Décision n° 564-AT-R-2004

le 25 octobre 2004

Suivi - décision no 11-AT-R-2005

le 25 octobre 2004

RELATIVE à la décision no 183-AT-R-2004 en date du 6 avril 2004 - John Benjamin contre VIA Rail Canada Inc.

Référence no U3570/03-44


CONTEXTE

[1] Dans sa décision no 183-AT-R-2004 du 6 avril 2004 (ci-après la décision), l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) a statué sur la demande déposée par John Benjamin au sujet du niveau d'assistance que VIA Rail Canada Inc. (ci-après VIA) lui a fourni lors d'un voyage aller-retour entre Ottawa (Ontario) et Québec (Québec), via Montréal (Québec), les 6 et 10 octobre 2003.

[2] L'Office a déterminé que le niveau d'assistance fourni par VIA à M. Benjamin à divers moments au cours du voyage aller-retour a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. En vertu de la décision, VIA était tenue de prendre les mesures correctives suivantes dans les trente (30) jours suivant la date de la décision :

  • Faire parvenir des excuses par écrit directement à M. Benjamin, sous forme électronique, en ce qui a trait à son voyage et fournir une copie des excuses à l'Office;
  • Fournir une copie écrite de la décision de l'Office aux directeurs des services de VIA, de même qu'au personnel de bord et de gare en fonction à Ottawa, Montréal et Québec les 6 et 10 octobre 2003, et fournir à l'Office, par écrit, une confirmation qu'elle l'a fait;
  • Publier un bulletin à l'intention de ses agents, de ses directeurs des services, de son personnel de bord et de gare ainsi que des employés du train soulignant l'incident vécu par M. Benjamin, sans le nommer, et l'importance de fournir les services demandés et de maintenir des niveaux appropriés de sensibilisation et de sensibilité aux besoins particuliers des voyageurs ayant une déficience. De plus, le bulletin doit renforcer l'importance de suivre les politiques et procédures du transporteur en ce qui a trait à la prestation de service pour un voyageur ayant une déficience;
  • Fournir à l'Office une copie du bulletin, comme il a été publié;
  • Faire rapport à l'Office des politiques et procédures qui ont été élaborées ou des autres mesures précises qui ont été prises afin de prévenir la répétition de la situation vécue par M. Benjamin;
  • Élaborer et mettre en œuvre des codes supplémentaires pour signaler les services précis demandés par les personnes ayant une déficience (ci-après codes SSR), particulièrement en ce qui a trait à l'assistance à l'embarquement dans toutes les gares, l'assistance au débarquement ainsi que lors des correspondances et en fournir une confirmation écrite à l'Office;
  • Décrire, en détail, quelles démarches seront prises pour s'assurer que les demandes de services précis faites par les personnes ayant une déficience, et communiquées à VIA, sont indiquées en entier et fidèlement dans les dossiers de VIA, y compris le dossier passager (ci-après le DP), le manifeste des passagers et les billets, afin que ses directeurs des services et le personnel de bord et de gare soient en position de connaître les détails de ces demandes et puissent s'assurer que les besoins des voyageurs ayant une déficience sont satisfaits;
  • Incorporer cet incident dans son programme de formation du personnel, afin de s'assurer que des incidents semblables ne se reproduisent pas et fournir à l'Office le module de formation modifié.

[3] VIA était aussi tenue d'offrir un programme de formation d'appoint aux directeurs des services de VIA et aux membres du personnel de bord et de gare, y compris ceux en fonction à Ottawa, Montréal et Québec les 6 et 10 octobre 2003, concernant les personnes ayant une déficience et le type d'assistance requise, plus particulièrement les services requis pour répondre aux besoins des personnes qui sont aveugles. Enfin, VIA était tenue de fournir un horaire du programme de la formation devant être suivie par ses employés dans les trente (30) jours suivant la date de la décision.

[4] Le 4 mai 2004, VIA a demandé une prolongation jusqu'au 21 mai 2004 pour répondre aux exigences de la décision, ce à quoi l'Office a acquiescé par la décision no LET-AT-R-131-2004 du 6 mai 2004. Le 14 mai 2004, VIA a déposé sa réponse à la décision. Des renseignements additionnels ont été demandés à VIA le 29 juin et les 9, 13, 14 et 16 juillet 2004. VIA a déposé les renseignements supplémentaires demandés le 23 juillet 2004.

QUESTION

[5] L'Office doit déterminer si les mesures prises par VIA satisfont aux exigences de la décision.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[6] L'Office prend note que, dans son mémoire, VIA déclare entre autres choses que :

VIA n'accepte pas la pratique de l'Office selon laquelle ce dernier reste saisi d'une affaire après avoir rendu sa décision sur celle-ci. Par souci de finalité, et afin d'éviter l'imposition de règlements coûteux à la compagnie de chemin de fer, VIA informe l'Office qu'elle n'acceptera plus l'exercice sans fin de la compétence de l'Office relativement à une affaire. [traduction]

En définitive, VIA indique qu'une fois que VIA a participé au processus décisionnel de l'Office relativement à une affaire quelconque et accepté la décision de ce dernier, l'Office n'a plus aucune compétence en l'espèce.

[7] L'Office prend note que la Cour suprême du Canada a été saisie de la question de savoir si un conseil ou un tribunal, comme l'Office, est habilité à poursuivre ses procédures originelles. Dans l'affaire Chandler c. Alberta Association of Architects [1989] 2. R.C.S. 848, la Cour suprême a indiqué ce qui suit :

En règle générale, lorsqu'un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu'il a changé d'avis, parce qu'il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. [...]

Le principe du functus officio s'applique dans cette mesure. Cependant, il se fonde sur un motif de principe qui favorise le caractère définitif des procédures plutôt que sur la règle énoncée relativement aux jugements officiels d'une cour de justice dont la décision peut faire l'objet d'un appel en bonne et due forme. C'est pourquoi j'estime que son application doit être plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs qui ne peuvent faire l'objet d'un appel que sur une question de droit. Il est possible que des procédures administratives doivent être rouvertes, dans l'intérêt de la justice, afin d'offrir un redressement qu'il aurait par ailleurs été possible d'obtenir par voie d'appel.

[8] L'Office a déclaré, dans la décision no 646-AT-A-2001 du 12 décembre 2001, et plus tard dans la décision no 175-AT-R-2003 rendue le 27 mars 2003, que la Partie V de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), est de par sa nature une législation sur les droits de la personne. Il est communément admis que toute législation portant sur les droits de la personne doit être interprétée libéralement de manière à pouvoir conférer la pleine reconnaissance et l'application des droits protégés par une telle législation. En conséquence, il est clair que le paragraphe 172(3) de la LTC devrait faire l'objet d'une interprétation qui inclut le pouvoir de conserver juridiction sur certaines questions afin d'assurer que les mesures correctives ordonnées seront prises. Comme la Cour fédérale l'a indiqué dans l'affaire Grover c. Canada (Conseil national de recherches - CNRC) [1994] A.F.C. no 1000, « Ce serait contrecarrer l'objectif de la législation que d'obliger le plaignant à demander l'exécution d'une ordonnance non ambigües [sic] devant la Cour fédérale ou à déposer une nouvelle plainte pour obtenir la réparation intégrale accordée par le Tribunal ».

[9] L'Office est d'avis que l'argument de VIA voulant que l'Office n'a pas la compétence voulue pour poursuivre l'instance originelle est sans fondement et il conclut qu'il a par conséquent la compétence de superviser la mise en œuvre des mesures correctives ordonnées.

POSITION DE VIA

[10] VIA a fourni à l'Office une copie de sa lettre d'excuses du 4 mai 2004 envoyée à M. Benjamin sous forme électronique. Dans cette lettre, VIA s'excuse du piètre service que M. Benjamin a reçu, met l'accent sur les attentes de VIA concernant les services que son personnel doit fournir à ses clients, décrit brièvement la formation que son personnel reçoit portant sur les personnes ayant une déficience, et offre un remboursement du billet de voyage acheté par M. Benjamin.

[11] VIA a fourni à l'Office une copie de la liste des directeurs de services et du personnel de bord et de gare qui étaient en devoir à Ottawa, Montréal et Québec les 6 et 10 octobre 2003, confirmant à quels membres de son personnel VIA avait envoyé une copie de la décision et à quelle date. Pour ce qui est des employés qui étaient en congé, une note indiquait qu'une copie de la décision leur serait fournie à leur retour au travail.

[12] VIA a fourni une copie d'un communiqué émis le 3 mai 2004 à son « personnel de première ligne » [traduction]. Le communiqué fait ressortir l'incident qu'a vécu M. Benjamin, sans toutefois révéler son nom, et inclut un sommaire des principales incidences où il n'a pas reçu l'assistance requise. VIA fait également remarquer que le communiqué a été envoyé à ses agents, à ses directeurs de services et au personnel de bord et de gare.

[13] Le communiqué renforce l'importance de suivre les politiques et procédures de VIA en ce qui concerne la prestation des services aux personnes ayant une déficience et fait ressortir l'importance de fournir les services demandés et de maintenir un niveau approprié de sensibilisation aux besoins des personnes ayant une déficience. Le communiqué fournit des conseils et des renseignements concernant la communication et l'interaction avec les personnes ayant une déficience et fait remarquer que les membres de son personnel continueront de suivre des cours de recyclage portant sur l'assistance aux personnes ayant une déficience visuelle. Il fait également ressortir le besoin d'assurer que les passagers soient informés des services qui leur sont disponibles et que le personnel consigne les codes SSR descriptifs dans les dossiers passagers. De plus, le communiqué informe le personnel que VIA révisera ses lignes directrices et procédures et que le personnel des ventes par téléphone sera informé des modifications qui y seront apportées. Le communiqué énonce certaines directives que le personnel de VIA doit suivre en attendant la révision des lignes directrices et des procédures, ce qui comprend : accueillir le passager, lui expliquer l'emplacement et les aires d'attente et d'embarquement sans pointer du doigt, accompagner le passager aux aires d'attente et d'embarquement et à son siège, demander au passager s'il a besoin d'autres renseignements (p. ex. menus, toilettes), offrir de l'aide pour les bagages, et fournir ces services avant et au cours de l'embarquement et à la gare d'arrivée. Le communiqué fournit également des renseignements à observer au moment de prêter assistance aux personnes ayant une déficience visuelle, y compris comment dialoguer avec ces personnes et comment leur servir de guide. Il fournit aussi des renseignements généraux concernant les déficiences visuelles; les définitions de cécité; les aides à la mobilité (cannes blanches); et les animaux aidant. Enfin, le communiqué mentionne que des codes SSR additionnels seront ajoutés au système de réservation de VIA (ci-après VIANET) et aux manifestes imprimés afin de préciser les besoins d'une personne.

[14] VIA a fourni une copie d'une note de service du 4 mai 2004 établissant les politiques et les procédures qui ont été élaborées et les mesures qui ont été et qui seront prises conformément à la décision. Particulièrement, la note énonce que le programme de formation de VIA a été modifié par l'ajout d'éléments spécifiques concernant les personnes ayant une déficience visuelle, y compris une étude de cas traitant de l'incident dans le but d'augmenter la prise de conscience du personnel de première ligne, et qu'un bulletin global (le communiqué mentionné ci-haut) a été envoyé à tout le personnel de première ligne à titre de renseignement. La note de service fait également état de deux nouveaux codes SSR qui ont été créés afin de répondre aux besoins spécifiques des passagers ayant besoin d'assistance au débarquement (DTRN) ou d'assistance pour prendre une correspondance (CTRN), et qu'un bulletin serait émis avant le 7 mai 2004 à tout le personnel de première ligne expliquant les raisons pour la création de ces nouveaux codes et quand les utiliser.

[15] La note de service énonce également, en partie, que :

[...] le fait que M. Benjamin n'a pas reçu les services demandés ne s'explique pas par l'absence de codes SSR ou d'information puisque tous les renseignements sur l'assistance requise avaient été consignés. La défaillance de service s'est produite parce que les personnes en devoir n'ont pas exécuté ou fourni les services requis. [traduction]

[16] La note de service mentionne que des renseignements portant sur les nouveaux codes SSR et soulevant l'importance de consigner les besoins des passagers ayant une déficience ont été fournis au personnel de première ligne (les agents de ventes par téléphone et les agents de ventes au comptoir) qui est chargé de répertorier et de confirmer les besoins des personnes ayant une déficience. La note de service mentionne également que des mesures ont été prises, de concert avec le service de formation du personnel, visant à assurer que tous les employés qui étaient en devoir au cours du voyage de M. Benjamin suivent des cours de recyclage qui commenceront au début juin et se termineront au plus tard le 31 août 2004. De plus, dans ses commentaires additionnels déposés le 23 juillet 2004, VIA déclare en partie que :

Chaque employé de VIA qui transige avec des passagers ayant une déficience est tenu de suivre une formation tous les trois ans. Le programme de formation a été examiné au cours de l'hiver 2003 par M. Laliberté, un agent de l'Office des transports du Canada en poste à Montréal. Ce dernier a effectué une analyse du programme et l'a jugé plus que satisfaisant. [traduction]

[17] VIA a aussi fourni une copie du matériel utilisé lors des cours de formation, intitulé : Providing Service to Customer[s] with Disabilities: Participant Guide, qui traite, entre autres choses, des déficiences visuelles, y compris les définitions et les types de déficiences visuelles, de la prévalence des déficiences visuelles, de l'assistance aux personnes ayant une déficience visuelle (p. ex. orientation, éclairage, animaux aidant, etc.), de l'anatomie de l'œil, des aides utilisées par les personnes ayant une déficience visuelle et de l'ajout d'une étude de cas traitant de l'incident vécu par M. Benjamin, sans le nommer. Le rapport de VIA énonce de plus que tous les instructeurs ont reçu la directive d'utiliser la nouvelle version du guide du participant à compter du 21 avril 2004.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[18] L'Office a examiné tous les renseignements déposés en réponse à la décision.

[19] L'Office prend note que VIA a envoyé une lettre d'excuses à M. Benjamin, sous forme électronique, concernant son voyage. L'Office constate également que VIA a remboursé de bon gré le prix du billet de voyage acheté par M. Benjamin. De plus l'Office note la confirmation de VIA qu'elle a fourni des copies de la décision à ses directeurs de services et aux membres du personnel de bord et de gare qui étaient en devoir à Ottawa, à Montréal et à Québec les 6 et 10 octobre 2003.

[20] L'Office prend note également que VIA a envoyé un communiqué à son personnel de première ligne, ses agents, ses directeurs de services et aux membres du personnel de bord et de gare qui met en lumière l'incident vécu par M. Benjamin, sans le nommer. L'Office est satisfait que les renseignements contenus dans ce communiqué font ressortir l'importance de fournir les services requis et de maintenir un niveau approprié de sensibilisation et de sensibilité aux besoins particuliers des personnes ayant une déficience et renforcent l'importance de suivre les politiques et les procédures du transporteur en ce qui a trait à la prestation de services aux passagers ayant une déficience.

[21] De plus, l'Office remarque que VIA révisera ses lignes directrices et procédures et que, dans l'intervalle, elle a prévu des directives pour le personnel concernant l'interaction avec les personnes ayant une déficience visuelle, y compris au moment du dialogue avec ces personnes, la prestation d'assistance, les procédures d'embarquement, de débarquement et de correspondance, l'assistance avec les bagages et les situations d'urgence, et qu'elle a créé de nouveaux codes SSR, comme il est indiqué ci-après.

[22] En ce qui concerne la création de nouveaux codes SSR, l'Office prend note que VIA a créé deux nouveaux codes - DTRN et CTRN - afin de répondre aux besoins spécifiques des passagers ayant besoin d'assistance au débarquement ou à l'embarquement de trains de correspondance.

[23] L'Office reconnaît également la position de VIA que la défaillance de ses employés à fournir une assistance au préembarquement n'a pas été causée par une insuffisance de codes SSR ou de renseignements au sujet de l'assistance requise, mais était plutôt le résultat du manquement de la part de son personnel à fournir le service demandé. Ainsi, l'Office accepte le fait qu'aucun nouveau code SSR n'ait été créé pour signaler un besoin d'assistance au préembarquement. L'Office note de plus que les renseignements nécessaires aux fins de la consignation et de la confirmation des besoins des personnes ayant une déficience ont été fournis au personnel de première ligne (les agents de ventes par téléphone et agents de ventes au comptoir). En réponse aux démarches exigées de VIA pour s'assurer que les demandes de services précis faites par les personnes ayant une déficience, et communiquées à VIA, soient indiquées en entier et fidèlement dans les dossiers de VIA, y compris les dossiers passagers, les manifestes de passagers et les billets, VIA a fait savoir qu'elle a envoyé un communiqué à son personnel de première ligne informant le personnel que VIA procéderait à une révision de ses lignes directrices et procédures et que le personnel des ventes par téléphone sera informé des modifications qui y seront apportées, et qu'un bulletin serait émis le 7 mai 2004 à tout le personnel de première ligne expliquant les raisons pour la création de nouveaux codes SSR et quand les utiliser. Par conséquent, l'Office est convaincu que VIA a pris des mesures qui assureront que les demandes qui lui seront communiquées seront consignées en entier et fidèlement dans les dossiers du transporteur.

[24] L'Office note que VIA a apporté des changements à son programme de formation visant l'interaction avec des personnes ayant une déficience en y incluant une étude de cas portant sur l'incident vécu par M. Benjamin, sans le nommer. L'étude de cas comprend un examen et une discussion sur l'incident, ainsi qu'une discussion à propos des mesures qui auraient pu prévenir les difficultés affrontées. L'Office est donc convaincu que VIA traite de l'incident dans son programme de formation d'entreprise.

[25] En ce qui a trait à la prestation de cours de recyclage à l'intention du personnel de VIA, la mesure corrective énoncée au paragraphe 51 de la décision se lisait comme suit :

VIA est aussi tenue d'offrir un programme de formation de recyclage aux directeurs des services de VIA et au personnel de bord et de gare, y compris ceux en fonction à Ottawa, Montréal et Québec les 6 et 10 octobre 2003, concernant les personnes ayant une déficience et le type d'assistance requise, plus particulièrement sur les services requis pour répondre aux besoins des personnes qui sont aveugles. VIA est tenue de fournir un horaire du programme de formation de ses employés dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision.

[26] L'Office fait remarquer qu'en déterminant qu'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience est abusif, l'Office fait la constatation que, tout compte fait, l'obstacle n'est pas justifié et doit être éliminé et il peut ainsi exiger la prise de mesures pour remédier à l'obstacle ou le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais engagés qui sont directement attribuables à l'obstacle en cause, ou les deux. De plus, lorsque l'Office ordonne des mesures correctives, l'intimé doit de façon opportune prendre les mesures nécessaires pour éliminer l'obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[27] Ayant déterminé que le niveau d'assistance fourni à M. Benjamin par le personnel de VIA a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement, l'Office a ordonné, comme il est indiqué précédemment, et parmi d'autres mesures correctives, que VIA dispense des cours de recyclage, non seulement à son personnel en devoir aux gares d'Ottawa, de Montréal et de Québec les 6 et 10 octobre 2003, mais à tous ses directeurs de services et à tous les membres du personnel de bord et de gare, et qu'elle dépose auprès de l'Office un horaire des cours de formation. L'Office est d'avis qu'étant donné les divers groupes d'employés et les diverses gares visés par l'incident en cause, il y a lieu que VIA dispense lesdits cours de recyclage à tous ses directeurs de services et à tous les membres du personnel de bord et de gare afin d'empêcher que des incidents semblables à celui qu'a vécu M. Benjamin ne se reproduisent.

[28] L'Office prend note des mesures qui ont été prises par VIA, de concert avec son service de formation, visant à assurer que des cours de recyclage auront été suivis, au plus tard à la fin du mois d'août 2004, par les directeurs de services et les membres du personnel de bord et de gare qui étaient en devoir aux gares d'Ottawa, de Montréal et de Québec lors du voyage de M. Benjamin les 6 et 10 octobre 2003. L'Office n'envisage donc pas la prise d'autres mesures à cet égard.

[29] Cependant, en ce qui a trait à la formation des autres directeurs de services et membres de son personnel de bord et de gare, VIA renvoie simplement à sa politique concernant la formation des employés qui transigent avec les personnes ayant une déficience. Précisément, dans ses commentaires additionnels déposés le 23 juillet 2004, VIA déclare en partie que :

Chaque employé de VIA qui transige avec des passagers ayant une déficience est tenu de suivre une formation tous les trois ans. Le programme de formation a été examiné au cours de l'hiver 2003 par M. Laliberté, un agent de l'Office des transports du Canada en poste à Montréal. Ce dernier a effectué une analyse du programme et l'a jugé plus que satisfaisant. [traduction]

[30] L'Office note la déclaration de VIA que son programme de formation portant sur les personnes ayant une déficience a été examiné par un agent verbalisateur désigné par l'Office en vertu de l'alinéa 178(1)a) de la LTC. L'Office souligne toutefois que cet examen a été effectué dans le cadre du programme de suivi mené auprès des fournisseurs de services de transport pour assurer leur conformité au Règlement sur la formation du personnel en matière d'aide aux personnes ayant une déficience, DORS/94-42 (ci-après le Règlement) par la division de l'Office chargée de l'application de la loi. De tels examens n'ont aucune incidence sur le mandat de l'Office d'enquêter sur les plaintes et d'exiger la prise de mesures correctives lorsque cela s'avère nécessaire.

[31] En ce qui a trait à l'exigence voulant que VIA fournisse à l'Office une copie de l'horaire du programme de formation visé, l'Office observe que VIA ne s'y est pas conformée. En fait, l'Office fait valoir que les commentaires additionnels déposés par VIA ne permettent pas à l'Office de conclure qu'elle a satisfait à l'exigence prévue dans la décision voulant que VIA fournisse un horaire traitant de la formation devant être dispensée globalement à tous ses directeurs de services et membres du personnel de bord et de gare. Par ailleurs, l'Office fait observer que, conformément au Black's Law Dictionary, le mot anglais « schedule » (L'analyse de l'Office des transports du Canada a été faite en anglais) est défini comme suit : « toute liste d'événements planifiés qui auront lieu régulièrement tout comme l'horaire des trains ou l'horaire des travaux devant être accomplis dans une usine » [traduction]. L'Office souligne également que le Merriam-Webster Dictionary définit le même mot comme étant « une liste écrite ou imprimée, un catalogue ou un répertoire; un plan de procédure qui indique l'heure et la durée ainsi que les éléments successifs de chaque activité » [traduction]. Si l'on s'en tient à cette interprétation commune d'un horaire, l'Office est d'avis que les éléments de base d'un horaire concernant la formation d'employés devraient inclure le nom des employés qui recevront la formation ou, à tout le moins, les groupes d'employés ciblés et les dates auxquelles il est prévu que cette formation leur sera donnée. Par conséquent, l'Office conclut que VIA ne lui a pas fourni un horaire faisant état des renseignements précités à l'égard de la formation devant être dispensée à tous ses directeurs de services et membres du personnel de bord et de gare. L'Office estime donc que VIA doit être tenue de fournir un horaire de la formation devant être dispensée à tous les employés visés, lequel fera état des renseignements suivants : le nom des employés qui recevront la formation ou, à tout le moins, les groupes d'employés ciblés et les dates auxquelles ils recevront cette formation.

[32] Pour ce qui est de la mise en œuvre de mesures correctives, comme par exemple la prestation de cours de recyclage, l'Office est d'avis que lorsqu'une mesure corrective est exigée afin d'éliminer un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de personnes ayant une déficience, l'intimé doit procéder à la mise en œuvre de cette mesure corrective dans un délai qui ne devrait pas retarder indûment l'élimination de l'obstacle abusif, sans quoi l'obstacle persiste et, dans l'intervalle, d'autres personnes ayant une déficience pourraient faire face à des obstacles abusifs similaires. C'est pourquoi l'Office recommande à VIA d'accorder une importance à la rapidité d'exécution de la formation au moment de la production d'un horaire qui saura répondre globalement à la mesure corrective énoncée dans la décision voulant que des cours de recyclage soient dispensés à tous les directeurs de services et membres du personnel de bord et de gare de VIA.

[33] Quant au programme de formation de VIA, l'Office a abordé la question comme suit dans sa décision :

L'Office est également préoccupé de la façon dont M. Benjamin a été traité, plus précisément lorsque le personnel de VIA, en réponse aux demandes d'assistance, a indiqué les aires de préembarquement et de récupération des bagages en pointant du doigt et ce, à plusieurs reprises, ce qui est clairement inapproprié pour une personne qui est aveugle et qui utilise une canne blanche. L'Office estime que cela démontre un manque de formation sur les services requis par les personnes qui sont aveugles. Par conséquent, l'Office estime approprié que VIA offre des programmes de formation de recyclage sur les services requis par les personnes qui sont aveugles et qu'elle modifie son module de formation en conséquence.

[34] Pour ces motifs, l'Office a enjoint à VIA, entre autres mesures correctives, de traiter de l'incident dans son programme de formation d'entreprise.

[35] Comme il a été mentionné précédemment, VIA a apporté des modifications à son programme de formation en matière d'aide aux personnes ayant une déficience pour y traiter de l'incident, ce qui devrait éviter, dans une certaine mesure, que des incidents semblables à celui qu'a vécu M. Benjamin ne se reproduisent. De plus, les cours de recyclage devaient porter sur les services aux personnes ayant une déficience, et plus particulièrement sur les services requis par les personnes qui sont aveugles. Par contre, l'Office estime que le nouveau programme de formation de VIA en matière d'aide aux personnes ayant une déficience perd une certaine efficacité face à l'élimination de l'obstacle abusif en l'espèce si VIA ne dispense pas dans un proche avenir les cours de recyclage précités à tous ses directeurs de services et membres du personnel de bord et de gare de VIA, au moyen du nouveau programme de formation.

CONCLUSION

[36] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que VIA s'est conformée aux huit premières mesures correctives de la décision, qui obligeaient VIA à :

  • Faire parvenir des excuses par écrit directement à M. Benjamin, sous forme électronique, en ce qui a trait à son voyage et fournir une copie des excuses à l'Office;
  • Fournir une copie écrite de la décision de l'Office aux directeurs des services de VIA, de même qu'au personnel de bord et de gare en fonction à Ottawa, Montréal et Québec les 6 et 10 octobre 2003, et fournir à l'Office, par écrit, une confirmation qu'elle l'a fait;
  • Publier un bulletin à l'intention de ses agents, de ses directeurs des services, de son personnel de bord et de gare ainsi que des employés du train soulignant l'incident vécu par M. Benjamin, sans le nommer, et l'importance de fournir les services demandés et de maintenir des niveaux appropriés de sensibilisation et de sensibilité aux besoins particuliers des voyageurs ayant une déficience. De plus, le bulletin doit renforcer l'importance de suivre les politiques et procédures du transporteur en ce qui a trait à la prestation de service pour un voyageur ayant une déficience;
  • Fournir à l'Office une copie du bulletin, comme il a été publié;
  • Faire rapport à l'Office des politiques et procédures qui ont été élaborées ou des autres mesures précises qui ont été prises afin de prévenir la répétition de la situation vécue par M. Benjamin;
  • Élaborer et mettre en œuvre des codes SSR supplémentaires pour signaler les services précis demandés par les personnes ayant une déficience, particulièrement en ce qui a trait à l'assistance à l'embarquement dans toutes les gares, l'assistance au débarquement ainsi que lors des correspondances et en fournir une confirmation écrite à l'Office;
  • Décrire, en détail, quelles démarches seront prises pour s'assurer que les demandes de services précis faites par les personnes ayant une déficience, et communiquées à VIA, sont indiquées en entier et fidèlement dans les dossiers de VIA, y compris les dossiers passagers, les manifestes des passagers et les billets, afin que ses directeurs des services et le personnel de bord et de gare soient en position de connaître les détails de ces demandes et puissent s'assurer que les besoins des voyageurs ayant une déficience sont satisfaits;
  • Incorporer cet incident dans son programme de formation du personnel, afin de s'assurer que des incidents semblables ne se reproduisent pas et fournir à l'Office le module de formation modifié.

[37] Par conséquent, l'Office n'envisage aucune autre intervention concernant ces mesures correctives.

[38] Cependant, puisque l'horaire que VIA a déposé auprès de l'Office ne porte que sur les cours de recyclage devant être suivis pas les directeurs de services et les membres du personnel de bord et de gare de VIA qui étaient en devoir à Ottawa, Montréal et Québec les 6 et 10 octobre 2003, et ne dispose rien relativement aux autres directeurs de services et employés de VIA, l'Office détermine que VIA ne s'est pas totalement conformée à la neuvième et dernière mesure corrective de la décision, qui exigeait ce qui suit :

  • donner des cours de recyclage aux directeurs des services de VIA et au personnel de bord et de gare, y compris ceux qui étaient en fonction à Ottawa, Montréal et Québec les 6 et 10 octobre 2003, portant sur les personnes ayant une déficience et le type d'assistance requise, plus particulièrement sur les services requis pour répondre aux besoins des personnes qui sont aveugles. VIA était aussi tenue de fournir un horaire du programme de la formation dispensée à ses employés dans les trente (30) jours suivant la date de la décision.

[39] En conséquence, VIA est par les présentes tenue de fournir à l'Office, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision, un horaire relatif à la formation devant être dispensée aux autres employés, lequel horaire doit refléter les éléments suivants : les noms des employés qui recevront la formation ou, à tout le moins, les groupes d'employés ciblés et les dates auxquelles la formation sera dispensée. L'Office rappelle à VIA d'accorder une attention particulière à l'importance de la rapidité d'exécution de la formation.

[40] À la suite de l'examen de la documents exigés, l'Office déterminera si d'autres mesures s'imposent.

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