Décision n° 6-AT-C-A-2022

le 21 janvier 2022

DEMANDE présentée par Tapan Jyoti Sen et Soma Sen (demandeurs) contre WestJet et Emirates (défenderesses), au titre du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC), concernant leurs besoins liés à leurs déficiences; et du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA), concernant une perturbation d’horaire et un refus de transport.

Numéro de cas : 
21-50094

RÉSUMÉ

[1] Les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre WestJet concernant leurs besoins liés à leurs déficiences, une perturbation d’horaire et le refus d’Emirates de les transporter à bord du vol no EK242 de Toronto (Ontario) à Dubaï, Émirats arabes unis, le 6 décembre 2019. L’Office a ajouté Emirates comme défenderesse supplémentaire dans le cas présent.

[2] Les demandeurs réclament une indemnité de 15 100 USD pour les éléments suivants :

  • 5 000 USD pour ne pas avoir fourni l’assistance avec fauteuil roulant demandée;
  • 4 800 USD pour le refus d’embarquement;
  • 500 USD pour ne pas avoir fourni de bons de repas;
  • 4 800 USD pour le retard de 12 heures et les pertes financières.

[3] Ils ont ensuite augmenté le montant de l’indemnité demandée à 20 800 USD.

[4] L’Office se penchera sur les questions suivantes :

  1. Les demandeurs sont-ils des personnes handicapées?
  2. Les demandeurs ont-ils rencontré un obstacle à leurs possibilités de déplacement?
  3. WestJet a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé International/Transborder Passenger Fares and Rules Tariff No. WS-1 Containing Local and Joint Rules, Fares and Charges on Behalf of WestJet Airlines, Ltd Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in the United States/Canada and Points in Area 1/2/3 and Between Points in the US and Points in Canada, NTA(A) No. 518 (tarif de WestJet), y compris les exigences applicables du Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 (RPPA), comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA?
  4. Emirates a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff No. EK-1 Containing Local and Joint Rules, Fares and Charges on Behalf of Emirates Airlines Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in the Canada/United States and Points in Areas 1/2/3, NTA(A) No. 503 (tarif d’Emirates), comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA?

[5] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que :

  1. les demandeurs sont des personnes handicapées;
  2. les demandeurs n’ont pas rencontré un obstacle à leurs possibilités de déplacement;
  3. WestJet a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, y compris les exigences applicables du RPPA;
  4. Emirates a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.

[6] Par conséquent, l’Office rejette la demande.

CONTEXTE

[7] Les demandeurs ont acheté des billets aller-retour auprès d’un agent de voyages pour un vol de Kolkata, Inde, à Winnipeg (Manitoba), via Dubaï et Toronto, dont le départ était prévu le 18 mai 2019 et le retour, le 30 novembre 2019.

[8] Bien que WestJet ait apporté plusieurs modifications aux vols d’arrivée, voici l’itinéraire de retour final des demandeurs :

  • le 6 décembre 2019 : vol no WS534, de Winnipeg à Toronto, dont le départ était prévu à 8 h 30 et l’arrivée, à 11 h 57;
  • le 6 décembre 2019 : vol no EK242, de Toronto à Dubaï, dont le départ était prévu à 13 h 55 et l’arrivée, à 11 h 40 le lendemain;
  • le 7 décembre 2019 : vol no EK572, de Dubaï à Kolkata, dont le départ était prévu à 13 h 15 et l’arrivée, à 18 h 50.

[9] Le 6 décembre 2019, le vol no WS534 de Winnipeg à Toronto a été retardé et est arrivé 50 minutes plus tard que prévu. Lorsque les demandeurs sont arrivés à Toronto, ils se sont rendus à la porte d’embarquement d’Emirates et ont tenté de monter à bord de leur vol de correspondance, le vol no EK242. Cependant, Emirates ne leur a pas permis de monter à bord du vol et les a informés que leurs billets n’étaient plus valides.

[10] Les demandeurs sont retournés au comptoir de WestJet et ont été réacheminés sur les vols suivants :

  • le 6 décembre 2019 : vol no WS003, de Toronto à Londres, Royaume-Uni, dont le départ était prévu à 20 h 50 et l’arrivée, à 9 h 10 le lendemain;
  • le 7 décembre 2019 : vol no EK016, de Londres à Dubaï, dont le départ était prévu à 13 h 35 et l’arrivée, à 00 h 40 le lendemain;
  • le 8 décembre 2019 : vol no EK570, de Dubaï à Kolkata, dont le départ était prévu à 2 h et l’arrivée, à 7 h 40.

[11] Les demandeurs affirment qu’en raison de leur réacheminement, ils sont arrivés à leur destination finale plus de 12 heures plus tard que prévu initialement. Ils allèguent également que WestJet ne leur a pas fourni l’assistance avec fauteuil roulant qu’ils avaient demandée. Les demandeurs ont déposé des documents médicaux à l’appui de leur affirmation.

[12] L’Office a ouvert les actes de procédure le 2 juillet 2021. Les défenderesses ont déposé leurs réponses le 23 juillet 2021. Les demandeurs ont déposé leur réplique le 29 juillet 2021.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

Tarif applicable

[13] L’itinéraire des demandeurs était un itinéraire intercompagnies dont les vols étaient exploités par les défenderesses. Pour déterminer lequel des tarifs des transporteurs s’appliquent dans le cas de billets intercompagnies, l’Office a conclu que le tarif de chaque transporteur s’applique à leurs vols respectifs de l’itinéraire.

LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES

[14] Les demandeurs soulèvent des questions liées à l’accessibilité et à l’application du tarif de WestJet et du tarif d’Emirates.

Accessibilité

[15] La demande a été déposée au titre du paragraphe 172(1) de la LTC, qui, au moment de l’incident, prévoyait ce qui suit :

Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes handicapées.

[16] Comme il l’a indiqué dans la décision no 33-AT-A-2019 (décision d’interprétation) portant sur les demandes en matière d’accessibilité, l’Office détermine s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne handicapée au moyen d’une approche en deux parties :

Partie 1 : Il incombe au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités :

- qu’il a un handicap, c’est-à-dire toute déficience, notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, tout trouble d’apprentissage ou de la communication (ou toute limitation fonctionnelle) de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société;

et

- qu’il a rencontré un obstacle, c’est-à-dire tout élément — notamment un élément de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. Il doit y avoir un certain lien entre le handicap et l’obstacle.

Partie 2 : Si l’Office détermine que le demandeur a un handicap et qu’il a rencontré un obstacle, il incombe alors à la défenderesse de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :

- expliquer, en tenant compte des solutions proposées par le demandeur, comment il propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie, à la structure physique visée ou à n’importe quel autre élément constituant un obstacle ou, si une modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;

ou

- démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.

[17] L’Office se penchera sur la première partie de l’approche en deux parties mentionnée ci-dessus dans la présente décision.

Tarif

[18] Les obligations d’un transporteur à l’égard de ses passagers sont établies conformément à son tarif et au RPPA.

[19] Le paragraphe 110(4) du RTA exige qu’un transporteur aérien exploitant un service international applique les conditions de transport énoncées dans son tarif.

[20] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, le paragraphe 113.1(1) du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :

a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;

b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport applicables aux services offerts et prévus au tarif.

[21] Lorsqu’une exigence est contenue à la fois dans le tarif et dans le RPPA, le transporteur doit satisfaire à l’exigence la plus avantageuse pour le passager.

[22] Diverses dispositions du RPPA sont entrées en vigueur à des dates différentes, tant avant qu’après l’incident, tel qu’il est indiqué ci-après.

[23] Le paragraphe 1(3) du RPPA, qui est entré en vigueur le 15 juillet 2019, prévoit ce qui suit :

Pour l’application du présent règlement, il y a refus d’embarquement lorsqu’un passager ne peut pas occuper un siège sur un vol parce que le nombre de sièges pouvant être occupés est inférieur au nombre de passagers qui se sont enregistrés à l’heure requise, qui possèdent une réservation confirmée et des documents de voyage valides et qui sont présents à la porte d’embarquement à l’heure prévue pour leur embarquement.

[24] L’article 12 du RPPA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner le versement d’une indemnisation normalisée pour les inconvénients résultant de retards dans certaines circonstances. Cet article du RPPA est entré en vigueur le 15 décembre 2019 et ne s’applique donc pas aux incidents survenus avant cette date.

[25] L’article 13 du RPPA, qui est entré en vigueur le 15 juillet 2019, exige que le transporteur fournisse aux passagers visés par une annulation, un retard ou un refus d’embarquement des renseignements de base sur l’incident.

[26] Cet article précise également que, dans le cas d’un retard, le transporteur doit fournir aux passagers une mise à jour toutes les 30 minutes sur la situation jusqu’à ce qu’une nouvelle heure de départ du vol soit fixée ou jusqu’à ce que des arrangements de voyage alternatifs aient été pris. Le transporteur doit fournir aux passagers tout nouveau renseignement dès que possible et les renseignements doivent être fournis au moyen d’annonces faites sur support audio et, sur demande, sur support visuel.

[27] Les dispositions pertinentes de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal), du tarif de WestJet et du tarif d’Emirates sont énoncées à l’annexe.

1. LES DEMANDEURS SONT-ILS DES PERSONNES HANDICAPÉES?

[28] Les demandeurs affirment que Tapan Jyoti Sen a reçu un diagnostic de maladie pulmonaire obstructive chronique et qu’il avait une déchirure musculaire complète à l’épaule droite au moment du voyage.

[29] Les demandeurs déclarent que Soma Sen a reçu un diagnostic de maladie pulmonaire obstructive chronique et d’ostéoporose, qu’elle utilise un inhalateur à cause de problèmes respiratoires, et qu’elle a un problème articulaire aigu aux genoux.

[30] WestJet a confirmé que les demandeurs ont demandé l’assistance avec fauteuil roulant.

[31] Les défenderesses ne contestent pas que les demandeurs sont des personnes handicapées.

[32] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les demandeurs sont des personnes handicapées.

2. LES DEMANDEURS ONT-ILS RENCONTRÉ UN OBSTACLE À LEURS POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT?

Positions des parties

LES DEMANDEURS

[33] Les demandeurs déclarent qu’ils ont demandé l’assistance avec fauteuil roulant avant le vol.

[34] Ils affirment qu’à la suite du retard de leur vol de Winnipeg à Toronto, ils n’ont pas reçu une assistance avec fauteuil roulant de WestJet à l’aéroport international Pearson de Toronto (aéroport de Toronto). Ils ajoutent qu’en conséquence, ils ont dû marcher par leurs propres moyens pour atteindre la porte d’embarquement du vol no EK242 à destination de Dubaï.

[35] Les demandeurs affirment que si on leur avait fourni des fauteuils roulants, ils auraient pu atteindre la porte d’embarquement d’Emirates plus tôt. Ils affirment que WestJet a sciemment omis de leur fournir l’assistance avec fauteuil roulant pour les retarder davantage.

WESTJET

[36] WestJet déclare qu’à leur arrivée à l’aérogare 3 de l’aéroport de Toronto, les demandeurs n’ont pas attendu à la porte d’embarquement pour recevoir l’assistance avec fauteuil roulant et sont partis par eux-mêmes en direction de la porte d’embarquement d’Emirates à l’aérogare 1. WestJet affirme que dans une situation d’activités irrégulières comme celle vécue par les demandeurs, il est raisonnable d’attendre jusqu’à 30 minutes pour recevoir l’assistance avec fauteuil roulant. WestJet ajoute que si les demandeurs avaient attendu, ils auraient reçu l’assistance avec fauteuil roulant.

[37] WestJet soutient qu’elle n’avait aucune mauvaise intention de refuser l’assistance avec fauteuil roulant aux demandeurs, puisqu’il était expressément indiqué dans leur dossier passager que l’assistance avec fauteuil roulant avait été demandée à Toronto, et que tous les segments de vol sur leur réservation portaient la mention « WCHR ».

EMIRATES

[38] Dans sa réponse, Emirates indique qu’elle ne peut pas commenter les allégations des demandeurs quant aux prétendus obstacles à leurs possibilités de déplacement, puisque les allégations visaient l’assistance avec fauteuil roulant offerte par WestJet et non par Emirates, et qu’elle n’a aucune connaissance directe des événements survenus à l’aire d’arrivée de WestJet.

Analyse et déterminations

[39] Les fournisseurs de services de transport ont l’obligation de fournir un accommodement aux personnes handicapées. Afin de déterminer qu’elle a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement, une personne handicapée doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’une mesure d’accommodement qui réponde aux besoins liés à son handicap ne lui a pas été fournie.

[40] Il est incontesté que les demandeurs ont demandé l’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’ils ont réservé leurs billets. Bien que les demandeurs n’aient pas déposé de copie de leur itinéraire initial, WestJet indique que tous les segments de vol portaient la mention « WCHR » sur leur réservation.

[41] Les éléments de preuve déposés par les demandeurs pour démontrer que l’assistance avec fauteuil roulant n’a pas été fournie ne suffisent pas pour déterminer qu’ils ont rencontré un obstacle. L’Office reconnaît que l’assistance avec fauteuil roulant était disponible, mais que les demandeurs n’ont pas attendu de la recevoir et ont choisi de se rendre par eux-mêmes à la porte d’embarquement d’Emirates à l’aérogare 1.

[42] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils ont rencontré un obstacle à leurs possibilités de déplacement en ce qui a trait à l’assistance avec fauteuil roulant qu’ils ont demandée.

3. WESTJET A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS SON TARIF, Y COMPRIS LES EXIGENCES APPLICABLES DU RPPA, COMME L’EXIGE LE PARAGRAPHE 110(4) DU RTA?

Positions des parties

LES DEMANDEURS

[43] Les demandeurs déclarent qu’ils sont arrivés en retard à la porte d’embarquement d’Emirates parce que leur premier segment de vol, le vol no WS534, a été retardé et que WestJet ne leur a pas fourni d’assistance avec fauteuil roulant.

[44] Ils affirment qu’ils ont été réacheminés sur un vol ultérieur de WestJet huit heures plus tard, mais que des bons de repas ne leur ont pas été fournis.

[45] Ils indiquent qu’ils sont arrivés à leur destination finale plus de 12 heures après l’heure d’arrivée prévue initialement.

WESTJET

[46] WestJet affirme que le 6 décembre 2019, le vol no WS534 de Winnipeg à Toronto a été retardé en raison d’un programme d’attente au sol ayant été causé par les mauvaises conditions météorologiques qui prévalaient à l’aéroport de Toronto. Selon WestJet, puisque le vol est arrivé à 12 h 47 (soit 50 minutes plus tard que prévu), les demandeurs disposaient de 68 minutes pour prendre leur vol de correspondance, le vol no EK242, dont le départ était prévu à 13 h 55. WestJet explique qu’il était ainsi impossible de respecter le temps de correspondance minimum établi par l’aéroport de Toronto, qui était de 1 heure et 59 minutes.

[47] WestJet fait valoir qu’elle a réacheminé les demandeurs pour les segments de vol restants de leur itinéraire pendant qu’ils étaient toujours à bord du vol no WS534, et qu’elle a annoncé à bord de l’aéronef que tous les passagers devaient vérifier auprès d’un représentant de WestJet si leurs vols de correspondance étaient touchés par le retard du vol no WS534.

[48] WestJet soutient qu’à leur arrivée à l’aérogare 3 de l’aéroport de Toronto, les demandeurs, contrairement à ce qui avait été demandé à bord, n’ont pas vérifié auprès d’un représentant de WestJet à la porte d’embarquement si leur vol de correspondance avait été touché par le retard avant de se rendre à la porte d’embarquement d’Emirates.

Analyse et déterminations

[49] Le fardeau de la preuve repose sur le demandeur, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif.

[50] Les demandeurs réclament une indemnisation pour l’absence d’assistance avec fauteuil roulant, le refus d’embarquement, le retard de 12 heures pour arriver à leur destination, le fait de ne pas avoir reçu de bons de repas, et les pertes financières générales subies. qu’ils sont arrivés à leur destination finale plus de 12 heures après l’heure d’arrivée prévue initialement

RETARD DE VOL

[51] Le pouvoir que l’article 12 du RPPA confère à l’Office d’ordonner le versement d’une indemnisation normalisée pour les inconvénients résultant de retards dans certaines circonstances est entré en vigueur le 15 décembre 2019. L’incident étant survenu le 6 décembre 2019, les dispositions de l’article 12 ne s’appliquent pas dans le cas présent et les demandeurs n’ont pas droit à une indemnisation au titre du RPPA. L’Office a également examiné la question de savoir si des mesures correctives étaient justifiées concernant les contraventions alléguées au tarif de WestJet.

[52] La règle 75(B)(2) du tarif de WestJet prévoit que les horaires ne sont pas garantis. En particulier, elle précise que les heures indiquées dans les horaires ou ailleurs sont approximatives, ne sont pas garanties et ne sont pas assujetties au contrat de transport.

[53] La règle 75(B)(3) du tarif de WestJet prévoit que le transporteur ne garantit pas les heures des vols qui figurent sur les billets des passagers et ne peut être tenu responsable des annulations de vols ou des modifications aux heures des vols en cas de force majeure.

[54] La règle 75(C)(3)(a) du tarif de WestJet prévoit que dans le cas d’une perturbation d’horaire indépendante de la volonté du transporteur, ce dernier offrira de transporter le passager sur le même itinéraire pour lequel celui-ci avait un billet initialement, ou sur un itinéraire différent desservi par le transporteur vers la même destination que celle qui est indiquée sur le billet.

[55] L’Office accepte les éléments de preuve déposés par WestJet selon lesquels le retard du vol no WS534 de Winnipeg à Toronto ne lui était pas attribuable, puisqu’il avait été causé par les mauvaises conditions météorologiques qui prévalaient à l’aéroport de Toronto.

[56] L’Office conclut que WestJet a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif relativement à la perturbation d’horaire indépendante de sa volonté lorsqu’elle a réacheminé les demandeurs sur un itinéraire différent vers la même destination que celle qui est indiquée sur le billet, conformément à la règle 75(C)(3)(a) de son tarif.

[57] De plus, la règle 55(A) du tarif de WestJet incorpore par renvoi les règles de responsabilité qui sont prévues dans la Convention de Montréal. L’article 19 de la Convention de Montréal prévoit que le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard à moins qu’il ne prouve que lui ou ses mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

[58] Dans le cas présent, dès que WestJet a réalisé qu’en raison du retard du vol, les demandeurs ne disposeraient pas du temps de correspondance minimum établi par l’aéroport de Toronto, elle a conclu que ces derniers allaient manquer leur vol de correspondance à destination de Dubaï. Elle les a donc réacheminés, pour les segments de vol restants de leur itinéraire, sur un vol dont le départ était prévu sept heures plus tard. L’Office conclut qu’il est raisonnable que WestJet se fie à l’évaluation de l’aéroport de Toronto concernant le temps de correspondance minimum requis par les passagers pour arriver à temps pour prendre leur vol de correspondance. L’Office conclut également que l’option de réacheminement fournie par WestJet était raisonnable.

[59] L’Office reconnaît que WestJet avait l’intention d’offrir un bon service aux demandeurs en les réacheminant de façon proactive. Il est regrettable que les demandeurs n’aient pas vérifié auprès d’un représentant de WestJet à la porte d’arrivée avant de se rendre à la porte d’embarquement d’Emirates. En plus du retard de leur vol, les demandeurs ont vécu une expérience franchement désagréable à la porte d’embarquement du vol no EK242.

[60] L’Office note l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils ont subi de lourdes pertes financières en raison de leur arrivée tardive à destination. Toutefois, ces derniers n’ont fourni aucune preuve à l’appui de cette affirmation, comme une description des dépenses supplémentaires qu’ils ont supportées. L’Office conclut qu’ils n’ont pas démontré qu’ils avaient subi des dommages en raison du retard.

[61] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’en réacheminant les demandeurs, WestJet a correctement appliqué les conditions énoncées à la règle 75 de son tarif en ce qui a trait aux perturbations d’horaire. L’Office conclut également que WestJet a pris des mesures raisonnables pour éviter que les demandeurs ne subissent des dommages en les réacheminant sur un vol dont le départ était prévu sept heures plus tard.

COMMUNICATION DES RENSEIGNEMENTS

[62] Le paragraphe 13(4) du RPPA, qui était en vigueur au moment de l’incident, exige que le transporteur fournisse aux passagers visés par une annulation, un retard ou un refus d’embarquement des renseignements sur l’incident au moyen d’annonces faites sur support audio. D’autres paragraphes précisent le type de renseignements qui doivent au moins être communiqués aux passagers et exigent que le transporteur fournisse des mises à jour régulières sur la situation et communique aux passagers tout nouveau renseignement dès que possible.

[63] La règle 75(B)(4) du tarif de WestJet prévoit que le transporteur fera tous les efforts raisonnables pour informer les passagers de tout retard et de toute modification apportée à l’heure des vols et, dans la mesure du possible, de la raison du retard ou de la modification d’horaire.

[64] Les demandeurs affirment que WestJet ne les a pas informés de l’annulation de leurs billets. Toutefois, l’Office accepte la présentation de WestJet selon laquelle des annonces ont été faites durant le vol pour informer les passagers de vérifier auprès d’un de ses représentants à l’arrivée si leurs vols de correspondance étaient touchés par le retard.

[65] L’Office conclut que les annonces faites par WestJet durant le vol ont satisfait aux exigences du paragraphe 13(4) du RPPA et de la règle 75(B)(4) de son tarif à l’égard de la communication.

BON DE REPAS

[66] Les demandeurs affirment que WestJet ne leur a pas remis de bon de repas. Cependant, la règle 75(D) du tarif de WestJet prévoit qu’elle est tenue de fournir des bons de repas uniquement lorsque la perturbation d’horaire lui est attribuable. Puisque l’arrivée du vol des demandeurs à Toronto a été retardée en raison des mauvaises conditions météorologiques, lesquelles étaient indépendantes de la volonté de WestJet, l’Office conclut que les demandeurs n’avaient pas droit à des bons de repas.

[67] Par conséquent, l’Office conclut que WestJet a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif lorsqu’elle n’a pas fourni de bons de repas aux demandeurs.

4. EMIRATES A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS SON TARIF, COMME L’EXIGE LE PARAGRAPHE 110(4) DU RTA?

Positions des parties

LES DEMANDEURS

[68] Les demandeurs affirment qu’ils sont arrivés au comptoir d’Emirates 20 minutes avant l’heure de départ prévue du vol no EK242.

[69] Ils affirment qu’ils ont été retenus au comptoir d’Emirates pendant 10 minutes le temps que leurs documents de voyage soient vérifiés et qu’on leur a ensuite indiqué de se rendre à la porte d’embarquement, où un représentant d’Emirates ne leur a pas permis de monter à bord du vol, parce que WestJet avait annulé leurs billets.

[70] Les demandeurs soutiennent que puisque deux passagers ont pu acheter des billets de dernière minute et monter à bord du vol, le vol n’était pas complet.

EMIRATES

[71] Emirates affirme que les demandeurs sont arrivés à la porte d’embarquement du vol no EK242 à environ 13 h 45, soit 10 minutes avant l’heure de départ prévue de 13 h 55.

[72] Emirates soutient que les demandeurs ne pouvaient pas monter à bord du vol, puisqu’ils ne détenaient pas de billets valides pour le vol no EK242. Elle ajoute qu’elle a demandé à WestJet d’émettre de nouveau les billets des demandeurs. Toutefois, WestJet n’a pas été en mesure de le faire, car le vol d’Emirates était déjà complet. Emirates fait valoir qu’elle n’a pas refusé l’embarquement aux demandeurs puisque ceux-ci ne détenaient pas de billets valides pour le vol et que, par conséquent, ils n’ont droit à aucune indemnisation. Emirates indique que les demandeurs sont arrivés à Kolkata à bord du vol no EK570 d’Emirates le 8 décembre 2019 vers 7 h 40, soit 12 heures et 50 minutes plus tard que l’heure prévue initialement.

Analyse et déterminations

REFUS D’EMBARQUEMENT PRÉSUMÉ

[73] La règle 87 du tarif d’Emirates prévoit qu’un passager se voit refuser l’embarquement lorsque le transporteur est incapable d’offrir la place qui avait été confirmée auparavant parce qu’il y a plus de passagers détenant des réservations confirmées et des billets pour un vol que de sièges disponibles. Cette règle concorde avec la définition de refus d’embarquement figurant dans le RPPA, lequel était en vigueur au moment de l’incident faisant l’objet du cas présent. L’Office conclut qu’Emirates a démontré que les demandeurs ne se sont pas vu refuser l’embarquement, car ces derniers ne détenaient pas de réservation confirmée pour le vol.

REFUS DE TRANSPORT

[74] La règle 65(A) du tarif d’Emirates prévoit qu’aucune personne n’a droit au transport tant qu’elle n’a pas présenté un billet valide, et que le billet autorise le transport du passager du point d’origine jusqu’au point de destination selon l’itinéraire indiqué sur le billet.

[75] Comme il a été indiqué précédemment, les demandeurs ne sont pas responsables du fait qu’ils ne détenaient pas de billets valides pour le vol no EK242. En raison de leur arrivée tardive à Toronto, WestJet les a réacheminés de façon proactive. Bien que l’Office reconnaisse que le refus d’Emirates de transporter les demandeurs a été une expérience désagréable, il doit conclure que les demandeurs n’avaient pas droit au transport à bord de ce vol, puisqu’ils ne détenaient pas de réservation confirmée.

[76] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’Emirates a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif lorsqu’elle n’a pas transporté les demandeurs à bord du vol no EK242.

CONCLUSION

[77] L’Office conclut que :

  1. les demandeurs sont des personnes handicapées;
  2. les demandeurs n’ont pas rencontré un obstacle à leurs possibilités de déplacement;
  3. WestJet a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, y compris les exigences applicables du RPPA;
  4. Emirates a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.

[78] Par conséquent, l’Office rejette la demande.


ANNEXE À LA DÉCISION No 6-AT-C-A-2022

Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal

Article 19 – Retard

Le transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n'est pas responsable du dommage causé par un retard s'il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage, ou qu'il leur était impossible de les prendre.

International/Transborder Passenger Fares and Rules Tariff No. WS-1 Containing Local and Joint Rules, Fares and Charges on Behalf of WestJet Airlines, Ltd Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in the United States/Canada and Points in Area 1/2/3 and Between Points in the US and Points in Canada, NTA(A) No. 518

Remarque : Le tarif de WestJet a été déposé en anglais seulement.

RULE 55 – LIMITATION OF LIABILITY – PASSENGERS

(A) For travel governed by the Montreal Convention

(1) For the purpose of international carriage governed by the Montreal Convention, the liability rules set out in the Montreal Convention are fully incorporated herein and shall supersede and prevail over any provisions of this tariff which may be inconsistent with those rules.

….

Rule 75 – SCHEDULE IRREGULARITIES

….

(B) General

(1) The carrier will make all reasonable efforts to transport the passenger and his/her baggage at the times indicated in its timetable.

(2) Times shown in timetables or elsewhere are approximate and not guaranteed and form no part of the contract of carriage. The carrier will not be responsible for errors or omissions either in timetables or other representation of schedules. No employee, agent or representative of the carrier is authorized to bind the carrier by any statement or representation regarding the dates or times of departure or arrival, or of the operation of any flight.

(3) The carrier will not guarantee and will not be held liable for cancellations or changes to flight times that appear on passengers’ tickets due to force majeure. However, in the case of international transportation, a passenger may invoke the provisions of the convention regarding liability in the case of passenger delay. (See Rule 55).

(4) The carrier will make all reasonable efforts to inform passengers of delays and schedule changes and, to the extent possible, the reason for the delay or change.

….

(C) Passenger options – re-routing or refund

….

(3) In the event of a schedule irregularity, not within the carrier’s control (e.g. force majeure), the carrier will provide the following:

(a) The carrier will offer the passenger the choice to travel on another of its scheduled flights on the same route as the passenger was originally ticketed or to travel on a different routing operated by the carrier to the same ticketed destination.

(b) If these options are not available, the carrier will offer to transport the passenger on the same route as he/she was originally ticketed or on a different route operated by the services of another carrier with whom the original air carrier has a commercial agreement and provided space is available.

….

(D) Right to care

Except as otherwise provided in other applicable foreign legislation, in addition to the provisions of this rule, in case of scheduled irregularity within the carrier’s control a passenger will be offered the following:

(1) For a schedule irregularity lasting longer than 3 hours, the carrier will provide the passenger with a meal voucher.

(2) For a schedule irregularity lasting more than 8 hours or overnight, the carrier will provide overnight hotel accommodation and airport transfers for the passenger. The carrier is not obligated to provide overnight accommodation for passengers at the first airport of departure on the ticket.

(3) If passengers are already on the aircraft when a delay occurs, the carrier will offer drinks and snacks if it is safe, practical and timely to do so. If the delay exceeds ninety (90) minutes and circumstances permit, the carrier will offer the passenger the option of disembarking from the aircraft until it is time to depart.

International Passenger Rules and Fares Tariff No. EK-1 Containing Local and Joint Rules, Fares and Charges on Behalf of Emirates Airlines Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in the Canada/United States and Points in Areas 1/2/3, NTA(A) No. 503

Remarque : Le tarif d’Emirates a été déposé en anglais seulement.

RULE 65 – TICKETS

(A) No person (except members of the crew) shall be entitled to transportation except upon presentation of a valid ticket. Such ticket shall entitle the passenger to transportation only between points of origin and destination and via the routing designated thereon.

….

RULE 87 – DENIED BOARDING COMPENSATION (DBC)

When EK is unable to provide previously confirmed space due to more passengers holding confirmed reservations and tickets on a flight than there are available seats on that flight, EK will take the actions specified herein.

(A) Definitions:

For the purpose of this rule, the following definitions apply:

(1) Airport – the airport at which the direct or connecting flight on which the passenger holds confirmed reserved space is scheduled to arrive or some other airport serving the same metropolitan area that is served by EK, provided that transportation to the other airport is acceptable to the passenger.

(2) Alternate transportation – air transportation or other transportation used by the passenger which, at the time the arrangement is made, is planned to arrive at the passenger’s next scheduled stopover (of four hours or longer) or destination no later than four hours after the passenger’s originally scheduled arrival time.

(3) Carrier – an air carrier, except a helicopter operator, holding a commercial air service license authorizing the transportation of persons.

(4) Confirmed reserved space – that which applies to a specific EK flight, date and fare type as requested by a passenger and that is verified in EK’s reservation system and is so noted on his ticket.

(5) Comparable air transportation – transportation provided by air carriers to passengers at no extra cost.

(6) Oversold – the condition that is the result of there being more passengers with reservations and tickets than there are available seats on a flight.

(7) Stopover – a deliberate interruption of journey requested by the passenger that is scheduled to exceed four hours at a place between the points of origin and destination.

(8) Sum of the values of the remaining flight coupons – the sum of the applicable one way fares or 50% of the applicable round trip fares, as the case may be, including any surcharges and air transportation taxes, less any applicable discounts.

(9) Ticket lift point/boarding area – the point where the passenger’s flight coupon is lifted and retained by EK.

(B) Request for volunteers

(1) EK will request volunteers from among the confirmed passengers to relinquish their seats in exchange for compensation as defined in (E)(2) below.

(2) Once a passenger has voluntarily relinquished his/her seat, he/she will not later be involuntarily denied boarding unless he was advised at the time he/she volunteered of such possibility and the amount of compensation to which he/she would be entitled.

(3) The request for volunteers and the selection of passengers to be denied boarding shall be in a manner solely determined by EK.

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Heather Smith
Inge Green
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