Décision n° 56-C-A-2018

le 19 septembre 2018

DEMANDE présentée par Raphael Dotan, Bareket Falk et leur fils mineur (demandeurs) contre El Al Israel Airlines Ltd. (El Al Israel) et Jet Airways (India) Limited (Jet Airways).

 

Numéro de cas : 
18-00602

RÉSUMÉ

[1] Les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) concernant un retard de deux jours lors de leur voyage international de retour de Tel‑Aviv, Israël, à Toronto (Ontario), via Amsterdam, Pays-Bas.

[2] Les demandeurs ont d’abord réclamé la valeur des trois billets aller-retour de Toronto à Tel-Aviv, mais ils ont plus tard modifié leur réclamation pour porter l’indemnisation à 1 930 $, ventilée comme suit : 850 $ pour la perte de revenu pendant deux jours pour les deux demandeurs adultes, et 1 080 $, soit le prix du segment Amsterdam–Toronto de leur voyage.

[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :

  1. Jet Airways a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 521 (tarif de Jet Airways), lequel incorpore par renvoi la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal), en ce qui a trait aux délais d’enregistrement, comme l’exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA)?
  2. El Al Israel a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 324 (tarif d’El Al Israel), lequel incorpore par renvoi la Convention de Montréal, en ce qui a trait aux changements d’itinéraire involontaires, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA?

[4] Compte tenu de ce qui précède, l’Office conclut que :

  1. Jet Airways a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.
  2. El Al Israel a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.

[5] Par conséquent, l’Office rejette la demande.

CONTEXTE

[6] Les demandeurs devaient prendre un vol de Tel-Aviv à Toronto, via Amsterdam, le 3 janvier 2017. Leur voyage consistait en un itinéraire intercompagnies, où El Al Israel exploitait le segment Tel Aviv–Amsterdam et Jet Airways le segment Amsterdam–Toronto.

[7] Après l’arrivée tardive du vol d’El Al Israel, les demandeurs se sont vu refuser le transport à bord du vol de Jet Airways à destination de Toronto. El Al Israel leur a par la suite réservé des places à bord d’un autre vol de Jet Airways, dont le départ était prévu le 5 janvier 2017.

LA LOI

[8] Les dispositions pertinentes du RTA, de la Convention de Montréal et des tarifs des transporteurs sont énoncées dans l’annexe.

POSITIONS DES PARTIES

[9] Les demandeurs indiquent que le 3 janvier 2017, leur vol d’El Al Israel devait atterrir à Amsterdam à 10 h 30 et qu’ensuite leur vol de Jet Airways à destination de Toronto devait partir à 11 h 40. Ils allèguent que le vol d’El Al Israel a atterri de 10 à 15 minutes en retard, et qu’ils ont débarqué vers 10 h 55. Les demandeurs affirment qu’après être passés par le contrôle de sécurité, ils sont arrivés à la porte de Jet Airways à 11 h 20, soit 20 minutes avant l’heure de départ prévue de leur vol.

[10] Selon les demandeurs, même si l’embarquement était encore en cours pour le vol de Jet Airways, ils se sont vu refuser l’embarquement sous prétexte qu’ils étaient arrivés trop tard et qu’ils n’avaient pas de cartes d’embarquement. Les demandeurs affirment que des places leur ont été réservées à bord d’un autre vol semblable de Jet Airways dont le départ était prévu le 5 janvier 2017.

[11] Les demandeurs affirment qu’ils ont été incapables de s’enregistrer à partir de leur hôtel dans la soirée du 3 janvier 2017 et que lorsqu’ils sont retournés à l’aéroport le lendemain matin pour s’enregistrer, ils n’ont pas pu le faire au comptoir de service. Les demandeurs indiquent qu’ils ont ensuite été conduits au comptoir de Jet Airways, où ils se sont fait dire qu’ils ne pourraient pas prendre le vol du 5 janvier, car leurs billets initiaux étaient en classe économique, et que seulement des sièges en classe affaires étaient libres. Les demandeurs affirment qu’ils ont ensuite parlé avec un représentant d’El Al Israel qui les a informés que la question faisait l’objet de discussions à Tel‑Aviv et à Delhi. Les demandeurs indiquent avoir quitté l’aéroport cinq heures plus tard, sans savoir s’ils pourraient prendre un vol le 5 janvier. Or cette journée-là, ils ont effectivement pu prendre le nouveau vol.

[12] Dans leur demande, les demandeurs allèguent qu’en conséquence du retard de deux jours de leur voyage, chaque demandeur adulte a perdu les revenus de deux jours de travail et ils demandent une indemnisation équivalant à la valeur en argent de leurs trois billets aller-retour de Toronto à Tel-Aviv.

[13] Toutefois, dans une présentation subséquente, les demandeurs ont porté leur réclamation à 1 930 $, ventilée comme suit :

  • Deux jours de perte de revenu pour Mme Falk équivalant à 520 $CAN (2 x 260 $CAN);
  • Deux jours de perte de revenu pour M. Dotan équivalant à 330 $CAN (2 x 165 $CAN);
  • Indemnisation de 1 080 $CAN représentant le prix du segment Amsterdam–Toronto de leur voyage (qu’ils estiment à environ 33 % du montant total de 2 436 $US).

[14] Ni Jet Airways ni El Al Israel n’a déposé de réponse à la demande.

Constatations de faits

[15] Comme Jet Airways et El Al Israel n’ont pas déposé de réponse à la demande, la preuve et les présentations des demandeurs ne sont pas remises en question. Selon le dossier devant lui, l’Office constate les faits qui suivent.

[16] Les demandeurs ont passé deux nuits dans un hôtel d’Amsterdam, mais ne réclament aucune dépense d’hébergement ou de repas en conséquence de ce séjour. Il convient de présumer que c’est parce qu’El Al Israel a déjà payé pour ces dépenses.

[17] Le dossier ne comporte aucun élément de preuve concernant la cause du retard.

[18] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les demandeurs sont arrivés à leur dernière destination avec un retard de deux jours. L’Office conclut également que ce retard s’est produit en raison de l’arrivée tardive du vol d’El Al Israel, et qu’El Al Israel a assumé la responsabilité pour ce retard en réacheminant les demandeurs à bord d’un vol dont le départ était prévu plus tard et en payant pour leur hébergement à l’hôtel et leurs repas.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

[19] Conformément à un principe bien établi sur lequel s’appuie l’Office lorsqu’il examine de telles demandes, il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que Jet Airways ou El Al Israel n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif ou qu’elle ne les a pas appliquées de façon uniforme.

JET AIRWAYS A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS SON TARIF, LEQUEL INCORPORE PAR RENVOI LA CONVENTION DE MONTRÉAL, EN CE QUI A TRAIT AUX DÉLAIS D’ENREGISTREMENT, COMME L’EXIGE LE PARAGRAPHE 110(4) DU RTA?

[20] La règle 60(D)(1) du tarif de Jet Airways prévoit que les passagers doivent se présenter à la porte d’embarquement au moins 45 minutes avant l’heure de départ prévue, à défaut de quoi leurs réservations et les sièges attribués pourraient être annulés.

[21] Comme les demandeurs ont admis être arrivés à la porte d’embarquement 20 minutes avant l’heure de départ prévue de leur vol, l’Office conclut que Jet Airways a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif en refusant de transporter les demandeurs le 3 janvier 2017.

EL AL ISRAEL A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS SON TARIF, LEQUEL INCORPORE PAR RENVOI LA CONVENTION DE MONTRÉAL, EN CE QUI A TRAIT AUX CHANGEMENTS D’ITINÉRAIRE INVOLONTAIRES, COMME L’EXIGE LE PARAGRAPHE 110(4) DU RTA?

[22] Les règles 80(B) et (C) du tarif d’El Al Israel s’appliquent aux situations où El Al Israel ne respecte pas les horaires et où un passager manque une correspondance. Plus précisément, lorsqu’El Al Israel ne respecte pas l’horaire, la règle 80(B) de son tarif prévoit qu’elle peut, entre autres options : soit transporter le passager à bord d’un autre de ses vols sur lequel une place est disponible; remettre la partie inutilisée du billet à un autre transporteur pour le réacheminement du passager; réacheminer le passager par ses propres services ou d’autres services de transport. Pour les correspondances manquées, la règle 80(C) énonce que le transporteur qui a vendu le billet, dans le cas présent El Al Israel, prendra les arrangements nécessaires pour le transport du passager ou lui accordera un remboursement volontaire.

[23] La règle 55(B)(1) du tarif d’El Al Israel incorpore par renvoi la Convention de Montréal et prévoit ce qui suit :

[Traduction]

Le transport est assujetti aux règles et aux limites de responsabilité établies dans la Convention (voir la règle 1 (DÉFINITIONS) des présentes) […].

[24] L’article 19 de la Convention de Montréal prévoit ce qui suit :

Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

[25] La question est de savoir si El Al Israel a correctement appliqué les règles 80(B) et (C) et 55(B)(1) de son tarif.

[26] La preuve des demandeurs démontre qu’El Al Israel a assumé la responsabilité du retard. En effet, après la correspondance manquée, El Al Israel a pris les arrangements nécessaires pour le transport des demandeurs en les réacheminant à bord d’un autre vol de Jet Airways dont le départ était prévu le 5 janvier 2017, avec un surclassement de sièges en classe affaires sans imposer de frais supplémentaires aux demandeurs. De plus, El Al Israel semble aussi avoir payé pour leur hébergement à l’hôtel et leurs repas en attendant le nouveau vol, car les demandeurs n’ont réclamé aucune de ces dépenses.

[27] En ce qui concerne la demande d’indemnisation des demandeurs de 1 080 $CAN représentant le prix du segment Amsterdam–Toronto de leur voyage, l’Office constate une anomalie dans le montant de la réclamation des demandeurs (qu’ils estiment à environ 33 % du montant total de 2 436 $US) parce que selon la facture qu’ils ont déposée, les billets ont été achetés en dollars canadiens. L’indemnisation demandée de 1 080 $CAN semble donc être surestimée. Quoi qu’il en soit, l’Office conclut que, comme les demandeurs ont voyagé à bord du vol de Jet Airways vers leur destination finale le 5 janvier 2017, ils n’ont pas droit à un remboursement de leurs billets. En ce qui concerne leur réclamation pour la perte de revenu, l’Office note que les demandeurs n’ont pas fourni d’éléments de preuve pour soutenir une telle réclamation, même si le Secrétariat de l’Office leur a demandé de fournir des éléments de preuve pour les justifier.

[28] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’El Al Israel ne devrait être tenue responsable d’aucune autre réclamation de dommages et qu’elle a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.

[29] Par conséquent, l’Office conclut ce qui suit :

  1. Jet Airways a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.
  2. El Al Israel a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.

CONCLUSION

[30] L’Office rejette la demande.


ANNEXE À LA DÉCISION No 56-C-A-2018


Règlement sur les transports aériens
, DORS/88-58, modifié (RTA)

110(4) Lorsqu’un tarif déposé porte une date de publication et une date d’entrée en vigueur et qu’il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l’Office, les taxes et les conditions de transport qu’il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l’Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.

113.1 Si un transporteur aérien n’applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international qu’il offre et figurant à son tarif, l’Office peut lui enjoindre :

  1. de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
  2. de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal)

Article 19 – Retard

Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

Tarif de Jet Airways

[Traduction]

RESPONSABILITÉ DES TRANSPORTEURS

[…]

(C) LIMITES DE RESPONSABILITÉ

[…]

(18) Aux fins du transport international régi par la Convention de Montréal, les règles de responsabilité prévues dans celle-ci font partie intégrante du présent texte et prévalent sur, voire remplacent, toutes les dispositions du présent tarif qui seraient contraires auxdites règles.

60  DÉLAIS POUR L’ENREGISTREMENT

[…]

(D) (1) Le passager doit se présenter à la porte d’embarquement au moins 45 minutes avant l’heure de départ prévue du vol pour lequel il détient une réservation sans quoi sa réservation et sa sélection de siège pourraient être annulées. […]

Tarif d’El Al Israel

[Traduction]

55 RESPONSABILITÉ DES TRANSPORTEURS PARTIE A […]

[…]

(B) LOIS ET DISPOSITIONS APPLICABLES […]

(1) Le transport visé par la présente est assujetti aux règles et aux limites de responsabilité prévues dans la Convention (voir la règle 1 [DÉFINITIONS] du présent tarif) à moins que le transport en question ne soit pas un « transport international » tel que défini dans la Convention.

80 CHANGEMENTS D’ITINÉRAIRE, DÉFAUT DE TRANSPORT ET CORRESPONDANCES MANQUÉES

[…]

(B) CHANGEMENTS D’ITINÉRAIRES INVOLONTAIRES (voir règle 87 INDEMNISATION POUR REFUS D’EMBARQUEMENT)

Si le transporteur annule un vol, n’exploite pas un vol selon l’horaire établi, remplace un type différent d’équipement ou une classe différente de service, ne peut pas fournir un siège préalablement confirmé, ou refuse au passager le transport ou le retire du vol conformément à la règle 25 (REFUS DE TRANSPORT, RESTRICTIONS RELATIVES AU TRANSPORT) du présent tarif, le transporteur prendra l’une des mesures suivantes :

  1. transporter le passager sur un autre de ses aéronefs de passagers à bord duquel il y des places disponibles;
  2. remettre à un autre transporteur aérien ou à tout autre exploitant de service de transport la partie inutilisée du billet pour le réacheminement du passager;
  3. réacheminer lui-même ou par l’entremise d’un autre moyen de transport le passager vers la destination figurant sur le billet ou la partie applicable du billet, et si le prix, les frais pour l’excès de bagages et tout frais de service applicable pour l’itinéraire modifié sont supérieurs à la valeur de remboursement du billet ou de la partie applicable de celui-ci, comme le prévoit la règle 90 (REMBOURSEMENT) du présent tarif, le transporteur n’exigera aucun paiement supplémentaire au passager, mais remboursera la différence si le prix et les frais pour l’itinéraire modifié sont inférieurs; ou
  4. effectuer un remboursement involontaire conformément à la règle 90 (REMBOURSEMENT) du présent tarif.

[…]

(C) CORRESPONDANCES MANQUÉES

Advenant qu’un passager manque son vol de correspondance à bord duquel un siège lui a été réservé parce que le transporteur cédant n’a pas exploité son vol selon l’horaire établi ou a changé l’horaire d’un tel vol, le transporteur cédant prendra les arrangements nécessaires pour le transport du passager ou lui accordera un remboursement involontaire conformément à la règle 90 (REMBOURSEMENT) du présent tarif.

REMARQUE : Aux fins de la présente règle, le terme « transporteur cédant » désigne un transporteur responsable du vol sur lequel un passager détient ou a détenu une place confirmée vers un point de correspondance.

Membre(s)

Elizabeth C. Barker
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