Décision n° 560-AT-A-2004
Suivi - décision no 593-AT-A-2006
le 22 octobre 2004
Référence no U3570/00-62
DEMANDE
Le 25 septembre 2000, Margaret Combdon a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
Le 19 octobre 2000, Air Canada a demandé qu'on prolonge jusqu'au 24 novembre 2000 le délai fixé pour répondre à la demande, ce à quoi l'Office a acquiescé, par la décision no LET-AT-A-312-2000 datée du 25 novembre 2000. Le 24 novembre 2000, Air Canada a déposé sa réponse à la demande et le 6 décembre 2000, Mme Combdon a déposé sa réplique à la réponse du transporteur.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.
QUESTION
L'Office doit déterminer si les difficultés qu'a éprouvées Mme Combdon à l'Aéroport international Lester B. Pearson-Toronto (ci-après l'aéroport de Toronto) les 5 et 26 août 2000 ont constitué des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.
FAITS
Mme Combdon est paraplégique et utilise un fauteuil roulant manuel. Elle a voyagé avec sa fille le 5 août 2000, de Toronto (Ontario) à Deer Lake (Terre-Neuve), et est revenue à Toronto le 26 août 2000.
Au moment de faire les réservations, Mme Combdon a informé l'agent de voyage de sa déficience et de son besoin d'assistance à l'embarquement et au débarquement. Le dossier passager (ci-après le DP) préparé par Air Canada fait état du code de fauteuil roulant WCHC (ce qui signifie que le passager est complètement immobile et requiert de l'aide lors des transferts). Le DP indique également que Mme Combdon est autonome (ce qui signifie qu'elle n'a pas besoin d'un accompagnateur) et qu'une demande pour un « bon siège », muni d'un accoudoir relevable, a été faite.
Mme Combdon a éprouvé plusieurs difficultés pendant son voyage. Le 5 août 2000, à la porte d'embarquement à Toronto, un fauteuil d'embarquement n'a pas immédiatement été mis à sa disposition au moment du préembarquement. De plus, le même jour, lorsque Mme Combdon est passée au contrôle de sécurité, à l'aéroport de Toronto, elle a fait l'objet d'une fouille corporelle manuelle car elle ne pouvait pas passer par les détecteurs de métal dans son fauteuil roulant.
Mme Combdon est revenue à Toronto le 26 août 2000 et l'équipage l'a laissée seule à bord de l'aéronef. L'équipe de nettoyage qui venait préparer l'appareil pour le prochain vol a alors constaté sa présence. Après un autre quinze minutes, on a amené un fauteuil d'embarquement à l'aéronef afin de l'aider à débarquer.
Le fauteuil d'embarquement mis à sa disposition pour son débarquement était défectueux : toutes les courroies destinées à retenir l'occupant, sauf une, étaient brisées ou absentes. Mme Combdon a eu peur pour sa sécurité pendant qu'elle a pris place dans le fauteuil d'embarquement.
Enfin, le fauteuil roulant personnel de Mme Combdon ne lui a pas été immédiatement amené lorsqu'elle est sortie de l'aéronef et elle a insisté pour qu'on lui donne son propre fauteuil roulant car il est spécialement conçu pour répondre à ses besoins. Le personnel du transporteur a mis encore une demi-heure pour le lui amener à la porte d'embarquement. Par conséquent, elle et sa fille n'ont pu se rejoindre qu'une heure et quinze minutes plus tard.
À la lumière de toutes les difficultés qu'elle a éprouvées, Mme Combdon se demande si elle pourra encore voyager seule. Par ailleurs, Mme Combdon a communiqué avec Air Canada avant son voyage et on l'a informée à ce moment-là qu'elle n'aurait dû payer que la moitié du prix. Mme Combdon demande donc un dédommagement, soit le remboursement complet de son billet et le remboursement de la moitié du prix de celui de sa fille.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Dans le cas présent, Mme Combdon est paraplégique et doit utiliser un fauteuil roulant pour se déplacer. Elle est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
Selon les preuves présentées par les parties, il est indiscutable qu'Air Canada a été informée avant le voyage que Mme Combdon avait demandé de l'assistance et sa demande a été correctement inscrite dans son DP. Air Canada a reconnu que le service qu'a reçu Mme Combdon était bien en deçà de ses normes et, en plus de ses excuses, elle a offert à Mme Combdon et à sa fille un bon de transport de 150 $ comme preuve de sa bonne foi.
Contrôle de sécurité manuel
En ce qui a trait au contrôle de sécurité, Mme Combdon a avoué ne pas s'être objectée à la fouille manuelle et reconnaît que de telles fouilles sont nécessaires. Toutefois, l'agent qui a assuré le contrôle de sécurité ne l'a pas avertie qu'elle ferait l'objet d'une fouille manuelle et qu'elle « toucherait presque chaque pouce de son corps » [traduction]. Comme la fouille a été faite en face de tout le monde, Mme Combdon s'est sentie choquée, humiliée et embarrassée. Mme Combdon estime que de tels contrôles pourraient avoir lieu de façon plus privée. Air Canada a expliqué les lignes directrices que les agents de contrôle de sécurité doivent respecter lors de la fouille d'une personne en fauteuil roulant. Selon Air Canada, ces lignes directrices indiquent que l'agent de contrôle de sécurité doit avoir le consentement du passager avant de procéder à une fouille physique et offrir de le faire dans une pièce privée. Si le client ne souhaite pas être amené dans une pièce privée, la fouille doit se faire le plus discrètement possible par un agent de contrôle de sécurité du même sexe que le passager et en présence d'un autre agent qui agit à titre de témoin.
Air Canada a indiqué que l'incident a été porté à l'attention de la compagnie de sécurité responsable du contrôle de sécurité à l'aéroport de Toronto. La compagnie de sécurité a confirmé que les employés visés dans cet incident avaient reçu la formation initiale et de recyclage périodique. Le transporteur a confirmé que la compagnie de sécurité a passé en revue l'incident avec le superviseur à la formation et les employés en poste le matin du 5 août 2000. La compagnie de sécurité, par le biais d'Air Canada, a présenté ses excuses pour l'embarras dans lequel ses employés auraient plongé Mme Combdon.
Pour assurer la sécurité de tous, il est nécessaire de procéder à une fouille manuelle d'une personne ayant une déficience qui ne peut être fouillée au moyen des détecteurs de métal. Toutefois, l'Office est d'avis qu'il faut procéder avec un soin particulier lors de la fouille d'un passager afin qu'elle soit faite de manière à préserver la dignité de la personne, notamment en offrant à cette personne de procéder à la fouille dans une pièce privée, ce qui ne s'est pas produit dans le cas de Mme Combdon. L'Office détermine que le fait de ne pas avoir offert à Mme Combdon de procéder à la fouille en privé a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement puisqu'elle a été extrêmement embarrassée et la perspective de subir le même traitement encore une fois pourrait la décourager de voyager.
Assistance à l'embarquement le 5 août 2000
En ce qui a trait à l'assistance à l'embarquement qu'elle a reçue à l'aéroport de Toronto le 5 août 2000, Mme Combdon a affirmé qu'à son arrivée à la porte 82, aucun fauteuil d'embarquement n'avait été mis à sa disposition. Un fauteuil d'embarquement a été trouvé un peu plus tard et on l'a aidée à embarquer. Toutefois, Mme Combdon n'a pu embarquer qu'après l'embarquement de tous les autres passagers. Selon Mme Combdon, elle a encore une fois été embarrassée car son embarquement s'est déroulé sous le regard de tous les autres passagers. Air Canada a déclaré que le dossier où sont consignés le nom de l'agent et le numéro de porte attribué au vol en question n'est plus disponible et qu'elle ne peut ainsi faire de commentaires à savoir pourquoi un fauteuil d'embarquement n'a pas été immédiatement mis à sa disposition. L'Office reconnaît l'embarras éprouvé par Mme Combdon. L'Office constate toutefois que l'assistance à l'embarquement lui a été fournie et il détermine que, dans les circonstances, cela n'a pas constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Combdon.
Passagère laissée seule à bord de l'aéronef
En ce qui a trait à la plainte de Mme Combdon selon laquelle elle a été laissée seule à bord de l'aéronef à l'arrivée de son vol à Toronto le 26 août, Air Canada indique qu'il est obligatoire, et tous les employés en sont conscients, qu'au moins un membre de l'équipage de cabine doit rester à bord avec les clients qui attendent de l'aide avec fauteuil roulant. Le rapport de vol ne renfermait aucune note relativement à cet incident et il n'y avait aucun commentaire de la part de l'équipage. En raison de cette expérience, Mme Combdon a fait part de son appréhension à voyager à l'avenir, ce que l'Office comprend. L'Office détermine que le fait que Mme Combdon ait été laissée seule à bord de l'aéronef a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement puisque, encore une fois, cette expérience n'a fait qu'accroître son appréhension générale face aux voyages, et plus particulièrement, les voyages alors qu'elle est seule.
État du fauteuil d'embarquement
Mme Combdon a soutenu que lorsqu'on lui a enfin fourni un fauteuil d'embarquement pour l'aider à débarquer à l'aéroport de Toronto, plusieurs des courroies de sécurité manquaient ou étaient brisées, et que la seule qui était entièrement fonctionnelle se trouvait à la hauteur des chevilles. Elle n'était pas à l'aise et a signifié aux employés d'Air Canada qu'elle les tiendrait responsables s'il lui arrivait un incident pendant qu'elle se trouvait dans le fauteuil d'embarquement. Air Canada a indiqué que ses employés savent qu'ils doivent retirer et marquer les fauteuils roulants rendus inutilisables et les emmener dans un lieu désigné. Ces fauteuils ne doivent être retournés qu'une fois recertifiés pour l'utilisation. L'Office estime que l'utilisation d'un fauteuil d'embarquement auquel il manque des courroies visant à assurer la sécurité de la personne qui y prend place, et lors des transferts, a donné lieu à un évident sentiment d'insécurité et d'appréhension pour Mme Combdon. L'Office conclut donc que l'état du fauteuil d'embarquement utilisé pour aider Mme Combdon à débarquer a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
Restitution de son aide à la mobilité
Lorsque Mme Combdon est sortie de l'aéronef, son fauteuil roulant personnel n'a pas immédiatement été mis à sa disposition même si elle avait déjà subi un retard de quelque trente minutes avant qu'on ne lui fournisse l'assistance au débarquement qu'elle avait demandée. Mme Combdon a dit avoir attendu encore trente minutes avant qu'on ne trouve et ne lui amène son fauteuil roulant personnel à la porte de l'aéronef. En somme, il a fallu une heure et quinze minutes à Mme Combdon pour rejoindre sa fille qui l'attendait dans l'aire des vols d'arrivée. Air Canada n'a fourni aucune explication relativement au temps qu'il a fallu pour remettre à Mme Combdon son fauteuil roulant personnel. L'Office estime qu'il est important qu'on amène rapidement le fauteuil roulant personnel à la personne ayant une déficience. Dans le cas présent, comme le fauteuil roulant de Mme Combdon est manuel, il aurait dû lui être amené à la porte de l'aéronef. L'Office détermine donc que l'attente prolongée et le stress en découlant ont constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Combdon.
Les obstacles étaient-ils abusifs ?
À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
Ayant conclu que le fait de ne pas avoir offert à Mme Combdon de procéder à la fouille de sécurité en privé, que le fait qu'elle ait été laissée seule à bord de l'aéronef à l'arrivée de son vol à l'aéroport de Toronto, que l'utilisation d'un fauteuil d'embarquement inutilisable pour lui fournir de l'aide pour débarquer à l'aéroport de Toronto et que l'attente à laquelle elle a été soumise avant qu'on lui amène son aide à la mobilité à la porte de l'aéronef ont constitué des obstacles aux possibilités de déplacement de Mme Combdon, l'Office doit maintenant déterminer si ces obstacles étaient abusifs.
Contrôle de sécurité manuel
Il existe des lignes directrices particulières sur la façon d'effectuer des fouilles manuelles de sécurité pour les clients en fauteuil roulant. Ces lignes directrices, lorsqu'elles sont appliquées, prévoient que les fouilles de sécurité se fassent de façon à préserver la dignité et la vie privée et à respecter la personne qui subit une fouille manuelle.
Selon ce que Mme Combdon a vécu, il semble que, pour des raisons que l'on ignore, les lignes directrices n'aient pas été suivies. L'Office est d'avis que si les agents de sécurité en poste avaient simplement appliqué les procédures de rigueur, il aurait été facile d'éviter que Mme Combdon ne soit embarrassée. L'Office détermine que parce que ces lignes directrices étaient en place pour assurer que le contrôle de sécurité soit mené correctement, le manquement du personnel de sécurité à suivre les lignes directrices a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Combdon.
Passagère laissée seule à bord de l'aéronef
Le transporteur a une règle qui exige qu'un membre de l'équipage reste avec le passager jusqu'à ce que l'équipe au sol arrive pour prêter l'assistance demandée pour le débarquement. Cette exigence est manifestement nécessaire et l'Office se demande comment un équipage peut débarquer et laisser un passager seul derrière lui. L'Office estime que l'incident aurait été évité si la règle avait simplement été appliquée, et, par conséquent, il détermine que le manquement à se conformer à une règle opérationnelle aussi importante a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Combdon.
État du fauteuil d'embarquement
Malgré l'existence d'un processus établi, non seulement le personnel du transporteur n'a pas appliqué les procédures en place sur l'identification des fauteuils d'embarquement à réparer, mais il a utilisé un fauteuil défectueux même après que la passagère lui a fait part de son inconfort. L'Office estime qu'une telle conduite est inacceptable et que le fait que le personnel d'Air Canada n'ait pas retiré ce fauteuil du service et son manque de jugement du fait qu'il ait décidé d'utiliser le fauteuil d'embarquement ont constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Combdon.
Restitution de son aide à la mobilité
L'Office sait qu'Air Canada a des politiques et des procédures sur l'identification et l'étiquetage des aides à la mobilité des passagers qui prévoient que les aides à la mobilité doivent être traitées prioritairement et, dans la mesure du possible, être chargées à bord de l'aéronef de telle sorte qu'on puisse les retirer en premier et les retourner rapidement aux passagers. Malgré ces politiques et procédures, le transporteur n'a fait aucun commentaire pour expliquer pourquoi elles n'ont pas été appliquées. L'Office détermine que le manquement du transporteur à amener rapidement l'aide à la mobilité à la porte de l'aéronef a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Combdon.
De plus, l'Office prend note des dispositions de la Partie VII du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), qui s'appliquent à Air Canada sur les routes intérieures. L'alinéa 148(4)d) du RTA prévoit ce qui suit :
148. (4)...le transporteur aérien qui accepte de transporter une aide visée aux alinéas (1)a), b) ou c) doit fournir sans frais les services suivants :
...
d) remise de l'aide à la personne dès son arrivée à destination.
Le paragraphe 151(1) du RTA prévoit ce qui suit :
Le transporteur aérien doit fournir tout service visé à la présente partie à la personne qui en fait la demande au moins 48 heures avant l'heure prévue pour le départ de son vol.
Les dispositions susmentionnées du RTA et la politique d'Air Canada indiquent clairement que l'aide à la mobilité du passager doit lui être remise rapidement dès son arrivée à destination. Toutefois, Air Canada n'a fourni aucune explication pour le retard à ramener le fauteuil roulant personnel de Mme Combdon. Le fait de ne pas avoir amené rapidement le fauteuil roulant personnel de Mme Combdon à la porte de l'aéronef constitue un manquement de la part d'Air Canada de se conformer à l'alinéa 148(4)d) et au paragraphe 151(1) du RTA.
L'Office attire l'attention d'Air Canada sur le Règlement sur les textes désignés (Office des transports du Canada), DORS/99-244, qui désigne les dispositions de la LTC et des règlements connexes pour lesquels une amende pourrait être exigible. Une contravention à l'alinéa 148(4)d) ou au paragraphe 151(1) du RTA est désignée comme une infraction de niveau 3 qui s'accompagne d'une sanction pécuniaire de 10 000 $. Une première violation ferait normalement l'objet d'un avertissement de la part d'un agent d'application en vertu du programme de sanctions administratives pécuniaires.
MESURES CORRECTIVES
En ce qui a trait à chacun des points à l'étude où l'Office a déterminé qu'il y avait eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Combdon, une politique ou une procédure était en place et si elle avait été appliquée, aucun obstacle abusif n'aurait été créé. Le fait qu'il y ait eu des obstacles abusifs, toutefois, indique clairement qu'Air Canada doive faire preuve de vigilance pour s'assurer que ses employés et fournisseurs de services sont au courant de ses politiques et procédures relatives au traitement des personnes ayant une déficience.
Normalement, l'Office enjoindrait à Air Canada de rencontrer les employés qui ont interagi avec Mme Combdon. Cependant, étant donné le temps qui s'est écoulé depuis que les incidents sont survenus et vu l'intégration des opérations d'Air Canada et de Lignes aériennes Canadien International ltée, l'Office reconnaît que cela ne soit pas possible. Néanmoins, l'Office enjoindra à Air Canada de publier des bulletins à l'intention de ses employés.
En ce qui a trait aux difficultés qu'a éprouvées Mme Combdon pendant le contrôle de sécurité, l'Office note qu'au moment où Mme Combdon a voyagé, la responsabilité du contrôle de sécurité à l'aéroport de Toronto revenait alors aux transporteurs, mais ceux-ci, à leur tour, avaient retenu les services de Wackenhut pour assurer le contrôle de sécurité. Depuis le 31 décembre 2002, toutefois, l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien est chargée du contrôle de sécurité des passagers à l'aéroport de Toronto, ainsi qu'à 88 autres aéroports canadiens. Par conséquent, il ne servirait à rien d'enjoindre à Air Canada de prendre des mesures correctives relativement au contrôle de sécurité des personnes ayant une déficience. Cependant, l'Office estime indiqué de faire parvenir une copie de la présente décision à l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien afin d'assurer que la formation et les directives que celle-ci a pu instaurer et réviser en matière de fouilles de sécurité continuent de prévoir que les fouilles manuelles des personnes ayant une déficience se fassent de façon à préserver la dignité et la vie privée et à respecter la personne qui fait l'objet d'une telle fouille.
DÉDOMMAGEMENT
S'il détermine qu'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, l'Office, en vertu du paragraphe 172(3) de la LTC, peut exiger le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l'obstacle abusif.
Bien que la preuve recueillie sur la question du prix réduit de moitié soit obscure, l'Office connaît la politique d'Air Canada qui, sur demande, accorde une réduction du prix pour un accompagnateur pour les voyages en Amérique du Nord. Par accompagnateur, on entend un personne qui accompagne une personne qui ne peut voyager en toute autonomie pour répondre à des besoins de nature personnelle ou pour des services que requiert la personne ayant une déficience pendant le voyage qui ne sont pas fournis par le personnel du transporteur. Dans le cas présent, Mme Combdon est un passager autonome et sa fille voyageait avec elle à titre de compagne de voyage et non d'accompagnateur. Selon l'Office, il semble donc que l'agent du transporteur ait fait une erreur en faisant référence à une demande pour un prix réduit de moitié.
En l'espèce, Mme Combdon a demandé le remboursement du prix de son billet d'avion et de la moitié du prix de celui de sa fille. La compétence de l'Office pour accorder un dédommagement se limite à des situations où une personne ayant une déficience aurait supporté des dépenses en raison de l'obstacle abusif. Dans la présente affaire, aucune dépense n'a été supportée. La demande de dédommagement est donc refusée.
CONCLUSION
Compte tenu des constatations qui précèdent, l'Office conclut que les éléments de la demande énoncés ci-après ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de Mme Combdon :
- le fait que la fouille manuelle a été effectuée en public lors du contrôle de sécurité,
- le fait que Mme Combdon ait été laissée seule à bord de l'aéronef,
- l'utilisation d'un fauteuil d'embarquement défectueux pour le débarquement,
- le défaut de ne pas lui avoir amené immédiatement son fauteuil roulant personnel après le débarquement.
L'Office conclut également qu'Air Canada a contrevenu à l'alinéa 148(1)d) et au paragraphe 151(1) du RTA.
Par conséquent, l'Office enjoint par les présentes à Air Canada de prendre les mesures correctives suivantes dans les trente (30) jours suivant la date de cette décision :
- Publier un bulletin à l'intention de tous les membres de son personnel naviguant leur rappelant qu'il est obligatoire qu'au moins un membre de l'équipage de cabine reste à bord avec les clients en attente d'un fauteuil roulant ou d'assistance.
- Publier un bulletin à l'intention de ses employés de l'aéroport de Toronto pour leur rappeler l'importance de s'assurer que les défectuosités des fauteuils d'embarquement et des fauteuils roulants de l'aéroport soient notées rapidement afin d'être mis hors service et réparés sans délai.
- Publier un bulletin à l'intention de tout le personnel de service au sol soulignant l'importance de respecter les procédures en place pour l'étiquetage, la manipulation et le retour des aides à la mobilité des passagers.
Un exemplaire de ces bulletins doit être remis à l'Office.
Comme le contrôle de sécurité des passagers n'est plus assuré par des employés contractuels d'Air Canada et que c'est maintenant l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien qui en est responsable, aucune mesure corrective ne sera imposée à Air Canada. L'Office a toutefois pris l'initiative de faire parvenir une copie de cette décision à l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien.
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