Décision n° 665-C-A-2005

le 4 novembre 2005

le 4 novembre 2005

RELATIVE à une plainte déposée par Arthur Caldicott contre la Société en commandite Jazz Air, représentée par son commandité Commandité Jazz Air Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz selon laquelle son ordinateur portatif a été endommagé à bord du vol no AC8076 d'Air Canada Jazz de Victoria (Colombie-Britannique) à Vancouver (Colombie-Britannique) le 28 juin 2004.

Référence no M4370/04-50383


PLAINTE

[1] Le 20 août 2004, Arthur Caldicott a déposé auprès du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien (ci-après le CRPTA) la plainte énoncée dans l'intitulé. Puisque les parties n'ont pas été en mesure d'en arriver à une entente satisfaisante, malgré l'intervention du CRPTA, le dossier a été renvoyé à l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) en mai 2005 aux fins d'examen.

[2] Le 11 mai 2005, M. Caldicott et la Société en commandite Jazz Air, représentée par son commandité Commandité Jazz Air Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz (ci-après Jazz) ont été avisés de la compétence de l'Office dans cette affaire. Du même coup, on a demandé à M. Caldicott de l'aviser par écrit s'il souhaitait toujours instruire formellement cette affaire devant l'Office et, dans l'affirmative, l'Office a demandé aux deux parties si elles consentaient à ce que les commentaires qu'elles avaient déposés auprès du CRPTA soient assimilés à des plaidoiries devant l'Office.

[3] Dans une lettre du 16 mai 2005, Jazz a consenti à ce que les commentaires qu'elle avait déposés auprès du CRPTA soient assimilés à des plaidoiries devant l'Office. En outre, elle demandait que la règle 95AC(F) de son tarif intérieur soit ajoutée aux plaidoiries la jugeant pertinente en l'espèce.

[4] Dans un courriel du 23 mai 2005, M. Caldicott a confirmé qu'il souhaitait que le dossier soit traité formellement par l'Office et a également consenti à ce que les commentaires qu'il avait déposés auprès du CRPTA soient assimilés à des plaidoiries devant l'Office. Par conséquent, l'Office a été saisi du dossier à cette date.

[5] Le 25 mai 2005, M. Caldicott s'est vu accorder un délai de dix (10) jours pour déposer ses commentaires au sujet de l'information additionnelle que Jazz a déposée, soit la règle 95AC(F) de son tarif. Les commentaires de M. Caldicott ont été reçus le 7 juin 2005.

[6] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 4 novembre 2005.

QUESTIONS

[7] Les questions à être déterminées sont :

  1. Jazz a-t-elle appliqué les conditions relatives aux limites de responsabilité et aux exclusions applicables aux bagages à main, lesquelles sont précisées dans le Canadian Domestic General Rules Tariff, CDGR-1 (Règles tarifaires générales de transport intérieur au Canada) [ci-après le tarif], tel que l'exigent les sous-alinéas 107(1)n)(x) et (xi) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA) ?
  2. Y-a-t-il eu négligence de la part du transporteur ?
  3. Les limites de responsabilité relatives aux bagages s'appliquent-elles compte tenu des circonstances.

FAITS

[8] Les faits qui ont donné lieu à la présente demande sont incontestés.

[9] Le 28 juin 2004, M. Caldicott a voyagé de Victoria à Vancouver avec le vol no AC 8076 de Jazz. Avant l'embarquement, M. Caldicott a déposé son ordinateur portatif sur le chariot Consignair assigné au vol. M. Caldicott l'a récupéré à son arrivée à Vancouver et lorsqu'il a tenté de s'en servir à l'aéroport, il a constaté qu'il avait été endommagé. Il a immédiatement rempli une réclamation pour dommages auprès du transporteur.

POSITIONS DES PARTIES

[10] M. Caldicott prétend que son ordinateur portatif fonctionnait très bien à Victoria et déclare qu'à son arrivée à Vancouver, lorsqu'il a voulu s'en servir, il a constaté que l'écran de l'ordinateur portatif avait été brisé et que le clavier et le couvercle du compartiment à piles s'étaient détachés du boîtier. M. Caldicott ajoute que son ordinateur portatif a fonctionné de façon sporadique pendant deux à trois semaines après le vol avant de cesser de fonctionner complètement. M. Caldicott soutient que les dommages à son ordinateur portatif sont attribuables à une négligence de la part de Jazz.

[11] M. Caldicott fait valoir que son ordinateur portatif est irréparable et demande 1 784,86 $ en compensation afin de payer l'ordinateur portatif qu'il a acheté en remplacement.

[12] Jazz indique qu'elle n'est pas tenue de verser une compensation pour les dommages causés à l'ordinateur portatif de M. Caldicott, faisant valoir que c'est ce dernier qui avait choisi de placer l'ordinateur portatif sur le chariot Consignair. Elle ajoute que selon son tarif, Jazz refuse de transporter des articles fragiles tels des ordinateurs portatifs et que les passagers ne sont pas tenus de placer des articles sur le chariot Consignair qui est placé près des aéronefs à titre de commodité pour les passagers. Le transporteur déclare que l'information sur les conditions de voyage, y compris les limites de responsabilité du transporteur, est fournie sur le billet ou l'itinéraire du passager.

[13] Afin d'étayer sa position, Jazz cite une des dispositions de son tarif selon laquelle elle n'est pas responsable des dommages, sauf s'ils résultent uniquement d'une manutention négligente de sa part. Jazz justifie sa position en citant une autre disposition du tarif selon laquelle les bagages Consignair sont assujettis aux mêmes limites et règles que tout bagage à main.

[14] M. Caldicott déclare qu'il ignorait l'existence de toute limite de responsabilité et que le personnel du transporteur ne l'en avait pas avisé lorsqu'il a rempli et déposé sa réclamation auprès du transporteur. Il ajoute que Jazz encourage les passagers à utiliser le service Consignair et fait valoir que son personnel encourage les passagers à ne pas transporter leurs bagages à main à bord de l'aéronef.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[15] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a également examiné les règles de Jazz relatives aux bagages ainsi que les limites de responsabilité et d'exclusion applicables aux bagages à main, lesquelles sont énumérées dans le tarif du transporteur qui était en vigueur au moment où l'incident est survenu.

Fondement législatif et réglementaire applicable

[16] Les transporteurs aériens qui exploitent des services intérieurs sont libres d'établir leurs propres conditions de transport pourvu qu'elles figurent dans un tarif comme le prévoit le paragraphe 67(1) de la LTC. Aux termes de l'alinéa 107(1)n) du RTA, les tarifs doivent contenir les conditions de transport énonçant clairement, entre autres choses, la politique du transporteur sur les éléments suivants :

  • le refus de transporter des passagers ou des marchandises
  • les limites de responsabilité à l'égard des passagers et des marchandises
  • les exclusions de responsabilité à l'égard des passagers et des marchandises

[17] Selon l'article 55 de la LTC, le mot tarif s'entend du barème des prix, taux, frais et autres conditions de transport applicables à un service aérien et à des services connexes.

[18] Le paragraphe 67(1) de la LTC prévoit, entre autres choses, que le titulaire d'une licence intérieure doit publier et rendre public aux fins d'examen les tarifs applicables aux services intérieurs qu'il offre.

Dispositions du tarif de Jazz

[19] Des extraits du tarif de Jazz qui était en vigueur lorsque l'incident est survenu sont présentés ci-après. En tant que filiale d'Air Canada, Jazz utilise le même tarif que sa société mère. Ainsi, toutes les mentions d'« AC » (Air Canada) dans le tarif s'appliquent sans distinction à Jazz.

Règle 190AC - ACCEPTATION DES BAGAGES - GÉNÉRALITÉS

CONDITIONS D'ACCEPTATION

(A) Conditions générales d'acceptation

AC accepte de transporter comme bagage tout bien personnel que le passager juge nécessaire ou convenable de porter ou d'utiliser, ou qui assurera son confort ou répondra à un besoin pendant le voyage, sous réserve des conditions suivantes :

(1) AC peut procéder à l'inspection de tout bagage, bien qu'elle n'en soit pas tenue. AC n'accepte pas de transporter tout bagage que le passager refuse de soumettre à une inspection, ou peut le retirer à tout point.

(2) AC se réserve le droit de refuser de transporter des bagages à bord de tout vol autre que celui à bord duquel le passager prend place.

QUANTITÉ/TAILLES MAXIMALES

(B) Quantité et tailles maximales

[...]

(3) (A) AC refuse d'accepter tout bien aux fins de transport qui n'est pas emballé de façon à pouvoir être manipulé ordinairement; dont la taille, le poids ou la nature font en sorte que l'article ne se prête pas au transport à bord d'un aéronef particulier; ou qui ne peut être transporté sans risquer de nuire aux passagers ou de les blesser.

(B) AC refuse de transporter de l'argent, des bijoux, de l'argenterie, des titres/valeurs/effets négociables, des ordinateurs, des caméras, des téléphones cellulaires, des documents commerciaux, des échantillons, des liquides, des denrées périssables ou des ordonnances médicales qui sont contenus dans des bagages enregistrés ou autrement confiés au transporteur. [...]

[...]

RÈGLE 205AC - BAGAGES ENREGISTRÉS ET BAGAGES À MAIN

Les passagers peuvent enregistrer des bagages aux fins de transport dans la soute à bagages de l'aéronef ou apporter les bagages à bord de l'aéronef sous réserve des dispositions des paragraphes (A) et (B) ci-après. Le transporteur détermine quels bagages peuvent être transportés dans la cabine de l'aéronef selon le poids, la taille et la nature.

[...]

BAGAGE À MAIN

(C) Bagage à main

Les bagages à main transportés à bord de l'aéronef peuvent être entreposés dans les compartiments de l'aéronef prévus à cet effet, le cas échéant, ou doivent demeurer avec le passager et être entreposés sous le siège ou dans un compartiment supérieur approuvé à cette fin. Les bagages à main sont assujettis aux conditions additionnelles suivantes :

(1) [...]

(B) Prix de la classe économique

Un bagage standard ayant la taille maximale de 23 cm sur 40 cm sur 55 cm (9 po sur 15,5 po sur 21,5 po).

- Un article d'affaire ou personnel ayant la taille maximale de 16 cm sur 33 cm sur 43 cm (6 po sur 13 po sur 17 po), par exemple un sac à main (petit), un ordinateur portatif, une caméra, une canne, un manteau, un sac à dos ou de la documentation. [soulignement ajouté]

NOTE 1 : Les roues et les poignées sont comprises dans la taille des bagages à main.

NOTE 2 : En cas de surclassement, que le passager ait ou non payé, les limites applicables à la catégorie de vol réservé prévaudront. Le bagage à main n'excédera en aucun cas 22 livres (10 kg).

(2) Appareils électroniques transportés comme bagages à main

Les articles suivants peuvent être transportés comme bagages à main s'ils respectent les règles quant au nombre, aux dimensions, au poids et au rangement et s'ils ne sont pas utilisés pendant le vol : systèmes de téléphonie portables (transmetteur/récepteur); téléviseurs portables; transmetteurs (walkie-talkies); jeux électroniques; radios am/fm portatives. Advenant l'utilisation d'un de ces appareils ou en cas de toute interférence causée aux systèmes de navigation aérienne par un appareil en possession d'un passager, le pilote commandant de bord ou une personne qu'il désigne peut en exiger la fermeture ou priver le passager de l'appareil pendant le vol.

(3) Consignair

Consignair est un service de transport de bagages à bord des aéronefs CL-65, Dash-8/100, Dash-8/300 et Beech d'AC. Il s'agit d'un chariot spécial (placé à côté de l'escalier de l'aéronef) où les passagers déposent eux-mêmes leurs bagages à main avant de monter à bord. À l'arrivée, les bagages Consignair sont immédiatement retirés de l'aéronef et livrés aux passagers au moment du débarquement. Les bagages Consignair sont assujettis aux mêmes limites et règles que tout autre bagage à main. [soulignement ajouté]

RÈGLE 230AC RESPONSABILITÉ - BAGAGES

(A) (1) (Applicable aux services de transport effectués exclusivement entre des points situés au Canada sans correspondance avec un vol international.) La responsabilité à l'égard de la perte de bagages ou d'autres biens personnels (qu'ils aient été enregistrés ou confiés autrement au transporteur - sous réserve de la réception telle que définie dans la règle 195), des dommages subis par eux ou de leur livraison tardive ne dépasse pas 1 500 $ par passager, sauf si une valeur supérieure a été déclarée au préalable et si les frais nécessaires ont été payés en vertu des règles du transporteur définies à l'alinéa (C). Dans ce cas, la responsabilité du transporteur se limite à la valeur supérieure déclarée. En aucun cas elle ne dépasse la perte réelle subie par le passager. Toutes les réclamations doivent comprendre une preuve du montant de la perte [...]. Ces limites s'appliquent également aux bagages ou autres effets personnels (définis dans la règle 195) acceptés par le transporteur pour l'entreposage temporaire dans un bureau d'affaires ou de l'aéroport ou ailleurs avant ou après le voyage du passager.

[...]

[...]

(3) En cas de perte ou de dommage, le transporteur peut rejeter toute réclamation qui renferme de l'information trompeuse, y compris une fausse déclaration selon laquelle le passager a ou non déjà fait une réclamation auprès d'AC ou de tout autre transporteur ou lorsque le passager omet de faire légaliser le formulaire de réclamation de bagage du transporteur. Le transporteur peut également rejeter toute réclamation si le passager ne fournit pas la preuve de la perte sous forme de preuve d'achat.

[...]

(B) Exclusions de responsabilité

[...]

(3) Le transporteur n'assume aucune responsabilité en cas de perte, de dommage ou de livraison tardive des articles que le passager apporte à bord de la cabine ou de ses bagages à main, sauf si la perte, le dommage ou la livraison tardive résulte de la manutention négligente du seul transporteur ou en raison de dommages causés à l'aéronef. (soulignement ajouté) [traduction libre]

[...]

Application du tarif

[20] En réponse à la plainte de M. Caldicott, Jazz affirme être soustraite à toute responsabilité selon son tarif et cite les règles 190AC, 205AC(C)(3) et 230AC(B)(3) faisant valoir qu'ensemble ces dispositions la libèrent péremptoirement et la soustraient à toute responsabilité.

[21] L'Office note que l'affirmation du transporteur voulant qu'il ait refusé de transporter l'ordinateur portatif de M. Caldicott, citant la règle 190AC(B)(3) [c.-à-d. que le transporteur refuse de transporter des ordinateurs qui ne sont pas enregistrés, mais qui sont autrement confiés au transporteur] ne saurait résister à un examen rigoureux. En dépit de l'interprétation qu'il fait de la règle 190AC(B)(3) de son tarif, le transporteur accepte de transporter des ordinateurs portatifs comme bagages à main. En effet, sur son site en ligne « Info voyage/Bagages de cabine », Jazz énumère les articles interdits ainsi que ceux qui sont considérés comme des bagages à main. Les ordinateurs portatifs ne figurent pas parmi les articles interdits. On en fait toutefois directement référence à titre d'exemples de bagages à main. Ainsi, toute personne raisonnable est en droit de croire que le terme « ordinateurs » de la règle 190AC(B)(3) du tarif ne comprend pas l'« ordinateur portatif » dont fait état la règle 205AC(C)(1)(B) du tarif portant sur les bagages à main.

[22] Par conséquent, toute personne raisonnable est en droit de s'attendre à ce que le transporteur accepte des articles comme des ordinateurs portatifs et applique à ceux-ci les limites de responsabilité et d'exclusion applicables aux bagages à main. Ainsi, Jazz ne peut invoquer la règle 190AC(B)(3) du tarif pour se libérer de toute responsabilité. L'Office rejette ainsi cet argument.

[23] Selon la règle 205AC(C)(3) du tarif, les bagages Consignair sont assujettis aux mêmes limites et règles que les bagages à main. Bien que la règle 230AC(B)(3) du tarif prévoie que le transporteur n'est pas responsable de la perte ou de la livraison tardive d'un bagage à main, ou des dommages causés à celui-ci, elle précise clairement que la règle en question ne protège pas Jazz si les dommages résultent d'une manutention négligente de sa part.

Peut-on conclure que les dommages résultent uniquement de la négligence du transporteur lors de la manutention?

[24] La règle est que le fardeau de la preuve revient au plaignant. Il doit donc démontrer que les dommages auraient pu être évités n'eut été de la négligence de l'autre partie. Il incombe donc à M. Caldicott de prouver que le personnel de Jazz a été négligent lors de la manutention de son ordinateur portatif.

[25] Avant d'aborder la question primordiale de négligence, plusieurs reconnaîtront l'importance d'établir le bon examen à faire. Les tribunaux ont à maintes reprises reconnu que lorsque la question de négligence est soulevée, la doctrine res ipsa loquitur doit s'appliquer.

[26] La Cour suprême du Canada, dans la décision Shawinigan Carbide (1909), 42 R.C.S. 281, a examiné la doctrine res ipsa loquitur et la question du fardeau de la preuve. La décision MacDonald v. York County Hospital ([1972] 3 O.R. 469) (confirmé [1976] 2 R.C.S. 825) décrit la démarche appropriée :

[...]

Dans plusieurs cas on distingue incorrectement « fardeau de présentation de la preuve » et « fardeau de persuasion ». Dans une poursuite pour négligence, c'est au plaignant qu'il incombe sur le plan juridique de prouver que l'accident résulte de la négligence du défendant. Ce fardeau de la preuve de persuasion est immuable. Lorsque toute la preuve a été déposée, la cour doit être convaincue, en tenant compte de la prépondérance des probabilités, que l'accident a résulté de la négligence du défendant; sinon, le plaignant n'obtient pas gain de cause. Cependant, au cours de l'instance, l'application de la doctrine res ipsa loquitur peut soulever une inférence prima facie contre le défendant et, à moins de pouvoir présenter une preuve du contraire, ce dernier sera perdant. Il s'agit d'un cas où l'on peut dire que le défendant devra supporter le « fardeau de présentation de la preuve ». Comme on l'indique précédemment, le défendant peut s'acquitter de ce fardeau de présentation de la preuve s'il offre une explication raisonnable de la survenance de l'accident, laquelle cadre avec les faits établis et le fait qu'il n'y a pas eu négligence de sa part comme on l'infère. La doctrine res ipsa loquitur n'a pas pour effet de transférer le fardeau de persuasion au défendant de sorte qu'il doit prouver qu'il n'y a pas eu négligence de sa part. [traduction libre]

[27] Par conséquent, si l'Office est d'avis que la preuve établit une relation d'inférence de négligence, le fardeau de la présentation de la preuve reviendra donc au transporteur qui devra offrir une explication acceptable pour contrer cette inférence.

[28] Selon la preuve aux dossiers de l'Office :

  • L'ordinateur portatif de M. Caldicott fonctionnait lorsqu'il l'a déposé sur le chariot Consignair. Il s'en était servi avant l'embarquement et l'avait sorti de son étui au point de contrôle de la sécurité.
  • Dès que M. Caldicott a placé l'ordinateur portatif sur le chariot Consignair, l'étui et l'ordinateur portatif étaient sous le contrôle exclusif du transporteur.
  • Lorsque M. Caldicott a récupéré son ordinateur portatif du chariot Consignair à Vancouver, il a constaté les dommages alors qu'il était encore à l'aéroport et qu'il a allumé l'ordinateur portatif.
  • L'écran était très endommagé et dans une condition pouvant n'avoir résulté qu'à la suite d'un choc sévère.

[29] À la lumière de l'analyse précédente et des faits établis dans le présent dossier, l'Office est convaincu que (1) les dommages à l'ordinateur portatif de M. Caldicott sont survenus alors qu'il était entre les mains du transporteur et (2) la condition de l'ordinateur portatif avant que M. Caldicott le dépose sur le chariot Consignair et celle dans laquelle il l'a récupéré suffisent à pencher contre le transporteur. Par conséquent, l'Office estime que la preuve soutient l'inférence de négligence et que le fardeau de la présentation de la preuve revient donc au transporteur qui doit offrir une explication acceptable pour contrer cette inférence.

[30] L'Office estime que puisque Jazz n'a pas été en mesure de prouver qu'elle n'a pas été négligente, ou de fournir une explication équivalente à de la non-négligence, elle doit répondre de ce chef. L'Office conclut donc que Jazz est responsable des dommages résultant de la manutention négligente de l'ordinateur portatif de M. Caldicott.

Limite de responsabilité

[31] Aux termes du sous-alinéa 107(1)n)(x) du RTA, toute limite de responsabilité doit être clairement énoncée dans le tarif du transporteur. Par conséquent, l'Office doit déterminer si le tarif définit clairement la limite de responsabilité de Jazz pour les dommages causés aux bagages à main en raison de la négligence du transporteur.

[32] Dans la décision no 2-C-A-2001 en date du 2 janvier 2001, l'Office avait conclu qu'un transporteur répond aux critères de clarté prescrits à l'alinéa 107(1)n) du RTA lorsque, de l'avis d'une personne raisonnable, les droits et les obligations tant du transporteur que des passagers sont énumérés de façon à exclure tout doute raisonnable, toute ambiguïté ou toute incertitude.

[33] Dans le cas présent, l'Office note que le tarif établit des règles différentes en ce qui a trait aux bagages enregistrés et aux bagages à main. Dans le premier cas, le tarif établit la responsabilité de Jazz et prescrit une limite maximale (voir la règle 230AC du tarif). Quant aux bagages à main, le tarif soustrait nettement Jazz à toute responsabilité en cas de dommages, sauf si ceux-ci résultent de la négligence du transporteur lors de la manutention. Cependant, le tarif ne fait aucunement état de la limite maximale de responsabilité en cas de dommages causés aux bagages à main, lesquels résultent d'une négligence de la part du transporteur. L'Office est d'avis que le fait pour un transporteur de ne pas se soustraire à la responsabilité en cas de négligence de sa part peut laisser croire qu'il n'a pas l'intention d'appliquer une limite, même maximale. Par conséquent, il n'est pas clair si le transporteur entend bénéficier de la limite de responsabilité susmentionnée en cas de négligence ou s'il entend assumer la responsabilité pour la valeur totale de tout bagage à main endommagé.

[34] Compte tenu de l'ambiguïté quant aux intentions du transporteur et du fait que le tarif n'est pas clair quant à la limite maximale de responsabilité de Jazz en cas de négligence, l'Office conclut que le tarif n'établit pas clairement la limite de responsabilité en cas de négligence. Par conséquent, le transporteur ne peut appliquer une limite de responsabilité. L'Office enjoint donc par les présentes à Jazz d'indemniser M. Caldicott pour la valeur de remplacement de son ordinateur portatif.

CONCLUSION

[35] À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office ordonne par les présentes à Jazz de verser à M. Caldicott, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision, une indemnité de 1 784,86 $, soit la valeur de remplacement de son ordinateur portatif.

Membres

  • George Proud
  • Baljinder Gill
  • Guy Delisle
Date de modification :