Décision n° 64-R-2001

le 14 février 2001

le 14 février 2001

RELATIVE à la plainte déposée par David Horner, de la Westglen Milling, au sujet du processus que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada a suivi pour cesser d'exploiter la subdivision Barrhead, dans la province d'Alberta.

Référence no R8150/734-1


PLAINTE

Le 16 octobre 2000, David Horner (ci-après le plaignant), de la Westglen Milling, a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la plainte énoncée dans l'intitulé.

Le 21 novembre 2000, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (ci-après le CN) a déposé sa réponse à cette plainte. Le plaignant n'y a pas répliqué.

QUESTION

La question consiste à déterminer si le CN a satisfait aux exigences de la section V de la partie III de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), dans le cadre de la cessation de l'exploitation de la ligne de chemin de fer connue sous le nom de subdivision Barrhead.

FONDEMENT LÉGISLATIF

La section V de la partie III de la LTC établit le processus qu'une compagnie de chemin de fer doit suivre pour cesser l'exploitation d'une ligne de chemin de fer.

Avant la promulgation du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (ci-après le projet de loi C-34), le paragraphe 142(2) de la LTC obligeait la compagnie de chemin de fer à faire figurer son intention de cesser l'exploitation d'une ligne de chemin de fer dans son plan triennal pendant au moins soixante jours avant de passer aux étapes suivantes du processus de cessation d'exploitation de cette ligne. Les articles 143 et 144 de la LTC prévoyaient que la compagnie de chemin de fer devait ensuite faire connaître son intention de cesser l'exploitation et offrir au public, durant au moins soixante jours, de lui transférer la ligne en question, notamment par vente ou cession. Si personne ne manifestait d'intérêt ou aucune entente n'était conclue, l'article 145 de la LTC obligeait la compagnie de chemin à fer à offrir aux divers paliers de gouvernement touchés par la cessation d'exploitation de leur vendre la ligne de chemin de fer à sa valeur nette de récupération ou moins. Chaque palier de gouvernement -- le gouvernement fédéral (le cas échéant), le gouvernement provincial et les administrations municipales -- avaient trente jours pour accepter l'offre. Si aucune convention de transfert n'en résultait et si la compagnie de chemin de fer déposait un avis de cessation d'exploitation auprès de l'Office, l'article 146 de la LTC libérait cette compagnie de toute obligation, en vertu de la LTC, en ce qui a trait du moins à l'exploitation de la ligne de chemin de fer visée.

Le 26 juillet 2000, le projet de loi C-34 est entré en vigueur et a modifié le processus de transfert et de cessation de l'exploitation de lignes de chemin de fer établi dans la section V de la partie III de la LTC. Trois des modifications ainsi apportées à la section V influent directement sur la présente instance. En premier lieu, la modification apportée au paragraphe 142(2) de la LTC oblige les compagnies de chemin de fer à faire figurer leur intention de cesser d'exploiter une ligne de chemin de fer dans leur plan triennal pendant au moins douze mois avant de passer aux autres étapes du processus.

En second lieu, le projet de loi C-34 a instauré une nouvelle disposition. L'article 146.1 de la LTC prévoit que la compagnie de chemin de fer qui cesse d'exploiter un embranchement tributaire du transport du grain mentionné à l'annexe I de la LTC, ou une partie d'un tel embranchement, doit faire trois versements annuels à la municipalité touchée par cette cessation d'exploitation. Chaque versement doit être égal au produit de 10 000 $ et du nombre de milles de l'embranchement ou de la partie d'embranchement sur le territoire de la municipalité.

La troisième modification apportée est l'annexe I elle-même, où ne figurent que les embranchements que l'Office a jugés tributaires du transport du grain au 31 mars 2000.

L'Office constate que le projet de loi C-34 n'a pas modifié l'article 146 de la LTC. L'Office est d'avis que le plaignant voulait en fait parler du nouvel article 146.1 de la LTC lorsqu'il a fait mention de l'article 146.

CONTEXTE

La subdivision Barrhead du CN s'étend depuis le point milliaire 0,0, où le chemin de fer franchit la limite de l'emprise de la subdivision Westlock près de Carley Junction, jusqu'au point milliaire 26,1, près de Barrhead, dans la province d'Alberta.

Le 1er mars 2000, le CN a fait figurer son intention de cesser l'exploitation de la subdivision Barrhead dans son plan triennal.

Le 1er mai 2000, il a fait connaître son intention par la publication d'un avis à cet égard dans des journaux locaux et nationaux.

Le 4 juillet 2000, il a offert au gouvernement de la province d'Alberta, ainsi qu'à l'administration municipale et à l'administration de district touchées par la cessation de l'exploitation de la subdivision Barrhead, de leur vendre cette dernière ou de la leur donner à bail.

Le 26 juillet 2000, le projet de loi C-34 est entré en vigueur et a modifié en partie certaines règles et formalités relatives à l'abandon de lignes de chemin de fer énoncées dans la section V de la partie III de la LTC intitulée Transferts et cessation de l'exploitation de lignes (articles 140 à 146.1).

Le 27 juillet 2000, le gouvernement de la province d'Alberta a informé le CN qu'il ne souhaitait pas acheter la subdivision Barrhead.

Le 5 septembre 2000, le Comté de Barrhead no 11 a informé le CN qu'il ne désirait pas acheter la subdivision Barrhead.

Le 11 septembre 2000, la Ville de Barrhead a informé le CN qu'elle ne pouvait acheter la subdivision Barrhead.

Le 13 octobre 2000, le CN a avisé l'Office qu'il cesserait d'exploiter la subdivision Barrhead le 14 octobre 2000.

POSITIONS DES PARTIES

Le plaignant déclare que la date fixée par le CN pour la cessation d'exploitation de la subdivision Barrhead est postérieure à la date de promulgation du projet de loi C-34, qui était le 26 juillet 2000. C'est pourquoi, comme l'exige le paragraphe 142(2) modifié de la LTC, le CN devrait être tenu de maintenir le service sur la ligne de chemin de fer en question jusqu'à douze mois après avoir fait figurer son intention d'en cesser l'exploitation dans son plan triennal le 1er mars 2000.

Le plaignant ajoute qu'on viole ses droits constitutionnels puisqu'on applique l'article 146 (c'est-à-dire l'article 146.1) de la LTC dans sa version modifiée, mais non le paragraphe 142(2) modifié, et il affirme qu'on ne l'a pas traité de façon juste et équitable.

Dans sa réponse, le CN fait valoir, en guise de préliminaire, qu'il s'est soumis à toutes les formalités légales s'appliquant à la cessation de l'exploitation d'une ligne de chemin de fer. De plus, comme il a avisé l'Office de cette cessation conformément aux exigences de la LTC, il n'a plus d'obligations relativement à la ligne en question. Il en conclut donc que l'Office n'a pas compétence pour traiter la plainte.

Le CN ajoute qu'il a engagé le processus de cessation d'exploitation de la ligne en question avant la date de promulgation du projet de loi C-34 et qu'il s'est donc conformé au processus légal qui était en vigueur au moment où il l'a engagé.

Le CN indique qu'à l'exception de l'article 146.1 de la LTC, le projet de loi C-34 ne renferme pas de dispositions transitoires ni ne prévoit de formalités rétroactives et qu'on ne peut y voir d'autre effet rétroactif si ce dernier n'est pas mentionné dans le texte de la LTC. Selon le CN, le Parlement l'aurait exprimé clairement s'il avait eu l'intention de modifier rétroactivement le droit acquis d'une compagnie de chemin de fer à continuer un processus de cessation d'exploitation déjà engagé. Le CN ajoute qu'aux termes de la législation canadienne, l'abrogation d'un texte n'a pas pour conséquence de porter atteinte à l'application antérieure de ce texte ou aux mesures régulièrement prises sous son régime.

De l'avis du CN, il semblerait que le plaignant a mal saisi le facteur temporel de l'application du projet de loi C-34 en raison de la disposition rétroactive que comporte l'article 146.1 de la LTC à l'égard des lignes mentionnées dans l'annexe I de la LTC.

En résumé, le CN soutient qu'il a suivi tout le processus prévu par la loi pour cesser d'exploiter la ligne de chemin de fer en question et qu'il n'y a pas eu de traitement injuste ou inéquitable ni de violation des droits constitutionnels.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

L'Office juge qu'il a compétence pour entendre la plainte et en décider, et à cette fin, il a tenu compte de tous les éléments de preuve que les parties ont présentés au cours des plaidoiries.

L'Office constate que, le 1er mars 2000, le CN a révélé son intention de cesser l'exploitation de la subdivision Barrhead dans son plan triennal conformément à l'article 141 de la LTC. Soixante jours plus tard, délai minimum prévu alors par le paragraphe 142(2) de la LTC, le 1er mai 2000, le CN a fait connaître cette intention dans des journaux locaux et nationaux, comme le prévoyait l'article 143 de la LTC. Comme personne n'a manifesté d'intérêt, le CN a, en date du 4 juillet 2000, offert au gouvernement provincial, à l'administration municipale et à l'administration de district de leur vendre la ligne de chemin de fer en question ou de la leur donner à bail. Le gouvernement de la province d'Alberta, le Comté de Barrhead no 11 et la Ville de Barrhead l'ont informé par la suite qu'ils ne désiraient pas faire l'acquisition de la subdivision Barrhead. Le 13 octobre 2000, le CN a avisé l'Office qu'il s'était conformé aux articles 142 à 145 de la LTC et qu'il cesserait d'exploiter cette subdivision le 14 octobre 2000.

Dans le projet de loi C-34, l'Office ne trouve aucune disposition transitoire qui aurait eu pour effet, à l'entrée en vigueur de ce projet de loi, d'annuler des étapes déjà franchies ou commencées par une compagnie de chemin de fer dans le processus de transfert ou de cessation d'exploitation établi dans la section V de la partie III de la LTC et d'obliger cette compagnie à les refaire conformément au nouveau texte de loi.

À cet égard, l'Office constate aussi que la Loi d'interprétation [L.R.C. (1985), ch. I-21] prévoit, entre autres, que l'abrogation, en tout ou en partie, d'un texte n'a pas pour conséquence de porter atteinte à l'application antérieure du texte abrogé ou aux mesures régulièrement prises sous son régime.

Faute de dispositions transitoires de la loi qui auraient prévu une certaine rétroactivité, l'Office juge qu'à l'exception des exigences de l'article 146.1 de la LTC, les dispositions législatives qui s'appliquent à la présente affaire sont celles qui étaient en vigueur avant la promulgation du projet de loi C-34.

L'Office juge que le CN a satisfait aux obligations que les articles 142 et 143 de la LTC lui imposaient à l'époque. En raison de l'observation de ces articles, l'Office estime que le CN ne peut être tenu de reprendre le processus de transfert et de cessation d'exploitation pour se conformer à toute nouvelle formalité énoncée dans le projet de loi C-34.

De plus, le CN a reconnu que l'article 146.1 de la LTC constitue une disposition transitoire. Plus particulièrement, cet article dispose, en partie, qu'une fois qu'une compagnie de chemin de fer cesse d'exploiter un embranchement tributaire du transport du grain mentionné à l'annexe I de la LTC, cette compagnie doit effectuer trois paiements à compter de la date réelle de la cessation. Ces paiements doivent être faits annuellement à l'intention de la municipalité ou du district touché et chaque paiement doit être égal au produit de 10 000 $ et du nombre de milles de l'embranchement sur le territoire de cette municipalité ou dudit district. Par conséquent, les embranchements tributaires du transport du grain qui ont cessé d'être exploités après la promulgation du projet de loi C-34 sont assujettis aux dispositions de l'article 146.1 de la LTC, et ce, rétroactivement depuis la date de l'élaboration de l'annexe I, soit le 31 mars 2000.

Ainsi, dans le cas en instance, parce que la subdivision Barrhead est mentionnée dans l'annexe I de la LTC, la cessation de son exploitation est assujettie aux dispositions de l'article 146.1 de la LTC. L'application de l'article 146.1 de la LTC fait abstraction du fait que le CN avait déjà engagé le processus de cessation de l'exploitation de la subdivision Barrhead avant la date d'entrée en vigueur de cet article.

CONCLUSION

L'Office conclut que le CN a dûment suivi le processus prévu par la loi pour cesser l'exploitation de la subdivision Barrhead.

L'Office soutient que les dispositions de l'article 146.1 de la LTC s'appliquent à la présente affaire.

L'Office rejette la plainte déposée par David Horner, de la Westglen Milling.

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