Décision n° 631-AT-A-2002
Suivi - décision no 537-AT-A-2004
le 22 novembre 2002
Référence no U3570/01-33
DEMANDE
Le 16 mars 2001, Linda Ann Sharp a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé. Cette demande comprenait une lettre datée du 18 décembre 2000 de Mme Sharp à Air Canada, une réponse datée du 22 février 2001 d'Air Canada (Solutions clientèle) et une réplique datée du 16 mars 2001 de Mme Sharp dans laquelle elle a affirmé que l'explication reçue ne lui suffisait pas. Par l'envoi d'une copie de cette réplique à l'Office, Mme Sharp demandait officiellement à celui-ci d'examiner le dossier.
Le 1er juin 2001, Air Canada a déposé sa réponse à la demande et, le 3 juillet 2001, Mme Sharp y a répliqué.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
Même si la réponse d'Air Canada et la réplique de Mme Sharp ont été reçues après les délais prescrits, l'Office, en vertu de l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, accepte ces présentations les jugeant pertinentes et nécessaires à son examen de cette affaire.
Puisqu'Air New Zealand Limited (ci-après Air New Zealand) et qu'Air Ontario Inc. exploitaient certains des vols pris par Mme Sharp, ces transporteurs ont également reçu une copie de la demande aux fins de commentaires. Le 18 mai 2001, Air New Zealand a avisé l'Office que, selon Mme Sharp elle-même, aucune faute ne peut être imputée à Air New Zealand. De plus, Air New Zealand a déclaré que, puisqu'Air Canada s'est occupée de cette affaire jusqu'à maintenant, elle croit qu'Air Canada est en position de fournir l'information requise par l'Office.
De même, le 20 juin 2001, Air Canada Régional Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Nova, d'Air Alliance, d'Air Ontario, d'AirBC et de Canadien Régional a indiqué que le seul renvoi dans la demande concernant le transfert de Mme Sharp à un vol d'Air Ontario Inc., qui a été effectué par le personnel d'Air Canada, était compris dans l'analyse du dossier faite par Air Canada. Elle fait donc valoir que le dossier a été traité en entier par Air Canada.
L'Office note qu'Air Canada était le transporteur principal pour toutes les portions du voyage de Mme Sharp et que tous les vols ont été exploités sous le code d'Air Canada. En conséquence, l'Office procédera seulement avec la demande contre Air Canada.
QUESTION
L'Office doit déterminer si les difficultés éprouvées par Mme Sharp en ce qui concerne l'aide fournie aux aérogares et l'assignation des sièges à différentes étapes de son voyage aller-retour entre Windsor (Ontario), au Canada, et Auckland, en Nouvelle-Zélande, ont constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, les mesures correctives devant être prises.
FAITS
Mme Sharp a un genou droit artificiel et porte une attelle sur sa jambe gauche. Elle a donc demandé qu'on lui fournisse de l'aide aux grands aéroports et des sièges ayant plus d'espace pour les jambes.
Mme Sharp a réservé un voyage aller-retour entre Windsor (Ontario), au Canada, et Auckland, en Nouvelle-Zélande, via Toronto (Ontario) et Vancouver (Colombie-Britannique), au Canada, et Honolulu, Hawaï, aux États-Unis d’Amérique, par l’entremise du service des voyages de Sears à Windsor. Elle est partie le 2 novembre 2000 et est revenue le 27 novembre 2000.
Selon les réservations initiales de Mme Sharp, celle-ci devait voyager avec Lignes aériennes Canadien International ltée exerçant son activité sous le nom commercial de Lignes aériennes Canadien International, Lignes aériennes Canadi*n ou Canadi*n (ci-après Canadi*n). Cependant, avec la fusion d’Air Canada et Canadi*n, et l’intégration ultérieure des systèmes de réservation d’Air Canada et de Canadi*n le 22 octobre 2000, les vols de Mme Sharp ont été transférés à des vols d’Air Canada. Les portions Windsor-Toronto étaient exploitées par Air Ontario Inc., les portions Toronto-Vancouver-Honolulu étaient exploitées par Air Canada et les portions Honolulu-Auckland étaient exploitées par Air New Zealand, aux termes d’un accord de partage de code conclu avec Air Canada. Mme Sharp a dit n’avoir eu aucun problème sur les vols entre Windsor et Toronto.
Avant de voyager, Mme Sharp a avisé son agent de voyage, ainsi que Canadi*n et ensuite Air Canada, de sa déficience et de ses besoins qui en découle pour obtenir de l’aide dans les aérogares et un siège avec plus d’espace pour les jambes. Air Canada a un système informatique qui génère un dossier passager qui contient de l’information à propos des passagers, y compris les passagers ayant des besoins spéciaux. Le dossier passager de Mme Sharp comprenait le code « WCHS », qui est défini dans le Passenger Services Conference Resolutions Manual de l’Association du transport aérien international comme un passager qui ne peut monter/descendre les escaliers, mais peut se rendre au siège ou le quitter par ses propres moyens; nécessite de l’aide en fauteuil roulant pour se rendre à l’aéronef ou à la salle d’embarquement mobile et les quitter et doit être transporté pour monter et descendre des escaliers. Le dossier passager de Mme Sharp contenait aussi la note « [traduction] Veuillez aider, le passager a une jambe artificielle ».
Le 3 novembre 2000, Mme Sharp n’a pas reçu d’aide à l’aéroport de Toronto. Elle n’a cependant eu aucun problème avant son embarquement sur le vol no 147 d’Air Canada à destination de Vancouver.
Mme Sharp a reçu de l'aide à l'aéroport de Vancouver afin de se rendre à la porte d'embarquement pour le vol no 3133 d'Air Canada pour Honolulu, mais elle a éprouvé des problèmes à l'embarquement malgré le fait que le code « WCHS » était inscrit dans la section Remarques de sa carte d'embarquement.
Le personnel de l'aéroport d'Honolulu n'a pas été avisé de la demande d'aide avec fauteuil roulant de Mme Sharp. En conséquence, aucune aide n'était disponible dans cet aéroport pour la transférer au vol no 9502 d'Air Canada (exploité par Air New Zealand) vers Auckland.
Entre le mercredi 22 novembre et le dimanche 26 novembre 2000, Mme Sharp a essayé de confirmer ses vols de retour et sa demande d'aide avec Air New Zealand et Air Canada. Air New Zealand, le transporteur exploitant le vol en partage de code entre Auckland et Honolulu, était incapable de confirmer ses réservations au téléphone. Les bureaux d'Air Canada, le transporteur principal de ce vol, ne sont pas ouverts les fins de semaine. Un siège en classe affaire a été réservé par erreur pour Mme Sharp, mais sa réservation en classe économique a été ultérieurement rétablie.
Le 27 novembre 2000, Mme Sharp est allée s'enregistrer à l'aéroport d'Auckland pour le vol no 9503 d'Air Canada à destination d'Honolulu. Il n'y avait aucune note dans son dossier informatisé qui indiquait qu'elle nécessitait un siège avec plus d'espace pour les jambes ou qu'elle avait besoin d'aide dans les aérogares.
Aucune aide n'a été fournie à l'aéroport d'Honolulu, et le vol no 3134 d'Air Canada à destination de Vancouver a été retardé de deux heures.
On a fourni de l'aide à Mme Sharp à l'aéroport de Vancouver, mais elle a raté son vol vers Toronto parce que le vol vers Vancouver avait été retardé. On a ensuite réservé un siège pour Mme Sharp sur le vol no 3988 d'Air Canada. Comme les sièges accessibles sont octroyés 48 heures avant le départ du vol, on a invité Mme Sharp à répéter ses exigences pour le siège au moment de l'embarquement puisque les agents d'embarquement ont la responsabilité d'effectuer les changements de dernière minute pour l'assignation des sièges. Mme Sharp a obtenu un siège près cloison.
À l'aéroport de Toronto, Mme Sharp a été conduite à l'aérogare un dans une voiturette électrique, mais n'a pas été amenée à la porte d'embarquement pour son vol de retour à Windsor dans cette même voiturette. La procédure normale d'Air Canada est d'inviter les clients nécessitant de l'aide au débarquement à rester à bord de l'aéronef jusqu'à ce que tous les autres passagers aient quitté et, ensuite, de les amener à son comptoir des Services spéciaux où de l'aide avec fauteuil roulant leur sera offerte pour aller prendre leur vol de correspondance.
Mme Sharp demande un remboursement complet de son billet aller-retour. Elle demande aussi une indemnisation de 400 $ pour les chambres d'hôtel et un voyage en bateau pour trois personnes en Nouvelle-Zélande qu'elle a dû annuler afin de retourner à Auckland une journée plus tôt que prévu pour confirmer ses vols de retour. Air Canada a fourni à Mme Sharp un crédit voyage de 200 $.
POSITIONS DES PARTIES
Mme Sharp déclare que, le 3 novembre 2000, elle a dû attendre en ligne pendant deux heures pour s'enregistrer au comptoir d'Air Canada à l'aéroport de Toronto. Elle affirme qu'elle a répété ses besoins en matière d'assistance, mais aucune aide ne lui a été offerte. Elle ajoute que même si on lui avait dit qu'il s'agissait d'une courte distance, ce n'était pas le cas.
Air Canada affirme qu'elle est incapable d'expliquer les circonstances qui auraient fait attendre Mme Sharp en ligne puisque ses registres opérationnels démontrent qu'Air Canada n'a pas éprouvé de retard ou un volume inusité de clients à ce moment-là. Air Canada ajoute qu'elle avait des agents sur place pour diriger les clients aux comptoir appropriés, mais elle ne peut pas déterminer ce qui les a empêché de référer Mme Sharp à son comptoir des Services spéciaux afin que l'on s'occupe d'elle rapidement.
Mme Sharp déclare que, à l'aéroport de Vancouver, elle a dû demander de l'aide pour se rendre à la porte d'embarquement pour son vol vers Honolulu. Elle affirme qu'au moment de procéder au pré-embarquement du vol, elle a été poussée par une employée d'Air Canada qui a dit : « [traduction] laissez passer cette femme, elle a besoin de temps pour embarquer ». Mme Sharp souligne que, lorsque cette employée est revenue, elle lui a demandé trois fois si elle pouvait maintenant embarquer, mais ses demandes ont été ignorées. Mme Sharp déclare qu'elle a seulement pu embarquer après qu'un deuxième employé qui ramassait les cartes d'embarquement lui a demandé s'il y avait un problème et qu'elle lui a dévoilé sa déficience en lui montrant son attelle. Mme Sharp affirme que cela a été une expérience extrêmement humiliante et gênante.
Air Canada mentionne qu'elle a été incapable d'identifier l'agent en question. Cependant, elle affirme que le service reçu par Mme Sharp ne reflète pas les normes d'Air Canada.
Mme Sharp indique qu'aucune aide ne lui a été fournie à l'aéroport d'Honolulu.
Air Canada admet que le personnel de l'aéroport d'Honolulu n'a pas été avisé de la demande d'aide avec fauteuil roulant de Mme Sharp et suggère que cela était dû à l'intégration des systèmes de réservation d'Air Canada et de Canadi*n.
Mme Sharp fait valoir que le personnel au sol d'Air New Zealand à l'aéroport d'Auckland lui a fourni une aide digne d'éloges en l'aidant à transporter ses achats hors taxes et ses bagages et en l'orientant pour passer aux douanes.
Mme Sharp affirme que, le 22 novembre 2000, elle est allée à Air New Zealand à Auckland pour confirmer ses vols de retour et ses demandes de services spéciaux. Elle affirme qu'Air New Zealand n'a pas été en mesure de retrouver son numéro de vol et a suggéré qu'elle communique avec Air Canada. Lorsqu'elle a appelé Air Canada, on l'a avisée qu'Air New Zealand aurait dû pouvoir confirmer ses vols. Mme Sharp soutient qu'elle a avisé Air Canada qu'elle aurait besoin d'aide aux aéroports et d'un siège avec plus d'espace pour les jambes sur le vol entre Auckland et Honolulu. Air Canada devait l'appeler pour lui émettre une confirmation.
Puisqu'elle n'avait reçu aucune confirmation le samedi 25 novembre, Mme Sharp soutient qu'elle a annulé une réservation d'hôtel et un voyage en bateau prépayé dans la partie nord de la Canada affirme que l'expérience regrettable de Mme Sharp est liée à l'intégration des systèmes de réservation d'Air Canada et de Canadi*n. Elle admet que le dossier passager de Mme Sharp fait état du code « WCHS » de demande de services spéciaux qui transmet le message que « [traduction] le client ne peut monter ou descendre les escaliers, mais peut marcher ». Elle ajoute que, comme dans la politique d'Air Canada concernant les services offerts aux clients ayant une déficience, ses agents ont reçu l'ordre d'accepter la détermination d'un client de ses besoins et de ne pas questionner le niveau ou l'urgence d'aide requise par un client une fois que les besoins sont communiqués par le dossier passager ou la carte d'embarquement. Elle exprime donc ses regrets en ce qui concerne le fait que Mme Sharp a dû justifier son besoin d'aide en montrant ses jambes à plusieurs occasions lors de son voyage.
Mme Sharp réplique qu'elle ne considère pas qu'être poussée, qu'avoir à demander de l'aide un peu partout et qu'être humiliée en montrant ses jambes soient des « inconvénients », et que son intention n'était pas de partager ses « impressions », mais de donner un compte rendu des problèmes auxquels elle avait fait face. Elle suggère que les employés du transporteur en poste dans les aérogares et qui sont en contact avec les passagers devraient être formés à nouveau dans le domaine de la sensibilité en général afin de pouvoir reconnaître les besoins des voyageurs ayant une déficience et d'y répondre, plutôt que de tirer des conclusions. Elle se demande aussi quelle aurait été la justification d'Air Canada s'il n'y avait pas eu de fusion.
Mme Sharp maintient qu'elle devrait recevoir un remboursement complet de son billet d'avion. Elle estime qu'elle devrait aussi être indemnisée de 400 $ pour la réservation des deux chambres d'hôtel accessibles et du voyage accessible en bateau pour trois personnes en Nouvelle-Zélande qu'elle a dû annuler lorsqu'elle a décidé de retourner plus tôt à Auckland de son excursion dans la partie nord du pays à cause des problèmes qu'elle éprouvait pour essayer de confirmer ses vols de retour.
Air Canada (Solutions clientèle) a émis un crédit voyage de 200 $ valide pendant une année à partir de la date d'émission pour montrer ses préoccupations.
Mme Sharp indique que, puisque ledit crédit voyage est seulement bon pour un vol plein tarif dans les 12 prochains mois, elle ne prévoit pas avoir l'occasion de l'utiliser.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Dans la présente affaire, Mme Sharp a un genou droit artificiel et porte une attelle sur sa jambe gauche. L'Office estime donc qu'elle est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
L'obstacle était-il abusif ?
À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer dans l'aéronef avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
1. Aide dans les aérogares
Mme Sharp a demandé, à cause de sa déficience, qu'on lui fournisse de l'aide dans les plus grands aéroports lors de son voyage aller-retour entre Windsor et Auckland. Elle a expliqué que sur ses vols de départ et de retour elle n'a pas reçu les services demandés aux aéroports de Toronto, de Vancouver et d'Honolulu.
a) Toronto - vol de départ
Mme Sharp a relaté que, après être restée en ligne pendant deux heures afin de s'enregistrer à l'aéroport de Toronto pour son vol vers Vancouver, elle a répété son besoin d'aide au comptoir. Aucune aide n'a été fournie et elle a dû marcher sur une distance considérable jusqu'à la porte d'embarquement sans aide. L'Office détermine que ce manquement de la part d'Air Canada à fournir à Mme Sharp le service demandé lui a causé un préjudice et représente un obstacle à ses possibilités de déplacement.
Air Canada a affirmé qu'elle avait des agents de première ligne à l'aéroport qui auraient pu orienter Mme Sharp vers son comptoir des Services spéciaux pour de l'aide et qu'elle est incapable d'expliquer pourquoi cela n'a pas été fait dans ce cas. Air Canada a une politique en place pour aider les personnes ayant une déficience à l'aéroport de Toronto. Cependant, cette politique n'a pasquement par les agents d'Air Canada d'appliquer la politique établie du transporteur a constitué un obstacle abusif.
c) Honolulu
Pour les vols de départ et de retour, Mme Sharp n'a pas reçu d'aide à l'aéroport d'Honolulu. L'Office détermine qu'un tel manquement à fournir le service demandé a constitué un obstacle.
Air Canada a admis que le personnel de l'aéroport d'Honolulu n'a pas été avisé de la demande d'aide avec fauteuil roulant de Mme Sharp et a affirmé que la transmission électronique de la demande n'a pas réussi à cause de l'intégration des systèmes de réservation d'Air Canada et de Canadi*n. Dans des circonstances normales, l'Office aurait déterminé que le fait de ne pas fournir l'aide demandée à l'aéroport d'Honolulu constituait un obstacle abusif. Cependant, en l'espèce, il accepte l'intégration des deux systèmes de réservation comme un argument valide justifiant la perte d'information. La fusion était une circonstance unique et représente une limite raisonnable de la capacité du transporteur de répondre aux besoins des passagers ayant une déficience. L'Office détermine donc que, dans la présente affaire, l'obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Sharp n'était pas abusif.
d) Vancouver - vol de retour
Le vol de retour de Mme Sharp d'Honolulu à Vancouver a été retardé de deux heures. À l'aéroport de Vancouver, elle a dû demander de l'aide avant qu'on lui prête assistance jusqu'à l'aire de récupération des bagages et pour passer les douanes. Même si l'Office considère que le fait que Mme Sharp ait dû demander de l'aide était un obstacle, il ne l'estime pas comme abusif en l'espèce puisque la non fourniture de ce service, bien qu'il ait été demandé à l'avance, peut être attribuée à de l'information perdue causée par l'intégration des systèmes de réservation d'Air Canada et de Canadi*n.
e) Toronto - vol de retour
Après l'arrivée de son vol à Toronto, Mme Sharp a encore dû demander de l'aide afin de se rendre à l'aérogare un pour aller prendre son vol de correspondance vers Windsor. Même si une aide a été fournie, celle-ci a été assurée au moyen d'une voiturette électrique plutôt que d'un fauteuil roulant. De plus, elle n'a pas été conduite jusqu'à la porte d'embarquement et, en conséquence, elle a dû utiliser l'escalier roulant, marcher et monter des escaliers. L'Office estime que le niveau d'aide fourni n'était pas adéquat, qu'il a entraîné des inconvénients considérables et qu'il a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Sharp.
Air Canada a affirmé que sa procédure normale consiste à inviter les clients nécessitant de l'aide pour débarquer de l'aéronef à rester dans l'aéronef jusqu'à ce que les autres clients aient quitté. Cela lui permet d'identifier les passagers, y compris ceux ayant une déficience non apparente, qui souhaitent recevoir de l'aide. Ces passagers sont ensuite amenés à son comptoir des Services spéciaux. Dans le cas de Mme Sharp, l'aide avec fauteuil roulant jusqu'à son vol aurait été organisée à ce comptoir. Cependant, ces procédures n'ont pas été suivies. L'Office est d'avis que le personnel d'Air Canada aurait dû suivre les procédures et il détermine donc que cet obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Sharp était abusif.
2. Assignation des sièges
Mme Sharp a demandé, à cause de sa déficience, qu'on lui assigne un siège près cloison sur tous les vols de son voyage aller-retour entre Windsor et Auckland. Elle a rapporté qu'elle a eu de la difficulté à obtenir ce genre de siège sur deux des huit vols, soit sur le vol entre Auckland et Honolulu et sur le vol entre Vancouver et Toronto.
a) Auckland à Honolulu
À Auckland, l'ordinateur ne faisait état d'aucune demande spéciale pour un siège près cloison et l'agent d'enregistrement a demandé à Mme Sharp de justifier son besoin pour un tel siège. Cela a obligé Mme Sharp à montrer l'attelle sur sa jambe. Même si on a éventuellement assigné un siège près cloison à Mme Sharp, l'Office estime que la non disponibilité de sa demande pour un siège en particulier et le fait qu'on lui ait demandé de justifier son besoin pour un tel siège, bien que sa déficience n'était pas apparente, ont constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
Air Canada a expliqué que les assignations de sièges initiales de Mme Sharp ont été perdues à la suite de l'intégration des systèmes de réservation d'Air Canada et de Canadi*n. Il n'y a eu aucun problème avec les sièges sur les vols d'Air Canada parce que ceux-ci ont été automatiquement assignés de nouveau. Cependant, cette assignation automatique n'a pas eu lieu pour les vols exploités par Air New Zealand. Comme il a été mentionné plus haut, l'Office accepte l'intégration des deux systèmes de réservation comme un argument valide justifiant la perte d'information et, ainsi, il détermine que, dans la présente affaire, l'obstacle n'était pas abusif.
b) Vancouver à Toronto
Mme Sharp a également dû demander un siège près cloison sur le vol entre Vancouver et Toronto. Cependant, cette fois, on n'a pu lui attribuer le siège qui lui avait été assigné à l'avance car on a dû lui réserver une place sur un vol différent en raison de l'exploitation irrégulière du vol d'Honolulu à Vancouver. Toutefois, à la porte d'embarquement de son vol, les procédures du transporteur pour apporter des changements de sièges de dernière minute ont été suivies, et Mme Sharp a pu obtenir l'assignation d'un siège près cloison, comme elle l'avait demandée. L'Office détermine donc que cet incident n'a pas constitué un obstacle aux possibilités de déplacements de Mme Sharp.
3. Confirmation des vols de retour
En Nouvelle-Zélande, Mme Sharp a essayé, en vain, de confirmer ses vols de retour à plusieurs occasions entre le 22 et le 26 novembre. L'Office peut comprendre comment cela pourrait être une expérience frustrante, mais il estime que les difficultés éprouvées par Mme Sharp ne sont pas liées au fait qu'elle est une personne ayant une déficience. Il s'agit plutôt d'un problème normal de service à la clientèle qui peut arriver à n'importe quel voyageur. Par conséquent, l'Office ne peut pas se prononcer sur cette question en vertu des dispositions d'accessibilité de la LTC et il ne peut donc pas déterminer que ces difficultés découlaient d'un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience.
Indemnisation
Mme Sharp a demandé un remboursement de son billet d'avion, ainsi qu'une indemnisation pour les chambres d'hôtel et le voyage en bateau qu'elle a annulés pour retourner plus tôt à Auckland afin de confirmer ses vols de retour.
Conformément au paragraphe 172(3) de la LTC, l'Office peut, après avoir déterminé qu'il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, exiger le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par cette personne en raison de l'obstacle en cause.
Le coût du billet de Mme Sharp ne peut être considéré une dépense découlant d'un obstacle abusif. De plus, comme l'Office ne peut déterminer que les difficultés éprouvées par Mme Sharp pour confirmer ses vols de retour ont constitué un obstacle abusif, il ne peut ordonner qu'une indemnisation soit payée pour l'annulation des chambres d'hôtel et du voyage en bateau. En conséquence, l'Office n'envisage pas de prendre des mesures en ce qui concerne la demande d'indemnisation.
Mesures prises par Air Canada
Air Canada a terminé l'intégration de Canadi*n dans son système. Elle a effectué des essais et reçu la confirmation que le processus pour transmettre les demandes de services spéciaux à ses partenaires à code partagé est maintenant fonctionnel. Air Canada a aussi décidé de porter les commentaires de Mme Sharp à l'attention des gestionnaires responsables.
CONCLUSION
L'Office conclut que le niveau d'aide fourni par Air Canada aux aéroports de Toronto et de Vancouver le 3 novembre 2000, ainsi qu'à l'aéroport de Toronto le 27 novembre 2000, ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de Mme Sharp.
Selon ces constatations, l'Office ordonne par les présentes à Air Canada d'envoyer une note de service à ses agents d'enregistrement et à ses agents d'embarquement aux aéroports de Toronto et de Vancouver. Cette note au personnel leur rappellera la politique du transporteur qui consiste à envoyer les passagers ayant une déficience à son comptoir des Services spéciaux, à accepter la détermination des besoins par les passagers ayant une déficience et à ne pas poser de questions sur l'aide requise. La note devrait aussi souligner l'exigence pour les membres du personnel d'être sensibles lorsqu'ils communiquent avec des clients ayant une déficience. Air Canada devra envoyer cette note de service à ses employés dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision et en fournir une copie à l'Office.
De plus, l'Office ordonne par les présentes à Air Canada de lui fournir, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision, la preuve qu'elle a bel et bien porté les commentaires de Mme Sharp à l'attention des gestionnaires responsables.
Après avoir examiné les renseignements requis, l'Office déterminera si d'autres mesures sont nécessaires relativement à cette affaire.
- Date de modification :