Décision n° 637-A-1991

le 31 décembre 1991

le 31 décembre 1991

RELATIF aux arrêtés nos 1991-A-340 et 1991-A-341 de l'Office national des transports enjoignant à Air Canada et aux Lignes aériennes Canadien International ltée exerçant son activité sous le nom de Lignes aériennes Canadien International ou Canadi*n, de justifier qu'ils ne devraient pas être tenus de fournir les renseignements sur la sécurité sur audiocassette.

Référence no D 2315-5


CONTEXTE

Le 25 juin 1991, l'Office national des transports (ci-après l'Office) statuait sur la demande de l'Institut canadien national des aveugles (ci-après l'ICNA) voulant qu'une enquête soit menée sur les disparités du service offert aux personnes ayant une déficience visuelle dans le domaine de la sécurité des passagers.

Dans la décision no 209-A-1991 et les arrêtés nos 1991-A-340 et 1991-A-341, l'Office ordonnait à Air Canada et aux Lignes aériennes Canadien International ltée exerçant son activité sous le nom de Lignes aériennes Canadien International ou Canadi*n (ci-après Canadi*n)1 de fournir, à compter du 1er août 1992, un nombre raisonnable de fiches de mesures de sécurité imprimées en braille et en gros caractères à bord de chaque aéronef, en plus du service d'information personnalisé offert aux passagers ayant une déficience visuelle.

L'Office avait demandé aux transporteurs de faire connaître leurs vues sur la possibilité de transmettre les renseignements sur la sécurité au moyen de trois supports différents, soit l'audiocassette, le braille et les gros caractères, mais aucun d'eux ne l'a fait au cours des plaidoiries. L'Office a donc enjoint aux transporteurs de justifier, dans les trente (30) jours suivant la date des arrêtés, qu'il ne conviendrait pas de fournir les renseignements sur la sécurité sur audiocassette à compter du 1er août 1992.

Les observations reçues des transporteurs ont été communiquées à l'ICNA et Transports Canada afin qu'ils puissent y répliquer.

POSITION DES TRANSPORTEURS

Selon les transporteurs, la transmission par audiocassette des renseignements sur la sécurité pourrait se faire de deux façons, soit au moyen du système audio de bord ou de magnétophones individuels.

Air Canada et Canadi*n ont invoqué des arguments similaires contre l'emploi de l'audiocassette.

* Le signe de la société apparaît entre les lettres "i" et "n" du nom commercial.

Elles soutiennent qu'un faible pourcentage des aéronefs servant aux vols intérieurs sont équipés de systèmes audio fixes. C'est le cas, par exemple, des DC 9 d'Air Canada, qui représentent 35 p. 100 de la flotte d'aéronefs du transporteur et servent principalement à l'exploitation des services intérieurs. Canadi*n utilise pour sa part des 737 pour ses vols intérieurs, et seulement 22 des 53 appareils sont équipés d'un système audio. Aussi font-elles valoir que les personnes ayant une déficience visuelle voyageant au Canada ne pourraient pas toujours être desservies par un système de bord.

Les transporteurs avancent que le système audio à bord des aéronefs doit profiter à l'ensemble des passagers. Si la communication des renseignements sur la sécurité devait se faire au moyen du système de bord, tous les passagers, y compris les personnes ayant une déficience visuelle, seraient forcément privées d'une des voies de transmission dont le nombre est déjà restreint. Or, soutiennent-ils, les personnes aveugles et les personnes ayant une déficience visuelle ont autant besoin de divertissement que les autres passagers pendant un long vol.

Par ailleurs, le système de bord n'offrirait pas l'option de réécoute ou de recherche. Tandis que les autres passagers pourraient lire et relire à leur guise la fiche des mesures de sécurité, la personne ayant une déficience visuelle aurait à écouter la bande sonore au complet pour arriver à la partie qui l'intéresse.

Les transporteurs soutiennent également que l'établissement et la tenue des programmes audio coûtent cher. Air Canada estime que la production d'un programme de quatre minutes coûterait près de 20 000 $. Il lui faudrait effectuer cette même dépense lorsqu'une nouvelle programmation s'imposerait, sans compter les autres programmes propres à l'aéronef.

Pour ce qui est des magnétophones, les transporteurs craignent qu'ils ne présentent des dangers. En effet, ces appareils ne seraient pas fixés et, en plus, les passagers pourraient porter les écouteurs pendant le décollage et l'atterrissage, risquant ainsi de ne pas entendre les instructions de l'équipage en cas d'urgence. Ils n'entendraient pas non plus les renseignements sur la sécurité que le personnel de bord doit communiquer pendant le vol, par exemple à l'approche de turbulences. En outre, les fils des écouteurs pourraient obstruer la voie d'évacuation.

Air Canada accorde la première importance à la sécurité, mais elle estime que les coûts que représenterait l'acquisition d'une centaine de magnétophones sont également importants, soit environ 25 000 $, sans compter les frais de remplacement.

En conclusion, les transporteurs soutiennent qu'il ne serait ni pratique ni économique d'utiliser les systèmes de bord ou des magnétophones. Ils mettent la sécurité des passagers au premier plan et avancent que l'Office devrait consulter la direction de la Sécurité des passagers de Transports Canada avant de les obliger, par arrêté, à fournir les renseignements sur la sécurité sur audiocassette.

POSITION DE L'ICNA

L'ICNA a reçu copie des observations des transporteurs. Dans une lettre adressée à l'Office, l'ICNA dit ne pas avoir la compétence technique pour se prononcer sur les arguments des transporteurs concernant l'utilisation d'une voie de transmission du système audio. Il se dit cependant d'accord avec les transporteurs aériens qu'il serait difficile, pour des raisons de logistique, d'opter pour les magnétophones.

L'ICNA préfère cependant rester ouvert à la transmission audio des renseignements sur la sécurité, la technologie aéronautique étant en pleine évolution.

POSITION DE TRANSPORTS CANADA

Transports Canada se rallie à l'avis des transporteurs en ce qui touche la sécurité. Il n'accepterait pas qu'un transporteur aérien mette des écouteurs à la disposition des passagers pendant le roulement, le décollage et l'atterrissage, car pareille pratique réduirait dans une mesure inacceptable la sécurité des passagers. Ceux-ci ne devraient pas non plus pouvoir se servir de magnétophones pendant ces étapes du vol, sinon ils risquent de manquer les annonces d'urgence. Outre ces faits, il faudrait savoir si les dispositifs électroniques portatifs non émetteurs entreraient en conflit avec l'équipement de navigation. Pour ces motifs, Transports Canada se dit grandement préoccupé par la sécurité dans cette affaire.

En outre, Transports Canada constate qu'il serait presque impossible de concevoir une bande universelle étant donné la diversité des modèles d'aéronefs.

La transmission des renseignements sur la sécurité revêt une importance assez grande pour que Transports Canada l'ait rendue obligatoire dans un projet de règlement. Le Ministère estime cependant que l'audiocassette n'est pas un moyen viable de transmettre cette information. Par conséquent, soutient-il, la pratique actuellement adoptée par Air Canada et Canadi*n de fournir les renseignements de sécurité de vive voix et des fiches de mesures de sécurité imprimées en braille et en gros caractères constitue un moyen efficace d'assurer que les passagers ayant une déficience visuelle reçoivent les renseignements nécessaires sur la sécurité. Cette information peut également être consultée tout au long du vol.

ANALYSE

L'Office a étudié les observations reçues des diverses parties, notamment les arguments des transporteurs concernant les deux façons de fournir les renseignements sur la sécurité sur audiocassette, c'est-à-dire au moyen d'un système de bord fixe ou de magnétophones. L'Office prend note des commentaires des transporteurs à l'effet qu'il serait très difficile en ce moment de fournir cette information de façon exacte et systématique pour des raisons de logistique, de sécurité et de coût.

Transports Canada est aussi d'accord avec les préoccupations des transporteurs sur le plan de la sécurité, notamment en ce qui concerne les fils des magnétophones portatifs, l'utilisation de pièces non fixées pendant le décollage et l'atterrissage, et l'emploi d'un système audio à un moment où l'équipage pourrait devoir communiquer un message d'urgence.

Selon les transporteurs la transmission des renseignements sur la sécurité occasionnerait des coûts et des problèmes considérables, et pour cette raison ne devrait pas être implantée. De plus ils soulèvent que le besoin n'a pas été prouvé.

L'Office craignait notamment que le manque d'information pour les passagers ayant une déficience visuelle puisse constituer un obstacle abusif. Cependant il est à noter que le demandeur n'a pas fait mention de transmission audio dans sa demande originale, mais a seulement réclamé des exposés de sécurité écrit en braille et en gros caractère. En ce qui concerne les trois formes de supports pour les renseignements sur la sécurité, l'Office était de l'opinion qu'il fallait en discuter davantage.

D'après les faits présentés dans cette affaire et compte tenu de la technologie d'aujourd'hui, il ne serait pas pratique d'exiger que les renseignements sur la sécurité soient fournis sur audiocassette.

L'Office constate néanmoins que l'ICNA préfère laisser la porte ouverte à la transmission audio. À cet égard, l'Office travaille à l'élaboration d'un règlement sur la communication de l'information aux personnes ayant une déficience. Dans le contexte de ce règlement, qui s'appliquera à tous les transporteurs, le besoin des trois supports différents sera pris en considération.

CONCLUSION

Compte tenu des faits et des observations reçues, l'Office est de l'opinion qu'il ne serait ni pratique ni avantageux d'ordonner à Air Canada et à Canadi*n de fournir les renseignements sur la sécurité sur audiocassette en ce moment.

Pour cette raison, l'Office estime que Canadi*n et Air Canada ont justifié qu'ils ne devraient pas être tenus de fournir les renseignements sur la sécurité sur audiocassette. Par conséquent, l'Office n'ordonnera pas aux transporteurs de fournir cette information sur audiocassette pour le moment.

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