Décision n° 643-AT-A-1998
Suite - Décision no 357-AT-A-2000
le 29 décembre 1998
DEMANDE présentée par George Rimek conformément aux paragraphes 172(1) et (3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant les difficultés qu'il a éprouvées en raison des sièges assignés sur le vol de retour entre Toronto (Ontario) et Cancun, au Mexique, avec Skyservice Airlines Inc. le 20 décembre 1997.
Référence no U 3570/98-21
DEMANDE
George Rimek a déposé une demande auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) concernant l'affaire énoncée dans l'intitulé. La demande a été reçue le 28 août 1998.
QUESTION
La question consiste à déterminer si les sièges assignés ont constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Rimek et, le cas échéant, les mesures correctives qui doivent être prises.
FAITS
M. Rimek est une personne ayant une déficience qui a plusieurs problèmes médicaux et qui peut se déplacer seul à l'aide d'un déambulateur. Il a réservé, pour la période du 6 au 20 décembre 1997, un voyage aller-retour de Toronto à Cancun. Au moment de la réservation, il a remis à son agent de voyages deux certificats médicaux. Le premier établissait que M. Rimek ne devait pas demeurer dans la même position pour une période prolongée et qu'il devait avoir un siège côté allée ou à l'avant de la cabine où il pourrait allonger ses jambes. Le deuxième attestait qu'en raison de divers problèmes médicaux, M. Rimek avait besoin de l'aide de sa femme durant le voyage.
M. Rimek a demandé un siège dans une rangée où il pourrait allonger ses jambes. Son épouse et lui-même ont obtenu des sièges adjacents dans la rangée près cloison pour le vol de Toronto à Cancun le 6 décembre 1997. Au moment de l'enregistrement à Cancun pour le vol de retour, la préposée à l'enregistrement n'était pas au courant des besoins de M. Rimek et a déclaré que l'accès à la rangée près cloison était restreint, car il s'agissait d'une rangée d'issue de secours. Malgré la persistance de M. Rimek pour établir que l'accès à la rangée près cloison dans l'Airbus 320 n'était pas restreint et qu'il avait besoin d'un tel siège en raison de ses problèmes médicaux, M. Rimek et son épouse se sont vu assigner des sièges dans la rangée 3. Ces sièges, selon le plan de cabine du transporteur, sont réservés aux personnes ayant une déficience, étant dotés d'accoudoirs relevables. Une fois à bord, et après que M. Rimek eut beaucoup insisté, l'agent de bord a pu libérer le siège côté allée 1D dans la rangée près cloison. Cependant, M. Rimek n'a pas réussi à obtenir un deuxième siège à ses côtés pour son épouse. Mme Rimek est demeurée dans le siège 3C.
POSITIONS DES PARTIES
M. Rimek fait valoir qu'à trois reprises durant son séjour à Cancun il a communiqué avec le représentant de Skyservice pour s'assurer que des sièges près cloison seraient disponibles pour le vol de retour et, chaque fois, on l'a assuré que tous les arrangements nécessaires avaient été pris. Il affirme qu'au moment de l'enregistrement, la préposée l'a informé qu'elle n'était pas au courant des arrangements qui auraient été pris relativement à l'assignation des sièges, ni de l'existence d'un certificat médical. Pendant qu'il tentait d'expliquer pourquoi il était extrêmement important qu'on lui assigne un siège près cloison, la préposée a perdu patience et a fait appel à son superviseur. Elle a aussi refusé d'essayer de chercher le certificat médical. M. Rimek déclare que le superviseur l'a informé que les sièges près cloison étaient des sièges à accès restreint. Il fait valoir que cela est faux puisque les rangées de sièges près cloison sur les Airbus 320 et 330 exploités par Skyservice ne sont pas des rangées d'issue de secours, ce que le superviseur aurait dû savoir. Le superviseur l'a ensuite averti que s'il voulait prendre le vol, il devrait accepter les sièges assignés.
Une fois à bord de l'aéronef, M. Rimek s'est adressé à l'agent de bord et a, une fois de plus, exigé un siège dans la rangée près cloison. Il affirme que ce fut en vain, et qu'il n'a pas réussi à faire comprendre à l'agent de bord l'importance d'obtenir un tel siège en raison de ses problèmes médicaux. Même si l'agent de bord a finalement réussi à lui assigner un siège dans la rangée 1 en déplaçant un autre passager, son épouse est demeurée dans la rangée 3. M. Rimek fait valoir qu'à son avis, les deux choix qui s'offraient à lui, c'est-à-dire demeurer auprès de son épouse dans la rangée 3 pour qu'elle lui donne l'aide essentielle à son état ou s'asseoir seul dans la première rangée, le mettaient en danger.
Skyservice regrette l'expérience qu'a vécue le passager en raison des sièges assignés pour son vol de retour de Cancun. Le transporteur note que M. Rimek, en sa qualité de voyageur aguerri, est conscient des efforts requis pour s'assurer que des besoins précis sont comblés et qu'il est prêt à déployer ces efforts lors de ses arrangements de voyage.
Skyservice explique que la préposée à l'enregistrement à Cancun était clairement dans l'erreur en identifiant la rangée 1 comme étant une rangée d'issue de secours à laquelle M. Rimek n'avait pas accès. Le transporteur reconnaît que M. Rimek a indiqué à la préposée à l'enregistrement qu'il avait une déficience et qu'il a fourni des documents prouvant qu'il avait besoin d'un siège dans la rangée 1.
Le transporteur explique que la préposée à l'enregistrement, en assignant à M. Rimek et à son épouse des sièges dans la rangée 3, pourrait avoir accordé trop d'importance au plan de cabine qui identifie la rangée 3 comme rangée répondant le mieux aux besoins des personnes ayant une déficience et aurait omis d'écouter l'évaluation que M. Rimek a fait de ses besoins. Dès que M. Rimek s'est présenté comme étant une personne ayant une déficience, la préposée à l'enregistrement pourrait lui avoir assigné automatiquement un siège dans la rangée 3. Le transporteur signale aussi que dans le cas présent, l'agent de voyages ou Sunquest a mal défini les besoins spéciaux de M. Rimek en utilisant un code signifiant qu'il avait besoin d'aide à l'embarquement. Ceci pourrait avoir contribué au malentendu qui a conduit à l'assignation d'un siège dans la rangée 3.
Skyservice explique également que la rangée 3 est considérée accessible uniquement en raison de la présence d'accoudoirs relevables qui fournissent un meilleur accès aux sièges pour les personnes immobiles, qualifiées par l'industrie aérienne de passagers devant être transportés à bord. Skyservice reconnaît qu'une personne ayant une déficience a le droit de demander d'autres sièges convenant mieux à ses besoins particuliers et qu'il ne faut pas assigner des sièges dans la rangée 3 simplement parce que les accoudoirs sont relevables.
Par suite de la plainte de M. Rimek, Skyservice a entrepris un examen de son plan de cabine et prévoit supprimer les expressions «handicapé» et «ayant une déficience» de la désignation des sièges accessibles de la rangée 3. Les sièges de la rangée 3 seront désignés comme étant des sièges dotés d'accoudoirs relevables et une note recommandera que ces sièges soient assignés aux passagers immobiles. Skyservice prévoit aussi inclure sur son plan de cabine, si l'espace le permet, une note indiquant que les personnes ayant une déficience ont le droit de choisir le siège qui convient le mieux à leurs besoins. En outre, Skyservice distribuera un bulletin à ses agents en poste à l'étranger pour les sensibiliser davantage à ce fait. Le bulletin rappellera aussi aux agents qu'en vertu du manuel de Skyservice sur les services d'escale, un dialogue doit être entamé avec les personnes ayant une déficience au moment de l'enregistrement concernant les sièges que nécessitent leurs besoins particuliers, et insistera sur le fait qu'il n'y a pas que les personnes immobiles qui ont une déficience.
M. Rimek estime qu'il a été victime de discrimination et que, pour remédier à la situation, le transporteur devrait lui offrir un séjour de deux semaines à Sandals à Antigua. Il fait valoir toutefois qu'il envisagerait toute offre raisonnable du transporteur. En ce qui a trait au voyage de remplacement demandé par M. Rimek, Skyservice voudrait traiter ce volet séparément et en privé avec M. Rimek.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné tous les éléments de preuve présentés par les parties.
L'Office reconnaît que Skyservice dispose d'une politique permettant aux passagers ayant des besoins spéciaux de choisir leurs sièges à l'avance. Cette politique contenue dans le manuel des services d'escale du transporteur prévoit, en partie, que :
Les demandes d'assignation de sièges à l'avance seront acceptées pour les personnes ayant une déficience selon le principe du premier arrivé, premier servi 48 heures avant le départ. En l'absence d'un avis de 48 heures, des efforts raisonnables seront faits pour répondre à la demande. Un certificat médical pourrait être exigé pour les personnes ayant une déficience qui n'est pas visible.
L'Office constate qu'en raison de ses problèmes médicaux, M. Rimek ne peut demeurer dans la même position pour une période prolongée, qu'il doit être assis dans une position qui lui permet d'allonger ses jambes et qu'il a constamment besoin de l'aide de son épouse pour veiller à ses besoins personnels. L'Office constate aussi qu'au moment de la réservation, l'agent de voyages de M. Rimek avait demandé des sièges dans la rangée près cloison pour M. Rimek et son épouse et avait envoyé à Skyservice un certificat médical confirmant les problèmes médicaux de M. Rimek, ainsi que le fait qu'il avait besoin de ce type de siège et de l'aide de sa femme pour voyager. L'Office estime que Skyservice était pleinement informée des besoins de M. Rimek en matière d'accessibilité et constate que des sièges convenables ont été fournis sur le premier vol.
L'Office note que selon la preuve au dossier, et contrairement aux procédures établies par le transporteur et aux demandes de M. Rimek, la préposée à l'enregistrement à Cancun n'a fait aucun effort pour répondre aux besoins spéciaux de M. Rimek. Ce dernier a communiqué avec le transporteur à trois reprises durant son séjour à Cancun pour confirmer qu'il aurait les sièges demandés. En outre, au moment de l'enregistrement à Cancun, la préposée a supposé à tort que le siège près cloison se trouvait dans une rangée d'issue de secours et qu'un siège doté d'un accoudoir amovible répondrait aux besoins du passager. De plus, le superviseur de la préposée a commis la même erreur et a informé M. Rimek qu'il devrait accepter les sièges assignés pour pouvoir prendre le vol. M. Rimek s'est vu contraint d'accepter ces sièges inadéquats en espérant pouvoir les changer une fois à bord.
L'Office constate que M. Rimek a pu obtenir un siège près cloison convenable seulement une fois à bord et après beaucoup de persistance. Cependant, malgré les efforts déployés par l'agent de bord pour corriger le problème créé par la préposée à l'enregistrement, seulement une partie des besoins de M. Rimek en matière d'accessibilité ont pu être satisfaits par l'attribution d'un siège près cloison, puisqu'il a dû être séparé de son épouse qui lui servait d'accompagnateur.
L'Office conclut que, dans le cas présent, la mauvaise connaissance du plan de cabine de l'aéronef de la part de la préposée à l'enregistrement et du superviseur de Skyservice à l'aéroport de Cancun jumelée à leur manque de sensibilité ont constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Rimek. Cet obstacle est jugé abusif, car il aurait pu être facilement évité si les employés qui avaient assigné les sièges avaient mieux connu le plan de cabine de l'aéronef ou s'ils avaient pris l'initiative de le consulter, s'ils avaient porté l'attention voulue à l'évaluation des besoins spéciaux de M. Rimek et s'ils s'étaient montrés plus sensibles à ses besoins particuliers. En raison de cet obstacle abusif, M. Rimek a été contraint de choisir lequel de ses besoins d'accessibilité serait comblé. Il pouvait choisir d'avoir un siège qui lui permettrait d'allonger ses jambes ou d'avoir son accompagnateur à ses côtés. À cet égard, l'Office tient à souligner qu'une fois qu'il est établi qu'une personne, en raison de son état, a besoin d'un accompagnateur pour répondre à ses besoins personnels pendant son voyage, le transporteur doit veiller à ce que les deux passagers soient assis ensemble.
L'Office a passé en revue les mesures correctives que Skyservice se propose de prendre et est convaincu que le plan de cabine modifié et le bulletin à être envoyé à ses agents en poste à l'étranger pour leur rappeler l'importance d'entamer un dialogue avec les passagers concernant leurs besoins spéciaux devraient empêcher qu'une telle situation ne se reproduise. Cependant, l'Office est d'avis que la politique de Skyservice devrait aussi être modifiée pour tenir compte de l'importance de ne pas séparer une personne ayant une déficience de son accompagnateur. De plus, le bulletin devrait être révisé en conséquence.
Quant à la demande de voyage de remplacement de M. Rimek, l'Office note que M. Rimek a accepté d'aborder la question directement avec Skyservice.
CONCLUSION
En se basant sur les constatations susmentionnées, l'Office demande à Skyservice de prendre, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision, les mesures suivantes :
- fournir une copie de son plan de cabine modifié;
- modifier sa politique d'assignation de sièges en soulignant l'importance de ne pas séparer une personne ayant une déficience de son accompagnateur et en fournir une copie à l'Office; et
- émettre un bulletin aux agents en poste à l'étranger leur rappelant les procédures en place selon lesquelles ils doivent discuter de l'assignation de sièges avec le passager au moment de l'enregistrement et l'importance de ne pas séparer une personne ayant une déficience de son accompagnateur, et en fournir une copie à l'Office.
Après examen des documents demandés, l'Office déterminera si d'autres mesures sont requises relativement à cette affaire.
- Date de modification :