Décision n° 85-C-A-2021

le 26 août 2021

DEMANDE présentée par Michael Wozniak contre Air Canada, au titre du paragraphe 67(3) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC), concernant un refus d’embarquement.

Numéro de cas : 
20-51206

RÉSUMÉ

[1] Michael Wozniak a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada parce qu’il s’est vu refuser l’embarquement à bord du vol no AC8014 d’Air Canada.

[2] M. Wozniak réclame le remboursement des dépenses qu’il a supportées, une indemnité pour son hébergement à l’hôtel sous forme de crédit de voyage et 1 500 CAD pour les inconvénients.

[3] Dans la présente décision, l’Office se penchera sur la question de savoir si Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé Domestic Tariff General Rules Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage, CTA(A) No. 3 (tarif), comme l’exige le paragraphe 67(3) de la LTC.

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut qu’Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, et rejette la demande.

CONTEXTE

[5] Le 1er mars 2021, M. Wozniak s’est vu refuser l’embarquement à bord du vol no AC8014 d’Air Canada. M. Wozniak devait initialement prendre un vol direct de Montréal (Québec) à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), dont le départ était prévu à 12 h 45. Air Canada a réacheminé M. Wozniak sur un vol dont le départ était prévu le lendemain matin, le 2 mars 2020, à 7 h, de Montréal à St. John’s, avec un vol de correspondance à Toronto (Ontario). Elle a également fourni à M. Wozniak des bons de repas et un hébergement à l’hôtel pour la soirée du 1er mars 2020, ainsi qu’une indemnité pour refus d’embarquement d’un montant de 2 400 CAD. M. Wozniak a demandé des modifications à sa réservation à deux occasions distinctes, ce qu’Air Canada a fait. M. Wozniak a finalement pris un vol direct le 3 mars 2020.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

Retard de bagages

[6] M. Wozniak affirme qu’il a été privé de ses bagages enregistrés pendant deux jours et qu’il n’avait pas de vêtements d’hiver à porter pendant son retard à Montréal. M. Wozniak affirme qu’il lui fallait acheter des vêtements, mais précise également qu’il a choisi d’emprunter des vêtements à sa famille et à ses amis plutôt que d’en acheter. Étant donné que M. Wozniak n’a pas demandé d’indemnité pour les dépenses liées aux articles qu’il a achetés pendant qu’il était sans bagages, l’Office n’examinera pas cette question.

LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES

[7] Le paragraphe 67(3) de la LTC exige que le transporteur applique son tarif, et prévoit ce qui suit :

Le titulaire d’une licence intérieure ne peut appliquer à l’égard d’un service intérieur que le prix, le taux, les frais ou les conditions de transport applicables figurant dans le tarif en vigueur publié ou affiché conformément au paragraphe (1).

[8] L’article 67.1 de la LTC énonce les mesures correctives qui sont à la disposition de l’Office s’il conclut que le transporteur n’a pas correctement appliqué son tarif, et prévoit ce qui suit :

S’il conclut, sur dépôt d’une plainte, que le titulaire d’une licence intérieure a, contrairement au paragraphe 67(3), appliqué à l’un de ses services intérieurs un prix, un taux, des frais ou d’autres conditions de transport ne figurant pas au tarif, l’Office peut, par ordonnance, lui enjoindre :

a) d’appliquer un prix, un taux, des frais ou d’autres conditions de transport figurant au tarif;

b) d’indemniser toute personne lésée des dépenses qu’elle a supportées consécutivement à la non-application du prix, du taux, des frais ou des autres conditions qui figuraient au tarif;

c) de prendre toute autre mesure corrective indiquée.

[9] Le paragraphe 86.11(4) de la LTC prévoit ce qui suit :

Les obligations du transporteur prévues par un règlement pris en vertu du paragraphe (1) sont réputées figurer au tarif du transporteur dans la mesure où le tarif ne prévoit pas des conditions de transport plus avantageuses que ces obligations.

[10] Les dispositions pertinentes du Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 (RPPA) et du tarif sont énoncées à l’annexe.

POSITIONS DES PARTIES

M. Wozniak

[11] M. Wozniak affirme qu’Air Canada l’a informé, au moment du refus d’embarquement, qu’il serait réacheminé sur un vol direct et qu’il serait surclassé en classe affaires. M. Wozniak soutient qu’Air Canada n’a pas respecté cet engagement et que, par conséquent, il a été retardé à Montréal pendant deux jours. Il affirme que cette situation a eu d’importantes répercussions sur ses responsabilités professionnelles, car il est arrivé beaucoup plus tard que prévu.

[12] M. Wozniak affirme qu’il n’a reçu que trois maigres bons de repas qui n’ont même pas suffi à payer un seul repas. Il affirme également qu’il a supporté des frais de transport parce qu’il a dû trouver des vêtements, de la nourriture et une chambre d’hôtel pendant son séjour à Montréal.

[13] À l’appui de sa position, M. Wozniak a fourni des reçus pour les dépenses suivantes :

  • L’hébergement à hôtel de jour le 1er mars 2020, pour un total de 118,99 CAD;
  • Les dépenses supportées le 2 mars 2020 pour de la nourriture, des articles de toilette et une nuitée à l’hôtel, pour un total de 219,60 CAD;
  • Les services de transport les 1er, 2 et 3 mars 2020, pour un total de 194,17 CAD.

Air Canada

[14] Air Canada soutient qu’elle a correctement appliqué son tarif en réacheminant M. Wozniak sur son prochain vol disponible et que M. Wozniak a volontairement modifié deux fois sa réservation pour prendre un vol direct le 3 mars 2020.

[15] Elle affirme également que les transferts et l’hébergement à l’hôtel pour le 1er mars 2020 ont été fournis à M. Wozniak. À l’appui de sa position, Air Canada a fourni une copie de l’historique du dossier passager (HDP) de M. Wozniak, qui indique que ce dernier a modifié sa réservation à deux occasions distinctes, ainsi qu’une copie de la réservation d’hôtel fournie à M. Wozniak pour le 1er mars 2020. Selon Air Canada, l’hôtel offrait gratuitement le transport à destination et en provenance de l’aéroport.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

[16] Le fardeau de la preuve repose sur le demandeur, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas appliqué correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.

[17] La règle 90(F) du tarif d’Air Canada prévoit que les passagers qui se voient refuser l’embarquement se verront offrir d’autres arrangements de voyage et d’autres normes de traitement, conformément au RPPA.

[18] La règle 90(G) du tarif prévoit qu’un passager qui s’est vu refuser l’embarquement involontairement en raison d’événements attribuables à Air Canada sera indemnisé, conformément au RPPA.

[19] La LTC prévoit que le RPPA fait partie du tarif du transporteur.

Réacheminement

[20] Le sous‑alinéa 17(1)a)(i) du RPPA prévoit que, si un passager se voit refuser l’embarquement pour des raisons attribuables au transporteur, ce dernier doit fournir une réservation confirmée pour le prochain vol dont le départ a lieu dans les neuf heures et qui est « exploité par lui, ou par un transporteur avec lequel il a une entente commerciale ». Si le transporteur ne peut pas fournir une telle réservation, le sous‑alinéa 17(1)a)(ii) énonce que le transporteur doit fournir une réservation confirmée pour un vol « exploité par tout transporteur », suivant toute route aérienne raisonnable, et dont le départ a lieu dans les 48 heures.

[21] L’Office accepte qu’Air Canada n’a pas été en mesure de fournir à M. Wozniak une réservation confirmée sur un vol dont le départ avait lieu dans les neuf heures suivant l’heure de départ indiquée sur le billet original, et qu’elle a donc réacheminé M. Wozniak sur un vol partant à 7 h le lendemain matin, le 2 mars 2020, via Toronto.

[22] L’Office conclut que cet itinéraire de rechange satisfait aux exigences de l’alinéa 17(1)a) du RPPA. L’Office note que, bien que M. Wozniak ait pu être informé par un agent d’Air Canada qu’il serait réacheminé sur un vol direct et qu’il serait assis en classe affaires, la règle 105(N) du tarif dispose qu’aucun mandataire, employé ou représentant n’a le pouvoir de modifier quelque disposition que ce soit du tarif, ou d’y renoncer. De plus, le RPPA n’exige pas que le transporteur fournisse une réservation pour un vol sur un itinéraire de rechange équivalent à l’itinéraire original; le transporteur doit plutôt fournir des arrangements de voyage alternatifs sur « toute route aérienne raisonnable » qui permet aux passagers de compléter leur itinéraire « dès que possible » et dans les 48 heures. Par conséquent, l’Office conclut qu’Air Canada a respecté son obligation de fournir un autre arrangement de transport, tel qu’énoncé dans le RPPA, et que M. Wozniak a volontairement modifié sa réservation à deux occasions distinctes pour finalement voyager le 3 mars 2020.

Norme de traitement

[23] L’article 16 du RPPA prévoit que, si un passager se voit refuser l’embarquement pour des raisons attribuables au transporteur, ce dernier doit fournir de la nourriture et des boissons en quantité raisonnable compte tenu de la durée de l’attente, ainsi qu’un hébergement à l’hôtel et le transport aller-retour à l’hôtel si le passager doit attendre toute la nuit le vol faisant partie des arrangements de voyage alternatifs.

[24] Étant donné que M. Wozniak s’est vu refuser l’embarquement en début d’après-midi le 1er mars 2020 et qu’il a été réacheminé sur un vol partant le lendemain matin à 7 h, l’Office conclut qu’il était raisonnable pour Air Canada de ne fournir que trois bons de repas. De plus, M. Wozniak n’a pas démontré que ces bons étaient insuffisants et il n’a pas demandé d’indemnité pour les frais de repas qu’il a supportés le 1er mars 2020. Par conséquent, l’Office conclut qu’Air Canada a respecté ses obligations en matière de repas au titre du RPPA.

[25] En ce qui concerne l’hébergement à l’hôtel, la preuve indique qu’Air Canada a fourni à M. Wozniak une chambre d’hôtel pour la nuit du 1er mars 2020, comme l’exige l’article 16 du RPPA. L’Office conclut que M. Wozniak n’a pas démontré qu’il avait également droit à une chambre d’hôtel de jour ou qu’il a supporté cette dépense parce qu’Air Canada n’a pas respecté ses obligations au titre du RPPA.

[26] En ce qui concerne le transport, l’article 16 du RPPA exige qu’un transporteur fournisse le transport entre l’aéroport et l’hôtel. Air Canada affirme que l’hôtel où elle a fourni à M. Wozniak une chambre pour la nuit du 1er mars 2020 a offert gratuitement le transport entre l’aéroport et l’hôtel. M. Wozniak a fourni des reçus pour les services de transport utilisés les 1er, 2 et 3 mars 2020, afin de trouver notamment des vêtements, de la nourriture et un hôtel. Étant donné que M. Wozniak n’a pas contesté l’affirmation d’Air Canada selon laquelle aucun des reçus pour les services de transport ne suggère qu’il s’agissait du transport entre l’aéroport et l’hôtel, l’Office accepte l’affirmation d’Air Canada selon laquelle l’hôtel a fourni ce transport gratuitement. L’Office conclut donc qu’Air Canada a respecté ses obligations en matière de transport au titre du RPPA.

[27] Quant aux dépenses que M. Wozniak a supportées les 2 et 3 mars 2020, l’Office note qu’elles résultent du fait que M. Wozniak a volontairement modifié sa réservation pour prendre un vol direct le 3 mars 2020. L’Office conclut qu’Air Canada ne peut être tenue d’indemniser M. Wozniak pour les frais de repas, d’hébergement à l’hôtel ou de transport qu’il a supportés en raison de la prolongation de son séjour à Montréal au-delà du matin du 2 mars 2020.

Indemnisation

[28] L’alinéa 12(4)d) du RPPA prévoit que, si un passager se voit refuser l’embarquement pour des raisons attribuables au transporteur et que le refus n’était pas nécessaire pour des raisons de sécurité, le transporteur doit verser l’indemnité minimale pour inconvénients liés au refus d’embarquement de la manière prévue à l’article 20. Au titre de cet article, si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport initial est retardée de neuf heures ou plus, comme c’est le cas dans la présente instance, le passager a droit à 2 400 CAD. L’Office conclut qu’Air Canada a respecté cette obligation en versant à M. Wozniak une indemnité de refus d’embarquement de 2 400 CAD. Par conséquent, M. Wozniak n’a pas droit à une autre indemnité pour les inconvénients qu’il a subis.

CONCLUSION

[29] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, comme l’exige le paragraphe 67(3) de la LTC, et rejette la demande.


ANNEXE À LA DÉCISION No 85-C-A-2021

Domestic Tariff General Rules Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage, CTA(A) No. 3

Remarque : Le tarif d’Air Canada a été déposé en anglais seulement.

RULE 90 – DENIED BOARDING

….

F. Alternate Travel Arrangements and Standards of Treatment

Air Canada will provide passengers denied boarding with alternate travel arrangements and standards of treatment in compliance with APPR.

G. Compensation

Eligibility

1) A passenger who has been denied boarding involuntarily because of events within Air Canada’s control will be compensated, in accordance with APPR.

….

RULE 105 – LIABILITY OF CARRIERS

….

N. Modification and waiver

No agent, servant, or representative of the Carrier has authority to alter, modify, or waive any provisions of the contract of carriage of this tariff.

….

Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150

Obligations — attribuable au transporteur

12(1) Sous réserve du paragraphe 10(2), le présent article s’applique au transporteur dans le cas du retard ou de l’annulation de vol ou d’un refus d’embarquement qui lui est attribuable mais qui n’est pas visé aux paragraphes 11(1) ou (2).

[…]

Refus d’embarquement

(4) Dans le cas du refus d’embarquement, le transporteur :

a) fournit aux passagers concernés les renseignements prévus à l’article 13;

b) refuse l’embarquement conformément à l’article 15 et applique à l’égard des passagers concernés les normes de traitement prévues à l’article 16;

c) fournit aux passagers des arrangements de voyage alternatifs ou un remboursement aux termes de l’article 17;

d) verse l’indemnité minimale prévue à l’article 20 pour les inconvénients subis.

Renseignements fournis à la suite d’un retard, d’une annulation ou d’un refus d’embarquement

13(1) Le transporteur fournit aux passagers visés par le retard ou l’annulation de vol ou le refus d’embarquement les renseignements suivants:

a) la raison du retard, de l’annulation de vol ou du refus d’embarquement;

b) les indemnités qui peuvent être versées pour les inconvénients subis;

c) les normes de traitement des passagers applicables, le cas échéant;

d) les recours possibles contre lui, notamment ceux auprès de l’Office.

[…]

Normes de traitement des passagers lors du refus d’embarquement

16(1) Si les alinéas 11(5)b) ou 12(4)b) s’appliquent au transporteur, celui-ci fournit au passager, avant son embarquement à bord d’un vol faisant partie des arrangements de voyage alternatifs, sans frais supplémentaires :

a) de la nourriture et des boissons en quantité raisonnable compte tenu de la durée de l’attente, du moment de la journée et du lieu où se trouve le passager;

b) l’accès à un moyen de communication.

Hébergement

(2) Si le transporteur prévoit que le passager devra attendre toute la nuit le vol faisant partie des arrangements de voyage alternatifs, il lui fournit, sans frais supplémentaires, une chambre d’hôtel ou un lieu d’hébergement comparable qui est raisonnable compte tenu du lieu où se trouve le passager, ainsi que le transport pour aller à l’hôtel ou au lieu d’hébergement et revenir à l’aéroport.

[…]

Arrangements alternatifs — situation attribuable au transporteur

17(1) Si les alinéas 11(3)c), (4)c) ou (5)c), ou 12(2)c), (3)c) ou (4)c) s’appliquent au transporteur, celui-ci fournit aux passagers, sans frais supplémentaires, les arrangements de voyage alternatifs ci-après pour que les passagers puissent compléter leur itinéraire prévu dès que possible :

a) dans le cas d’un gros transporteur :

(i) une réservation confirmée pour le prochain vol disponible exploité par lui, ou par un transporteur avec lequel il a une entente commerciale, suivant toute route aérienne raisonnable à partir de l’aéroport où se situe le passager vers la destination indiquée sur le titre de transport initial du passager et dont le départ a lieu dans les neuf heures suivant l’heure de départ indiquée sur ce titre de transport,

(ii) s’il ne peut fournir une réservation confirmée visée au sous-alinéa (i), une réservation confirmée pour un vol exploité par tout transporteur, suivant toute route aérienne raisonnable à partir de l’aéroport où se situe le passager vers la destination indiquée sur son titre de transport initial et dont le départ a lieu dans les quarante-huit heure,

(iii) s’il ne peut fournir une réservation confirmée visée aux sous-alinéas (i) ou (ii), le transport vers un aéroport se trouvant à une distance raisonnable de celui où se trouve le passager et une réservation confirmée vers la destination indiquée sur le titre de transport initial du passager suivant toute route aérienne raisonnable exploitée par tout transporteur en partance de cet aéroport;

[…]

[…]

Indemnité pour refus d’embarquement

20(1) Si l’alinéa 12(4)d) s’applique au transporteur, il verse l’indemnité minimale suivante :

[…]

c) si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport initial est retardée de neuf heures ou plus, 2 400 $.

[…]

 

Membre(s)

J. Mark MacKeigan
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