporteur.
Pacific Coastal fait valoir qu'il assure le transport de nombreux ouvriers forestiers et employés de l'industrie forestière, de Vancouver à Port Hardy et Bella Bella. En raison de l'attitude qu'affecte l'organisation Greenpeace vis-à-vis de l'industrie de l'exploitation forestière, le transporteur risquait, selon lui, de compromettre la sécurité en acceptant de transporter des membres de cette organisation.
Néanmoins, le transporteur précise qu'il a enjoint ultérieurement à son personnel d'accepter les membres de Greenpeace à bord de ses vols.
Mme Stark soutient que les transporteurs aériens ne devraient pas être autorisés à refuser le transport pour des raisons invraisemblables.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Dans ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve présentés par les parties au cours des plaidoiries.
L'Office traitera tout d'abord de l'aspect de la plainte concernant la Charte des droits puis de l'aspect concernant le tarif du transporteur.
Mme Stark soutient que le comportement de Pacific Coastal, en ayant refusé d'assurer le transport à une personne membre d'une association comme Greenpeace, constitue une infraction à plusieurs dispositions de la Charte des droits.
Alors que le paragraphe 52(1) de la Loi sur la constitution de 1982 (Canada Act 1982 (U.K.), 1982, c. 11, Sch. B) prescrit que « la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada », le paragraphe 32(1) précise que la Charte des droits s'applique uniquement aux actes du Parlement, des législatures provinciales et à l'action gouvernementale. En conséquence, la Charte des droits ne vise pas des actions comme le refus, de la part d'un transporteur aérien, d'assurer le transport d'une personne du fait qu'elle est membre d'une association comme Greenpeace.
L'Office étudie les plaintes de consommateurs en vérifiant que les exploitants de services aériens se conforment aux dispositions de la Loi sur les transports au Canada, S.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), et des règlements qui en découlent, dont le Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, dans sa forme modifiée (ci-après le RTA). L'Office doit également s'assurer que les transporteurs aériens respectent les conditions énoncées dans leurs tarifs.
L'article 55 de la LTC définit un tarif comme suit : barème des prix, taux, frais et autres conditions de transport applicables à la prestation d'un service aérien et des services connexes. Au terme du paragraphe 67(1) de la LTC, un licencié doit publier et soit afficher, soit permettre au public de consulter tous les tarifs du service intérieur qu'il offre.
Il est loisible aux transporteurs qui assurent des services aériens intérieurs d'établir leurs propres conditions de transport, sous réserve de les inclure dans un tarif, comme l'exige le paragraphe 67(1) de la LTC. L'alinéa 107(1)(n) du RTA prescrit que tout tarif doit contenir les conditions de transport dans lesquelles est énoncée clairement la politique du transporteur aérien concernant, entre autres, le refus de transporter des passagers ou des marchandises. L'Office a examiné le tarif de Pacific Coastal applicable au service visé aux présentes.
Les conditions de transport applicables au vol de Pacific Coastal de Vancouver à Bella Coola, le 27 août 1999, étaient régies par le tarif de transport intérieur régulier qui était en vigueur à ce moment-là.
La règle no 5 du tarif précité, qui porte sur le refus d'assurer le transport, prévoit ce qui suit :
[TRADUCTION]
- Le transporteur refusera d'assurer le transport d'un passager ou le retirera de l'aéronef à tout point :
- lorsqu'il juge une telle mesure nécessaire pour se conformer à toute disposition réglementaire gouvernementale ou pour acquiescer à une demande gouvernementale de transport d'urgence touchant la défense nationale ou encore, lorsqu'une telle mesure est jugée nécessaire ou préférable en raison des conditions météorologiques ou pour toutes autres conditions réelles, prévues ou signalées qui échappent au contrôle du transporteur (y compris, sans toutefois s'y limiter, les calamités naturelles, les cas de force majeure, les grèves, les agitations civiles, les embargos, les guerres);
- lorsqu'en raison de son statut, de son âge ou de son état mental ou physique,
- le passager est incapable de subvenir à ses propres besoins sans assistance, sauf s'il est accompagné d'une personne qui assumera une telle responsabilité en cours de voyage, auquel cas il ne nécessitera pas d'attention ou d'assistance spéciale de la part des employés du transporteur aérien;
- le refus d'assurer le transport ou le retrait du passager de l'aéronef est nécessaire pour la sécurité ou le bien-être des autres passagers;
- le passager encourt un danger pour lui-même ou en constitue un pour les autres personnes (y compris, dans le cas des passagères enceintes, le foetus) ou les biens.
- Le transporteur est libéré de toute responsabilité par la suite du refus d'assurer le transport d'un passager ou de sa décision de le retirer de l'aéronef conformément avec les paragraphes précités de la règle. Toutefois, à la demande du passager, il accordera à ce dernier un remboursement en conformité avec la Règle 25(1) (remboursement involontaire).
- Les personnes sous l'influence de l'alcool ou de drogues se verront refuser l'embarquement.
- Les personnes qui affichent un comportement violent, perturbateur ou nuisible ou une conduite désordonnée vis-à-vis des agents de Pacific Coastal, de ses employés ou de ses autres clients essuieront également un refus de transport. Cette décision sera prise à la discrétion de l'agent supérieur qui se trouve sur place ou du commandant de bord de l'appareil.
L'Office estime que la preuve présentée par Pacific Coastal n'est pas adéquate ou suffisante pour justifier son refus d'assurer le transport de Mme Stark conformément aux dispositions de la Règle 5 de son tarif.
Après avoir examiné les éléments de preuve déposés par les parties ainsi que tous les documents se rapportant à la plainte, y compris le tarif du transporteur aérien, l'Office détermine qu'en ayant refusé d'assurer le transport de Mme Stark du fait qu'elle était membre de l'organisation Greenpeace, Pacific Coastal n'a pas respecté les conditions de son tarif.
CONCLUSION
Bien que Pacific Coastal n'ait pas respecté les conditions de son tarif dans le cas en instance, considérant que le transporteur a précisé qu'il autorisera à l'avenir les membres de Greenpeace à utiliser ses vols, l'Office n'envisage aucune autre mesure dans ce dossier.
Pacific Coastal devrait avoir conscience que toute infraction à un tarif est considérée grave par l'Office qui prendra toute mesure punitive nécessaire en cas de récidive.
L'Office enjoint donc par la présente à Pacific Coastal de respecter les conditions énoncées dans son tarif de transport intérieur régulier en n'imposant pas de condition qui n'en fait pas partie.
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