Décision n° 348-AT-A-2005
Avec la décision no 719-AT-A-2005
le 1er juin 2005
Référence no U3570/05-7
DEMANDE
[1] Le 1er février 2005, Barry Growe, au nom de Lindsey Cook, a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) une demande concernant les questions énoncées dans l'intitulé. M. Growe a aussi soulevé des préoccupations au sujet du coût de 14 560 $ pour un voyage aller-retour sur une civière entre Vancouver et Toronto.
[2] Le 10 mars 2005, Air Canada a déposé sa réponse à la demande et le 21 mars 2005, M. Growe a déposé sa réplique. Le 29 mars 2005, May C. Ong-Lam, M.D., MCRM (C), le médecin de Mme Cook, a déposé de l'information concernant la déficience de Mme Cook et son besoin de monter sur la civière et d'en descendre lorsqu'elle voyage.
[3] Dans sa décision no LET-AT-A-114-2005 du 15 avril 2005, l'Office a cherché à obtenir des commentaires de Transports Canada sur les aspects reliés à la sécurité de la demande et de l'information supplémentaire d'Air Canada. Dans sa décision, l'Office a aussi avisé les parties de son intention de tenir une séance de collecte de renseignements si, après l'examen des plaidoiries, il était déterminé que plus d'information était nécessaire pour aider l'Office à rendre une décision. Le 18 avril 2005, Air Canada a abordé la question du service d'ambulance, a demandé que le Bureau de la sécurité des transports du Canada (ci-après le BST) participe à ce dossier et a demandé une prolongation du délai pour déposer sa réponse à la décision no LET-AT-A-114-2005. M. Growe a déposé ses commentaires les 18 et 19 avril 2005 sur la réponse d'Air Canada concernant la question reliée à l'ambulance. L'Office, dans sa décision no LET-AT-A-126-2005 du 19 avril 2005, a accordé à Air Canada une prolongation jusqu'au 29 avril 2005.
[4] L'Office, dans sa décision no LET-AT-A-130-2005 du 20 avril 2005, a demandé au BST de fournir ses commentaires sur les questions reliées à la sécurité dans cette demande.
[5] Le 25 avril 2005, Transports Canada a déposé sa réponse à la décision no LET-AT-A-114-2005 et Air Canada a déposé sa réponse le 28 avril 2005. Le 29 avril 2005, le BST a déposé sa réponse à la décision no LET-AT-A-130-2005 et a indiqué que les questions de sécurité sont de nature réglementaire et que Transports Canada serait mieux en mesure de régler cette question.
[6] Le 29 avril 2005, M. Growe a déposé ses commentaires sur la réponse d'Air Canada à la décision no LET-AT-A-144-2005. Le 3 mai 2005, M. Growe a déposé des renseignements supplémentaires et des précisions et a demandé qu'Air Canada fournisse les dimensions de l'espace entre les rangées de sièges lorsque le dossier du siège est abaissé pour s'adapter à une civière.
[7] Dans sa décision no LET-AT-A-143-2005 du 6 mai 2005, l'Office a informé les parties qu'il tiendrait une séance de collecte de renseignements à Vancouver (Colombie-Britannique) les 19 et 20 mai 2005 afin de l'aider à rendre une décision.
[8] Dans sa décision no LET-AT-A-144-2005 du 6 mai 2005, l'Office a demandé qu'Air Canada fournisse des renseignements supplémentaires sur les dimensions précises de certains espaces dans l'aéronef avant ou pendant la séance de collecte de renseignements. Le 6 mai 2005, Air Canada a demandé une prolongation du délai pour déposer sa réponse à la décision no LET-AT-A-144-2005 et dans la décision no LET-AT-A-148-2005 du 11 mai 2005, l'Office a accordé à Air Canada une prolongation jusqu'au 13 mai 2005.
[9] Le 12 mai 2005, Air Canada a déposé sa réponse à la décision no LET-AT-A-144-2005.
[10] Une séance de collecte de renseignements a été tenue à Vancouver (Colombie-Britannique) le 19 mai 2005. Parmi les participants on retrouvait les représentants d'Air Canada et de Transports Canada ainsi que M. Growe et Mme Cook, son médecin, May C. Ong-Lam et son physiothérapeute, Howard Jones M.C.S.P, M.C.P.A., O.N.C.
FAITS
[11] Mme Cook a de la fibromyalgie et, par conséquent, éprouve des douleurs fréquentes et des raideurs dans ses articulations, ses muscles, son dos et son cou. Elle a des douleurs fréquentes dans le bas de son dos, le milieu de son dos, ses épaules, son cou et sa mâchoire. Mme Cook a aussi souvent des maux de tête. L'état de Mme Cook est quelque peu contrôlé par les médicaments et la physiothérapie. Mme Cook fait des exercices d'étirement et prend trois ou quatre douches chaudes par jour afin d'empêcher les raideurs et de relaxer ses muscles.
[12] M. Growe a communiqué avec Air Canada le 1er février 2005 afin de s'informer de la possibilité de voyager entre Vancouver et Toronto sur une civière. Air Canada a alors indiqué que le coût du voyage aller-retour était de 14 560 $ plus taxes; que Mme Cook serait attachée sur une civière à Vancouver et qu'elle ne pourrait pas descendre de la civière avant d'arriver à Toronto; et que Mme Cook serait transférée par des ambulanciers sur la civière d'Air Canada sans possibilité de descendre, de s'étirer ou d'utiliser les toilettes.
[13] Air Canada transporte des passagers qui doivent s'allonger sur sa civière aéromédicale, qu'elle décrit comme suit :
- le plateau de la civière mesure 21" X 80" et peut supporter les passagers de petite taille ou de taille moyenne;
- le matelas de la civière a 18" de large;
- la civière a 35" de hauteur;
- la civière est équipée d'un harnais ajustable avec des courroies d'épaule et des sangles à la taille et aux jambes pour retenir les passagers lors des mouvements de l'aéronef;
- la civière ne peut être déplacée, élevée ou abaissée; elle n'est pas équipée de roues;
- les civières doivent être installées par le personnel au sol d'Air Canada à l'endroit précisé dans chaque aéronef;
- les civières sont installées sur des sièges abaissés en classe Hospitalité à un siège de l'allée, où elles restent pour la durée du vol;
- dans une version biplace, la civière est attachée près du fuselage de l'aéronef sur les sièges existants en rabaissant les dossiers des sièges; lorsque la configuration de l'aéronef comprend trois sièges de chaque côté de l'allée, comme dans un Airbus A320, la civière est attachée sur le siège du milieu;
- ce processus oblige Air Canada à bloquer entre six et neuf sièges selon la configuration et le modèle de l'aéronef;
- les deux sièges dans la troisième rangée utilisés pour l'installation de la civière ne sont pas rabaissés; une personne pourrait s'asseoir dans le siège côté allée de cette rangée.
[14] Air Canada exploite un aéronef Airbus A320 entre Vancouver et Toronto, lequel a une rangée de trois sièges. La plupart des A320 d'Air Canada sont certifiés pour transporter une civière.
[15] Le manuel des Mesures de sécurité et d'urgence - Personnel de cabine d'Air Canada prévoit, en partie, que les personnes ayant une déficience qui sont non ambulatoires et non autonomes ne peuvent se déplacer dans la cabine de l'aéronef sans aide et sont incapables d'assurer leurs soins personnels durant le vol. Ces personnes doivent voyager avec un accompagnateur durant le vol. Air Canada désigne les personnes ayant une déficience voyageant sur une civière comme non ambulatoires et non autonomes.
[16] Air Canada a déposé la vidéocassette de formation utilisée pour former ses préposés d'escale sur l'installation d'une civière dans la cabine de l'aéronef. La vidéocassette comprend des démonstrations et des instructions sur la façon d'attacher le système de retenue lorsqu'une personne est allongée sur la civière.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
Tarifs et frais supplémentaires
[17] Au moment où M. Growe a déposé sa demande, l'Office était saisi d'une autre demande concernant les tarifs et frais pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin de plus de sièges en raison de leur déficience. Par conséquent, l'Office, dans sa décision no LET-AT-A-54-2005 du 11 février 2005, a déterminé qu'il traiterait de la partie de la demande de M. Growe reliée à la question du coût de la civière en conjonction avec l'enquête menée dans la cadre de l'autre demande.
Dépôt tardif
[18] Bien que la réplique du 21 mars 2005 de M. Growe à la réponse d'Air Canada et la réponse de Transports Canada à la décision no LET-AT-A-114-2005 ont été déposées après les délais prescrits, l'Office, conformément à l'article 5 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35, accepte ces mémoires les jugeant pertinents et nécessaires à l'examen de la présente affaire.
Transport par ambulance jusqu'à l'aéroport
[19] En ce qui a trait à la demande de M. Growe et de Mme Cook voulant que cette dernière puisse arriver à l'aéroport dans leur fourgonnette plutôt que par ambulance, l'Office note qu'Air Canada a indiqué qu'elle n'oblige pas Mme Cook à se rendre à l'aéroport en ambulance et qu'elle n'a rien à dire sur la façon dont Mme Cook se rend à l'aéroport. Puisque cette affaire n'est pas contestée, l'Office ne traitera pas de cette question.
QUESTION
[20] L'Office doit déterminer si la politique d'Air Canada sur les services de civière constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Cook et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.
POSITIONS DES PARTIES
[21] Les positions avancées par les parties sont analysées sous l'angle des questions soulevées et des commentaires des parties respectives fournis à l'Office lors de la séance de collecte de renseignements et par écrit avant la séance.
M. Growe et Mme Cook
Exigence de rester sur la civière
[22] M. Growe indique que pour que Mme Cook puisse voyager à bord d'un long vol, sans aggraver son état, elle devra faire ce qui suit :
- rester allongée sur le côté sur une surface plane, c.-à-d. une civière adoucie par un matelas de mousse pour la plus grande partie du vol;
- de temps en temps, se lever et marcher brièvement afin d'étirer ses muscles et d'aller aux toilettes, lorsque les autres passagers peuvent se déplacer dans l'aéronef.
[23] M. Growe fait valoir qu'il est essentiel que Mme Cook puisse se lever et bouger durant le vol de cinq heures entre Vancouver et Toronto. M. Growe suggère qu'elle pourrait le faire lorsque les autres passagers peuvent se déplacer dans la cabine. Mme Cook note que le fait de se lever l'aide à bouger ses articulations et ses épaules et lui permet d'étirer ses jambes un peu.
[24] Mme Cook explique que le maintien de l'équilibre entre le repos et l'activité au cours de la journée est important parce que si elle bouge ou se repose trop longtemps, elle se raidit, ce qui aggrave sa douleur. Mme Cook ajoute que la gravité de la fibromyalgie peut varier, mais qu'elle fluctue aussi au quotidien et, parfois, du matin à l'après-midi. Elle précise qu'il est donc important qu'elle puisse garder un certain rythme dans tout ce qu'elle fait.
[25] M. Growe explique qu'ils ne veulent pas que Mme Cook voyage si ce n'est pas sécuritaire pour elle. M. Growe croit que la collaboration d'Air Canada les aidera à régler les détails reliés à la sécurité. M. Growe croit que la meilleure option serait le retrait d'un siège côté allée près de la civière afin que Mme Cook puisse avoir un large espace où monter sur la civière et en descendre; la deuxième meilleure option serait que la civière soit placée sur des sièges côté allée afin que Mme Cook puisse descendre directement dans l'allée; et la troisième option serait de lui permettre de monter et descendre dans l'espace entre les rangées de sièges. M. Growe note que si la troisième option devait être utilisée, il serait utile qu'il puisse prendre des mesures, quelques jours avant le départ, de l'espace entre les rangées du type d'aéronef qui serait utilisé pour le vol.
[26] M. Growe indique qu'il peut construire un escabeau afin de permettre à Mme Cook de monter sur la civière et d'en descendre, de la même façon qu'elle grimpe sur la table de massage de 31 pouces de hauteur, en utilisant un escabeau de 11 pouces de hauteur.
[27] M. Growe fait valoir que puisqu'ils planifient leur voyage à l'avance, ils pourraient déterminer le type d'aéronef qui serait utilisé, ainsi que la hauteur exacte de la civière, y compris le matelas de mousse sur lequel Mme Cook serait allongée, et dont l'utilisation a été autorisée par le bureau médical d'Air Canada. M. Growe affirme que le fait de connaître la hauteur de la civière lui permettrait d'amener un escabeau assez haut pour permettre à Mme Cook de monter sur la civière et d'en descendre de façon sécuritaire et confortable. M. Growe explique que l'escabeau serait fabriqué en plastique ou en mousse de polystyrène, pourrait facilement être rangé lorsqu'il ne serait pas utilisé et serait ajustable au cas où le type d'aéronef serait changé à la dernière minute.
[28] À cet égard, M. Growe note que l'escabeau serait plus petit qu'un article de bagage de cabine et beaucoup plus léger. M. Growe est d'avis, selon ses récentes observations lors d'un vol entre Vancouver et Toronto, que l'espace entre les sièges procure assez d'espace pour cet escabeau.
[29] M. Growe est d'avis qu'il n'y a pas plus de risques pour les passagers lorsque Mme Cook est sur l'escabeau pendant 2 ou 3 secondes pour monter ou descendre qu'il y en a lorsque les autres passagers se déplacent dans la cabine durant les moments jugés sécuritaires par le pilote. M. Growe affirme que lorsque Mme Cook montera ou descendra, il sera en tout temps à ses côtés. M. Growe souligne que Mme Cook n'a pas l'habitude de trébucher et qu'elle est facile à soutenir.
[30] M. Growe soutient que Mme Cook peut s'asseoir pendant 2 ou 3 secondes. M. Growe explique que les mouvements transitoires placent un stress totalement différent sur les muscles du dos que le fait de s'asseoir dans une chaise et Mme Cook ne s'est pas assise dans une chaise depuis près de 20 ans. M. Growe indique qu'une fois que Mme Cook se couche, elle doit toujours bouger un peu pour ajuster sa position et elle a appris comment le faire soigneusement et en toute sécurité.
[31] M. Growe explique qu'une fois que Mme Cook sera sur la civière, il attachera son harnais d'épaules/sa sangle thoracique et les sangles aux jambes si nécessaire et si la civière est placée près d'une toilette, Mme Cook n'aura pas besoin d'aller plus loin que la toilette si elle se lève pour étirer ses muscles ou se servir de la toilette, afin de pouvoir retourner promptement à la civière, au besoin. M. Growe souligne qu'il accompagnera Mme Cook en tout temps.
[32] M. Growe fait observer que Mme Cook devra passer la plus grande partie du vol allongée sur son côté. Au cours de cette période, elle pourra utiliser les sangles à la taille et aux jambes, au besoin. Il ajoute que s'il est nécessaire d'utiliser le harnais d'épaules ajustable lors du décollage, de l'atterrissage et des turbulences, Mme Cook se couchera alors sur le dos en utilisant un traversin et des coussins placés sous ses jambes.
[33] M. Growe fait valoir que si l'Office refuse sa demande en vue de permettre à Mme Cook de se déplacer brièvement à plusieurs occasions durant le vol, le Dr Ong-Lam peut donner à Mme Cook des médicaments afin de la mettre sous sédation pour lui permettre de rester allongée sur le dos sur la civière pendant cinq, six ou sept heures, au besoin, afin de voyager jusqu'à Toronto. Toutefois, M. Growe ajoute qu'ils sont préoccupés par cette solution possible puisque cela forcerait Mme Cook à garder ses muscles dans une seule position pour une période de temps prolongée et, qu'elle soit sous sédation ou non, son dos serait dans une position qui ne serait pas appropriée pour son état. M. Growe explique qu'ils craignent que Mme Cook soit invalidée par la douleur pendant des semaines, ce qui l'empêcherait de profiter de la visite qu'elle souhaite faire chez ses parents. M. Growe souligne aussi que c'est sa qualité de vie qui permet à Mme Cook d'être joviale lorsqu'elle visite ses parents. M. Growe note qu'ils ont visité les parents de Mme Cook auparavant lorsqu'elle souffrait et ils se sont adaptés puisque cela était mieux que de ne pas les visiter, mais il indique que ce n'était pas idéal.
[34] M. Growe signale qu'il ne demande pas à Air Canada de faire quoi que ce soit d'illégal et il est d'avis que leur demande ne serait pas particulièrement onéreuse pour Air Canada. À cet égard, M. Growe estime que la formation nécessaire pour montrer aux agents de bord comment vérifier que les sangles de retenue sont attachées convenablement lui semble assez simple car seulement une brève période de formation serait nécessaire. De plus, M. Growe indique qu'il laissera l'Office déterminer si ce vol nécessite la formation de 7 000 personnes.
[35] M. Growe fait observer que l'Office doit prendre une décision à l'égard de ce qui est considéré un risque acceptable pour Mme Cook, ainsi que les autres passagers, mais principalement pour Mme Cook, lors de l'utilisation d'un escabeau pour monter sur la civière et en descendre et si elle s'allonge sur son côté.
Exigence d'avoir recours aux ambulanciers
[36] M. Growe fait valoir que puisque Mme Cook est une personne ambulatoire ayant une déficience, il ignore pourquoi elle aurait besoin de la participation des ambulanciers. Il déclare qu'elle peut marcher jusqu'à l'aéroport et à la porte d'embarquement, où elle pourrait s'étendre sur son matelas de mousse en attendant d'embarquer dans l'aéronef. M. Growe ajoute qu'une fois que le personnel au sol aura installé la civière, Mme Cook pourra embarquer dans l'aéronef et monter sur la civière; dans le même ordre d'idée, elle pourra descendre de l'aéronef par ses propres moyens.
[37] M. Growe affirme que les politiques et procédures d'Air Canada semblent avoir été écrites pour traiter du transport des patients non ambulatoires et très malades. M. Growe demande que l'Office considère que ces politiques et procédures ne sont pas pertinentes pour une personne ambulatoire ayant une déficience qui doit s'allonger sur une civière durant un vol, mais qui peut marcher jusqu'à l'aéronef, embarquer dans l'aéronef, et avec un escabeau, monter sur la civière et en descendre sans aide, à l'exception de l'assistance que M. Growe fournit pour placer le matelas de mousse, les oreillers et l'escabeau de Mme Cook.
[38] M. Growe explique qu'il est préférable que Mme Cook embarque dans l'aéronef et utilise simplement un escabeau pour s'installer sur la civière plutôt que d'être déplacée d'une civière à une autre.
[39] Mme Cook indique qu'elle pourrait se transférer elle-même d'une civière à une autre. Par exemple, elle renvoie à une grave chirurgie abdominale qu'elle a subie auparavant. Mme Cook explique qu'elle a dû apprendre à monter sur le lit d'hôpital et en descendre sans utiliser ses muscles abdominaux et note qu'elle pouvait se déplacer de la civière à la table d'opération et ensuite de la civière à son lit d'hôpital.
Dr Ong-Lam
[40] Le Dr Ong-Lam, le pharmacologue et spécialiste de la douleur de Mme Cook, affirme que Mme Cook est sa patiente depuis 16 ans. Le Dr Ong-Lam explique que Mme Cook utilise un escabeau pour monter sur la table d'examen et se couche ensuite. Le Dr Ong-Lam indique que Mme Cook a des douleurs extrêmes, principalement dans son dos, son cou et sa tête et sa tolérance de la position assise est très faible, voire presque nulle, et est probablement d'un maximum de cinq minutes. Le Dr Ong-Lam indique que Mme Cook a aussi une hypersensibilité aux produits chimiques et aux médicaments et a diverses allergies alimentaires. De plus, le Dr Ong-Lam note que le corps de Mme Cook est extrêmement sensible à tout changement dans l'environnement.
[41] En ce qui a trait à la capacité de Mme Cook d'être allongée tout au long du vol de cinq heures, le Dr Ong-Lam affirme que, idéalement, Mme Cook devrait marcher au moins une fois toutes les heures, afin d'empêcher que ses muscles soient endoloris et raides. Le Dr Ong-Lam est d'avis que Mme Cook pourrait rester allongée sur la civière tout au long du vol de cinq heures, mais cela lui causerait de la douleur et des raideurs une fois arrivée à destination.
[42] Le Dr Ong-Lam renvoie à la chirurgie antérieure de Mme Cook et au fait qu'elle a pu se transférer elle-même de la civière à la table d'opération. Par conséquent, le Dr Ong-Lam estime que Mme Cook peut se glisser de la civière de l'ambulance à la civière d'Air Canada.
M. Jones
[43] M. Jones, le physiothérapeute de Mme Cook, explique que la douleur musculaire chronique touche la majeure partie du corps de Mme Cook, surtout les muscles de la région pelvienne, qui est très douloureuse même si elle est soumise à une pression minimale, d'où le problème de Mme Cook de ne pas pouvoir s'asseoir, même pour une courte période. En raison des spasmes musculaires chroniques, qui sont facilement déclenchés et produisent une détresse musculaire aiguë, Mme Cook a adopté une démarche prudente contrôlée pour ne pas précipiter la douleur intolérable.
[44] M. Jones affirme que le fait d'être allongée ou debout pour une période prolongée cause le raidissement des muscles compromis de Mme Cook et précipite une douleur aiguë, qui peut prendre plusieurs heures ou même deux à trois jours à s'arrêter. M. Jones affirme que la capacité de Mme Cook de marcher ou de bouger a lentement progressé au cours des dernières années pour atteindre une période de 30 minutes et sa journée est principalement passée allongée ou debout, selon ses symptômes. M. Jones soutient que lorsqu'elle est allongée, Mme Cook doit se lever chaque heure pour éviter les raideurs excessives qui pourraient exacerber sa douleur. De plus, M. Jones note que la capacité de Mme Cook de dormir s'est beaucoup améliorée au cours des dernières années et elle peut maintenant dormir pendant environ huit à neuf heures, mais elle doit quand même se lever une fois la nuit.
[45] M. Jones fait valoir que Mme Cook pourrait s'allonger sur le dos tout au long du vol de cinq heures. Toutefois, elle devra bouger ses membres en étirant ses hanches et ses bras afin qu'ils ne soient pas dans la position fléchie et devra bouger son cou un peu. À cet égard, M. Jones note que le fait de s'étirer et de lever ses jambes un peu sur la civière fournira un certain confort.
[46] M. Jones croit que l'exigence que Mme Cook soit attachée sur la civière pour les cinq heures du vol est excessive et qu'il ne s'agit pas d'une option souhaitable.
[47] M. Jones renvoie aussi à la chirurgie de Mme Cook où elle a pu se déplacer d'une civière roulante au lit d'hôpital, ce qui est le même mouvement que celui requis pour se déplacer sur la civière, si elle bouge lentement et avec soin.
Air Canada
Exigence de rester sur la civière
[48] Air Canada affirme qu'elle est très consciente de son obligation de faciliter le transport des passagers ayant une déficience et des investissements importants sont effectués afin d'améliorer les installations et services qu'elle fournit. Toutefois, cette tâche doit être mesurée en fonction de son obligation envers sa principale priorité, qui est la sécurité de tous les passagers. Air Canada fait observer que lorsqu'elle fait face à une situation qui met le principe d'accessibilité en conflit avec celui de la sécurité, et lorsque d'autres moyens de s'adapter ne sont pas possibles, Air Canada choisira la sécurité de tous les passagers.
[49] Air Canada note que le Règlement de l'aviation canadien (ci-après le RAC), qui a été adopté en vertu de la Loi sur l'aéronautique, L.R.C. (1985), ch. A-2, est conçu pour la sécurité collective de tous les occupants de l'aéronef et elle ajoute que le RAC précise que l'exploitant aérien et, en dernier ressort, le pilote qui commande, est responsable de l'exploitation sécuritaire de l'aéronef et de la sécurité de toutes les personnes à bord.
[50] L'ingénieur en chef d'Air Canada, Scott Brooks, qui a conçu la civière d'Air Canada, affirme que le processus de certification de la civière a duré environ un an et demi, de la conception de la civière à sa fabrication, en passant par la certification finale.
[51] Air Canada explique que toutes les installations dans un aéronef ou toutes modifications connexes doivent être certifiées en vertu du RAC. Cette certification peut parfois être effectuée par les ingénieurs certifiés ou le personnel d'Air Canada et d'autres fois la certification par Transports Canada est requise. Air Canada soutient respectueusement que les questions reliées à la sécurité sont du ressort de Transports Canada et que l'Office ne peut ordonner la prise d'arrangements qui iraient à l'encontre du RAC.
[52] Air Canada déclare que la civière est utilisée pour l'évacuation médicale ou le transport médical des personnes qui sont immobiles. Air Canada explique que la civière est installée à un siège de l'allée et, par conséquent, pour accéder à l'allée, la personne sur la civière devrait passer par-dessus le siège côté allée qui a été abaissé.
[53] Air Canada fait observer qu'il ne serait pas possible, selon l'environnement de sécurité nécessaire à bord d'un aéronef, pour Mme Cook de descendre de la civière et de marcher pour étirer ses jambes. Air Canada ajoute que la position de la civière ne permettrait pas à Mme Cook de descendre de la civière de façon sécuritaire et ergonomique, risquant ainsi la possibilité d'aggraver son état au lieu d'obtenir le soulagement qu'elle semble vouloir.
[54] Air Canada souligne qu'en raison de l'angle pour le décollage et l'atterrissage, la poussée appliquée durant ces manœuvres et les possibilités de turbulence, il est essentiel que les passagers soient attachés solidement sur la civière. Air Canada ajoute qu'en raison de la position du passager sur la civière durant les turbulences ou la descente rapide, il est essentiel que le passager sur la civière soit attaché afin d'empêcher qu'il soit torpillé vers l'avant et, ainsi, devienne un danger pour lui-même et pour les autres occupants de l'aéronef.
[55] Air Canada estime que le fait d'attacher le harnais d'épaules et la sangle à la taille est long et complexe. Elle affirme qu'il est crucial que Mme Cook soit attachée convenablement pour le décollage, pour l'atterrissage et pour toute période jugée nécessaire par le pilote, y compris les situations où une annonce urgente est faite par le pilote pour que les passagers retournent aux sièges et bouclent leur ceinture. Air Canada soutient que Mme Cook ne pourrait pas facilement reprendre la position allongée sur le dos avec le harnais d'épaules attaché, car cela nécessiterait que la sangle de la taille soit détachée et attachée de nouveau.
[56] Air Canada déclare que, selon elle, dans les cas de turbulence ou d'urgence, même s'il est assez simple pour les passagers ambulatoires de retourner à leur siège ou de s'asseoir dans le siège le plus près et de boucler leur ceinture, cette manœuvre ne serait pas possible, de façon rapide, efficiente et sécuritaire, pour quelqu'un qui doit retourner à une civière et être attaché. Air Canada affirme aussi que les passagers sur une civière ne peuvent pas physiquement attacher leur propre harnais d'épaules.
[57] En ce qui a trait aux options suggérées par M. Growe, Air Canada fait valoir ce qui suit :
- le retrait d'un siège côté allée près de la civière n'est pas possible puisque les sièges de chaque rangée sont attachés ensemble et forment une unité complète de sièges;
- comme la civière est certifiée pour être installée près du fuselage de l'aéronef ou, lorsqu'il y a des unités de trois sièges, sur le siège du milieu, l'installation sur les sièges côté allée irait à l'encontre de la certification de la civière et, donc, à l'encontre du RAC 605.23; l'ingénieur en chef d'Air Canada explique que les sièges d'un aéronef sont fixés à la structure du plancher, qui est considérée la principale structure de l'aéronef;
- l'installation de la civière sur les sièges côté allée enfreindrait l'article 525.815 du RAC concernant la largeur des allées; cela pourrait empiéter sur l'espace nécessaire pour assurer la libre circulation des passagers lors d'une évacuation d'urgence;
- il reste très peu d'espace entre les sièges lorsque les dossiers des sièges qui servent à soutenir la civière ont été abaissés. Air Canada explique qu'un passager sur une civière ne placera pas ses jambes près de ces espaces et ajoute qu'afin d'essayer de se positionner près de l'espace (s'il y en a), Mme Cook aurait besoin de s'asseoir, ce qu'elle prétend ne pas pouvoir faire, pencher sa tête (s'accroupir) puisqu'il n'y aurait pas suffisamment d'espace en faisant autrement, et déplacer son corps et ses hanches par en avant ou en arrière (c.-à-d. se traîner) et descendre de la civière, qui est plus élevée que le niveau habituel des hanches. Air Canada estime que ces mouvements semblent totalement incompatibles avec l'état de Mme Cook et, de plus, ils semblent dangereux en raison des nombreuses possibilités de blessure.
[58] Air Canada ajoute que lorsque la civière est installée contre le fuselage, sur les sièges côté hublot, la hauteur de l'espace disponible entre la civière et le compartiment à bagages varie entre 75 cm (29,53 pouces) et 70 cm (27,56 pouces). De plus, Air Canada note que lorsque la civière est installée sur les sièges du milieu, l'espace disponible varie entre 67,5 cm (26,57 pouces) et 72,5 cm (28,54 pouces). Air Canada explique que la différence des mesures est due à certaines dépressions nécessaires pour l'éclairage et certaines saillies comme les indicateurs de sièges et le boîtier de l'écran rétractable. De plus, lorsque l'aéronef est exploité, un écran s'abaisse et cet écran est situé immédiatement au-dessus de la civière, ce qui cause un obstacle qui réduit l'espace d'environ 20 cm (7,87 pouces) de plus.
[59] Air Canada note que toutes les mesures fournies ont été prises à partir d'une civière « vide » et qu'elles ne tiennent pas compte des draps ou du coussin de mousse.
Utilisation d'un escabeau durant le vol
[60] Air Canada affirme que même si le RAC n'empêche pas l'utilisation d'un escabeau, elle croit que le fait qu'un passager soit debout sur un objet qui n'est pas fixé à l'aéronef pourrait être dangereux pour le passager en question et pour les passagers voisins car Mme Cook pourrait tomber. Air Canada fait valoir qu'elle n'est pas prête à permettre cela dans ses aéronefs.
[61] Air Canada souligne que quel que soit l'espace disponible entre les sièges, l'escabeau ne pourrait être plus gros que les dimensions exigées pour les bagages de cabines car il devrait être rangé dans le compartiment à bagages ou sous un siège devant M. Growe lors du décollage et de l'atterrissage. La mesure maximale serait de 23 cm (9,06 pouces) x 40 cm (15,75 pouces) x 55 cm (21,65 pouces).
[62] L'ingénieur en chef d'Air Canada affirme que les normes de certification ne s'appliqueraient pas à l'utilisation d'un escabeau durant un vol à l'exception de l'exigence qu'il soit considéré comme un bagage de cabine et alors tous les règlements concernant l'entreposage d'un bagage de cabine s'appliqueraient. L'ingénieur en chef d'Air Canada note qu'il n'a pas d'opinion en ce qui concerne la difficulté d'utiliser un escabeau. Toutefois, il souligne que la civière n'a jamais été conçue pour permettre à quelqu'un d'y monter ou d'en descendre. De plus, l'ingénieur en chef d'Air Canada affirme qu'un passager qui essaie de monter sur une civière ou d'en descendre pourrait se blesser s'il glissait puisque la civière est à 35 pouces du sol et qu'il y a un rebord de 3" (7,62 cm) causé par le matelas de civière de 18" (46 cm) qui repose sur le plateau de civière de 21" (53 cm).
Coussin de mousse supplémentaire
[63] En ce qui a trait à l'utilisation d'un coussin de mousse supplémentaire sur la civière, l'ingénieur en chef d'Air Canada affirme que cela peut être possible. Toutefois, Air Canada doit considérer les questions suivantes :
- le harnais d'épaules devrait être vérifié pour s'assurer qu'il fonctionne toujours malgré le coussin de mousse supplémentaire;
- la mousse elle-même devrait être testée.
[64] De plus, l'ingénieur en chef d'Air Canada explique que toute la configuration de la civière a été testée telle quelle, ce qui a été attesté et vérifié en transférant les charges d'une civière à l'autre au niveau du plateau. L'ingénieur en chef d'Air Canada note que si un coussin de mousse est ajouté et que les charges sont levées au-dessus du niveau du plateau, les tests effectués antérieurement ne seront plus valides.
Mme Cook voyageant allongée sur son côté sur la civière
[65] L'ingénieur en chef d'Air Canada note que lorsque l'assemblage d'un siège d'aéronef est certifié, les conditions de charge d'impact sont mesurées. En ce qui a trait aux passagers sur une civière, l'ingénieur en chef d'Air Canada indique que le système de retenue a deux harnais sur les épaules, une sangle à la taille et des courroies pour les jambes, qui doivent être attachés afin de retenir le passager selon les différentes directions de la charge. L'ingénieur en chef d'Air Canada ajoute que la fonction du harnais dépend du fait qu'il soit bien attaché sur le passager. Il explique que la seule façon d'attacher quelqu'un qui est allongé, afin d'empêcher cette personne de glisser dans le cas d'un écrasement, est d'utiliser le harnais d'épaules. L'ingénieur en chef explique aussi que les sangles à la taille immobilisent le passager et empêchent qu'il ne se déplace à la verticale et à l'horizontale.
[66] À la lumière de ce qui précède, Air Canada affirme que le harnais d'épaules n'est pas compatible avec une personne allongée sur son côté puisque la raison d'être du harnais est d'empêcher une personne de bouger d'un côté à l'autre et d'avancer ou de reculer. Le Dr Edward Bekeris, directeur principal des Services de santé au travail à Air Canada, soutient que la déficience actuelle de Mme Cook ne l'empêcherait pas d'utiliser le système de retenue de la civière, mais le fait qu'elle pourrait le tolérer ou non dépend de son expérience personnelle. De plus, Air Canada exprime l'opinion que le fait d'attacher le système de retenue sur la civière n'est pas un processus aussi simple que celui requis pour les ceintures de taille/de hanches que l'on retrouve sur les sièges ordinaires.
Exigence de retenir les services d'ambulanciers
[67] Air Canada explique dans son mémoire du 10 mars 2005 qu'elle a adopté des procédures qui ont été approuvées par Transports Canada et a fourni des extraits de la publication 356 intitulée Mesures de sécurité et d'urgence - Personnel de cabine qui comprend l'information suivante :
* Le transport à destination et en provenance de l'aéronef et lors du chargement/déchargement aux points d'origine, de destination et d'escale (sans égard à la durée de l'escale) sera effectué par des ambulanciers dont les services auront été retenus par le passager.
[68] En ce qui a trait aux procédures susmentionnées, Air Canada affirme, dans sa lettre du 18 avril 2005, que le passager voyageant sur une civière doit s'enregistrer sur une civière et être transféré sur la civière de l'aéronef par des ambulanciers qualifiés.
[69] Air Canada soutient que les ambulanciers sont nécessaires pour effectuer un transfert approprié, comme on l'a voulu lorsque la civière a été conçue. Air Canada soutient aussi que, pour des raisons de sécurité, elle exigerait que Mme Cook soit transférée de façon latérale, comme voulu, sur la civière.
[70] M. Kurtz, le spécialiste de la formation en vol d'Air Canada à Vancouver, a d'abord affirmé que la responsabilité d'attacher les passagers sur les civières d'Air Canada est celle du personnel au sol du transporteur. Toutefois, il a ensuite expliqué que le manuel de vol d'Air Canada prévoit que le patient est transporté par ambulance et ensuite transféré de l'ambulance à la civière de l'aéronef par les ambulanciers, afin que ces derniers puissent attacher la personne sur la civière.
[71] Air Canada fait valoir que la réglementation de Transports Canada exige que le transporteur énonce dans son manuel de vol le processus d'embarquement et de débarquement. En ce qui a trait à la demande de Mme Cook de pouvoir monter sur la civière elle-même, Air Canada renvoie à la procédure de son manuel de vol qui exige qu'un ambulancier transfère le passager de la civière de l'ambulance à la civière de l'aéronef, boucle les ceintures et attache le passager qui voyage sur la civière. Air Canada affirme donc que si un autre processus est utilisé pour embarquer Mme Cook, comme l'utilisation d'un escabeau, ce processus devrait être inclus dans le manuel de vol.
[72] Air Canada indique que si elle envisageait la possibilité de laisser Mme Cook monter sur la civière de ses propres moyens, quelqu'un devrait s'assurer qu'elle soit bien attachée. Air Canada explique qu'il faudrait que ce soit les agents de bord et cela devrait être inclus dans le manuel de vol.
[73] En ce qui a trait à la demande de Mme Cook de pouvoir descendre de la civière et y remonter durant le vol et de monter à bord de l'aéronef et d'en débarquer sans l'aide d'ambulanciers, Air Canada fait observer qu'elle fournit généralement un accès au public en installant des accoudoirs relevables côté allée, des cabinets de toilettes adaptés, des sièges avec un peu plus d'espace pour les jambes, etc., ce qui a aidé à éliminer les obstacles pour les passagers ayant une déficience lorsqu'ils voyagent. Air Canada souligne que de telles caractéristiques d'accessibilité sont disponibles pour plusieurs passagers ayant une déficience. Toutefois, Air Canada estime que la situation et la demande de Mme Cook sont uniques. Par conséquent, Air Canada soutient qu'il n'est pas possible de personnaliser ses services pour une seule personne. À cet égard, Air Canada explique qu'afin d'acquiescer à la demande de Mme Cook, elle devrait modifier son manuel du personnel de bord, former tous ses agents de bord (entre 6 000 et 7 000 personnes), obtenir la certification nécessaire pour que Mme Cook puisse amener un coussin de mousse supplémentaire et s'assurer que tout fonctionnera, et ce, sans compromettre ses normes de sécurité. De plus, le Dr Bekeris, en réponse aux questions posées lors de la séance d'information, indique qu'il ne connaît pas de situation où un passager a été autorisé à voyager allongé sur son côté.
Manuel du personnel de bord et formation
[74] Air Canada note que son manuel fournit des procédures pour l'installation des civières et qu'il devrait être révisé pour refléter l'utilisation d'un escabeau durant le vol et les procédures des agents de bord devraient aussi être révisées pour que Mme Cook puisse monter sur la civière et en descendre. Air Canada note que, actuellement, les agents de bord ne sont pas formés pour vérifier le système de retenue de la civière puisqu'il ne s'agit pas de leur responsabilité. De plus, Air Canada explique que le manuel du personnel de bord précise que les ambulanciers bouclent les ceintures et attachent le passager qui voyage sur une civière.
[75] Air Canada indique que le processus pour apporter des modifications ou des ajouts au manuel du personnel de bord nécessiterait que le directeur général de la sécurité et des affaires réglementaires rédige un bulletin ou un encart, qui serait soumis à Transports Canada aux fins d'approbation et concernerait un nouvel ensemble de procédures et un programme de formation pour respecter les exigences de l'exploitant. Air Canada affirme que le système de retenue de la civière n'est pas une ceinture que les passagers peuvent attacher eux-mêmes et, donc, le transporteur ne pourra se fier à eux pour le faire.
[76] Air Canada note que si le manuel était modifié, une formation devrait être fournie à ses agents de bord afin de s'assurer qu'ils connaissent les nouvelles procédures et la façon de s'y conformer de façon appropriée.
[77] M. Kurtz explique qu'une fois la modification au manuel approuvée, elle serait communiquée aux agents de bords dans un encart. Il ajoute qu'en ce qui a trait à la vérification du système de retenue de la civière, la formation requise pour ce type de modification ne pourrait être effectuée via un bulletin et nécessiterait un plan de leçon, une formation sur place, ainsi qu'une démonstration physique qui durerait une heure ou deux. M. Kurtz indique qu'Air Canada a environ 6 000 à 7 000 agents de bord. De plus, M. Kurtz explique que les agents de bord auraient besoin d'instructions spéciales sur la meilleure manière d'aider les personnes à monter sur la civière et en descendre et sur la façon d'attacher les dispositifs de retenue. D'autre part, M. Kurtz affirme que tous les agents de bords reçoivent la même formation sur l'ensemble des types d'aéronef pour s'assurer qu'ils ont les mêmes connaissances. M. Kurtz avait d'abord indiqué que la responsabilité d'attacher le passager sur une civière était celle du personnel au sol et non la responsabilité de l'agent de bord.
[78] Air Canada affirme que de lui demander de fournir la formation susmentionnée à environ 7 000 employés de l'équipage de bord pour un seul cas est « absolument exagérée ».
[79] Air Canada affirme qu'elle sympathise avec le désir de Mme Cook de pouvoir voyager le plus confortablement possible et d'arriver aussi fraîche et dispose que possible. Toutefois, que ce soit pour des raisons de sécurité ou opérationnelles, il n'est pas possible d'accorder tout ce qu'elle a demandé. Air Canada soutient que l'Office devrait rejeter la demande et déclarer qu'il n'y a aucun obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Cook compte tenu des raisons données par Air Canada.
Transports Canada
[80] Transports Canada note qu'il n'y a pas de RAC précis qui empêcherait la passagère de se lever au cours du vol, à l'exception de l'exigence réglementaire que tous les passagers, qu'ils soient ambulatoires ou non, restent assis lorsque le signal « attachez votre ceinture » est allumé. De plus, Transports Canada affirme que le paragraphe 605.26(1) du RAC enjoint à toutes les personnes à bord d'attacher leur ceinture de sécurité lors du déplacement de l'aéronef sur la surface, durant le décollage et l'atterrissage et à tout moment au cours du vol où le pilote considère qu'il est nécessaire d'attacher sa ceinture.
[81] Transports Canada affirme que l'article 705.40 du RAC requiert que l'exploitant aérien établisse des procédures dans le manuel des opérations de sa compagnie afin de s'assurer que les passagers se rendent à l'aéronef et en reviennent, et embarquent et débarquent de l'aéronef en toute sécurité, ce qui inclus une exigence que tous les passagers soient assis et attachés conformément au paragraphe 605.26(1). Transports Canada souligne que le manuel du personnel de bord d'Air Canada comprend des procédures approuvées au sujet de l'emplacement et de l'utilisation d'une civière à bord d'un aéronef. Transports Canada note qu'un examen de la publication 356 révèle qu'il est de la responsabilité du personnel au sol de s'assurer que la civière est installée correctement.
[82] En ce qui concerne la demande de Mme Cook d'utiliser un escabeau durant le vol, Transports Canada note que l'escabeau serait considéré comme étant un bagage de cabine et qu'il serait assujetti aux exigences d'entreposage du programme des bagages de cabine de l'exploitant aérien et à l'exigence de l'article 602.86 du RAC voulant que les items soient rangés dans un compartiment certifié ou restreints durant le décollage, l'atterrissage et les turbulences.
[83] Transports Canada ajoute que même si Air Canada recommande dans ses exposés sur les mesures de sécurité de garder la ceinture de sécurité attachée en tout temps, les passagers se prévalent de l'option de bouger dans leur siège ou de marcher dans la cabine lorsque le signal de ceinture de sécurité le permet et la même considération devrait être donnée à Mme Cook pour qu'elle puisse déplacer son corps dans les limites du système de retenue de la civière afin de lui permettre de voyager allongée sur son côté durant la période de croisière du vol. Toutefois, Transports Canada ajoute que Mme Cook devrait s'allonger sur le dos pour le décollage, l'atterrissage et lorsque le signal de ceinture de sécurité est allumé en vol pour mieux assurer sa sécurité.
[84] Transports Canada soutient que les limites opérationnelles associées à la mise en œuvre de n'importe quelle solution suggérée par M. Growe devraient être déterminées par l'exploitant aérien.
Manuel du personnel de bord et formation
[85] Transports Canada fait valoir que si on permettait à Mme Cook de descendre de la civière durant le vol, le manuel du personnel de vol d'Air Canada devrait mentionner qui serait responsable de s'assurer que Mme Cook soit attachée sur la civière durant le vol et cela obligerait Air Canada à soumettre une modification au manuel à Transports Canada, laquelle ferait ensuite l'objet d'un certificat. Transports Canada affirme que les modifications apportées au manuel prennent habituellement la forme d'un encart ou d'un envoi traitant du changement jusqu'à ce qu'il soit inclus dans le manuel du personnel de bord.
[86] Transports Canada indique que la partie 3 initiale de la Norme de formation des agents de bord exige que les agents de bord soit formés sur le traitement des passagers. Transports Canada note que l'article 3.6A.3 identifie les exigences de formation pour les structures, y compris les considérations spéciales en matière de traitement, l'utilisation ou non de certains sièges, les façons d'attacher les personnes ou d'arrimer l'équipement pour toutes les phases du vol et les exposés de sécurité. De plus, Transports Canada affirme que l'article 3.6A.3 exige aussi que l'exploitant ait dans son programme de formation une description des procédures régissant l'accès à bord des personnes ayant besoin d'une « attention particulière », y compris les passagers transportés dans des incubateurs et sur des civières, les personnes ayant une déficience qui sont incapables de se tenir en position assise, les personnes reliées à un appareil d'oxygène thérapeutique, les personnes voyageant avec un accompagnateur, les ensembles de retenue des enfants, les animaux de service, les mineurs non accompagnés, etc. Transports Canada explique que pour chacune de ces situations, l'exploitant doit identifier des considérations spéciales en matière de traitement, y compris des restrictions sur les façons d'attacher les personnes et d'arrimer l'équipement pour toutes les phases du vol et le contenu des exposés de sécurité.
[87] Transports Canada souligne qu'il est établi dans le programme de formation approuvé d'Air Canada et dans son manuel du personnel de bord, qui a été approuvé par le ministre des Transports, que les agents de bord d'Air Canada n'ont pas été formés sur l'utilisation du système de retenue pour la civière parce qu'il s'agit de la responsabilité du personnel au sol. Transports Canada soutient que si Air Canada permettait aux passagers utilisant une civière de descendre de la civière durant le vol, les agents de bord devraient savoir comment attacher ce passager de nouveau.
[88] Transports Canada indique qu'actuellement, les procédures d'Air Canada sont telles que le personnel au sol a la responsabilité de « tout faire »; les agents de bord informent le patient et son accompagnateur sur la façon d'évacuer le passager.
[89] De plus, Transports Canada est d'avis que le système de retenue de la civière est très différent de ce qu'un passager utilise normalement à bord d'un aéronef et de ce que les agents de bord voient normalement. À cet égard, Transports Canada note que les agents de bord auraient besoin d'une formation sur la façon d'attacher le patient en utilisant les dispositifs de retenue de la civière.
[90] Transports Canada note que l'accompagnateur voyageant avec le passager doit bénéficier d'une séance d'information concernant la procédure pour évacuer le passager en utilisant la civière en cas d'urgence. Toutefois, les agents de bord doivent quand même savoir comment vérifier que le passager voyageant sur la civière a été attaché convenablement, ce qui est une question distincte dont on ne traite pas dans la formation en vol ou dans le manuel du personnel de bord.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[91] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries et lors de la séance de collecte d'information du 19 mai 2005.
[92] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. L'Office note que Mme Cook a de la fibromyalgie, ce qui cause de graves douleurs dans son dos, son cou et sa tête, y compris des raideurs dans ses articulations et ses muscles. Même si Mme Cook peut physiquement s'asseoir, se coucher, se tenir debout et marcher, elle le fait seulement pendant des périodes limitées en raison de la douleur et des raideurs. Mme Cook doit utiliser une civière pour voyager par avion. Elle est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[93] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
[94] L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
[95] Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
[96] Mme Cook a un type grave de fibromyalgie, ce qui signifie que le fait de rester dans une position ou d'être active trop longtemps lui cause des douleurs et des raideurs dans son dos, son cou et sa tête.
[97] Afin de minimiser la douleur et les raideurs que Mme Cook pourrait ressentir durant son voyage avec Air Canada, elle aimerait apporter un coussin de mousse qui ajouterait un rembourrage à la civière d'Air Canada, utiliser un escabeau pour monter sur la civière et en descendre durant le vol afin d'étirer ses muscles et s'allonger sur son côté lorsque les autres passagers peuvent se déplacer dans la cabine. De plus, Mme Cook peut marcher et aimerait donc embarquer dans l'aéronef et en débarquer par ses propres moyens et utiliser un escabeau pour monter sur la civière et en descendre plutôt que d'avoir à être transférée de la civière d'ambulance à la civière d'Air Canada.
[98] L'Office prend en note la preuve du Dr Ong-Lam que la tolérance de Mme Cook en position assise est très faible et qu'idéalement, Mme Cook devrait marcher au moins une fois par heure afin d'éviter d'être endolorie et d'avoir des raideurs. D'autre part, M. Jones, son physiothérapeute, a mentionné qu'il serait mieux pour Mme Cook qu'elle puisse bouger ses membres et son cou un petit peu. M. Jones a exprimé l'opinion que l'exigence que Mme Cook soit attachée sur la civière pendant cinq heures est excessive et n'est pas une option à conseiller.
[99] À cet égard, l'Office a examiné les politiques et procédures d'Air Canada pour les services de civière qui prévoient que les passagers voyageant sur une civière doivent rester bien attachés sur la civière, sur le dos, pour la durée du vol.
[100] L'Office reconnaît que la situation optimale pour Mme Cook, afin de minimiser sa douleur et ses raideurs, est d'utiliser un matelas de mousse, d'être allongée sur le côté et de se lever et de s'étirer à toutes les heures, comme l'a suggéré le Dr Ong-Lam. Toutefois, les politiques et procédures d'Air Canada obligeraient Mme Cook à prendre plus de médicaments afin de soulager certaines des douleurs et raideurs supplémentaires qu'elle ressentirait probablement en restant allongée sur le dos, sans un coussin de mousse supplémentaire, pour le vol de 4,5 heures. L'Office accepte que le fait de rester allongée sur son dos sur la civière pour la durée du vol causerait à Mme Cook des douleurs aiguës, des raideurs et nécessiterait une longue période de récupération une fois à destination, ce qui aurait aussi une incidence sur la jouissance de son voyage en général.
[101] L'Office note aussi la demande de M. Growe pour que Mme Cook puisse se rendre d'elle-même à l'aéronef et tout simplement monter sur un escabeau pour s'installer sur la civière. À cet égard, l'Office a examiné les politiques et procédures d'Air Canada, comme prévu dans la publication 356, Mesures de sécurité et d'urgence - Personnel de cabine, qui prévoient que le transport des passagers voyageant sur une civière à destination et en provenance de l'aéronef et lors du chargement/déchargement aux points d'origine, de destination et d'escales (peu importe la durée de l'escale) sera effectué par les ambulanciers dont le passager a retenu les services. À la lumière des politiques et procédures d'Air Canada, Mme Cook devrait prendre des dispositions afin que des ambulanciers s'occupent de son embarquement et de son débarquement. Cela ajouterait une étape de plus aux préparatifs de voyage de Mme Cook, puisqu'elle doit prendre des dispositions afin que de l'aide soit fournie par les ambulanciers dans le but de lui permettre d'embarquer dans l'aéronef et d'en débarquer.
[102] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que la politique d'Air Canada sur les services de civière constitue un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Cook.
L'obstacle est-il abusif ?
[103] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[104] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
[105] L'Office note la déclaration de M. Growe qu'il est essentiel que Mme Cook puisse se lever et se déplacer durant le vol entre Vancouver et Toronto, ainsi que de l'observation de Mme Cook que le fait de se lever l'aide à faire bouger ses articulations et ses épaules et lui permet d'étirer ses jambes un peu. L'Office note aussi qu'afin que Mme Cook puisse voyager sur une civière avec Air Canada de la façon qui aurait le moins d'impacts négatifs sur sa condition physique, elle aurait besoin de pouvoir utiliser un coussin de mousse sur la civière et un escabeau pour monter sur la civière et en descendre et de pouvoir s'allonger sur le côté lorsque les autres passagers peuvent se déplacer dans la cabine. L'Office note que Mme Cook a expliqué que de telles adaptations lui permettraient d'arriver à Toronto avec un minimum de douleurs et de raideurs et d'avoir une période de récupération moins longue pour pouvoir profiter de la visite chez ses parents.
[106] Même s'il reconnaît les difficultés auxquelles ferait face Mme Cook si les arrangements proposés par M. Growe n'étaient pas fournis par Air Canada, l'Office note aussi que l'ingénieur en chef d'Air Canada, lors de la séance d'information du 19 mai, a souligné les préoccupations suivantes en ce qui a trait à la proposition de M. Growe [Transcription pp. 138-157 et p. 174] :
- un passager essayant de monter sur une civière ou d'en descendre pourrait se blesser s'il glissait, puisque cette civière a 35 pouces (88,9 cm) de hauteur;
- en ce qui a trait à l'utilisation d'un coussin de mousse supplémentaire sur la civière, la configuration en entier de la civière a été testée telle quelle, ce qui a été attesté et vérifié en transférant les charges d'une civière à l'autre au niveau du plateau et si un coussin de mousse est ajouté et que les charges sont levées au-dessus du niveau du plateau, les tests effectués antérieurement ne seront plus valides.
- en ce qui a trait au désir de Mme Cook de voyager allongée sur son côté sur la civière, la seule façon d'attacher quelqu'un qui est allongée, afin d'empêcher cette personne de glisser vers l'avant dans le cas d'un écrasement, est d'utiliser le harnais d'épaules.
[107] L'Office a examiné la preuve fournie par l'ingénieur en chef et accepte que la civière d'Air Canada a été conçue, testée et certifiée pour le transport d'une personne qui est non ambulatoire et qui reste allongée sur le dos sur la civière pour la durée du vol en utilisant le système de retenue. De plus, l'Office accepte que le concept de la civière n'ait jamais eu comme objectif de permettre à quelqu'un de monter sur la civière et d'en descendre à l'exception du transfert à partir d'une autre civière. Les arrangements susmentionnés demandés par M. Growe et Mme Cook pourraient donc avoir d'importantes conséquences pour la sécurité car la civière serait utilisée à des fins qui n'avaient pas été prévues.
[108] D'autre part, l'Office a considéré la position d'Air Canada, qui est appuyée par Transports Canada, selon laquelle elle devrait modifier son manuel du personnel de bord, former tous ses agents de bord (entre 6 000 et 7 000 personnes), obtenir la certification nécessaire pour que Mme Cook puisse apporter un coussin de mousse supplémentaire et faire tout cela sans compromettre ses normes de sécurité. Air Canada a souligné que son manuel devrait être révisé afin de refléter l'utilisation d'un escabeau durant le vol et que les procédures des agents de bord devraient aussi être révisées afin que Mme Cook puisse monter sur la civière et en descendre. Même si l'Office note l'affirmation de M. Growe qu'il pourrait attacher le système de retenue de la civière pour Mme Cook, l'Office accepte l'affirmation d'Air Canada que ses agents de bord devraient être formés afin de vérifier que le système de retenue de la civière est bien attaché lorsque le signal de ceinture est allumé puisque cela n'est pas actuellement leur responsabilité.
[109] L'Office est conscient de la magnitude du processus requis pour apporter des modifications ou des ajouts au manuel du personnel de bord afin d'incorporer les suggestions de M. Growe. Cela comprend la rédaction par le gestionnaire de la sécurité et des affaires réglementaires d'un bulletin ou d'un encart, qui serait soumis à Transports Canada aux fins d'approbation, et cela signifierait une nouvelle série de procédures et un nouveau programme de formation afin de répondre aux exigences de l'exploitant. À cet égard, Transports Canada a déclaré à la séance d'information que « ... [les agents de bord] devront être formés pour servir les patients utilisant ce [système de retenue]. » [Transcription p. 117] et que « les agents de bord d'Air Canada ne sont pas formés sur la façon d'attacher ou d'utiliser le système de retenue pour la civière car il s'agit de la responsabilité du personnel au sol. » [Transcription p. 119]. Donc, si le manuel était modifié, une formation devrait être fournie aux agents de bord afin de s'assurer qu'ils connaissent les nouvelles procédures et la façon de s'y conformer.
[110] L'Office note aussi la position d'Air Canada et l'affirmation du Dr Bekeris faite à la séance d'information que les exigences de Mme Cook sont uniques et qu'il n'est pas possible de personnaliser les services pour une seule personne. À cet égard, l'Office estime que la possibilité qu'Air Canada ait une demande semblable pour un tel niveau d'adaptation est minime.
[111] À la lumière de ce qui précède, et en considérant le droit de Mme Cook de voyager par avion sans rencontrer d'obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement et les considérations commerciales et opérationnelles d'Air Canada ainsi que ses responsabilités, l'Office estime que les conséquences pour Air Canada de modifier sa politique sur les services de civière et d'apporter des modifications au manuel du personnel de bord, ainsi que de fournir la formation à ses agents de bord sur ces modifications, sont telles qu'elles ne sont pas considérées justifiées en raison du caractère unique de la situation de Mme Cook.
[112] Par ailleurs, même si l'Office reconnaît que la politique d'Air Canada sur les services de civière ne permet pas à Mme Cook de voyager dans des conditions idéales, M. Jones, le Dr Ong-Lam, M. Growe et Mme Cook reconnaissent tous qu'il serait possible pour Mme Cook de voyager de Vancouver à Toronto conformément à la politique actuelle d'Air Canada sur les services de civière.
[113] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que la politique d'Air Canada sur les services de civière ne constitue pas un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Cook. Par conséquent, l'Office n'envisage aucune mesure relativement à cette affaire.
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