Décision n° 79-W-2020

le 7 août 2020

DEMANDE présentée par Protos Shipping Ltd. (Protos), en vertu de la Loi sur le cabotage, LC 1992, c 31 (Loi), en vue d'obtenir une licence.

Numéro de cas : 
20-04748

RÉSUMÉ

[1] En vertu de la Loi, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile délivre une licence de cabotage autorisant l’utilisation d’un navire étranger ou d’un navire non dédouané afin d’être affecté à des activités commerciales en eaux canadiennes pour une période maximale de 12 mois lorsque l’Office des transports du Canada (Office) a déterminé qu’il n’existe aucun navire canadien ou aucun navire non dédouané qui soit à la fois adapté et disponible pour être affecté à l’activité décrite dans la demande.

[2] Protos a déposé auprès de l’Office et du ministre une demande de licence pour utiliser le « JUMBO KING » ou le « FAIRMASTER » (navires étrangers proposés), tous deux des navires transporteurs de charges lourdes immatriculés aux Pays-Bas.

[3] Dynamic Heavy Lift Ltd. (Dynamic) a déposé un avis d’opposition à la demande et a proposé le « DYNAMIC BEAST », un navire dédouané immatriculé au Canada, pour être affecté à l’activité décrite dans la demande.

[4] Le 30 juillet 2020, dans un courriel envoyé par la secrétaire de l’Office, l’Office a informé les parties [traduction] qu’« [après] avoir examiné tous les actes de procédure présentés par la partie demanderesse et la partie offrant ses navires, l’Office a déterminé, conformément au paragraphe 8(1) de la Loi, qu’il existe un navire canadien adapté et disponible pour être affecté à l’activité décrite dans la demande. L’Office publiera séparément les motifs détaillés de sa détermination dans un avenir proche, compte tenu de la nature urgente de cette demande. » Ces motifs sont exposés ci-dessous.

CONTEXTE

[5] Le 4 mai 2020, Protos a déposé, par l’intermédiaire de son représentant canadien, une demande d’admission temporaire aux fins de cabotage au Canada pour l’un ou l’autre des navires étrangers proposés. Un navire est nécessaire pour un seul voyage d’environ trois jours visant à transporter un chargeur de navire du terminal de Duke Point (terminal de Duke Point), à Nanaimo (Colombie-Britannique), jusqu’aux installations de Neptune Bulk Terminals (Canada) Ltd. (installations de Neptune Terminals), à North Vancouver (Colombie-Britannique).

[6] Le chargeur de navire est fabriqué par Takraf au Vietnam. Il sera transporté depuis le Vietnam à l’aide d’un navire transporteur de charges lourdes et arrivera au Canada à l’été 2020. Les installations de Neptune Terminals n’étant pas en mesure d’accueillir le chargeur de navire au moment de l’importation, Protos propose de l’accueillir dans un premier temps au terminal de Duke Point, où il sera entreposé jusqu’à ce que les installations de Neptune Terminals soient prêtes à l’accueillir à la fin du mois d’octobre 2020.

[7] L’activité a une date de début prévue entre le 15 octobre 2020 et le 30 octobre 2020 et une date de fin prévue entre le 18 octobre 2020 et le 2 novembre 2020.

[8] Le 6 mai 2020, le personnel de l’Office a donné avis de la demande à l’industrie du transport maritime du Canada. Le même jour, Dynamic a déposé un avis d’opposition à la demande proposant le « DYNAMIC BEAST », un navire dédouané immatriculé au Canada, pour être affecté à l’activité décrite dans la demande.

[9] Le 22 mai 2020, à la demande des deux parties, l’Office a accordé un sursis de l’instance jusqu’au 12 juin 2020, afin de donner à Protos suffisamment de temps pour mener une étude technique en vue d’évaluer la faisabilité de la proposition de Dynamic. Protos a soumis sa réponse le 11 juin 2020.

[10] Le 12 juin 2020, Dynamic a demandé un délai supplémentaire jusqu’au 24 juin 2020 pour déposer sa réplique à Protos, ce qui a été accordé par l’Office le 15 juin 2020. Le 22 juin 2020, Dynamic a déposé sa réplique, qui aurait dû clore les actes de procédure pour cette demande.

[11] Le 25 juin 2020, Protos a demandé à verser au dossier une présentation supplémentaire. Le même jour, Dynamic a demandé la possibilité de déposer une réfutation si cette présentation était acceptée.

[12] Le 30 juin 2020, l’Office a confirmé que la présentation supplémentaire serait versée au dossier et que Dynamic pourrait déposer une réfutation d’ici le 2 juillet 2020. L’Office a également indiqué qu’il n’autoriserait aucune autre présentation de Protos ou de Dynamic après cette date.

[13] Le 2 juillet 2020, Dynamic a déposé sa réfutation à la présentation supplémentaire.

[14] Le 30 juillet 2020, l’Office a déterminé qu’un navire canadien adéquat était disponible pour effectuer l’activité.

QUESTION

[15] Y a-t-il un navire canadien à la fois adapté et disponible pour être affecté à l’activité décrite dans la demande?

CONTEXTE LÉGISLATIF

[16] Lorsqu’une demande de licence de cabotage est présentée pour autoriser un navire étranger ou un navire non dédouané à exercer une activité commerciale dans les eaux canadiennes, l’Office est chargé, en vertu de la Loi, de déterminer s’il existe un navire canadien adapté disponible pour fournir le service ou exercer l’activité décrite dans la demande. La Loi tient compte des intérêts des exploitants de navires canadiens en autorisant l’utilisation de navires étrangers dans les eaux canadiennes uniquement lorsqu’aucun navire canadien adapté ou qu’aucun navire non dédouané n’est disponible pour fournir le service ou effectuer l’activité proposée.

[17] L’Office doit déterminer, selon la prépondérance des probabilités, s’il existe un navire canadien ou un navire non dédouané qui soit à la fois adapté et disponible pour être affecté à l’activité.

[18] Le processus de l’Office est établi dans ses Lignes directrices relatives au traitement des demandes de licence de cabotage.

POSITIONS DES PARTIES

Protos

[19] Protos déclare qu’elle a besoin d’utiliser l’un des navires étrangers proposés pour déplacer un chargeur de navire de son lieu de dépôt provisoire au terminal de Duke Point, le transporter et le décharger dans les installations de Neptune Terminals. Protos déclare qu’elle a besoin d’un navire équipé de grues capables de lever le chargeur de navire, qui a un poids unitaire d’environ 1 450 tonnes métriques, sur le navire et de le lever à nouveau à sa destination prévue. Elle a fourni les spécifications techniques de l’opération dans un rapport sur l’étude de faisabilité préparé par Jumbo Maritime.

[20] Protos affirme que sa demande d’importer un des navires étrangers proposés n’est pas liée au coût, mais vise plutôt à limiter les risques de ce déplacement extrêmement complexe. Elle fait valoir que tout retard causé par des dommages au chargeur de navire pendant son déplacement entraînera [traduction] « d’énormes pertes économiques pour tous les intéressés et pour l’économie dans son ensemble ».

[21] Protos a soumis un rapport préparé par Western Dimensional Ltd. (rapport WD), qui comprend un plan d’exécution pour accueillir le chargeur de navire au terminal de Duke Point lorsqu’il arrivera sur un navire transporteur de charges lourdes en provenance du Vietnam et une étude de faisabilité sur l’utilisation d’un navire et d’une méthode autre qu’un navire transporteur de charges lourdes pour charger le chargeur de navire au terminal de Duke Point et le livrer et l’installer dans les installations de Neptune Terminals. Elle a également soumis un rapport préparé par Lone Star Maritime (rapport Lone Star), qui est une étude sur la matrice de risques comparant la méthode de manutention verticale sur un navire transporteur de charges lourdes aux méthodes de manutention horizontale.

[22] Sur la base de l’analyse comparative des risques figurant dans le rapport Lone Star, Protos fait valoir qu’il y a moins de risques à utiliser l’un des navires étrangers proposés pour mettre en œuvre son approche de manutention verticale proposée en raison de l’expérience qui sera acquise pendant le transport du chargeur de navire par navire transporteur de charges lourdes depuis le Vietnam, comparativement à l’utilisation d’une méthode de manutention horizontale avec le « DYNAMIC BEAST ».

[23] Protos affirme que le chargeur de navire en lui-même est uniquement conçu pour une opération de manutention verticale. Elle affirme que Takraf, le fabricant du chargeur de navire, a déclaré que le chargeur de navire ne pouvait pas supporter les charges qui seraient placées sur sa structure lors d’une opération de glissement, l’une des méthodes proposées au moyen du « DYNAMIC BEAST ».

[24] Protos soutient que le travail à réaliser n’est pas une opération de manutention horizontale. Elle rejette toute suggestion de Dynamic selon laquelle une opération de manutention horizontale pour le déplacement du chargeur de navire est acceptable ou réalisable et affirme que le rapport WD considère les deux options de déchargement de Dynamic à l’aide de transporteurs modulaires autopropulsés [traduction] « comme étant non réalisables ».

[25] Protos indique que le rapport WD a conclu que l’utilisation d’une barge telle que le « DYNAMIC BEAST » pour livrer le chargeur de navire nécessiterait l’utilisation d’un rideau de palplanches terrestres existant et d’un quai ou de supports et de piliers et poutres en quart de cercle situés au large dans les installations de Neptune Terminals pour faciliter une opération de glissement ou une opération de roulage. Protos déclare que ces structures ne sont ni conçues, ni validées par des études techniques, ni approuvées par le maître de l’ouvrage, pour une telle opération de déchargement depuis une barge.

[26] En réponse à l’affirmation de Dynamic selon laquelle l’évaluation de la capacité de chargement des structures de réception est une question d’ingénierie qui pourrait être résolue bien avant que le transport ne soit exécuté, Protos soutient que Dynamic ne tient pas compte du fait que le chargeur de navire doit être chargé en août 2020 et livré directement dans l’Ouest canadien après le chargement.

[27] En ce qui concerne la méthode du système de glissement proposée par Dynamic pour faire glisser le chargeur de navire hors du « DYNAMIC BEAST » jusqu’aux installations de Neptune Terminals, Protos affirme qu’il faudrait entre quatre et six mois pour obtenir la validation technique que les piliers situés au large pourraient permettre une telle opération.

Dynamic

[28] Dynamic propose le « DYNAMIC BEAST », un navire dédouané immatriculé au Canada, pour être affecté à l’activité décrite dans la demande. Dynamic fournit les spécifications et les capacités du « DYNAMIC BEAST », un ponton à chargement en pontée non propulsé qui est capable de transporter des charges lourdes et de supporter des opérations de manutention horizontale. Elle fournit également divers certificats, dont un certificat d’immatriculation du navire délivré par Transports Canada.

[29] Dynamic décrit deux méthodes pour déplacer le chargeur de navire du terminal de Duke Point jusqu’aux installations de Neptune Terminals à l’aide du « DYNAMIC BEAST ». La première méthode utiliserait des transporteurs modulaires autopropulsés pour le chargement au terminal de Duke Point et le déchargement dans les installations de Neptune Terminals. Cette méthode comprend deux options de déchargement. La seconde méthode utiliserait un système de glissement pour déplacer le chargeur de navire du côté du quai à la barge au terminal de Duke Point et de la barge au côté du quai dans les installations de Neptune Terminals.

[30] En outre, Dynamic propose également une autre option de transfert « de navire à navire » pour décharger le chargeur de navire du navire transporteur de charges lourdes provenant du Vietnam et l’entreposer au terminal de Duke Point. Dans ce scénario, le chargeur de navire serait déplacé par des grues directement sur le « DYNAMIC BEAST », qui serait amarré au terminal de Duke Point et servirait de lieu de dépôt provisoire, jusqu’à ce que le chargeur de navire puisse être déplacé et déchargé dans les installations de Neptune Terminals.

[31] Dynamic soutient que son équipe d’exploitation et de projet possède une vaste expérience dans les projets maritimes de transport de charges lourdes, de transport et d’installation mécanique, ce qui permet à Dynamic de fournir ce qu’elle décrit comme des services efficaces et efficients tout en ayant un excellent bilan en matière de sécurité. Elle déclare que son expérience inclut les opérations de manutention horizontale, le transport d’équipements lourds, l’installation de grandes sections de ponts au-dessus de l’eau et la réparation ainsi que la remise en état et la démolition de gros équipements mécaniques pour un grand nombre de secteurs d’activité. Dynamic soutient également qu’elle connaît bien les étapes de conception et de planification requises à suivre avant le déplacement du chargeur de navire.

[32] Dynamic a soumis un rapport d’examen du déplacement du chargeur de navire du terminal de Duke Point jusqu’aux installations de Neptune Terminals réalisé par M. Iain Braidwood, ing., C. Eng., MRINA, MNI, de la société Iain Braidwood Consulting Ltd., située à Vancouver (rapport Braidwood). Le rapport Braidwood a conclu que le « DYNAMIC BEAST » est adapté pour charger le chargeur de navire au terminal de Duke Point, le transporter et le décharger dans les installations de Neptune Terminals, compte tenu de la vaste surface de son pont découvert et de la capacité acceptable de chargement sur le pont du navire, mais aussi de l’expérience de Dynamic en matière de transport de charges lourdes. Dynamic a également soumis une déclaration supplémentaire de M. Braidwood, qui précisait que lorsque son rapport fait référence aux opérations de manutention horizontale dans le contexte des services offerts par Dynamic, il fait référence à la manutention horizontale à l’aide d’un système de glissement ou de transporteurs modulaires autopropulsés.

[33] Dynamic reconnaît que le quai situé dans les installations de Neptune Terminals n’est pas le plus adapté à une opération de roulage ou de glissement pour transférer le chargeur de navire depuis une barge vers les fondations. Cependant, elle conteste l’affirmation de Protos selon laquelle le rapport WD a conclu qu’une opération de manutention horizontale à l’aide de transporteurs modulaires autopropulsés ou d’un système de glissement n’est pas réalisable et elle affirme que cette conclusion ne figure pas dans ce rapport. Dynamic souligne que Protos a l’intention d’utiliser des transporteurs modulaires autopropulsés pour placer le chargeur de navire sur le navire transporteur de charges lourdes au Vietnam et pour le déchargement et le chargement au terminal de Duke Point, mais est d’avis qu’une telle procédure n’est pas acceptable dans les installations de Neptune Terminals. Elle fait valoir que ni le rapport Lone Star ni le rapport WD ne suggèrent que les options de transfert qu’elle propose pour les installations de Neptune Terminals sont impossibles et que ces deux rapports indiquent que l’option privilégiée lors de l’utilisation d’une barge est de faire glisser le chargeur de navire de la barge sur ses fondations.

[34] En réponse aux arguments de Protos selon lesquels le quai et les piliers au large situés dans les installations de Neptune Terminals ne sont ni conçus à cet effet, ni validés par des études techniques, ni approuvés par le maître de l’ouvrage pour une opération de déchargement depuis une barge, Dynamic se réfère à la déclaration figurant dans le rapport Braidwood selon laquelle ces défis techniques ne sont pas en eux-mêmes une justification suffisante pour utiliser un navire étranger. Le rapport Braidwood affirme qu’il s’agit simplement d’effectuer les travaux d’ingénierie appropriés et d’obtenir les autorisations adéquates pour démontrer que le quai et les piliers au large sont acceptables pour une opération de manutention horizontale.

[35] Dynamic réfute les présentations de Protos concernant les risques liés à l’utilisation d’une barge et affirme que le rapport WD ne suggère ni ne fournit aucune preuve qu’il n’était pas possible d’utiliser le « DYNAMIC BEAST » du point de vue de la sécurité ou des risques encourus. Dynamic soutient en outre que, bien que le rapport Lone Star et le rapport WD soulèvent tous deux des problèmes techniques liés à l’utilisation d’une barge, aucun de ces rapports ne suggère que ces problèmes sont insurmontables ou ne fournit d’opinion de fond sur la capacité du « DYNAMIC BEAST » à résoudre les problèmes liés à la sécurité ou aux risques encourus.

[36] Dynamic soutient que le rapport Lone Star n’est pas une véritable étude technique, mais plutôt une évaluation des risques qui reconnaît qu’elle est de nature subjective. Dynamic déclare ne pas avoir eu la possibilité de participer à l’étude. Elle souligne que, dans le rapport Lone Star, aucune conclusion n’a pu être tirée concernant l’utilisation de la barge de Dynamic, car aucun [traduction] « calcul à l’appui ou renseignement précis sur les opérations par barge » n’a été fourni.

[37] Dynamic soutient que l’Office ne devrait pas tenir compte du type d’évaluation des risques présenté par Protos dans le rapport Lone Star pour évaluer la capacité du « DYNAMIC BEAST » à effectuer la tâche requise. Elle fait valoir que l’Office a, dans des décisions antérieures, statué qu’un navire étranger ne devrait pas être comparé ou mis en contraste avec un navire canadien offert pour déterminer si celui-ci répond aux exigences.

[38] Dynamic soutient que Protos a introduit la notion de risques sans préciser réellement ce qui constituerait un niveau de risque acceptable ni divulguer les critères requis dans sa demande. Dynamic déclare que Protos n’a fourni aucune preuve qu’elle a effectué une analyse des risques pour son plan de déchargement initial du chargeur de navire dans les installations de Neptune Terminals à son arrivée du Vietnam ou qu’une analyse des risques était un élément de planification essentiel pour le plan de déchargement initial ou révisé. Elle souligne qu’un pourcentage d’analyse des risques n’a été pris en compte dans aucun contrat ou spécification par écrit.

[39] Dynamic n’est pas d’accord avec la conclusion du rapport Lone Star selon laquelle il y a moins de risques à utiliser l’un des navires étrangers proposés pour mettre en œuvre une approche de manutention verticale en raison de l’expérience qui sera acquise en transportant le chargeur de navire par navire transporteur de charges lourdes depuis le Vietnam. En évaluant le rapport Lone Star, le rapport Braidwood observe que le fait de s’appuyer sur l’expérience d’un travail qui n’a pas encore été effectué pour réduire les risques d’une opération à venir n’est pas une pratique normale dans l’analyse des risques. Le rapport Braidwood indique également que le rapport Lone Star aurait pu appliquer un facteur relatif à l’expérience à l’option de transport par barge, compte tenu de la vaste expérience de Dynamic en matière de manutention horizontale et de transport avec le « DYNAMIC BEAST ».

[40] Dynamic soutient que l’analyse des risques dans le rapport Lone Star indique que Protos aurait été disposée à accepter les risques plus élevés de son plan initial, avec un facteur de risque de 41,2 %, plutôt que les risques attribués à l’utilisation du « DYNAMIC BEAST » dans un plan de déchargement révisé, avec un facteur de risque de 40,7 %. Le rapport Braidwood note que le rapport Lone Star a conclu que les méthodes d’utilisation de l’un des navires étrangers proposés ou d’une barge comme le « DYNAMIC BEAST » sont relativement similaires en ce qui concerne les risques, mais que les risques sont légèrement inférieurs pour l’opération par barge. L’évaluation des risques pour les navires étrangers proposés est plus faible que lorsque le facteur contesté relatif à l’expérience est pris en compte. Le rapport Braidwood fait valoir que les risques associés à chaque opération doivent être traités comme étant uniques, car les marées, les conditions météorologiques, les quais et l’assistance disponible différeront. Ce rapport met également en garde sur le fait de trop se fier aux opérations précédentes, en particulier lorsque les opérations dont il est question n’ont pas encore été réalisées, car cela peut conduire à un biais de complaisance.

[41] Dynamic conteste l’affirmation selon laquelle Takraf a déclaré que le chargeur de navire n’était pas conçu pour supporter certaines charges, ce qui éliminerait une opération de transfert par barge. Dynamic soutient que Protos tente de discréditer les conclusions de ses propres ingénieurs-conseils dans le rapport WD, selon lesquelles il existe trois options permettant l’utilisation d’une barge. Elle note que le rapport WD n’émet aucune réserve concernant le chargeur de navire en lui-même. Dynamic soutient que l’allégation de Protos est une preuve par « ouï-dire » et que l’Office ne devrait pas en tenir compte, car la personne qui fait la déclaration n’a pas été identifiée, il n’y a aucune preuve que cette personne est qualifiée pour donner un avis sur la faisabilité et l’allégation n’est étayée par aucune preuve réelle. Elle fait valoir qu’il ressort clairement des témoignages des experts indépendants des deux parties que l’utilisation de transporteurs modulaires autopropulsés et l’utilisation d’un système de glissement sont toutes deux des méthodes acceptables pour déplacer le chargeur de navire.

[42] En réponse à l’affirmation de Protos selon laquelle le rapport Braidwood ne tenait pas compte de la date d’arrivée prévue du chargeur de navire dans l’Ouest canadien, Dynamic souligne que la date à laquelle le chargeur de navire arrive au terminal de Duke Point n’est pas pertinente. C’est plutôt la date du voyage entre le terminal de Duke Point et les installations de Neptune Terminals qui compte. Dynamic observe que le voyage n’a pas de date précise, en dehors d’une période entre le 15 octobre 2020 et le 2 novembre 2020. Dynamic soutient que si la date précise était connue, elle aurait été précisée par Protos.

[43] Dynamic soutient que l’interprétation de Protos selon laquelle un délai de quatre à six mois est nécessaire pour valider les solutions proposées par Dynamic est non fondée. Afin d’appuyer sa position, Dynamic a fourni l’avis écrit d’un consultant externe, Greg Nordholm, de Nordholm Companies, Inc., située à Everett, Washington, États-Unis, qui connaît bien le projet du chargeur de navire de Protos. L’avis indique que les travaux d’ingénierie prendraient environ deux mois, avec un éventuel délai supplémentaire de trois semaines si des présentations plus formelles sont nécessaires.

ANALYSE ET CONSTATATION DES FAITS

[44] Il incombe à la partie demanderesse de remplir la demande de façon à fournir suffisamment de détails pour permettre à l’industrie canadienne d’évaluer la demande et d’y répondre. La partie qui offre ses navires a la responsabilité de que ses navires sont adaptés et disponibles pour être affectés à l’activité. Le fardeau de la preuve revient, selon la prépondérance des probabilités, à la partie demanderesse qui doit démontrer que les navires offerts ne sont pas adaptés et disponibles. Si la partie demanderesse ne fournit pas de preuves suffisantes à l’appui de sa position, l’Office déterminera qu’un navire canadien adapté est disponible.

Disponibilité

[45] Protos n’a fait aucune observation concernant la disponibilité du « DYNAMIC BEAST ». L’Office conclut donc que la disponibilité d’un navire canadien pour la période requise n’est pas contestée par Protos et n’est donc pas un problème.

Adaptabilité

[46] Même si la partie qui offre ses navires a la responsabilité d’établir que ses navires sont adaptés pour être affectés à l’activité, le fardeau de la preuve ultime revient, selon la prépondérance des probabilités, à la partie demanderesse qui doit démontrer que les navires offerts ne sont pas adaptés.

[47] La Loi ne définit pas le terme « adapté » et n’exige pas non plus qu’un navire immatriculé au Canada offert soit identique au navire étranger proposé dans une demande. L’Office évalue plutôt la capacité du navire immatriculé au Canada en fonction des exigences de l’activité décrite dans la demande et de la capacité du navire immatriculé au Canada à la mener à bien.

[48] L’Office tient compte des facteurs en matière de capacité suivants, s’ils ont été soulevés et justifiés au cours des actes de procédure : la capacité technique et opérationnelle, qui fait référence aux caractéristiques techniques du navire et de l’équipement, et les conséquences commerciales et économiques de l’utilisation du navire étranger par rapport au navire canadien offert.

[49] Si la partie demanderesse ne fournit pas de preuves suffisantes à l’appui de sa position, l’Office déterminera qu’il est plus probable qu’improbable que le navire canadien offert soit adapté pour être affecté à l’activité proposée.

[50] Bien que Protos affirme que l’activité à réaliser, soit le chargement du chargeur de navire au terminal de Duke Point et le transport, la livraison et l’installation du chargeur de navire dans les installations de Neptune Terminals, n’est pas une opération de manutention horizontale, l’Office conclut que Protos n’a pas démontré que l’activité doit être effectuée comme une opération de manutention verticale avec l’un des navires étrangers proposés.

[51] Protos disposait de renseignements sur les propositions de Dynamic et a eu l’occasion d’obtenir et de fournir des preuves pour étayer sa position lorsqu’elle a commandé le rapport WD et le rapport Lone Star. Dans les deux rapports, ses propres experts concluent que l’activité peut être effectuée en toute sécurité par un navire à manutention verticale ou une barge à manutention horizontale adaptée. Tous les témoignages d’experts des deux parties confirment que l’activité peut être accomplie à l’aide d’une méthode de manutention horizontale si elle est correctement conçue et exécutée.

[52] Vers la fin de l’instance, Protos a affirmé que Takraf avait déclaré que la structure ne pouvait pas supporter la charge qui serait placée sur la structure lors d’une opération de glissement, l’une des méthodes proposées par Dynamic. L’Office ne tient pas compte de cette affirmation, car Protos n’a fourni aucune preuve corroborante. Il n’y a aucun renseignement sur la personne qui a donné cet avis, ses qualifications ou l’information sur laquelle elle s’est appuyée pour formuler cette position. Si l’affirmation était vraie, l’Office se serait raisonnablement attendu à ce que ces renseignements soient communiqués aux experts engagés par Protos pour produire le rapport WD et le rapport Lone Star, soit avant soit après la production de ces rapports, car cela remettrait en question leurs analyses et conclusions. Il n’y a aucune preuve que Protos l’a fait.

[53] Protos a également fait valoir que le quai et les piliers au large situés au niveau des installations de Neptune Terminals ne sont ni conçus à cet effet, ni validés par des études techniques, ni approuvés par le maître de l’ouvrage pour une opération de déchargement depuis une barge. L’Office conclut que les éléments de preuve contenus dans les rapports d’experts déposés par les deux parties indiquent que ces problèmes pourraient être résolus grâce à des travaux d’ingénierie appropriés et des approbations adéquates pour déterminer si le quai et les piliers au large sont acceptables pour une opération de manutention horizontale.

[54] Compte tenu de la date d’arrivée prévue du chargeur de navire dans l’Ouest canadien, Protos est naturellement préoccupée par le temps requis pour effectuer les travaux d’ingénierie nécessaires à la validation des propositions de Dynamic. Protos affirme qu’il faudrait quatre à six mois pour effectuer ces travaux, mais ne fournit aucune preuve à l’appui de cette affirmation. En revanche, Dynamic a fourni l’avis écrit d’un consultant externe qui connaît le projet du chargeur de navire et qui déclare que les travaux d’ingénierie pourraient être terminés en environ deux mois, avec un éventuel délai supplémentaire de trois semaines si des présentations plus officielles sont nécessaires. L’Office conclut que le calendrier estimatif de Dynamic est crédible et note que ces travaux pourraient être accomplis avant que l’activité ne soit effectuée, à savoir entre le 15 octobre 2020 et le 2 novembre 2020.

[55] L’Office reconnaît qu’il est normal que Protos veuille limiter les risques associés au déplacement et à l’installation d’un chargeur de navire de cette taille et de ce poids. Le mandat de l’Office en vertu de la Loi est de déterminer si le navire immatriculé au Canada offert est adapté pour être affecté à l’activité décrite dans la demande et non de déterminer s’il s’agit du « meilleur navire disponible » ou du « navire le plus adapté » pour effectuer cette activité. Cependant, l’Office note que le rapport Lone Star calcule que les risques entre les méthodes de manutention verticale et de manutention horizontale sont quasi identiques et conclut même que les risques sont légèrement inférieurs pour une opération par barge. Même le facteur relatif à « l’expérience » n’améliore pas substantiellement l’évaluation des risques de la méthode de manutention verticale. Ce résultat est d’autant plus frappant que Lone Star disposait de peu de renseignements sur les méthodes de manutention horizontale, car Dynamic n’a pas été sollicitée pour participer à l’étude.

[56] Bien que Protos ait soulevé un certain nombre d’allégations concernant la capacité du « DYNAMIC BEAST » à effectuer l’activité proposée, l’Office conclut que Dynamic s’est acquittée du fardeau de la preuve en démontrant qu’elle pouvait transporter le chargeur de navire en toute sécurité du terminal de Duke Point jusqu’aux installations de Neptune Terminals dans le délai requis au moyen de l’une des méthodes qu’elle a proposées.

[57] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que Protos n’a pas démontré que le navire canadien offert n’est pas adapté.

CONCLUSION

[58] Pour les motifs susmentionnés, l’Office conclut, conformément au paragraphe 8(1) de la Loi, qu’il existe un navire canadien adapté et disponible pour être affecté à l’activité décrite dans la demande.

L’Office communique cette décision au ministre.

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Heather Smith
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