Décision n° 78-AT-A-2003

le 19 février 2003

le 19 février 2003

DEMANDE déposée par Linda Zahara en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant l'assignation des sièges et le niveau d'assistance au débarquement fourni par Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Transat sur le vol no TS244 entre Vancouver (Colombie-Britannique) et Cancun, Mexique le 25 août 2002.

Référence no U3570/02-40


Demande

Le 22 octobre 2002, Dennis Zahara, au nom de Linda Zahara, a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office), la demande énoncée dans l'intitulé.

Le 20 novembre 2002, Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Transat (ci-après Air Transat) a déposé sa réponse à la demande, y compris une copie de la liste nominative des passagers (ci-après la LNP) et l'information de réservation de M. et Mme Zahara, une copie des politiques et procédures pour l'assignation des sièges, la manutention des fauteuils roulants, les fauteuils roulants de bord et l'assistance pour le débarquement, une copie d'un bulletin envoyé au personnel au sol et de bord ainsi que d'autres documents à l'appui.

M. Zahara a déposé sa réplique le 4 décembre 2002.

Observation préliminaire

Même si M. Zahara a déposé sa réplique après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, l'accepte comme étant pertinente et nécessaire à son examen de la présente affaire.

Question

L'Office doit déterminer si l'assignation des sièges et le niveau d'assistance au débarquement fourni par Air Transat ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de Mme Zahara et, le cas échéant, quelle mesures correctives devraient être prises.

Faits

Mme Zahara a la sclérose en plaques. Elle utilise un triporteur pour se déplacer puisqu'elle ne peut marcher ou se tenir debout sans aide. Lorsqu'elle voyage, elle a besoin d'assistance à l'embarquement et au débarquement, y compris de l'assistance lors des transferts ainsi qu'un siège ayant un accoudoir relevable et, donc, elle a demandé à l'avance l'assistance avec fauteuil roulant et l'assignation des sièges.

Le 25 août 2002, Mme Zahara, accompagnée de son mari, a voyagé avec Air Transat entre Vancouver (Colombie-Britannique) et Cancun, Mexique. Le vol à partir de Vancouver était exploité au moyen d'un aéronef Airbus A330-200. Les caractéristiques d'accessibilité de l'aéronef comprennent des accoudoirs relevables sur chaque siège côté allée, à l'exception des sièges près cloison et des sièges dans les rangées menant à une issue de secours. L'aéronef était aussi doté d'un fauteuil roulant de bord « Seatcase ». Les sièges B et C de la rangée 15 ont préalablement été assignés à M. et Mme Zahara, rangée où le siège côté allée est doté d'un accoudoir relevable.

La LNP, produite par Air Transat, indiquait l'assignation des sièges ainsi que le fait que les services d'accueil et d'assistance avaient été demandés et que Mme Zahara avait besoin d'un fauteuil roulant pour de longues distances. Le système d'Air Transat comprenait la note suivante : « WHEELCHR PAX CAN WALK UP STAIR ». Une fois que M. et Mme Zahara se sont enregistrés, l'agent d'Air Transat a modifié le registre d'enregistrement en mettant le code WCHS pour indiquer que Mme Zahara nécessitait un fauteuil roulant et qu'elle ne pouvait pas monter/descendre des escaliers. Air Transat a ajouté le texte suivant : « PAX CAN NOT WALK NEEDS STRAIGHT BACK ». De plus, le registre d'enregistrement notait aussi que la passagère avait enregistré son triporteur.

À bord de l'aéronef, Mme Zahara n'a pu être transférée dans son siège puisque l'accoudoir du siège C de la rangée 15 ne pouvait être relevé. Le personnel de cabine d'Air Transat a déterminé que le siège 14 C avait un accoudoir relevable et a fait en sorte que les passagers soient assis dans les sièges B et C de la rangée 14.

À leur arrivée au Mexique et après que tous les passagers soient débarqués, l'équipage de bord a demandé s'ils avaient besoin d'assistance. À ce moment-là, M. Zahara a demandé le fauteuil d'embarquement pour que sa femme puisse être transférée du siège de l'aéronef à la porte de l'aéronef. Après avoir attendu environ 30 minutes, un fauteuil roulant standard a été amené à la porte de l'aéronef. Puisque le fauteuil d'embarquement n'était pas disponible et que le fauteuil roulant standard, qui ne passait pas dans les allées, était à la porte de l'aéronef, M. Zahara a traîné sa femme du siège qui lui avait été assigné à la porte de l'aéronef, sur une distance d'environ 30 pieds. Mme Zahara a ensuite été transférée au fauteuil roulant standard.

À l'aéroport de Cancun, il n'y a pas de passerelle d'embarquement et des escaliers sont utilisés pour faire débarquer les passagers. Le jour où M. et Mme Zahara ont voyagé, l'aéronef a atterri à Cancun 25 minutes en avance de l'horaire et les deux fauteuils à dos droit de Cancun étaient utilisées à une autre porte d'embarquement. Comme les deux fauteuils à dos droit n'étaient pas disponibles, le personnel d'Air Transat ainsi que M. Zahara ont soulevé Mme Zahara dans un fauteuil roulant standard, sans un système de retenue et l'ont transportée dans les escaliers jusqu'à l'aire de trafic.

Le 10 novembre 2002, Air Transat a publié un bulletin pour son personnel de Cancun ainsi que tous les gestionnaires régionaux, les services de bord et les services à la clientèle indiquant qu'en aucun temps un fauteuil roulant standard ne devait être utilisé pour transporter un passager dans les escaliers.

En raison des incidents susmentionnés, M. Zahara cherche à obtenir une indemnisation financière pour les inconvénients et la situation stressante qu'ils ont vécus, et l'assurance que Mme Zahara et les personnes dans un cas semblable ne subiront pas le même traitement à l'avenir.

Positions des parties

Assignation des sièges

Les sièges 15 B et 15 C ont été assignés préalablement à M. et Mme Zahara et ces derniers ont été assurés que Mme Zahara pourrait se rendre à son siège sans avoir à marcher. M. Zahara explique que Mme Zahara a été amené à l'aéronef dans un fauteuil roulant standard et qu'on l'a ensuite transférée dans un fauteuil roulant étroit qui l'a amené dans les allées jusqu'à son siège. Malheureusement, l'accoudoir de son siège ne se relevait pas et elle n'a pas pu être transférée au siège 15 C. M. Zahara reconnaît que le personnel d'Air Transat leur a réassigné des sièges de la rangée 14 puisque le siège 14 C avait un accoudoir relevable.

Air Transat affirme que l'aéronef pour le départ était un Airbus A330-200 et que tous les accoudoirs des sièges côté allée de cet aéronef sont relevables, à l'exception des sièges près cloison et des sièges dans les rangées menant à une issue de secours. Air Transat explique qu'après enquête, elle a découvert que l'accoudoir du siège 15 C était difficile à relever. Il a été lubrifié et il fonctionne maintenant convenablement.

Assistance au débarquement

M. Zahara mentionne que personne n'avait prévu un fauteuil roulant pour Mme Zahara afin qu'elle se rende de l'aéronef à l'aéroport du Mexique et ensuite dans son triporteur. Ils ont dû attendre plus de 30 minutes afin qu'on trouve un fauteuil roulant et qu'il soit amené à l'aéronef. M. Zahara soutient aussi que le fauteuil roulant était de dimension standard et que le personnel d'Air Transat leur a dit qu'il n'en avait pas qui étaient étroits et qui pourraient passer dans les allées entre les sièges. M. Zahara a dû traîner Mme Zahara sur une distance d'environ 30 pieds jusqu'à la porte afin de la transférer dans le fauteuil roulant. Selon M. Zahara, cette activité a totalement humilié Mme Zahara. M. et Mme Zahara étaient très déçus de cette première expérience au Mexique.

M. Zahara affirme qu'Air Transat aurait pu leur éviter beaucoup de stress en transportant simplement un fauteuil roulant de bord léger qui passe dans les allées et qui est accessible au cours du vol.

M. Zahara indique qu'après qu'il ait réussi à amener Mme Zahara jusqu'aux sièges avant et à la porte, il a été encore plus déçu et en colère lorsqu'il a vu la façon dont le personnel de l'aéroport a décidé de faire descendre Mme Zahara, maintenant dans le fauteuil roulant, dans un escalier portable de 20 pieds de hauteur jusqu'à l'aire de trafic. Le personnel d'Air Transat n'a pas tenu compte de la méthode suggérée par M. Zahara pour débarquer ou de leurs préoccupations. Au lieu de cela, les trois membres du personnel d'Air Transat, ainsi que M. Zahara, ont soulevé le fauteuil roulant et Mme Zahara et l'ont transporté dans les escaliers. Mme Zahara n'avait pas de système de retenue dans le fauteuil roulant lorsqu'elle a été transportée dans l'escalier. M. Zahara indique que Mme Zahara a énormément peur des hauteurs et de tomber. M. Zahara reconnaît qu'il était un des quatre hommes qui transportaient le fauteuil roulant puisqu'il voulait être près de sa femme et l'aider si quelqu'un trébuchait ou l'échappait « [traduction] parce qu'il ne croyait pas qu'il s'agissait du moyen le plus sécuritaire pour faire descendre les escaliers à une personne en fauteuil roulant. »

Air Transat mentionne qu'au moment de l'embarquement, son personnel a avisé M. Zahara qu'il n'y avait pas de passerelle à Cancun, mais des escaliers et que de l'assistance avait été demandée pour eux.

Air Transat soutient que le personnel de service d'escale connaissait le besoin d'un fauteuil à dos droit à l'avance. Cependant, l'aéronef est arrivé à Cancun environ 25 minutes en avance sur l'horaire. Air Transat indique qu'à Cancun, deux fauteuils à dos droit sont disponibles et que les deux étaient utilisés à une autre porte d'embarquement. En raison de l'arrivée précoce de l'aéronef, l'agent de service d'escale a avisé l'équipage et les passagers qu'il serait préférable d'attendre à bord et qu'un fauteuil d'embarquement serait amené à l'aéronef aussitôt qu'il serait disponible.

Air Transat affirme que dans les aéroports à l'extérieur du Canada, elle fait face à plusieurs défis en ce qui concerne l'accessibilité. Bon nombre d'aéroports n'ont pas de passerelles d'embarquement et même si les escales sont dotées de l'équipement nécessaire, en raison des limites des installations d'entreposage, de réparation locales et d'approvisionnement, les agents et/ou les transporteurs aériens partagent souvent les fauteuils roulants.

Air Transat indique que lorsqu'il est devenu évident que l'arrivée du fauteuil à dos droit prenait plus de temps que prévu, la décision a été prise d'aider Mme Zahara à descendre les escaliers dans un fauteuil roulant qui était disponible. Air Transat explique qu'il ne s'agit pas de la méthode privilégiée de transfert, et même si l'agent de service d'escale de Cancun connaît très bien les politiques d'Air Transat sur le traitement des passagers ayant une déficience, l'agent de service d'escale a examiné la correspondance de M. et Mme Zahara avec son personnel.

Air Transat soutient que Mme Zahara a en effet été transportée dans un fauteuil roulant standard pour descendre les escaliers par quatre employés et était accompagnée en tout temps par un représentant des services à la clientèle. Air Transat affirme que le représentant des services à la clientèle ne se rappelle pas que Mme Zahara ait exprimé des préoccupations à propos du traitement fourni.

Air Transat indique que tous les aéronefs de sa flotte sont dotés d'un fauteuil roulant « Seatcase » de bord. Tous les membres de l'équipage sont formés pour l'utilisation de ces fauteuils. Ce fauteuil roulant de bord n'aurait pas pu être utilisé pour aider au débarquement dans les escaliers, mais il aurait pu être utilisé pour faciliter le transfert de Mme Zahara du siège qui lui avait été assigné à la porte de l'aéronef. Air Transat indique que cette question a été soulevée auprès de l'équipage de bord de ce vol.

Dans sa réplique, M. Zahara indique qu'il ne se rappelle pas qu'on lui ait dit qu'il devrait débarquer de l'aéronef par un escalier, mais même si c'était le cas, Air Transat n'a pas fourni l'assistance demandée préalablement à l'arrivée à Cancun. Il se demande pourquoi personne ne connaissait leur besoin d'un fauteuil roulant lorsqu'ils sont arrivés et si le personnel d'Air Transat avait pris des dispositions en conséquence. M. Zahara affirme qu'on ne lui a pas dit qu'un fauteuil roulant serait disponible dans quelques minutes, le personnel d'Air Transat leur a plutôt dit qu'il ne pouvait pas en trouver. Il indique aussi qu'il trouve bizarre que le représentant des services à la clientèle ne se rappelle pas que Mme Zahara ait exprimé des préoccupations au personnel d'Air Transat à propos du traitement fourni ou des préoccupations de M. Zahara pour le débarquement sécuritaire de sa femme et de sa suggestion d'une manière plus sécuritaire et moins effrayante afin de descendre les escaliers.

M. Zahara affirme qu'il n'a pas vu de fauteuil de bord et que s'il y avait un tel fauteuil, pourquoi n'a-t-il pas été offert afin d'aider à transporter Mme Zahara de son siège à la porte de l'aéronef.

Analyse et constatations

Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Dans le cas présent, M. Zahara a déposé la demande au nom de sa femme, Mme Zahara, qui a la sclérose en plaques et utilise un triporteur pour se déplacer. Par conséquent, Mme Zahara est une personne ayant une déficience aux termes de l'application des dispositions sur l'accessibilité de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci après la LTC).

Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.

Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?

L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.

Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.

Le cas présent

Assignation des sièges

Selon la preuve, le siège préalablement assigné à Mme Zahara était le siège 15 C sur l'aéronef A330, une rangée où le siège côté allée est doté d'un accoudoir relevable. L'Office accepte que le jour où Mme Zahara a voyagé, l'accoudoir du siège assigné à Mme Zahara ne fonctionnait pas. L'Office reconnaît que les accoudoirs des sièges côté allée fixes rendent le transfert des passagers à mobilité réduite très difficile et qu'il est donc primordial d'avoir des accoudoirs côté allée relevables qui fonctionnent et qui sont bien entretenus. Dans ce cas, l'accoudoir relevable a mal fonctionné ce jour-là et le personnel d'Air Transat a rapidement pris la mesure corrective appropriée en assignant un siège ayant un accoudoir relevable à la passagère. Mme Zahara a peut-être été dérangée, mais l'Office juge qu'en raison des mesures prises par le personnel d'Air Transat, l'assignation du siège n'a pas constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Zahara.

Assistance au débarquement

L'Office est préoccupé par la manière dont l'assistance au débarquement a été fournie et par deux éléments de l'assistance au débarquement :

a) Le transfert à partir du siège de l'aéronef jusqu'à la porte de l'aéronef

L'Office note que Mme Zahara avait demandé de l'assistance avec fauteuil roulant, y compris l'assistance de transfert. Cela a été enregistré dans la LNP et l'Office est d'avis qu'elle pouvait, raisonnablement, s'attendre à ce que ce genre de service soit fourni. Dans le cas présent, Air Transat n'a pas fourni le fauteuil d'embarquement nécessaire pour l'assistance au transfert lors du débarquement. De plus, même si un fauteuil roulant de bord pliant était disponible dans l'aéronef, le personnel d'Air Transat ne l'a pas utilisé pour transférer Mme Zahara de son siège à la porte de l'aéronef. Par conséquent, M. Zahara a dû se résoudre à transporter sa femme jusqu'à la porte d'une façon humiliante. L'Office juge donc que l'omission du personnel d'Air Transat d'utiliser le fauteuil roulant de bord pour faciliter le transfert de Mme Zahara de son siège à la porte de l'aéronef a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

b) Le tranfert à partir de la porte de l'aéronef au bas de l'escalier sur l'aire de trafic

L'Office accepte que M. et Mme Zahara avaient préalablement demandé de l'assistance au débarquement et que même si le personnel d'Air Transat savait qu'un fauteuil d'embarquement était nécessaire, il a omis de fournir l'assistance nécessaire. Puisque les deux fauteuils d'embarquement de l'aéroport de Cancun n'étaient pas disponibles, le personnel d'Air Transat, ainsi que M. Zahara, ont soulevé Mme Zahara dans un fauteuil roulant standard et l'ont transportée dans l'escalier jusqu'à l'aire de trafic. L'Office estime que la façon dont Mme Zahara a été transportée de la porte de l'aéronef au bas de l'escalier sur l'aire de trafic n'était pas appropriée. Par conséquent, l'Office juge que le manque d'un fauteuil d'embarquement pour aider au débarquement a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Zahara.

L'obstacle était-il abusif ?

À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer dans l'aéronef avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.

Le cas présent

Assistance au débarquement
a) Le transfert à partir du siège de l'aéronef jusqu'à la porte de l'aéronef

Ayant conclu que le fait que le personnel d'Air Transat n'a pas utilisé le fauteuil de bord pour faciliter le transfert de Mme Zahara de son siège jusqu'à la porte de l'aéronef a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.

L'Office accepte qu'à l'arrivée au Mexique, après que tous les passagers soient débarqués, M. Zahara a demandé le fauteuil d'embarquement pour sa femme afin de la transférer du siège à la porte de l'aéronef. Après avoir attendu environ 30 minutes, un fauteuil roulant standard a été amené à la porte de l'aéronef. L'Office sait qu'un fauteuil roulant standard est un fauteuil roulant manuel qui est habituellement utilisé par les transporteurs aériens pour aider les passagers ayant une mobilité réduite dans les aéroports avant l'embarquement et/ou lors du débarquement et qu'il ne peut être utilisé dans un aéronef à cause de sa taille. Les fauteuils roulants de bord, quant à eux, sont compacts, légers et peuvent être entreposés dans la cabine passager de l'aéronef et sont utilisés pour aider les passagers ayant une mobilité réduite à se déplacer à destination et en provenance de leur siège et pour accéder aux toilettes dans l'aéronef. Ces fauteuils roulants de bord sont expressément construits pour être manipulés, avec l'aide d'un préposé, dans les espaces confinés de la cabine passager. L'Office note, d'après le mémoire d'Air Transat, que tous les aéronefs de sa flotte sont dotés d'un fauteuil roulant de bord et que tous les équipages sont formés pour utiliser ces fauteuils. L'Office est donc préoccupé par le fait que le fauteuil de bord n'ait pas été utilisé pour faciliter le transfert de Mme Zahara de son siège au fauteuil roulant standard à la porte de l'aéronef. L'Office reconnaît que les fauteuils roulants de bord ne sont pas généralement utilisés pour débarquer les passagers de la porte de l'aéronef à l'aire de trafic, mais ils permettent un transfert sécuritaire et approprié du siège du passager à la porte de l'aéronef. Dans ce cas, le personnel d'Air Transat a omis d'utiliser le fauteuil de bord.

L'Office croit que le personnel d'Air Transat a démontré un manque de sensibilisation et de discernement en ce qui concerne la manière dont ils ont transféré Mme Zahara de son siège à la porte de l'aéronef. De plus, il y a eu un manque d'initiative pour communiquer avec les passagers. L'Office juge que l'omission du personnel d'Air Transat d'utiliser le fauteuil de bord afin de faciliter le transfert de Mme Zahara a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Zahara.

b) Le tranfert à partir de la porte de l'aéronef au bas de l'escalier sur l'aire de trafic

Ayant conclu que le manque de fauteuil d'embarquement pour assistance lors du débarquement a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Zahara, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.

L'Office note que M. et Mme Zahara ont fait connaître à Air Transat le besoin d'assistance de Mme Zahara au moment de la réservation et de l'enregistrement. À l'origine, la LNP ne reflétait pas correctement le besoin de Mme Zahara pour de l'assistance, mais l'Office note que l'agent d'enregistrement a modifié l'entrée en insérant le code WCHS qui reflétait adéquatement ses besoins. Le code révisé indiquait au personnel du transporteur aérien que la passagère devait être transportée dans les escaliers et à destination et en provenance de son siège. De plus, l'agent d'enregistrement a ajouté une note disant que la passagère ne pouvait pas marcher et qu'elle aurait besoin d'un « fauteuil à dos droit » [traduction] ou d'embarquement.

En ce qui concerne le niveau d'assistance fourni au débarquement, l'Office note, d'après le mémoire d'Air Transat, que, dans les aéroports à l'extérieur du Canada, le transporteur fait face à plusieurs défis en ce qui en a trait à l'accessibilité, comme le fait que les fauteuils roulants sont souvent partagés par les agents et/ou les compagnies aériennes, en raison des limites des installations d'entreposage, de réparation locales et d'approvisionnement. L'Office est d'avis que cela ne fait que souligner la responsabilité qu'a Air Transat de s'assurer que les agents de service d'escale engagés pour fournir l'assistance à l'embarquement et au débarquement sont formés adéquatement et ont l'équipement nécessaire pour s'acquitter de cette tâche de façon sécuritaire et appropriée. L'Office note, d'après le mémoire d'Air Transat, que l'agent de service d'escale à Cancun est très familier avec les politiques d'Air Transat pour le traitement des passagers ayant une déficience. L'Office souligne aussi l'importance de la formation adéquate de sensibilisation et de discernement pour le personnel qui interagit avec le public. L'Office croit qu'Air Transat devrait s'assurer qu'elle fournit une formation de sensibilisation aux agents de services d'escale engagés aux aéroports étrangers.

Dans ce cas, l'Office est d'avis que si un fauteuil d'embarquement avait été disponible à l'aéroport, il aurait pu être utilisé pour transporter Mme Zahara de façon sécuritaire et appropriée de l'aéronef au sol. L'Office note, d'après le mémoire d'Air Transat, qu'à Cancun seulement deux fauteuils d'embarquement sont disponibles. Cependant, au moment où M. et Mme Zahara sont arrivés ils étaient utilisés à une autre porte d'embarquement, malgré le fait que le personnel d'Air Transat savait que Mme Zahara avait besoin d'un fauteuil d'embarquement. L'Office reconnaît que l'aéronef est arrivé 25 minutes en avance sur l'horaire, mais il note que M. et Mme Zahara ont dû attendre 30 minutes avant que de l'assistance soit fournie. L'Office juge que l'entrepreneur de services d'escale du transporteur n'avait pas suffisamment de ressources pour fournir efficacement et comme il convient les services de débarquement d'Air Transat pour les passagers qui ne peuvent descendre les escaliers.

L'Office reconnaît la situation dans les aéroports à l'extérieur du Canada. Toutefois, l'Office est d'avis que l'importance de débarquer les personnes ayant une déficience d'une façon adéquate l'emporte sur les questions de coûts ou les questions opérationnelles liées à la fourniture d'équipement ou de services supplémentaires. L'Office estime que le manque d'un fauteuil d'embarquement pour débarquer Mme Zahara a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. Par conséquent, l'Office juge qu'Air Transat devrait s'assurer que l'entrepreneur qu'elle utilise pour fournir de l'assistance à l'embarquement et au débarquement a suffisamment de fauteuils d'embarquement pour éviter des incidents semblables à l'avenir et devrait faire un rapport à l'Office dans les trente (30) jours suivant la date de cette décision sur les résultats des consultations qu'elle a effectué avec ses agents de services d'escale et la portée des mesures correctives prises.

Indemnisation

Le paragraphe 172(3) de la LTC prévoit ce qui suit :

En cas de décision positive, l'Office peut exiger la prise de mesures correctives indiquées ou le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l'obstacle en cause, ou les deux.

Dans le cas présent, M. et Mme Zahara souhaitent obtenir un dédommagement pour les inconvénients et la situation stressante. La compétence de l'Office est limitée aux situations où une personne ayant une déficience a engagé des dépenses à la suite d'un obstacle abusif. Dans ce cas, aucune preuve n'a été fournie lors des plaidoiries que des dépenses ont été engagées directement en raison des obstacles abusifs. Par conséquent, la demande d'indemnisation est rejetée par la présente.

Conclusion

D'après ce qui précède, l'Office juge que l'assignation des sièges sur le vol entre Vancouver (Colombie-Britannique) et Cancun, Mexique n'a pas constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Zahara.

Cependant, l'Office juge que l'omission du personnel d'Air Transat d'utiliser le fauteuil de bord pour faciliter le transfert de Mme Zahara de son siège à la porte de l'aéronef, le manque d'initiative afin de communiquer avec les passagers ainsi que le manque de fauteuils d'embarquement pour le débarquement ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de cette dernière.

L'Office ordonne par la présente à Air Transat de prendre les mesures suivantes dans les trente (30) jours suivant la date de cette décision :

  • fournir à l'Office une copie de son programme de formation pour les agents de bord et les employés à contrat qui fournissent de l'assistance aux voyageurs ayant une déficience, et le registre de formation du personnel en cause, y compris la date de la formation initiale et tous les cours de formation de recyclage pris depuis.
  • publier un bulletin d'information à tout le personnel, pour les employés et les employés à contrat du transporteur, soulignant l'incident vécu par cette passagère et l'importance de la communication efficace et continue avec les passagers qui ont besoin d'assistance, et soulignant les étapes pour prévenir que cette situation se reproduise et leur rappelant que chaque aéronef a un fauteuil roulant de bord qui devrait être utilisé pour le transfert des personnes ayant une déficience dans ce genre de circonstances, et fournir à l'Office une copie de ce bulletin dans les trente (30) jours suivant la date de cette décision.
  • s'assurer que ses entreprises de services d'escale à Cancun fournissent suffisamment de fauteuils d'embarquement pour offrir un niveau de service approprié à l'aéroport et fournir à l'Office un rapport décrivant les consultations qu'elle a entreprises avec ses agents de services d'escale afin d'obtenir des fauteuils d'embarquement supplémentaires et la portée des mesures correctives prises à cet égard.

À la suite de son examen de l'information requise, l'Office déterminera si d'autres mesures sont nécessaires dans ce cas.

Membres

  • Marian L. Robson
  • Keith Penner
  • George Proud
Date de modification :