Décision n° 719-AT-A-2005
le 12 décembre 2005
DEMANDE de révision de la décision no 348-AT-A-2005 du 1er juin 2005 déposée en vertu de l'article 32 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, par Barry Growe au nom de Lindsey Cook.
Référence no U3570/05-7
DEMANDE
[1] Le 15 août 2005, Barry Growe a déposé une demande au nom de Lindsey Cook demandant à l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) de revoir la décision no 348-AT-A-2005 en date du 1er juin 2005 (ci-après la décision).
[2] Le 15 septembre 2005, Air Canada a déposé sa réponse à la demande et le 24 octobre suivant, M. Growe y a répliqué.
CONTEXTE
[3] Dans sa décision, l'Office a statué sur une demande que M. Growe a déposée au nom de Mme Cook relativement à la politique d'Air Canada sur les services de civière. Dans cette même décision, l'Office a conclu que la politique en question ne constituait pas un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Cook. La décision énonce, en partie, que :
[...] L'Office a examiné la preuve fournie par l'ingénieur en chef et accepte que la civière d'Air Canada a été conçue, testée et certifiée pour le transport d'une personne qui est non ambulatoire et qui reste allongée sur le dos sur la civière pour la durée du vol en utilisant le système de retenue. De plus, l'Office accepte que le concept de la civière n'ait jamais eu comme objectif de permettre à quelqu'un de monter sur la civière et d'en descendre à l'exception du transfert à partir d'une autre civière. Les arrangements susmentionnés demandés par M. Growe et Mme Cook pourraient donc avoir d'importantes conséquences pour la sécurité car la civière serait utilisée à des fins qui n'avaient pas été prévues.
[...]
[...] en considérant le droit de Mme Cook de voyager par avion sans rencontrer d'obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement et les considérations commerciales et opérationnelles d'Air Canada ainsi que ses responsabilités, l'Office estime que les conséquences pour Air Canada de modifier sa politique sur les services de civière et d'apporter des modifications au manuel du personnel de bord, ainsi que de fournir la formation à ses agents de bord sur ces modifications, sont telles qu'elles ne sont pas considérées justifiées en raison du caractère unique de la situation de Mme Cook.
Par ailleurs, même si l'Office reconnaît que la politique d'Air Canada sur les services de civière ne permet pas à Mme Cook de voyager dans des conditions idéales, M. Jones [le physiothérapeute de Mme Cook], le Dr Ong-Lam [le médecin de Mme Cook], M. Growe et Mme Cook reconnaissent tous qu'il serait toutefois possible pour Mme Cook de voyager de Vancouver à Toronto conformément à la politique actuelle d'Air Canada sur les services de civière.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
[4] M. Growe note la proposition d'Air Canada d'annuler son service de civière et demande à l'Office d'exiger qu'Air Canada et que tous les transporteurs aériens canadiens qui exploitent des Airbus assurent, à un coût raisonnable, un service de civière pour les personnes ayant une déficience qui ne peuvent demeurer assises pendant de longues périodes. De plus, M. Growe déclare qu'il adhère au principe « un passager-un prix » que propose le Conseil des Canadiens avec déficiences ou à un principe semblable.
[5] Air Canada indique que certains points que soulève M. Growe dans sa demande sont abordés dans le dossier « un passager-un prix » sur lequel se penche actuellement une autre formation de membres de l'Office.
[6] L'Office note que la question d'offre d'un service de civière et le coût s'y rattachant et l'avis d'Air Canada selon lequel elle prévoit annuler son service de civière ont été traités dans la décision no LET-AT-A-319-2005 du 8 décembre 2005. Par conséquent, l'Office ne les traitera pas dans le cadre de la présente décision.
[7] Bien que la réponse de M. Growe du 24 octobre 2005 ait été déposée après l'échéance prescrite, l'Office, conformément à l'article 5 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35, l'accepte la jugeant pertinente et nécessaire à l'examen de la présente affaire.
QUESTION
[8] L'Office doit déterminer s'il y a eu des faits nouveaux ou évolution des circonstances au sens de l'article 32 de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC) depuis que la décision a été rendue et, dans l'affirmative, si ces changements justifient la révision, l'annulation ou la modification de la décision.
POSITIONS DES PARTIES
M. Growe
[9] Après que la décision a été rendue, M. Growe a demandé au Meda Desk d'Air Canada de prendre les arrangements afin que lui et Mme Cook puissent voir la civière d'Air Canada et décider s'ils voulaient risquer de prendre un vol de Winnipeg à Toronto. Puisque le Meda Desk n'a pas été en mesure de donner suite à cette requête, M. Growe a tenté de déterminer qui s'occupait des civières d'Air Canada. Lors des recherches à cette fin, il a appris l'existence de Noorduyn Norseman Inc. (ci-après Noorduyn Norseman), le fabricant des civières pour le type d'Airbus qu'exploitent Air Canada et d'autres transporteurs aériens au Canada. M. Growe souligne que ces civières ont 42 pouces de largeur, soit 23 pouces de plus que les civières qu'utilise Air Canada.
[10] M. Growe déclare que l'information contenue dans le site Web de Noorduyn Norseman met l'accent sur le confort que procure la civière et insiste sur le fait qu'elle est conçue expressément pour les « passagers impotents » [traduction libre] qui ne peuvent s'asseoir à bord d'un aéronef. De plus, M. Growe fait remarquer que le site Web indique que la civière peut être installée sans que l'on soit obligé d'enlever des sièges, offrant ainsi aux transporteurs aériens le bref délai d'exécution requis. Il ajoute que la photographie contenue dans le site Web montre que la civière est très bien matelassée.
[11] M. Growe fait valoir que puisque la civière est 16 pouces plus large que les bancs faits sur mesure que Mme Cook utilise à la maison, il n'y avait aucun risque qu'elle tombe de la civière lors de la manoeuvre pour en descendre ou lors d'un changement de position d'un côté à l'autre.
[12] M. Growe ajoute que le but de la demande initiale était de réduire le risque de blessure au dos, c.-à-d. les spasmes musculaires et la douleur qui peuvent durer plusieurs jours, voire des semaines, si les précautions appropriées ne sont pas prises. Bien que, lorsqu'ils ont été interrogés par Air Canada, Dr Ong-Lam et M. Jones aient indiqué que Mme Cook pouvait voyager allongée sur le dos, ils ont également clairement indiqué que le fait qu'elle doit rester immobile pendant de longues périodes, et ce depuis les 20 dernières années, aggrave la douleur qu'elle ressent. M. Growe indique que les médecins pourraient fournir de la littérature médicale sur le sujet, si nécessaire.
[13] M. Growe note également qu'ils ont voyagé avec Cathay Pacific Airways Limited (ci-après Cathay Pacific) et déclare que cette dernière a été en mesure de répondre aux besoins de Mme Cook, car les sièges de première classe peuvent être convertis en « lit » horizontal. M. Growe souligne que l'aide offerte par Cathay Pacific et les consultations tenues avant le vol étaient de beaucoup supérieures à celles auxquelles les autres passagers de première classe avaient eu droit. Il ajoute que Cathay Pacific a su adapter ses services pour assurer le transport d'une personne ayant une déficience.
[14] De plus, M. Growe demande à l'Office de déterminer comment des recherches pourraient être menées pour savoir si ce type de service de civière serait bénéfique seulement à Mme Cook ou s'il contribuerait de façon significative à la qualité de vie d'un plus grand nombre de Canadiens qui souffrent de maux de dos sévères. Selon M. Growe, les recherches révéleraient qu'il y a un nombre important de personnes qui ne peuvent voyager par aéronef du fait qu'elles ne peuvent rester assises pendant de longues périodes.
[15] M. Growe est d'avis que l'Office peut accepter de revoir la décision si, une fois qu'elle a été rendue, de nouveaux renseignements pertinents à la décision de l'Office surgissent. M. Growe souligne que lui et Mme Cook ignoraient l'existence de la civière de Noorduyn Norseman lors de l'audience et que si Air Canada était au courant, elle n'a pas fourni ces renseignements. Ainsi, M. Growe indique que l'Office ne pouvait tenir compte de cette information pour en arriver à sa décision.
[16] En conclusion, M. Growe indique que puisque la décision repose sur le fait qu'il n'y avait qu'une seule civière et qu'il existe au moins un autre type de civière, ceci constitue un « fait nouveau » et une « évolution des faits ou des circonstances de l'affaire visée par les décisions, arrêtés ou audiences ».
Air Canada
[17] Air Canada fait valoir que l'Office devrait rejeter la demande de révision de M. Growe, car elle ne répond pas aux conditions prescrites à l'article 32 de la LTC.
[18] Air Canada est d'avis que la demande de M. Growe n'en est pas une de révision de la décision, mais bien une demande d'examen de la question des civières, non seulement en ce qui concerne Air Canada, mais tous les transporteurs canadiens.
[19] De plus, Air Canada déclare que M. Growe relate, comme présumés fait nouveau et nouvelle circonstance, son expérience de voyage de même que celle de Mme Cook avec un autre transporteur dans la classe affaire régulière ou en première classe et le cite comme exemple du fait qu'il est possible d'offrir un « service adapté ». Air Canada fait valoir que l'expérience qu'a vécue Mme Cook avec un autre transporteur n'a aucune pertinence sur la question que l'Office devait trancher à savoir si l'on devait permettre à Mme Cook de rester allongée sur le côté sur la civière et si elle pouvait y prendre place toute seule et en descendre lors de l'embarquement, du débarquement et pendant le vol.
[20] Air Canada ajoute que M. Growe souhaite présenter comme preuve un type de civière fabriquée par Noorduyn Norseman qui, selon lui, répond aux besoins de Mme Cook et qu'à cet égard l'existence de cette civière ne constitue pas un fait nouveau car la civière existait avant la tenue de l'audience dans cette affaire.
[21] Air Canada déclare également que l'existence de la civière de Noorduyn Norseman ou le dépôt de son existence comme preuve ne modifierait sans doute pas la décision de l'Office pour les raisons suivantes :
- la civière en question fabriquée par Noorduyn Norseman n'est pas approuvée et homologuée pour utilisation à bord des aéronefs d'Air Canada;
- le fond du débat porte sur la question de savoir si Mme Cook pourrait ou non voyager en étant allongée sur le côté sur la civière et si elle pourrait prendre place sur la civière et en redescendre pendant le vol; la conclusion que cela est impossible serait la même, car la procédure du manuel des agents de bord portant sur les civières n'aborde pas ce genre de man uvre;
- M. Growe conclut à tort que la civière de Noorduyn Norseman a 42 pouces de largeur et aurait permis à Mme Cook de voyager sur le côté. Le diagramme sur le site Web du fabricant fait état de la largeur de 42 pouces comme étant la distance entre le rideau extérieur et le fuselage. On ne donne aucune mesure pour ce qui est de la civière.
[22] Par conséquent, Air Canada est d'avis que plusieurs des points que soulève M. Growe dans sa lettre du 15 août 2005 ne sont pas des faits nouveaux, mais qu'ils constituent plutôt de nouvelles demandes dont l'Office n'a pas été saisi auparavant. Par conséquent, la formation de membres de l'Office qui a rendu la décision est maintenant dessaisie du pouvoir de statuer sur de nouvelles demandes dans le cadre du présent dossier. Son mandat est plutôt de déterminer s'il doit ou non réviser, annuler ou modifier sa décision.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[23] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné les mémoires de M. Growe et d'Air Canada soumis au cours des plaidoiries.
[24] L'article 32 de la LTC prévoit que :
L'Office peut réviser, annuler ou modifier ses décisions ou arrêtés, ou entendre de nouveau une demande avant d'en décider, en raison de faits nouveaux ou en cas d'évolution, selon son appréciation, des circonstances de l'affaire visée par ces décisions, arrêtés ou audiences.
[25] Il importe de souligner dès le départ que l'article 32 de la LTC n'accorde à l'Office qu'un pouvoir de révision limité à l'égard de ses décisions. Aux termes de l'article 32 de la LTC, l'Office ne peut exercer sa compétence, et ce dans une certaine mesure, que si des faits nouveaux sont survenus depuis la diffusion de la décision ou s'il y a eu évolution des circonstances depuis lors. L'Office doit d'abord déterminer si tel est le cas en l'espèce et, dans l'affirmative, il doit ensuite déterminer si les changements sont suffisants pour justifier la révision, l'annulation ou la modification de la décision.
[26] Dans le cas présent, l'Office note que bien qu'au moment de l'examen de la demande de M. Growe par l'Office, celui-ci n'ait pas été informé de l'existence de la civière de Noorduyn Norseman ou que Cathay Pacific dispose de sièges à dossier inclinable pouvant répondre aux besoins de Mme Cook, cette information était disponible avant que l'Office ne rende sa décision. Par conséquent, la preuve fournie par M. Growe ne constitue pas un fait nouveau et les circonstances sont les mêmes qu'au moment où l'Office s'est prononcé dans cette affaire.
[27] Quant aux commentaires de M. Growe sur la preuve fournie par Dr Ong-Lam et M. Jones et sur le nombre de personnes qui ne peuvent voyager par aéronef parce qu'elles ne peuvent rester assises pendant de longues périodes, l'Office note qu'il ne s'agit ni d'un fait nouveau ni d'une évolution des circonstances de l'affaire puisque l'analyse de la décision portant sur l'obstacle et le caractère abusif de celui-ci en fait état.
[28] Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que les renseignements fournis par M. Growe ne constituent pas des faits nouveaux ou une évolution des circonstances de l'affaire visée, au sens de l'article 32 de la LTC, depuis que la décision a été rendue.
[29] Par conséquent, l'Office rejette, par les présentes, la demande de M. Growe en vue de revoir la décision no 348-AT-A-2005.
Membres
- George Proud
- Baljinder Gill
- Guy Delisle
- Date de modification :