Décision n° 653-AT-A-2003
le 21 novembre 2003
Référence no U3570/01-29
DEMANDE
Le 15 mars 2001, Francine Day-Lopes, au nom de son fils Jordan Day-Lopes, a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
L'Office, dans la décision no LET-AT-A-206-2001 datée du 26 avril 2001, a déterminé que des renseignements supplémentaires étaient nécessaires pour compléter la demande et a demandé à Mme Day-Lopes de fournir ces renseignements. Le 11 juillet 2001, Mme Day-Lopes a déposé les renseignements demandés et a fourni des exemplaires de la correspondance qui a auparavant été échangée avec le transporteur en ce qui concerne les incidents.
Dans une lettre datée du 24 août 2001, Air Transat a déposé sa réponse à la demande et le 24 septembre 2001, Mme Day-Lopes a déposé sa réplique. Le personnel de l'Office a par la suite demandé à Air Transat de traiter le reste de la demande avant le 5 décembre 2001.
Le 23 novembre 2001, Air Transat a demandé une prolongation du délai prévu pour déposer sa réponse au reste de la demande. Par la décision no LET-AT-A-465-2001 datée du 5 décembre 2001, l'Office a accepté de prolonger le délai jusqu'au 21 décembre 2001, date à laquelle Air Transat a déposé sa réponse. Le 20 janvier 2002, Mme Day-Lopes y a répliqué.
Le 16 septembre 2002, en réponse à une demande du personnel de l'Office, Air Transat a déposé un exemplaire d'un extrait de son manuel de procédures en ce qui concerne l'assignation des sièges et la prestation de services aux personnes ayant une déficience.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.
OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
Même si Mme Day-Lopes a déposé sa réponse après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 8 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, l'accepte, la jugeant pertinente et nécessaire à l'examen de la présente affaire.
QUESTION
L'Office doit déterminer si l'assignation des sièges par Air Transat sur les vols de Toronto à Lisbonne et la manutention du fauteuil roulant de Jordan Day-Lopes sur le vol entre Toronto et Orlando ont constitué des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.
FAITS
Jordan Day-Lopes est un enfant ayant la méningo-myélocèle qui utilise un fauteuil roulant manuel. Lorsqu'il voyage, sa mère veille à ses besoins personnels. Afin d'avoir suffisamment d'espace pour pouvoir assurer les services de soins personnels dont Jordan a besoin lorsqu'il voyage, Mme Day-Lopes demande des sièges près cloison.
Des problèmes sont survenus lorsque Jordan Day-Lopes a voyagé avec Air Transat à trois différentes reprises: entre Toronto et Lisbonne en août 1998, entre Toronto et Lisbonne en août 1999 et entre Toronto et Orlando en février 2001.
Pour le vol de 1998, Mme Day-Lopes a fourni à Air Transat avant le voyage une note du médecin de Jordan attestant de la nécessité d'obtenir un siège près cloison puisque ces sièges sont situés près de l'entrée et présentent ainsi une distance plus courte pour transporter Jordan. De plus, ce siège fournirait l'espace supplémentaire requis pour veiller aux besoins personnels de Jordan au cours du vol. Malgré ce préavis, les sièges près cloison n'ont pas été assignés.
Pour le prochain voyage en août 1999, Mme Day-Lopes a informé Air Transat au moment des réservations qu'elle voyageait avec son fils handicapé et pour assurer que les sièges près cloison requis soient assignés, Mme Day-Lopes a déboursé des frais supplémentaires imposés pour la réservation préalable de sièges particuliers en vertu du nouveau programme de réservation préalable de sièges particuliers du transporteur. Elle a réservé, payé et on lui a assigné des sièges dans les rangées 4 et 5 pour le vol partant et le vol de retour. À Toronto, le jour du départ, elle a appris que l'aéronef avait été changé et même si on lui a dit qu'elle obtiendrait des sièges comparables à bord du nouvel aéronef, on lui a assigné des sièges dans la rangée 43.
En février 2001, la famille s'est rendue à Orlando. La demande de service spécial pour ce vol indiquait que le « fauteuil roulant devait être amené à la porte d'embarquement ». À l'arrivée à Orlando, on a remarqué que le fauteuil roulant était égratigné et que le repose-pieds était brisé. Mme Day-Lopes a discuté avec le chef d'escale et puisque les dommages n'entravaient pas l'utilisation du fauteuil roulant, les passagers ont quitté l'aéroport.
À leur arrivée à Toronto au retour, le fauteuil roulant de Jordan n'a pas été amené à la porte de l'aéronef. Au lieu, celui-ci a été envoyé à l'aérogare au carrousel à bagages. Mme Day-Lopes a exigé que le fauteuil roulant de Jordan soit amené à la porte de l'aéronef et cela a entraîné une attente supplémentaire d'une heure pour les passagers à bord de l'aéronef.
Les procédures de sélection de sièges d'Air Transat, que l'on retrouve dans le manuel des procédures fourni à l'Office, prévoient, en partie, les modalités suivantes :
- un passager peut téléphoner directement pour réserver un siège en donnant un numéro de carte de crédit dès trois mois avant le voyage jusqu'à quatre jours avant le départ;
- les coûts sont de 10 $ CAN pour les vols à destination du Canada, des É.-U. et du sud et de 12 $ CAN pour les vols transatlantiques;
- les personnes ayant une déficience permanente et une personne qui accompagne le passager ayant une déficience peuvent réserver leurs sièges gratuitement.
Le manuel des procédures dispose, en partie, que les passagers ayant une déficience ont la priorité et ont le droit de choisir où ils veulent être assis (à l'exception des allées menant à une issue de secours). En ce qui concerne les aides à la mobilité, le manuel indique qu'elles doivent être bien étiquetées à l'enregistrement et que les fauteuils roulants devraient être placés dans un sac pour bicyclette à des fins de protection. Aux destinations où cela est possible, l'aide à la mobilité doit porter une étiquette de livraison à la porte de débarquement. Le manuel des procédures indique également que si une aide à la mobilité d'un passager est endommagée ou n'est pas disponible à l'arrivée d'un vol, le transporteur aérien doit fournir sans délai une aide de remplacement temporaire convenable, et ce, sans frais.
Mme Day-Lopes a fourni des exemplaires de la correspondance échangée entre le transporteur et elle-même à la suite de ses deux voyages à Lisbonne.
En réponse à sa lettre, après son voyage à Lisbonne en 1998, Air Transat s'est excusée des retards dans le service et lui a envoyé un bon de voyage d'un montant de 100 $ en guise de bonne volonté. Air Transat a expliqué que, dans ce cas, la non-fourniture des sièges requis a été causée par l'omission de la part du personnel au sol d'inclure comme il se doit la demande de sièges sur la liste préalable des voyageurs qui est fournie au personnel de l'aéroport avant les procédures d'enregistrement.
Mme Day-Lopes a communiqué de nouveau avec Air Transat à la suite de son voyage à Lisbonne en 1999. Air Transat lui a remboursé la somme portée à sa carte de crédit qu'elle a payée pour la réservation préalable de sièges. Le transporteur lui a expliqué qu'afin de faciliter les réservations préalables de sièges et de minimiser les difficultés d'assignation de sièges, il a mis en place le service de réservation préalable de sièges. Toutefois, des problèmes sont survenus lorsque les sièges ont été confirmés et que l'aéronef a été remplacé. Air Transat a depuis mis au point un nouveau logiciel qui permet une interface mieux intégrée parmi les divers types d'aéronefs et les arrangements de sièges. De plus, ses directeurs des services au sol doivent maintenant fournir aux personnes ayant une déficience les sièges les plus accessibles possible en tout temps et cela comprend réassigner les sièges d'autres passagers afin de répondre aux besoins en matière de sièges des personnes ayant une déficience.
En ce qui concerne le voyage en 2001, Air Transat a pris l'entière responsabilité de la manutention inadéquate et a confirmé avoir les procédures requises pour que les aides à la mobilité soient manutentionnées en priorité. À la suite de cette plainte, le transporteur a mené un suivi auprès de son personnel d'escale à contrat concerné pour assurer que de tels retards sont éliminés ou réduits le plus possible à l'avenir. Le transporteur a également confirmé qu'à la présentation d'un reçu convenable, il rembourserait le coût des réparations pour les dommages causés au fauteuil roulant pendant le vol d'Air Transat.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Jordan Day-Lopes, le demandeur, est une personne à mobilité réduite et utilise un fauteuil roulant pour se déplacer. Il est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
Assignation des sièges
D'après la preuve soumise, des sièges près cloison ont été demandés et de la documentation a été fournie au transporteur avant le voyage de 1998 à Lisbonne. L'Office souligne que malgré cette demande, les sièges exigés n'étaient pas disponibles. Pour le voyage effectué en 1999, Mme Day-Lopes, en vue d'assurer qu'on leur assignait les sièges près cloison requis, a payé pour les sièges par l'entremise du programme de réservation préalable des sièges du transporteur.
L'Office reconnaît l'explication d'Air Transat que dans ces cas, Mme Day-Lopes et Jordan n'ont pas obtenu les sièges près cloison requis en raison d'un problème de communication au sein d'Air Transat et de lacunes dans le nouveau système d'assignation des sièges du transporteur aux dates du voyage. Toutefois, cela ne diminue en rien l'impact des erreurs d'Air Transat sur Mme Day-Lopes et son fils. Mme Day-Lopes n'a pas obtenu l'espace requis à bord. Pour le vol de 1999, avoir à transporter un enfant qui ne peut se servir de ses jambes jusqu'à la rangée 43 près de l'arrière de l'aéronef a représenté une situation frustrante et troublante.
L'Office retient les observations d'Air Transat selon lesquelles le service de réservation préalable de sièges du transporteur a été mis en place pour réduire les difficultés d'assignation des sièges. Ce nouveau programme s'adresse au grand public qui aimerait avoir la garantie d'obtenir des sièges particuliers avant l'arrivée au comptoir d'enregistrement.
Compte tenu de l'importance pour une personne ayant une déficience d'obtenir le siège le plus convenable, l'Office estime que l'existence d'un service de sélection préalable de sièges réduit les problèmes possibles au comptoir d'enregistrement ou à l'embarquement et procure un sentiment de sécurité à cette personne. L'Office note qu'Air Transat reconnaît également ces préoccupations et, comme l'énonce la politique, des frais ne sont pas imputés à des personnes ayant une déficience permanente ainsi qu'à une personne qui accompagne la personne ayant une déficience. Dans ce cas, toutefois, la preuve démontre que même si Mme Day-Lopes a informé le transporteur qu'elle voyageait avec son fils handicapé, le personnel du transporteur lui a fait payer la sélection du siège, même si les frais lui ont par la suite été remboursés.
L'Office considère que la possibilité de réserver des sièges avant le voyage pour répondre aux besoins attribuables à la déficience d'une personne ne revêt pas un caractère d'ordre pratique. Il s'agit plutôt souvent d'une façon de garantir qu'une personne ayant une déficience se verra assigner le siège qui lui convient le mieux. Si une personne ayant une déficience ne peut réserver le siège qui lui convient le mieux avant son voyage, il est souvent difficile de le faire au moment de l'enregistrement, car les sièges requis peuvent avoir été assignés à un autre passager. Il est alors difficile, voire impossible, de réassigner les sièges pour que la personne ayant une déficience obtienne le siège qui lui convient le mieux. Comme elle devra occuper un siège qui ne répond pas à ses besoins, comme dans le cas de Jordan, la personne ayant une déficience pourrait éprouver de l'inconfort ou de la douleur, ou subir des blessures.
À la lumière de ce qui précède, l'Office détermine que l'incapacité d'Air Transat à fournir à Jordan le siège approprié a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement pour les deux vols à Lisbonne.
Manutention du fauteuil roulant
Retard dans la livraison du fauteuil roulant
Selon la preuve présentée, le transporteur était au courant que le fauteuil roulant de Jordan devait être livré à la porte de l'aéronef et en fait, cela a été inscrit sur l'imprimé du transporteur concernant les passagers ayant des besoins spéciaux à bord de ce vol. Cependant, à l'arrivée à Toronto, le fauteuil roulant n'a pas été amené à la porte de l'aéronef, mais a plutôt été envoyé à l'aire de récupération des bagages. Mme Day-Lopes indique qu'en raison de la taille et des problèmes de santé de Jordan, un fauteuil roulant d'aéroport n'était pas approprié et elle a donc insisté pour que son fauteuil roulant personnel soit retrouvé et amené à la porte de l'aéronef. En raison de cette demande, les passagers ont eu à attendre une heure de plus à bord de l'aéronef alors que les nettoyeurs et les préposés à la manutention des aliments travaillaient autour d'eux.
L'Office indique que le transporteur a pris l'entière responsabilité de la manutention inadéquate et a entrepris de faire un suivi de cet incident auprès du personnel concerné. L'Office a reconnu que des lacunes procédurales surviennent parfois, qui ont parfois peu ou pas de conséquences. Dans le cas de Jordan Day-Lopes, toutefois, il ne pouvait utiliser un fauteuil roulant d'aéroport pour avoir accès à l'aire de récupération des bagages puisque selon Mme Day-Lopes, cela constituait un danger pour la sécurité de Jordan. Comme pour tous les voyageurs, une attente non nécessaire entraîne non seulement des inconvénients, mais empêche le voyageur de se déplacer confortablement du siège étroit de l'aéronef à l'aérogare. L'Office estime que cette longue attente non nécessaire a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Jordan.
Dommages causés au fauteuil roulant
En ce qui concerne les dommages causés au fauteuil roulant de Jordan lors du voyage entre Toronto et Orlando en février 2001, l'Office est d'avis qu'un niveau de formation adéquat et une diligence raisonnable lors de la manutention des aides à la mobilité devraient permettre de réduire au minimum les dommages aux aides à la mobilité confiées au transporteur. Air Transat n'a présenté aucun élément de preuve concernant des conditions d'exploitation irrégulières qui auraient pu être la cause de dommages à l'aide à la mobilité sur le vol à destination d'Orlando. L'Office estime aussi qu'une plus grande importance doit être accordée au transport des aides à la mobilité et aux conséquences, pour les personnes ayant une déficience, d'aides à la mobilité endommagées ou perdues. Il est nécessaire d'accorder une priorité plus élevée à la manutention d'un fauteuil roulant en cours de transport.
Des dommages aux aides à la mobilité peuvent survenir tout comme des lacunes procédurales peuvent avoir lieu même si des politiques et de la formation de qualité supérieure et des plus actuelles sont fournies aux employés. Toutefois, lorsque cela se produit, les transporteurs doivent s'assurer que leurs employés sont vigilants pour minimiser l'impact de ces lacunes et pour assurer que des mesures correctives sont prises rapidement. L'Office signale que Mme Day-Lopes n'a pas été informée de la responsabilité du transporteur dans des situations où une aide à la mobilité est endommagée. L'Office reconnaît l'observation de Mme Day-Lopes selon laquelle [traduction] « ils voulaient simplement profiter de leurs vacances » et puisque les dommages n'ont pas nui à l'utilisation du fauteuil roulant, ils ont quitté l'aéroport. Cependant, l'Office est préoccupé par le fait que malgré la fonctionnalité du fauteuil roulant, le chef d'escale ne s'est pas assuré que Mme Day-Lopes discute de la portée de la responsabilité du transporteur pour les réparations de l'aide à la mobilité et que les dommages fassent l'objet d'un rapport pour que des mesures correctives soient prises à la discrétion de Mme Day-Lopes. Cela aurait pu assurer à Mme Day-Lopes que le bien-être de Jordan comme passager et comme client était une priorité pour Air Transat. L'Office est préoccupé par le manque de connaissance du chef d'escale de la politique d'Air Transat en matière d'aides à la mobilité perdues ou endommagées.
Compte tenu de ce qui précède, l'Office détermine que la manutention du fauteuil roulant de Jordan et les dommages qui en découlent ont constitué un obstacle pour lui puisque son fauteuil roulant, qui est nécessaire à ses possibilités de déplacement, a subi des dommages qui étaient plus que superficiels.
L'obstacle était-il abusif ?
À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
Ayant conclu que les sièges assignés, l'attente pour la livraison de son fauteuil roulant jusqu'à l'aéronef et les dommages causés à son fauteuil roulant ont constitué des obstacles aux possibilités de déplacement de Jordan Day-Lopes, l'Office doit maintenant déterminer si ces obstacles étaient abusifs.
Assignation des sièges
L'Office reconnaît qu'Air Transat possède une politique assurant que les sièges dans la cabine passagers qui possèdent des caractéristiques d'accessibilité améliorées sont identifiés et assignés, en priorité, aux personnes ayant une déficience qui identifient eux-mêmes leurs besoins en matière d'accessibilité.
Les besoins de Jordan Day-Lopes en matière de sièges ont été indiqués avant les vols de 1998 et 1999 en direction de Lisbonne, mais des sièges appropriés n'ont pas été fournis. Cela souligne la nécessité pour le personnel du transporteur d'interagir convenablement avec les passagers ayant une déficience. Dans le cas présent, le personnel du transporteur pouvait voir que l'enfant avait une déficience puisqu'il utilise un fauteuil roulant et qu'une fois à bord de l'aéronef, il devait être transporté jusqu'à son siège. Aucun élément de preuve n'a été présenté pour indiquer que le personnel a tenté de vérifier que les besoins de Jordan, qu'ils aient déjà été déterminés ou requis à la suite du réarrangement de l'aéronef remplacé, ont été satisfaits. L'Office estime qu'il est particulièrement dérangeant lorsqu'il y a eu remplacement d'aéronef, qu'aucun membre du personnel du transporteur au comptoir d'enregistrement ne s'est assuré que le siège convenait aux besoins spécifiques de Jordan. En fait, l'élément de preuve présenté indique que l'agent d'enregistrement les a simplement rassurés que les sièges réassignés dans la rangée 43 plutôt que dans la rangée 4 étaient des sièges comparables lorsqu'en fait ils étaient loins de l'être, que ce soit sur le plan de la proximité de l'entrée ou en espace additionnel requis pour veiller aux besoins de Jordan.
L'Office est préoccupé par les situations comme celle-ci, où les procédures et les politiques mises en place afin de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience ne sont pas appliquées comme il se doit. Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que le fait qu'Air Transat n'a pas été en mesure de fournir à Jordan un siège accessible a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
Manutention du fauteuil roulant
Retard dans la livraison du fauteuil roulant
L'Office reconnaît qu'Air Transat a en place les procédures exigeant que la manutention soit assurée en priorité aux aides à la mobilité et que dans ce cas, la non-livraison du fauteuil roulant de Jordan à la porte de l'aéronef a été causée par la manutention inadéquate d'un de ses agents.
L'Office reconnaît qu'il y aura des circonstances où, malgré toutes les bonnes intentions, la livraison rapide d'une aide à la mobilité d'une personne à la porte de l'aéronef peut être compromise parce que l'aide n'a pas bien été étiquetée, qu'il y a une caractéristique de conception d'aéroport empêchant que l'aide soit amenée à la passerelle directement à partir de la soute à bagage ou que plusieurs aides doivent être préparées et livrées, mais dans ce cas-ci, le retard est uniquement attribuable à un manque de conformité aux procédures.
L'Office détermine donc que le retard d'une heure pour que Jordan retrouve son fauteuil roulant à son arrivée à Toronto a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. L'Office constate qu'Air Transat a examiné cette question avec son personnel d'escale à contrat pour éviter que de tels retards se reproduisent.
Dommages causés au fauteuil roulant
Au sujet des dommages causés au fauteuil roulant de Jordan, l'Office estime que si la manutention du fauteuil roulant avait été assurée conformément aux procédures établies d'Air Transat par les employés ou le personnel à contrat d'Air Transat chargés de la manutention de l'aide, les dommages auraient pu facilement être évités. L'Office estime donc que les dommages ont constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Jordan.
CONCLUSION
Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que l'assignation des sièges et la manutention du fauteuil roulant de Jordan Day-Lopes ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de ce dernier.
L'Office indique qu'Air Transat a pris des mesures correctives particulières depuis le voyage de Mme Day-Lopes et de Jordan Day-Lopes pour répondre aux questions soulevées par Mme Day-Lopes.
Le transporteur a mis en place un nouveau logiciel pour traiter des questions de sièges lorsqu'un aéronef est remplacé. De plus, le transporteur a ordonné aux directeurs des services au sol de fournir aux personnes ayant une déficience les sièges les plus accessibles possible en tout temps. Lorsque des sièges appropriés ont été assignés à d'autres passagers, les directeurs sont maintenant autorisés à réassigner des sièges pour assurer que les besoins des passagers ayant une déficience sont entièrement satisfaits.
Le transporteur a mené un suivi auprès de son personnel d'escale à contrat pour assurer que de tels retards sont éliminés ou réduits à l'avenir.
Le transporteur a également reconnu sa responsabilité et remboursera Mme Day-Lopes pour les coûts des réparations effectuées au fauteuil roulant endommagé.
L'Office reconnaît qu'Air Transat a traité les questions soulevées par Mme Day-Lopes. L'Office indique toutefois que le Règlement sur la formation du personnel en matière d'aide aux personnes ayant une déficience exige que le transporteur s'assure que tous les employés et entrepreneurs qui fournissent des services liés au transport reçoivent une formation adaptée aux besoins de leurs fonctions, et particulièrement, en ce qui a trait aux politiques et procédures du transporteur liées au transport des personnes ayant une déficience et à la manutention des aides à la mobilité. Toutefois, l'Office a constaté plusieurs occasions dans ce dossier où le personnel ou ses agents contractuels n'ont pas appliqué une procédure établie ou n'ont pas démontré une connaissance de la politique du transporteur. Par conséquent, l'Office conclut que le programme de formation d'Air Transat concernant les politiques et procédures pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience, y compris les cours de recyclage, est insuffisant et doit être examiné et mis à jour.
L'Office enjoint donc à Air Transat d'examiner son programme de formation concernant les politiques et procédures pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. L'examen doit tenir compte de la nature et de la fréquence des cours de recyclage. Air Transat est tenue de mener cet examen et de fournir à l'Office les résultats au plus tard dans les soixante (60) jours à compter de la date de la présente décision.
Après l'examen des documents, l'Office déterminera si d'autres mesures seront nécessaires.
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