Décision n° 84-C-A-2020
DEMANDE présentée par Yishel Rubab Khan (partie demanderesse) contre Qatar Airways (défenderesse) au titre du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA), au sujet d’un refus de transport.
RÉSUMÉ
[1] La partie demanderesse a acheté un billet aller-retour pour un vol de Montréal (Québec) à Karachi, Pakistan, via Doha, Qatar. La demanderesse s’est vu refuser le transport à Montréal au motif qu’il manquait une espace dans son nom sur le billet au départ. La partie demanderesse a dû acheter de nouveaux billets avec son nom espacé correctement.
[2] La partie demanderesse réclame un total de 30 000 CAD pour les nouveaux billets, son temps, son effort et le traumatisme émotionnel, ainsi qu’une indemnisation parce que la défenderesse avait contrevenu à ses propres politiques auparavant.
[3] Les clauses contractuelles de la défenderesse sont établies dans son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff No. QR-1 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on Behalf of Qatar Airways Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in Canada/USA and Points in Areas 2 and 3, NTA(A) No. 524(tarif).
[4] L’Office se penchera sur les questions suivantes :
- La défenderesse a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA?
- Si la défenderesse n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quelle mesure corrective, le cas échéant, l’Office devrait-il ordonner?
[5] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué la règle 25(A)(11) et la règle 65 de son tarif. Par conséquent, en vertu de l’article 113.1 du RTA, l’Office ordonne à la défenderesse de verser à la demanderesse une indemnité de 2 041,66 CAD. La défenderesse doit payer ce montant à la demanderesse le plus tôt possible, mais au plus tard le 9 octobre 2020.
CONTEXTE
[6] La demanderesse détenait un billet aller-retour pour un vol de Montréal à Karachi, via Doha, le 13 mars 2019, dont le retour était prévu le 25 mars 2019. La demanderesse a acheté le billet par l’entremise de BudgetAir. Le nom sur le billet était épelé comme suit : « MRS YISHEL RUBABKHAN », avec le deuxième prénom et le nom de famille joints ensemble pour n’en faire qu’un seul nom.
[7] Le 13 mars 2019, la partie demanderesse s’est vu refuser le transport à Montréal par la défenderesse et a dû acheter un nouveau billet aller pour un montant de 1 305,71 CAD. Puisque le billet de retour était imprimé de la même manière, le 28 mars 2019, la partie demanderesse a acheté un nouveau billet de retour pour un montant de 1 395,80 CAD de CheapOair pour un vol le 1er avril 2019. Le coût des deux billets était de 2 701,51 CAD.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
[8] La partie demanderesse réclame des dommages pour le traumatisme émotionnel subi, ainsi que le temps et les efforts perdus en raison du refus de transport de la part de la défenderesse. L’Office n’a pas la compétence pour ordonner une indemnisation pour le traumatisme émotionnel, le temps et les efforts perdus, ou les inconvénients en ce qui a trait aux réclamations qui mettent en cause les présumées contraventions aux obligations liées au tarif du transporteur. L’Office ne s’est pas vu accorder cette autorité en vertu de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC), soit la loi constitutive de l’Office.
[9] De plus, même si l’Office n’a pas la compétence pour ordonner le paiement de montants fixes d’indemnisation pour les inconvénients dans les situations décrites dans l’article 12 du Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150, l’article 12 ne s’applique pas à un refus de transport ou aux vols exploités avant le 15 décembre 2019, lorsque cet article est entré en vigueur. Par conséquent, l’Office ne se penchera pas sur cette question.
LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES
[10] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que le transporteur aérien, lors de l’exploitation d’un service international, applique correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[11] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :
a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
[12] Les dispositions pertinentes du RTA et du tarif sont énoncées à l’annexe.
POSITIONS DES PARTIES ET CONSTATATION DE FAITS
La partie demanderesse
[13] La partie demanderesse soulève trois problèmes contre le transporteur :
- La partie demanderesse s’est « vu refuser l’embarquement » malgré le fait qu’elle détenait des documents supplémentaires (passeport du Pakistan, carte de résident permanent du Canada et un reçu de BudgetAir démontrant qu’un billet aller-retour avait été acheté) et que la défenderesse n’a offert aucune indemnisation ni aucun réacheminement sur un autre vol;
- La partie demanderesse a subi au mauvais traitement et a subi des pressions pour acheter un nouveau billet aller par le gestionnaire de l’aéroport de la défenderesse à l’aéroport de Montréal;
- La partie demanderesse a bénéficié de violations antérieures du tarif par la défenderesse puisque celle-ci lui a déjà permis de voyager avec des billets démontrant des erreurs similaires.
[14] La partie demanderesse affirme que lorsqu’elle s’est vu refuser l’embarquement, elle a appelé BudgetAir pour faire corriger son nom et on lui a dit que le changement de nom n’entrerait pas en vigueur le même jour. La partie demanderesse fait valoir qu’on lui a dit qu’elle devrait attendre pour un siège sur le prochain vol disponible, qui avait lieu le 17 mars 2019. La partie demanderesse affirme que ce n’était pas possible puisqu’elle avait un vol qui partait de Karachi le 17 mars 2019, pour se rendre à Islamabad, Pakistan, pour le Pakistan@100 Summit le 18 mars 2019. La partie demanderesse indique aussi que le représentant de BudgetAir a parlé à l’agent de la billetterie de la défenderesse pour confirmer que la partie demanderesse était la personne indiquée sur le billet.
[15] La partie demanderesse fait valoir que le gestionnaire de l’aéroport de la défenderesse à l’aéroport de Montréal était impoli, qu’il a dit qu’aucun remboursement ne sera versé pour le billet initial et qu’il l’a poussé à acheter un autre billet en déclarant qu’elle ne pourrait pas monter à bord du vol et que la seule option était d’acheter un nouveau billet aller.
[16] La partie demanderesse a fourni des billets électroniques supplémentaires avec la demande, affirmant que ceux-ci démontraient des voyages précédents avec la même espace manquante dans son nom. Les billets électroniques de la demanderesse pour un vol le 10 décembre 2017 démontrent que le nom est épelé « MRS YISHEL RUBABKHAN ». Sur les billets pour un vol le 29 août 2018, son nom était épelé « MRS YISHELRUBAB KHAN ». Ces billets électroniques ont aussi été achetés par l’entremise de BudgetAir. La demanderesse fait valoir que la défenderesse a déjà enfreint son tarif en lui permettant de voyager avec des billets qui contenaient les mêmes erreurs.
La défenderesse
[17] La défenderesse prétend que la partie demanderesse ne s’est pas vu refuser l’embarquement parce que le nom sur le billet ne comprenait pas une espace entre le deuxième prénom et le nom de famille. Plutôt, la défenderesse affirme que le problème était que le nom de famille et le deuxième prénom ont été mélangés et que le nom sur le passeport était « MRS KHAN / YISHEL RUBAB » et qu’il était « MRS RUBABKHAN / YISHEL » sur le billet. Le transporteur prétend qu’il avait le doit de « refuser l’embarquement » à la partie demanderesse puisqu’elle avait présenté un billet qui ne correspondait pas au nom inscrit sur le passeport.
[18] Le transporteur affirme qu’il a essayé d’atténuer la situation et a demandé que la billetterie du bureau de ville corrige les erreurs de nom sur le billet. Toutefois, puisque le billet a été acheté par l’intermédiaire d’un tiers, BudgetAir, elle n’a pas pu modifier la réservation.
[19] La défenderesse prétend que son agent principal de la billetterie a été très sympathique avec la demanderesse et qu’elle n’a jamais informé la partie demanderesse qu’il était nécessaire d’acheter un nouveau billet auprès de la défenderesse. Son agent principal de la billetterie a plutôt demandé que le chef d’escale intérimaire vende à la demanderesse un nouveau billet parce que le vol était sur le point de partir.
[20] Le transporteur prétend que le billet original de la partie demanderesse a été remboursée moins les frais pour un total de 659,85 CAD. De plus, le transporteur affirme que la partie demanderesse s’est vu offrir un bon de voyage qui valait 660 CAD, mais que la partie demanderesse l’avait refusé.
[21] La défenderesse affirme qu’elle n’a pas appliqué de façon incohérente les conditions de son tarif par le passé et qu’elle ne peut pas vérifier les allégations à propos des expériences précédentes de la partie demanderesse ou y répondre puisque trop de temps s’est écoulé. Le transporteur affirme qu’il ne peut pas commenter sur la raison pour laquelle la partie demanderesse aurait pu être traitée différemment et suggère que les circonstances étaient peut-être différentes par le passé.
Constatations de faits
[22] Le prénom de la demanderesse sur le passeport pakistanais et la carte de résident permanent du Canada est « YISHEL RUBAB » et son nom de famille est « KHAN ».
[23] Dans sa réponse, la défenderesse prétend que le « billet initial a été remboursé moins les frais pour un total de 659,85 CAD ». L’Office note que cette déclaration est ambiguë puisqu’on pourrait l’interpréter comme signifiant que le montant total du remboursement fourni à la demanderesse était de 659,85 CAD ou comme signifiant que le montant total des frais non remboursables était de 659,85 CAD avec le coût du billet original de 1 566 CAD. Dans le dernier cas, le montant du remboursement reçu par la demanderesse aurait été 906,15 CAD. En raison du manque de preuve fourni par le transporteur et l’interprétation en langage clair de la phrase par l’Office, l’Office conclut que le montant du remboursement versé était de 659,85 CAD.
ANALYSE ET DÉTERMINATIONS
La défenderesse a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA?
[24] Le fardeau de la preuve repose sur la partie demanderesse, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[25] Le 13 mars 2019, la partie demanderesse s’est vu refuser le transport comme défini dans la règle 25 du tarif de la défenderesse. Ce n’était pas un cas de refus d’embarquement, puisque le vol n’a pas été surréservé comme défini dans la règle 87 de son tarif.
[26] Plus précisément, la partie demanderesse s’est vu refuser le transport en fonction de la règle 25(A)(11), ce qui permet au transporteur de refuser le transport à un passager qui ne peut pas prouver qu’il est la personne nommée sur le billet. La règle 65 établit les politiques concernant les billets.
[27] L’Office conclut que la demanderesse a présenté la pièce d’identité et, donc, satisfait l’exigence de la règle 65 du tarif de la défenderesse. Bien qu’il manquait une espace dans le nom sur le billet, l’Office conclut que le transporteur a identifié positivement la demanderesse lorsqu’elle a essayé de faire réimprimer le billet avec l’incohérence du nom résolue. Cela démontre que la demanderesse a prouvé qu’elle était la même personne que celle indiquée sur le billet. De plus, le nom sur le billet n’était pas mal épelé et n’était pas mélangé comme la défenderesse le prétend. Donc, l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué la règle 65 du tarif.
[28] Dans la décision no 43-C-A-2018 (Khan c Jet Airways), Jet Airways a refusé de transporter Asif Islam Khan parce que le nom sur l’itinéraire était différent de celui sur le passeport. Le nom sur le billet était « KHAN/ASIFISLAMMR » et le nom sur le passeport était « ASIF ISLAMKHAN ». Asif Islam Khan avait ajouté qu’il avait voyagé avec Qatar Airways en tant que « KHAN/ASIF ISLAM MR » et avec Etihad Airways en tant que « ASIFISLAMMR KHAN » par le passé sans problème. L’Office a ordonné à Jet Airways de rembourser à Asif Islam Khan la différence entre le coût du billet original et le billet de remplacement. Il semble que l’absence d’une espace dans un nom est une erreur commune et que les passagers ont quand même pu voyager malgré l’incohérence.
[29] L’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué la règle 25(A)(11) de son tarif lorsqu’elle a refusé de transporter la partie demanderesse. Les pratiques précédentes de la défenderesse confirment que l’absence de l’espace ne mine pas normalement la validité d’un billet. La preuve confirme que les agents de la défenderesse croyaient que la partie demanderesse était la personne nommée sur le billet, mais la partie demanderesse s’est vu refuser le transport.
Si la défenderesse n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quelle mesure corrective, le cas échéant, l’Office devrait-il ordonner?
[30] Le billet aller-retour original de la partie demanderesse a coûté 1 566 CAD pour lequel la défenderesse a versé un remboursement de 659,85 CAD, étant donné qu’il y avait des frais qui n’étaient pas remboursables. Puisque la partie demanderesse avait acheté à l’origine un billet aller-retour, son nom était épelé de la même façon sur le billet de retour. La partie demanderesse a dû ensuite remplacer le billet de retour. La demanderesse a fourni des reçus démontrant qu’en raison du refus de transport, elle a supporté des coûts de déplacement supplémentaires, pour un total de 2 701,51 CAD. L’Office conclut que la partie demanderesse s’est vu refuser à tort le vol aller et devrait se voir rembourser le coût des billets de remplacement. La différence entre le coût des billets de remplacement et le remboursement déjà versé est de 2 041,66 CAD.
CONCLUSION
[31] L’Office conclut donc que la partie demanderesse a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la défenderesse n’a pas appliqué correctement la règle 25(A)(11) et la règle 65 du tarif et qu’elle a contrevenu au paragraphe 110(4) du RTA.
ORDONNANCE
[32] À la lumière de ce qui précède, en vertu de l’article 113.1 du RTA, l’Office ordonne à la défenderesse de verser à la partie demanderesse une indemnité de 2 041,66 CAD. La défenderesse doit verser ce montant à la partie demanderesse le plus tôt possible, mais au plus tard le 9 octobre 2020.
ANNEXE À LA DÉCISION No 84-C-A-2020
International Passenger Rules and Fares Tariff No. QR-1 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on Behalf of Qatar Airways Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in Canada/USA and Points in Areas 2 and 3, NTA(A) No. 524
Remarque : Le tarif de Qatar Airways a été déposé en anglais seulement.
RULE 25 – REFUSAL TO TRANSPORT, LIMITATION OF CARRIAGE
(A) QR may refuse carriage of a Passenger or a Baggage for reasons of safety or if, in the exercise of QR reasonable discretion, QR determine that :
…
(11) As the person presenting the Ticket (Passenger) cannot prove that (Passenger) is the person named in the “Name of Passenger” box in the Ticket and QR reserve the right to retain such Ticket.
RULE 65 – TICKETS
…
(2) Requirement for Ticket
Passenger will not be entitled to be carried on a flight unless passenger presents a Ticket valid and duly issued in accordance with QR regulations and containing the coupon for that flight and all other unused flight coupons and the Passenger Coupon. Furthermore passenger will not be entitled to be carried if the Ticket presented is mutilated or if it has been altered otherwise than by QR or by an authorized agent. In the case of an electronic ticket, passenger shall not be entitled to be carried on a flight unless passenger provides positive identification and a valid Electronic Ticket has been duly issued in passenger name.
…
RULE 87 – DENIED BOARDING COMPENSATION
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