Décision n° 89-C-A-2017

le 13 septembre 2017

DEMANDE présentée par Muhammad Aqif Chaudhry contre Qatar Airways (Q.C.S.C.) exerçant son activité sous le nom de Qatar Airways et de Qatar Airways Cargo (Qatar).

Numéro de cas : 
17-01189

RÉSUMÉ

[1] Muhammad Aqif Chaudhry a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) en vertu du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA), concernant le prétendu refus de Qatar de le transporter à bord du vol no QR764 de Montréal (Québec), Canada à Doha, au Qatar, le 28 décembre 2016.

[2] M. Chaudhry réclame des dommages-intérêts de 4 000 $.

[3] L’Office doit déterminer si Qatar a correctement appliqué les conditions des règles 24 et 25 de son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff NTA(A) No. 524 (tarif), comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA.

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que Qatar a correctement appliqué les conditions énoncées dans les règles 24 et 25 de son tarif. Par conséquent, l’Office rejette la demande de M. Chaudhry.

CONTEXTE

[5] M. Chaudhry voyageait avec un billet intercompagnies, qui comprenait des segments de vol exploités par WestJet, d’Edmonton (Alberta), Canada à Montréal (Québec), Canada, en passant par Toronto (Ontario), Canada; et des segments de vol exploités par Qatar, de Montréal à Lahore (Punjab), Pakistan, en passant par Doha, au Qatar, les 28 et 29 décembre 2016. À Montréal, M. Chaudhry s’est vu refuser le transport à bord du vol no QR764 de Qatar.

[6] Le 19 mai 2017, Qatar a déposé sa réponse à la demande. M. Chaudhry n’a pas déposé de réplique à la réponse de Qatar.

[7] Le 20 juin 2017, l’Office a émis la lettre décision n° LET-C-A-32-2017 dans laquelle certaines questions étaient adressées à Qatar, afin d’obtenir des précisions sur les mesures de sécurité qui ont été prises, et qui l’ont amenée à refuser le transport à M. Chaudhry.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Compétence de l’Office concernant le versement d’une indemnité pour souffrances et douleurs

[8] Dans sa demande, M. Chaudhry indique qu’il réclame une indemnité pour un préjudice financier et mental. L’Office n’a pas compétence pour ordonner le versement d’une indemnité pour souffrances et douleurs. Par conséquent, l’Office ne se penchera pas sur cette question.

Voyage intercompagnies

[9] Un voyage intercompagnies comprend des vols exploités par deux ou plusieurs transporteurs, selon leurs propres conditions. Pour accommoder un passager et les transporteurs participants, tous les segments d’un voyage intercompagnies apparaissent sur le même billet, et les droits de transport pour le voyage sont payés au transporteur qui délivre le billet, et ensuite distribués entre les transporteurs qui fournissent le transport.

[10] Les transporteurs aériens qui participent à des ententes intercompagnies sont chargés d’établir leurs propres conditions de transport, lesquelles s’appliquent à leurs passagers sur leurs propres segments de vol. Toutefois, ils n’ont pas de tarif commun et ne sont pas responsables des conditions de transport des autres transporteurs.

[11] Dans le cas présent, M. Chaudhry voyageait avec un billet intercompagnies de WestJet et de Qatar, et il s’est vu refuser le transport par Qatar à bord du vol no QR764 de Qatar. En conséquence, l’Office se penchera seulement sur la question de savoir si Qatar a correctement appliqué son tarif.

LA LOI

[12] Le paragraphe 110 (4) du RTA exige que le transporteur aérien qui offre un service international applique correctement les conditions de transport applicables au service figurant à son tarif.

[13] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113,1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’enjoindre au transporteur :

  1. de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
  2. de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application des prix, taux, frais ou conditions de transport figurant à son tarif.

[14] La règle 24(A) du tarif de Qatar précise la politique du transporteur sur le contrôle des passagers et de leurs bagages, dont voici une traduction libre :

Les passagers pourraient être questionnés et être assujettis à une vérification de leur profil de sécurité, à une fouille ou à une inspection manuelle, à un contrôle radioscopique, à une fouille manuelle de leurs bagages, et à l’utilisation de détecteurs électroniques ou autres, ou de dispositifs de contrôle de sécurité, à la seule discrétion du gouvernement, de l’aéroport ou de Qatar et, dans le cas des bagages, avec ou sans la présence ou le consentement du passager concerné, et sans nécessairement l’en informer. Ni Qatar ni ses employés ou ses mandataires ne sont responsables de tout dommage, perte, retard (y compris un refus de transport), confiscation de biens, blessure ou autre préjudice découlant d’un contrôle de sécurité ou du refus par le passager à subir un tel contrôle.

[15] La règle 25(A) du tarif de Qatar explique la politique du transporteur sur le refus de transport, dont voici la traduction libre d’un extrait :

Qatar peut refuser le transport d’un passager ou de bagages pour des motifs de sécurité ou, dans l’exercice raisonnable de sa discrétion, si Qatar détermine que :

1. la mesure est nécessaire pour empêcher la violation de lois, de règlements ou d’ordonnances applicables de tout État ou pays de destination, d’origine ou qui doit être survolé;

[…]

POSITIONS DES PARTIES ET CONSTATATIONS DE FAITS

Position de M. Chaudhry

[16] M. Chaudhry avance que lorsqu’il s’est enregistré auprès de WestJet à Edmonton, WestJet a vérifié les renseignements sur son passeport et ses documents de voyage et lui a délivré des cartes d’embarquement pour les vols de WestJet et de Qatar.

[17] M. Chaudhry fait valoir qu’à Montréal, au comptoir de transfert de Qatar, on lui a refusé l’embarquement pour son prochain vol, sans explication. M. Chaudhry indique avoir été laissé à lui-même au beau milieu de son voyage sans hébergement et sans autres arrangements de voyage pour se rendre à Lahore ou revenir à Edmonton.

[18] M. Chaudhry affirme que Qatar l’a plus tard avisé qu’on lui avait refusé le transport, car son nom apparaissait sur une liste d’interdiction de vol. M. Chaudhry affirme également qu’il ne comprend pas du tout pourquoi on lui a refusé l’embarquement puisqu’il a passé les contrôles de sécurité à l’aéroport d’Edmonton et que des cartes d’embarquement lui ont été remises pour tous les segments de vol.

[19] M. Chaudhry indique qu’il est resté à Montréal pendant deux jours sans hébergement, et qu’il a dû se procurer un nouveau billet pour revenir à Edmonton. M. Chaudhry fait également valoir qu’il a dû prendre lui-même d’autres arrangements avec un autre transporteur aérien pour se rendre à Lahore.

[20] M. Chaudhry affirme que Qatar ne lui a pas remboursé son billet et qu’il a dû dépenser encore 4 000 $ pour atteindre sa destination finale. M. Chaudhry affirme également que toute sa famille était perturbée par la manière dont Qatar l’a traité, et se sent profondément choquée et stressée par l’incident.

Position de Qatar

[21] Qatar reconnaît que M. Chaudhry a reçu des cartes d’embarquement de WestJet pour tous ses segments de vol, mais elle indique que les passagers qui arrivent à Montréal à bord d’un vol d’un transporteur aérien partenaire, comme WestJet, et qui poursuivent leur voyage jusqu’à Doha doivent se présenter au comptoir de transfert de Qatar où on leur remet de nouvelles cartes d’embarquement émises par Qatar. Qatar affirme également que c’est à cet endroit que les passagers doivent passer les contrôles de sécurité du Programme de protection des passagers du Canada et du programme Secure Flight des États‑Unis (É.-U.), car le vol devait passer dans l’espace aérien américain.

[22] Qatar admet que M. Chaudhry s’est vu refuser le transport à bord du vol no QR764. Toutefois, le transporteur fait valoir que contrairement aux allégations de M. Chaudhry selon lesquelles la décision a été prise sans raison, Qatar indique que M. Chaudhry s’est vu refuser le transport en raison d’une alerte de sécurité déclenchée à la suite d’une interrogation rapide dans le système d’information préalable sur les voyageurs (SIPV).

[23] Qatar affirme que le SIPV est un système électronique d’échange de données largement utilisé par les transporteurs pour transmettre au Service des douanes et de protection des frontières des É.-U. (CBP) des données sur un voyageur et que, par une interrogation rapide du SIPV, ils peuvent ainsi transférer des renseignements à CBP en temps réel, étant donné que chaque passager s’enregistre pour son vol avant l’embarquement. Qatar indique qu’elle utilise la fonction d’interrogation rapide du SIPV.

[24] Qatar indique qu’au Canada, le contrôle préalable des passagers est régi par le Programme de protection des passagers administré par le ministère de la Sécurité publique, et que les exigences de contrôle préalable par les transporteurs aériens sont énoncées dans la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, L.C. (2015), ch. 20, art. 11. Qatar fait valoir qu’elle commettrait une infraction si elle devait ne pas se conformer à cette loi.

[25] Qatar affirme que le contrôle préalable par les É.-U. est réglementé par son Administration de la sûreté des transports (TSA). La TSA gère ce processus dans le cadre de son programme Secure Flight. Qatar indique également que selon ce programme, les transporteurs aériens doivent recueillir des renseignements précis et les transmettre à la TSA pour tous les passagers qui prennent un vol à destination ou en provenance des É.-U. ou qui survole l’espace aérien continental des É.-U. (sauf les vols exploités entre deux points du Canada). Si le nom d’un passager se trouve sur la liste des personnes interdites de vol, la TSA peut donner pour instruction à l’exploitant de l’aéronef :

  • soit d’identifier la personne en vue d’un contrôle approfondi à un point de contrôle de sécurité;
  • soit de refuser le transport à la personne ou l’entrée dans un aéroport des É.-U.

[26] Une déclaration d’Eddy Ialenti est jointe à la réponse de Qatar. M. Ialenti est le superviseur des services de l’aéroport de Montréal pour Qatar. Il indique se souvenir d’avoir parlé à M. Chaudhry parce que des responsables de la sécurité canadiens ont communiqué avec lui concernant M. Chaudhry, mais qu’il ne se souvient pas de quelle agence provenaient ces responsables de la sécurité. Ceux-ci l’ont informé que M. Chaudhry se rendait à Doha, et ils lui ont demandé de les aviser des résultats de l’interrogation rapide du SIPV.

[27] M. Ialenti affirme également que M. Chaudhry a été soumis aux contrôles du Programme de protection des passagers du Canada et du programme Secure Flight des É.-U., et qu’une interrogation rapide du SIPV a déclenché une alerte. Selon M. Ialenti, l’alerte a fait l’objet d’une investigation. On a communiqué avec la TSA qui a confirmé que M. Chaudhry n’était pas autorisé à prendre le vol. M. Chaudhry a été escorté jusqu’aux services de sécurité où il a été rencontré par les mêmes responsables de la sécurité canadiens qui avaient communiqué plus tôt avec M. Ialenti.

[28] Qatar affirme avoir l’obligation juridique de contrôler les passagers conformément aux lois américaines et canadiennes. Qatar affirme avoir agi en conformité avec les lois applicables et ses règles tarifaires lorsqu’elle a refusé de transporter M. Chaudhry.

Constatations de faits

[29] M. Chaudhry n’a pas déposé de réplique à la réponse de Qatar. Ainsi, la preuve de M. Ialenti n’est pas contestée. Cette preuve établit que M. Chaudhry s’est vu refuser le transport à bord du vol no QR764 de Qatar entre Montréal et Doha. Elle démontre également qu’une interrogation rapide du SIPV a déclenché une alerte au moment de son contrôle pour son vol en direction de Doha. L’alerte a été vérifiée et, après une investigation plus poussée, Qatar a été informée par les autorités américaines que M. Chaudhry n’était pas autorisé à prendre le vol. L’Office conclut donc que M. Chaudhry s’est vu refuser le transport en raison d’une alerte de sécurité déclenchée au cours d’une procédure de contrôle préembarquement et de la directive reçue des autorités américaines confirmant que M. Chaudhry n’était pas autorisé à prendre le vol.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

[30] La règle 25(A) du tarif de Qatar indique que Qatar peut refuser le transport à un passager si, dans l’exercice raisonnable de sa discrétion, il est déterminé que le refus est nécessaire pour empêcher la violation de lois, de règlements ou d’ordonnances applicables de tout État ou pays de destination, d’origine ou qui doit être survolé.

[31] En fonction des constatations de faits ci-dessus, l’Office conclut que Qatar a agi en conformité avec sa règle tarifaire 25(A) lorsqu’elle a refusé de transporter M. Chaudhry à bord du vol no QR764 de Montréal à Doha. Ce refus était nécessaire si elle voulait se conformer à la loi américaine applicable et à la directive reçue des autorités américaines selon laquelle M. Chaudhry n’était pas autorisé à prendre le vol.

[32] En ce qui a trait à la déclaration de M. Chaudhry selon laquelle Qatar ne lui a pas remboursé son billet, il n’a relevé aucune disposition dans le tarif de Qatar qui exigerait que le transporteur rembourse les passagers à qui on refuse le transport pour des raisons de sécurité. L’Office n’est pas non plus au courant de l’existence d’une telle disposition. De plus, la règle tarifaire 24(A) du tarif indique que Qatar n’est pas responsable de tout dommage, perte, retard (y compris un refus de transport) découlant d’un contrôle de sécurité. Selon cette disposition, Qatar n’est pas responsable des préjudices que pourrait avoir subis M. Chaudhry découlant du refus de Qatar de le transporter à bord du vol en question.

[33] En ce qui a trait à l’affirmation de M. Chaudhry selon laquelle Qatar ne lui a fourni aucune assistance après le refus de transport, l’Office conclut que la situation est une question de service à la clientèle et que rien dans le tarif n’exige que Qatar fournisse une quelconque assistance.

[34] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut donc que Qatar n’a pas contrevenu aux conditions de son tarif. Par conséquent, Qatar n’est pas tenue de verser à M. Chaudhry une indemnité pour les dépenses qu’il a supportées en raison du refus de transport.

CONCLUSION

[35] L’Office rejette la demande.

Membre(s)

Stephen Campbell
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