Décision n° 67-W-2014

le 26 février 2014

DEMANDE présentée par Jan De Nul NV, en vertu de la Loi sur le cabotage, L.C. (1992), ch. 31, en vue d’obtenir une licence.

No de référence : 
W9125/13-06672

DEMANDE

[1] Jan De Nul NV (demanderesse) a déposé, par l’entremise de son représentant canadien, une demande en vue d’obtenir une licence pour l’utilisation du « DN46 », un navire de travail immatriculé au Luxembourg, afin de supporter les opérations de dragage pour démonter la digue de réservoir du quai de construction de la fondation de la structure gravitaire de Hebron. Le navire aidera la drague désagrégatrice à positionner les ancres, et installera et supportera le pipeline de refoulement flottant de 1 200 mètres, y compris le ponton diffuseur. Les activités commenceront le 1er avril et se termineront le 30 juin 2014.

AVIS ET OFFRE

[2] Le personnel de l’Office des transports du Canada (Office) a donné avis de la demande à l’industrie du transport maritime du Canada. Dragage Océan DSM Inc. (Océan) a déposé, avant le délai fixé par l’Office, une offre de navires immatriculés au Canada.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

[3] Dans son offre, Océan indique qu’elle détient une flotte de remorqueurs et de barges qui seraient disponibles pour supporter les opérations de dragage, et identifie les barges de dragage « IV‑8 », « OCEAN BORROMÉE VERREAULT » et « OCEAN BASQUE 2 ». Toutefois, dans la réponse de la demanderesse et la réplique d’Océan, les navires identifiés par les parties sont l’« OCEAN FOXTROT », une barge-grue avec un remorqueur, et une barge de dragage avec un remorqueur. Comme les parties ont particulièrement abordé la question de l’adaptabilité de l’« OCEAN FOXTROT », de la barge-grue avec un remorqueur, et de la barge de dragage avec un remorqueur, l’Office considérera que ce sont les navires canadiens offerts pour l’activité.

QUESTION

[4] Y a-t-il un navire canadien à la fois adapté et disponible pour être affecté à l’activité?

POSITIONS DES PARTIES

[5] La demanderesse affirme que le navire servira à diverses activités pour supporter les opérations de dragage. Les activités consistent à positionner les ancres, à installer et à déplacer deux boîtes d’ancrage dans un espace restreint près de la ligne côtière, ainsi qu’à installer un pipeline de refoulement flottant et à en assurer le fonctionnement sécuritaire.

« OCEAN FOXTROT »

Manœuvrabilité

[6] La demanderesse fait valoir que l’« OCEAN FOXTROT » est deux fois plus long que le « DN46 », ce qui le rend difficile à manœuvrer. Selon la demanderesse, l’utilisation de l’« OCEAN FOXTROT » soit ralentirait les opérations soit rendrait impossibles la manipulation et le repositionnement des ancres sans déplacer la drague. Elle ajoute que le travail à proximité de la ligne côtière dans un espace restreint entraînerait des risques pour la sécurité ou rendrait les opérations impossibles.

[7] Océan soutient qu’il y a suffisamment d’espace pour manœuvrer l’équipement à cet endroit, et souligne qu’elle y a déjà travaillé avec un remorqueur. Selon Océan, l’« OCEAN FOXTROT » est plus facile à manœuvrer que le « DN46 », car il est propulsé par deux hélices et est équipé d’un propulseur d’étrave. Enfin, Océan affirme que la position surélevée de l’« OCEAN FOXTROT » fait en sorte que la visibilité et la sûreté de ses manœuvres sont accrues.

Exigences de levage et de manipulation

[8] La demanderesse fait valoir que l’« OCEAN FOXTROT » n’est pas équipé d’une grue de bord, et il ne pourrait donc pas lever des charges importantes et installer le pipeline de refoulement flottant ou le manipuler. De plus, en raison des hiloires à bâbord et à tribord, la manipulation du pipeline devra se faire par la poupe, ce qui fera augmenter les risques pour la sécurité. Par ailleurs, la demanderesse fait valoir que, comme le remorqueur ne pourra pas amener le pipeline de refoulement flottant « le long du bord », le navire devra approcher le pipeline depuis sa poupe, de façon perpendiculaire au pipeline de refoulement flottant. Il sera donc plus difficile de garder le navire en position à côté du pipeline.

[9] Océan affirme qu’il y a assez d’espace sur le pont de l’« OCEAN FOXTROT » et une capacité suffisante pour installer une grue de bord mobile ou une excavatrice qui répondrait aux exigences de levage. Océan souligne que ses architectes navals ont confirmé qu’il n’y aurait aucun problème de stabilité si on installait une excavatrice qui excède la capacité requise pour des tâches comme changer la tête de désagrégation. Océan ajoute que l’« OCEAN FOXTROT » est muni d’une grue de huit tonnes.

Barge-grue avec un remorqueur

Manœuvrabilité

[10] En ce qui a trait à l’utilisation d’une barge-grue avec un remorqueur, la demanderesse indique que les mêmes restrictions que celles concernant l’« OCEAN FOXTROT » s’appliquent. Elle ajoute que sans un propulseur d’étrave supplémentaire, la manœuvrabilité ne sera pas meilleure que celle de l’« OCEAN FOXTROT ».

[11] Selon Océan, la barge-grue peut être transportée le long du bord ou poussée par le remorqueur. Océan affirme qu’une fois que le remorqueur et la barge-grue sont séparés, la barge-grue proposée est plus petite que le « DN46 ». Océan indique que la manœuvrabilité des remorqueurs proposés qui déplaceront la barge-grue ne se compare pas à la manœuvrabilité de n’importe quel système à propulsion régulière, ni à celui du « DN46 », car les remorqueurs sont munis de propulseurs azimutaux, les plus précis et efficaces qui soient disponibles. Océan soutient que l’utilisation de ce type de remorqueur accroîtra la sécurité sur les lieux, et que les remorqueurs peuvent être équipés de deux hélices, ce qui constitue le même système de propulsion que celui du « DN46 ». Océan indique que ses remorqueurs sont faits pour le remorquage portuaire et peuvent déplacer de grands navires en toute sécurité dans des espaces restreints et que, d’après son expérience à cet endroit, il y a suffisamment d’espace pour manœuvrer la barge-grue.

Exigences de levage et de manipulation

[12] La demanderesse indique que les capacités du treuil et de la grue de bord sur la barge-grue proposée doivent être confirmées. Elle fait valoir que le levage de la boîte d’ancrage de 150 tonnes fera tanguer fortement la barge-grue, ce qui dérangera le raccord entre le remorqueur et la barge-grue. La demanderesse affirme qu’il sera très risqué, voire impossible, qu’elle se déplace avec des charges importantes. Elle ajoute qu’un cylindre d’enroulement des chaînes d’ancre devrait être installé sur le bord avant de la barge-grue pour que les ancres soient utilisées et manipulées de façon sécuritaire. De plus, la demanderesse indique que la grue devrait être positionnée près du bord de la barge-grue pour qu’elle ait une portée maximum (installation d’ancres sur la rive). Selon la demanderesse, cela entraînera une inclination de la barge-grue au moment du levage, ce qui dérangera le raccord entre le remorqueur et la barge-grue.

[13] En réponse, Océan fait valoir que la demanderesse peut fournir un treuil qui peut être installé sur la barge-grue. Océan affirme qu’elle peut aussi fournir des treuils pour répondre aux besoins des clients. Selon elle, le poids des boîtes d’ancrage peut être réduit, mais sans nuire à la force de l’ancre, si on augmente le nombre de boîtes, pour ainsi fournir une plus grande souplesse quant au choix de treuils. Océan souligne que les boîtes de pesée sont assemblées sur place. Elle soutient qu’une grue répondant aux exigences a été proposée à la demanderesse. Océan affirme qu’elle a proposé d’installer une excavatrice sur la barge-grue pour répondre aux besoins de la demanderesse, mais qu’elle n’a reçu aucune réponse officielle. Océan indique que l’installation de grues et d’excavatrices sur des barges fait partie de ses activités régulières.

Barge de dragage avec un remorqueur

Manœuvrabilité

[14] La demanderesse affirme que la manœuvrabilité de la barge de dragage serait limitée, car la configuration est plus large que celle de l’ensemble barge-grue et remorqueur. La demanderesse fait valoir que la barge de dragage est équipée de pieux qui ne peuvent pas être utilisés n’importe où, car les profondeurs d’eau varient de 20 à plus de 70 mètres. La demanderesse ajoute que, par conséquent, la barge de dragage devra être gardée en position par le remorqueur aux endroits où les pieux ne pourront pas être utilisés.

[15] Océan présente les mêmes arguments quant à la manœuvrabilité de la barge de dragage que pour la barge-grue (tel qu’il est indiqué au paragraphe 11 ci-dessus), et ajoute que la barge de dragage vient tout juste de terminer une activité de dragage complexe près d’une plate-forme pétrolière où il y avait peu de marge de manœuvre, mais qu’elle a été positionnée facilement et en toute sécurité sur un lieu de travail restreint.

Exigences de levage et de manipulation

[16] En ce qui a trait à la barge de dragage, la demanderesse soutient que la grue mobile semble être adaptée pour manipuler les ancres Delta Flipper, mais ne permet des conditions de travail sécuritaires pour des ancres massives. La demanderesse fait valoir qu’une capacité d’au moins 200 tonnes serait nécessaire, et avec un tableau des charges réduit pour les conditions en mer, une capacité de 220 à 250 tonnes serait requise. Elle ajoute que le poids combiné de la grue et de la boîte d’ancrage (400 tonnes) nécessiterait un ballastage, ce qui surchargerait probablement la barge de dragage. De plus, si une barge plus grande était utilisée, la manœuvrabilité serait d’autant réduite. Selon la demanderesse, se déplacer avec ce poids (balancement de la grue ou déplacement de la drague) s’avérerait une opération très risquée. La demanderesse affirme que, comme le point de levage de la grue de bord est assez haut au-dessus du pont, il serait difficile de manipuler les pièces du pipeline de refoulement flottant.

[17] Océan fait valoir qu’elle a proposé différentes dragues mécaniques, notamment une barge à sections et une barge de dragage mécanique régulière. Océan souligne que la barge de dragage « OCEAN BORROMÉE VERREAULT » est équipée d’une grue ayant une capacité de 200 tonnes qui peut lever le poids requis, comme l’ont confirmé ses architectes navals. Selon Océan, il s’agit d’une grue marine de grand levage avec un tableau des charges pour les conditions en mer, ce qui signifie qu’aucune modification ne serait nécessaire. Océan affirme que la grue assurerait des conditions de travail sécuritaires. Enfin, Océan indique que l’ensemble barge de dragage et remorqueur permettrait la manipulation du pipeline ainsi que l’installation et le repositionnement des ancres en toute sécurité.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Contexte législatif

[18] L’intention de la Loi sur le cabotage est de permettre l’utilisation de navires étrangers dans les eaux canadiennes lorsqu’il n’y a pas de navire canadien à la fois adapté et disponible pour être affecté à l’activité proposée. L’Office doit déterminer, selon la prépondérance des probabilités, s’il existe un navire canadien à la fois adapté et disponible pour être affecté à l’activité.

[19] Dans l’exercice de ses responsabilités, l’Office compte sur la partie qui dépose la demande pour fournir des renseignements détaillés à propos de toutes les circonstances et de tous les faits pertinents à l’activité proposée et au navire étranger qu’elle propose d’utiliser. L’Office compte également sur les exploitants canadiens pour fournir des renseignements détaillés à propos du navire offert et de la façon dont le navire canadien offert pourrait répondre aux exigences établies par la demanderesse. Ces exigences sont clairement énoncées dans les Lignes directrices de l’Office des transports du Canada relatives au traitement des demandes de licence de cabotage (Lignes directrices).

[20] Il incombe à la partie qui dépose la demande de fournir tous les détails pertinents. De même, un exploitant canadien qui dépose une offre en réponse à une demande doit décrire en détail la façon dont le navire pourra être affecté à l’activité, et fournir tous les renseignements pertinents permettant de justifier l’offre.

[21] Les Lignes directrices prévoient que le fardeau de la preuve repose sur la partie qui dépose la demande, qui doit démontrer que le navire offert n’est pas adapté ou qu’il n’est pas disponible pour être affecté à l’activité proposée. De plus, les Lignes directrices reconnaissent que la Loi sur le cabotage ne prévoit pas qu’un navire immatriculé au Canada doive être identique au navire étranger proposé dans la demande. L’adaptabilité du navire immatriculé au Canada n’est pas évaluée en fonction du navire étranger, mais plutôt en fonction des exigences de l’activité et de la capacité du navire immatriculé au Canada de la mener à bien.

Disponibilité

[22] La demanderesse n’a pas contesté la disponibilité des navires offerts. Par conséquent, l’Office conclut que les navires offerts par Océan sont disponibles pour être affectés à l’activité.

Adaptabilité

[23] La demanderesse a contesté l’adaptabilité des navires offerts par Océan à deux égards : la manœuvrabilité et la capacité de répondre aux exigences de levage et de manipulation de l’activité, qui sont examinées ci-dessous.

Manœuvrabilité

« OCEAN FOXTROT »

[24] La demanderesse remet en question la manœuvrabilité de l’« OCEAN FOXTROT », car il est plus long que le « DN46 ». Elle fait valoir que la taille du navire ralentirait les opérations ou rendrait impossibles la manipulation et le repositionnement des ancres sans déplacer la drague; toutefois, la demanderesse n’explique pas de quelle façon ou à quel point le ralentissement des opérations ou le déplacement de la drague aurait une incidence sur la capacité du « OCEAN FOXTROT » d’effectuer l’activité. Océan affirme que l’« OCEAN FOXTROT » est plus facile à manœuvrer que le « DN46 », car il est propulsé par deux hélices et est équipé d’un propulseur d’étrave.

Barge-grue avec un remorqueur

[25] En ce qui a trait à l’ensemble barge-grue et remorqueur, la demanderesse affirme que les mêmes restrictions que celles concernant l’« OCEAN FOXTROT » s’appliquent. Elle ajoute que sans un propulseur d’étrave supplémentaire, la manœuvrabilité ne sera pas meilleure que celle de l’« OCEAN FOXTROT ». Toutefois, Océan indique que ses barges seront déplacées par des remorqueurs équipés de propulseurs azimutaux, qui sont plus faciles à manœuvrer que n’importe quel système à propulsion régulière. De plus, Océan fait valoir qu’une fois que le remorqueur et la barge-grue sont séparés, la barge-grue est en fait plus petite que le « DN46 ».

Barge de dragage avec un remorqueur

[26] La demanderesse remet également en question la manœuvrabilité de l’ensemble barge de dragage et remorqueur, car la configuration est plus large que celle de l’ensemble barge-grue et remorqueur. De plus, la demanderesse indique qu’en raison des profondeurs d’eau, les pieux de la barge de dragage ne pourraient pas être utilisés n’importe où. L’Office fait remarquer qu’Océan n’a pas abordé la question des pieux en particulier. Toutefois, la demanderesse affirme que la barge de dragage devra être gardée en position par un remorqueur.

[27] L’Office a tenu compte des arguments et est d’avis que ceux présentés par Océan en ce qui a trait à la manœuvrabilité des navires proposés sont plus convaincants que ceux présentés par la demanderesse. L’Office conclut que les navires proposés par Océan satisfont à l’exigence de manœuvrabilité de l’activité.

Exigences de levage et de manipulation

« OCEAN FOXTROT »

[28] La demanderesse a contesté l’adaptabilité de l’« OCEAN FOXTROT » du fait qu’il n’est pas équipé d’une grue de bord lui permettant de manipuler le pipeline, et d’installer et de repositionner les ancres. Toutefois, l’Office est d’avis qu’en offrant d’équiper l’« OCEAN FOXTROT » d’une excavatrice ou d’une grue de bord ayant la capacité appropriée, Océan a correctement réglé les questions de levage soulevées par la demanderesse relativement à l’exigence de manipulation et d’installation d’un pipeline et de repositionnement des ancres.

Barge-grue avec un remorqueur

[29] La demanderesse a contesté l’adaptabilité de l’ensemble barge-grue et remorqueur en fonction de treuils et de grues de bord permettant de manipuler le pipeline, et d’installer et de repositionner les ancres. Toutefois, comme dans le cas de l’« OCEAN FOXTROT », l’Office est d’avis qu’en offrant d’équiper ses navires d’un treuil, d’une excavatrice ou d’une grue de bord ayant la capacité appropriée, Océan a correctement réglé les questions de levage soulevées par la demanderesse relativement à l’exigence de manipulation et d’installation d’un pipeline et de repositionnement des ancres. De plus, la proposition d’Océan d’ajouter des boîtes d’ancrage prouve qu’Océan est en mesure d’ajouter à la capacité de levage pour satisfaire aux exigences de levage et de manipulation de l’activité.

Barge de dragage avec un remorqueur

[30] La demanderesse a reconnu que la grue proposée par Océan a la capacité de supporter le poids des boîtes d’ancrage. Même si la demanderesse indique qu’une capacité de charge supplémentaire serait nécessaire pour les conditions en mer, elle n’explique pas pourquoi cette capacité supplémentaire, qui ne figure pas dans les exigences de l’activité, est nécessaire.

[31] En se fondant sur les présentations, l’Office conclut, selon la prépondérance des probabilités, que les navires proposés par Océan satisfont aux exigences de levage et de manipulation de l’activité.

DÉTERMINATION

[32] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les navires offerts par Océan sont adaptés pour être affectés à l’activité. Par conséquent, l’Office détermine, conformément au paragraphe 8(1) de la Loi sur le cabotage, qu’il existe des navires canadiens à la fois adaptés et disponibles pour être affectés à l’activité.

[33] L’Office communiquera cette détermination au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Membre(s)

Sam Barone
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