Décision n° 682-AT-A-2002
le 20 décembre 2002
Référence no U3570/00-84
DEMANDE
Le 20 décembre 2000, Jerry Genesove a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
Le 24 janvier 2001, une copie de la plainte a été fournie à Air Canada et cette dernière devait déposer sa réponse dans les trente (30) jours suivants.
Le 26 février 2001, Air Canada a déposé sa réponse, laquelle contenait une copie du dossier passager de M. Genesove et une copie de sa politique CIC*59/209. Le 8 mars 2001, M. Genesove a déposé sa réplique.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
Même si Air Canada a déposé sa réponse après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, l'accepte comme étant pertinente et nécessaire à son examen de la présente affaire.
QUESTION
L'Office doit déterminer si le niveau d'assistance fourni à M. Genesove à l'embarquement et au débarquement lors de son vol de retour de Tel Aviv à Toronto a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.
FAITS
M. Genesove a des problèmes cardiaques. En raison de cet état de santé, il requiert de l'assistance à l'embarquement et au débarquement.
Le 11 mai 2000, à son arrivée à Tel Aviv, M. Genesove a demandé de l'assistance pour débarquer de l'aéronef. On a alors utilisé un appareil de levage pour le débarquer.
Le 7 juin 2000, M. Genesove a voyagé de Tel Aviv à Toronto sur le vol no 887 d'Air Canada. À son arrivée au comptoir d'enregistrement de l'aéroport de Tel Aviv, M. Genesove a expliqué qu'il avait des problèmes cardiaques et a demandé qu'on lui fournisse un appareil de levage. On a répondu à M. Genesove de se rendre à la porte d'embarquement 43 de l'aéroport de Tel Aviv et à sa femme de se rendre à la porte d'embarquement 40. Au moment de l'embarquement, personne n'est venu rejoindre M. Genesove à la porte 43; il a donc parlé au personnel à la porte 40 et celui-ci s'est chargé de transporter ses bagages de cabine en bas des escaliers. M. Genesove n'a eu aucun problème à transporter ses bagages de cabine jusqu'à l'aéronef, mais personne ne l'attendait pour l'aider à monter les escaliers de l'aéronef. M. Genesove a monté les escaliers en transportant ses bagages et c'est à ce moment qu'il s'est fait mal au côté droit et a senti une douleur dans sa poitrine. Il a alors parlé de son problème à l'agente de bord et lui a demandé de l'aider à ranger ses bagages de cabine dans le compartiment de rangement supérieur. Lorsque l'agente de bord l'a informé qu'elle avait des problèmes de dos, M. Genesove s'est encore une fois fait mal en essayant de soulever ses bagages. L'agente de bord l'a alors aidé à trouver un endroit où ranger ses bagages de cabine.
Lorsque le vol no 887 est arrivé à Toronto, M. Genesove a encore demandé de l'assistance, mais on lui a répondu qu'il n'y avait pas d'escalier, ce qui n'était pas le cas. M. Genesove s'est encore fait mal lorsqu'il a descendu les escaliers de l'aérogare 1 de l'aéroport international Lester B. Pearson (ci-après l'aéroport de Toronto).
POSITIONS DES PARTIES
M. Genesove est d'avis qu'Air Canada aurait dû lui fournir de l'assistance avec l'appareil de levage et de l'assistance de port de bagages au moment de l'embarquement du vol no 887 à l'aéroport de Tel Aviv et du débarquement à l'aéroport de Toronto. Il affirme qu'il s'est disputé avec l'agent de billets au comptoir d'enregistrement à Tel Aviv avant que ce dernier ne lui remette sa carte d'embarquement et celle de sa femme. M. Genesove affirme également que si les bagages de cabine sont permis, des dispositions devraient être prises pour répondre aux besoins des personnes qui ont de la difficulté à transporter leurs bagages.
M. Genesove demande le remboursement de l'attelle dorsale et de l'attelle jambière qu'il a achetées et des différents traitements d'acuponcture et de shiatsu qu'il a reçus à la suite de sa blessure.
Air Canada affirme qu'elle s'est engagée à offrir de l'assistance à l'embarquement et au débarquement aux clients ayant une déficience et demande un préavis de 48 heures pour assurer une assistance en temps opportun. Air Canada ajoute qu'habituellement elle est prévenue du besoin des clients grâce à la demande de services spéciaux, qui est enregistrée dans le dossier passager par l'agent de voyages ou l'agent responsable des réservations du centre d'appel ou du Meda Desk. Air Canada souligne que le dossier de M. Genesove ne contenait aucune demande d'assistance en raison de ses problèmes de santé.
Air Canada remarque que son personnel de Tel Aviv a offert de l'assistance avec un appareil de levage à M. Genesove à son arrivée, même si ce dernier n'avait donné aucun préavis. Elle souligne également que l'agente de bord a rangé les bagages de cabine de M. Genesove à un autre endroit au niveau du sol lorsqu'elle n'a pas été en mesure de les ranger dans le compartiment de rangement supérieur. Air Canada maintient que le personnel de l'aéroport de Toronto n'a pas pu assigner un agent pour rencontrer M. Genesove à la porte de l'aéronef, car ce dernier n'avait pas fait mention de son besoin d'assistance au débarquement. Air Canada s'excuse si le personnel de l'aéroport de Toronto a dit à M. Genesove de ne pas s'inquiéter des escaliers.
Air Canada déclare, à la lumière des renseignements recueillis, qu'elle croit que son personnel a satisfait la plupart des besoins de M. Genesove, même s'il n'a eu qu'un court préavis pour le faire. Air Canada affirme être convaincue que l'assistance au débarquement aurait été offerte à M. Genesove à son arrivée à l'aéroport de Toronto si ce dernier l'avait avertie d'avance.
Air Canada indique qu'elle ne peut considérer que les blessures déclarées par M. Genesove ont été causées en raison de mesures inappropriées prises par son personnel et, par conséquent, elle ne peut envisager de rembourser les dépenses engagées pour les attelles ou les traitements.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
La demande doit être déposée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Dans le cas présent, M. Genesove a des problèmes cardiaques et il lui est difficile de monter et descendre des escaliers et de transporter et soulever des bagages lourds. Il est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
À partir des éléments de preuve présentés, l'Office accepte que le dossier passager d'Air Canada pour M. Genesove ne contenait aucune demande d'assistance en raison de ses problèmes de santé. L'Office accepte également que M. Genesove a demandé que le personnel d'Air Canada lui fournisse un appareil de levage et de l'assistance de port de bagages aux aéroports de Tel Aviv et de Toronto, mais qu'il n'a pas reçu toute l'assistance nécessaire. Il s'est donc blessé lorsqu'il a embarqué dans l'aéronef. Compte tenu de ce qui précède, l'Office détermine que le fait qu'Air Canada n'a pas fourni d'appareil de levage à M. Genesove pour l'aider à l'embarquement et au débarquement, de même que le manque d'assistance de port de bagages a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
L'obstacle était-il abusif ?
À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer dans l'aéronef avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
L'Office note que la politique d'Air Canada indique clairement que les services fournis aux personnes ayant une déficience comprennent l'assistance pour ranger et récupérer les bagages de cabine et les bagages enregistrés.
L'Office est conscient qu'une note au dossier d'un passager prévient le transporteur d'un besoin d'assistance pour ce passager. Toutefois, dans le cas présent, les informations au dossier ne démontrent pas qu'une telle demande a été consignée au dossier passager de M. Genesove. L'Office s'attend néanmoins à ce que les transporteurs s'efforcent de fournir les services qui ne sont pas demandés avant le voyage. Dans le cas présent, l'Office est d'avis qu'Air Canada a déployé des efforts raisonnables pour fournir les services nécessaires.
En ce qui concerne le fait qu'Air Canada n'a pas fourni d'appareil de levage à M. Genesove pour l'aider à l'embarquement et au débarquement, l'Office remarque qu'aucune note ne figure au dossier passager de M. Genesove et, par conséquent, les employés d'Air Canada ne pouvaient être prêts à lui fournir cette assistance dès son arrivée au comptoir d'enregistrement de l'aéroport de Tel Aviv et dès son arrivée à l'aéroport de Toronto. À cet égard, l'Office est d'avis que lorsqu'une personne sait qu'en raison de sa déficience elle pourrait avoir des besoins spéciaux, cette dernière est responsable de signaler au transporteur ce besoin avant le voyage afin qu'il se prépare en conséquence.
En ce qui concerne la demande d'assistance de port de bagages faite par M. Genesove, les éléments au dossier indiquent qu'une assistance de port de bagages a été fournie à M. Genesove lorsqu'il a quitté l'aéroport de Tel Aviv avant d'embarquer dans l'aéronef. M. Genesove a indiqué qu'un préposé à la porte d'embarquement avait transporté ses bagages de cabine jusqu'en bas des escaliers. En ce qui concerne la plainte de M. Genesove selon laquelle personne ne se trouvait à l'aéronef à l'aéroport de Tel Aviv pour transporter ses bagages en haut des escaliers et aucune assistance ne lui avait été fournie à son arrivée à l'aéroport de Toronto, l'Office accepte l'affirmation d'Air Canada selon laquelle son personnel n'a pas pu assigner un agent pour rencontrer M. Genesove à l'aéronef, car elle n'avait pas été avisée de son besoin d'assistance à l'embarquement et au débarquement. Même si l'Office déplore que M. Genesove s'est blessé en tentant de ranger ses bagages de cabine dans le compartiment de rangement supérieur, l'Office note que lorsque le personnel d'Air Canada a constaté qu'il était incapable de ranger les bagages de cabine de M. Genesove dans le compartiment de rangement supérieur, il les a rangés à un autre endroit au niveau du sol. De plus, l'Office a noté que l'agente de bord qui a aidé M. Genesove à embarquer dans l'aéronef avaient des problèmes de dos et, par conséquent, elle ne pouvait l'aider à ranger ses bagages de cabine dans le compartiment de rangement supérieur.
À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que, dans le cas présent, même si M. Genesove a fait face à un obstacle à ses possibilités de déplacement du fait que le niveau d'assistance avec l'appareil de levage et pour ses bagages n'était pas disponible à l'aéroport de Tel Aviv et à l'aéroport de Toronto, l'obstacle n'était pas abusif.
INDEMNISATION
Le paragraphe 172(3) de la LTC prévoit que :
En cas de décision positive, l'Office peut exiger la prise de mesures correctives indiquées ou le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l'obstacle en cause, ou les deux.
Par conséquent, dans le cas présent, l'Office a conclu qu'il n'y a pas eu d'obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Genesove et qu'il n'a donc pas droit à une indemnisation en vertu du paragraphe 172(3) de la LTC.
CONCLUSION
À la lumière de ce qui précède, l'Office a déterminé qu'il n'y a pas eu d'obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Genesove et, par conséquent, n'ordonne aucune mesure corrective ni indemnisation.
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