Décision n° 89-C-A-2020

le 3 septembre 2020

DEMANDE présentée parHélène Montreuil et Michèle Morgan (demanderesses) contre Air Transat A.T. Inc. (défenderesse) conformément au paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA) concernant la modification de l’horaire d’un vol.

Numéro de cas : 
19-04453

RÉSUMÉ

[1] Les demanderesses ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre la défenderesse concernant la modification de l’horaire du vol de Québec (Québec), à Paris, France, du 25 juin 2019.

[2] Les demanderesses demandent une indemnisation de 1 547,90 CAD pour les dépenses qu’elles ont engagées, ainsi que 300 CAD pour les troubles et inconvénients qu’elles ont subis et le temps qu’elles ont perdu à préparer leur demande.

[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :

  • La défenderesse a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif international intitulé Tariff Containing Rules Applicable to Scheduled Services for the Transportation of Passengers and Baggage or Goods Between Points in Canada on the One Hand and Points Outside Canada (Except the United States) on the Other Hand, CTA(A) No. 4 (tarif) en ce qui a trait aux perturbations d’horaire, comme l’exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88‑58 (RTA)?
  • Si la défenderesse n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quelle mesure corrective, le cas échéant, l’Office devrait-il ordonner?

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif en ce qui a trait aux perturbations d’horaire. Par conséquent, l’Office ordonne à la défenderesse de verser aux demanderesses une indemnité de 935,10 CAD. La défenderesse doit verser ce montant aux demanderesses le plus rapidement possible et au plus tard le 19 octobre 2020.

CONTEXTE

[5] Les demanderesses ont acheté des billets pour un vol aller-retour auprès de la défenderesse de Québec à Paris, au coût de 2 132,82 CAD. Elles ont aussi acheté des billets pour un vol aller-retour auprès de KLM de Paris à Amsterdam, Pays-Bas, au coût de 472,60 CAD.

[6] Le départ du vol aller de Québec à Paris était prévu le 25 juin 2019 et l’arrivée, le 26 juin, à 8 h. Les demanderesses devaient ensuite prendre un vol de Paris à Amsterdam dont le départ était prévu le 26 juin 2019, à 11 h 45. Les demanderesses avaient aussi réservé une croisière dont le départ d’Amsterdam était prévu le 26 juin 2019, à 17h.

[7] Le 17 janvier 2019, la défenderesse a informé les demanderesses qu’elle apportait une modification à l’horaire du vol de Québec à Paris et qu’en conséquence, les demanderesses arriveraient à Paris plus tard que prévu, soit à 10 h 55.

[8] Le 17 janvier 2019, les demanderesses ont communiqué avec le Centre des ventes de la défenderesse afin d’annuler les billets qu’elles avaient achetés auprès de la défenderesse. Cette dernière leur a remboursé le prix des billets, en déduisant toutefois une pénalité de 600 CAD.

[9] Les demanderesses ont également annulé leurs billets non remboursables pour le vol de KLM de Paris à Amsterdam. Finalement, les demanderesses ont acheté des billets de remplacement pour un vol aller-retour avec Air Canada de Québec à Amsterdam, au coût de 2 467,92 CAD.

[10] Les demanderesses demandent une indemnisation de 1 547,90 CAD ventilée comme suit :

  • 600 CAD pour la pénalité d’annulation des vols facturée par la défenderesse;
  • 472,60 CAD pour les billets d’avion avec KLM;
  • 80 CAD pour les frais de bagages supplémentaires avec KLM;
  • 60,20 CAD pour la sélection des sièges avec KLM;
  • 335,10 CAD pour la différence de prix entre les billets avec la défenderesse et les billets de remplacement avec Air Canada.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Inconvénients subis

[11] Les demanderesses demandent une indemnisation de 300 CAD pour les inconvénients qu’elles ont subis et pour le temps qu’elles ont perdu à préparer leur demande.

[12] L’Office n’a pas le pouvoir d’ordonner une indemnisation pour les inconvénients subis dans les cas de non-respect allégué des obligations des transporteurs relatives à leur tarif.

[13] De plus, bien que l’Office ait compétence pour ordonner le paiement de sommes fixes en guise d’indemnité pour inconvénients dans les situations citées à l’article 12 du Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 (RPPA), cet article ne s’applique pas au refus de transport ni aux vols exploités avant l’entrée en vigueur du RPPA.

[14] Par conséquent, l’Office ne se penchera pas sur cette question.

Code civil du Québec et Loi sur la protection du consommateur

[15] Les demanderesses font référence au Code civil du Québec et à la Loi sur la protection du consommateur à l’appui de leur demande.

[16] L’Office est une création de la loi fédérale et ne peut exercer sa compétence qu’en conformité avec la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC) et ses règlements associés. Or, aucune disposition de la LTC n’accorde à l’Office le pouvoir d’appliquer ces lois.

[17] Par conséquent, l’Office ne se penchera pas sur cette question.

LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES

[18] Le paragraphe 110(4) du RTA précise que :

Lorsqu’un tarif déposé porte une date de publication et une date d’entrée en vigueur et qu’il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l’Office, les taxes et les conditions de transport qu’il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l’Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.

[19] L’article 113.1 du RTA établit que :

Si un transporteur aérien n’applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international qu’il offre et figurant à son tarif, l’Office peut lui enjoindre :

a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;

b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

[20] Les dispositions pertinentes du tarif de la défenderesse se trouvent dans l’annexe.

POSITIONS DES PARTIES ET CONSTATATION DE FAITS

Les demanderesses

[21] Les demanderesses affirment qu’une fois avisées du changement d’horaire effectué par la défenderesse, elles ont communiqué le jour-même avec la défenderesse pour l’informer que ce nouvel horaire ne leur convenait pas. Elles affirment qu’elles n’auraient pas eu le temps de prendre leur vol suivant de Paris à Amsterdam avec KLM et d’arriver à l’heure pour leur croisière, puisqu’elles n’auraient dorénavant disposé que de 50 minutes à l’aéroport de Paris pour embarquer à bord du vol avec KLM.

[22] Elles mentionnent qu’aucune alternative ne leur a été proposée par la défenderesse et que la seule option offerte était celle d’annuler leurs réservations, avec une pénalité de 600 CAD, ce qu’elles ont fait.

[23] Elles affirment que la défenderesse n’avait pas le droit de leur facturer cette pénalité et qu’elles ont aussi dû annuler leurs réservations pour le vol avec KLM, lesquelles n’étaient pas remboursables.

[24] Les demanderesses ont également déposé plusieurs captures d’écran de vols proposés en 2020 sur le Web par différents transporteurs afin de démontrer que des alternatives leur permettant d’arriver à Paris à temps existaient.

[25] Elles soutiennent que la défenderesse aurait pu leur proposer un de ces vols alternatifs, mais qu’elle ne l’a pas fait.

La défenderesse

[26] La défenderesse prétend qu’elle n’a commis aucune faute ou négligence et qu’elle a agi conformément aux conditions de vente afférentes à la classe tarifaire des billets des demanderesses ainsi qu’à ses obligations tarifaires et réglementaires.

[27] Selon elle, ces conditions énoncent clairement que les horaires de vol peuvent être modifiés sans préavis et elle affirme qu’elle n’est nullement tenue de rembourser le passager ou de le réacheminer sur un autre de ses vols ou avec un autre transporteur aérien pour un changement d’horaire de moins de 6 heures.

[28] La défenderesse ajoute que, selon les notes au dossier, aucune offre n’a été faite aux demanderesses et que celles-ci n’ont formulé aucune demande en ce sens.

[29] Elle affirme aussi qu’il y avait un vol ce jour-là qui partait de Montréal et dont l’heure d’arrivée à Paris aurait pu convenir aux demanderesses, mais qu’il est maintenant impossible de vérifier si des sièges étaient disponibles à bord de celui-ci.

Constatation de faits

[30] Les demanderesses allèguent qu’elles ont contacté le Centre des ventes de la défenderesse pour expliquer que le nouvel horaire de vol ne leur convenait pas et qu’elles ont demandé à obtenir un autre vol, mais que la défenderesse ne leur en a pas proposé. De son côté, la défenderesse ne conteste pas cette affirmation; elle mentionne plutôt que les notes au dossier ne contiennent pas d’information à propos de cette conversation.

[31] L’Office conclut donc que les demanderesses ont informé la défenderesse du fait que le nouvel horaire ne leur convenait pas et qu’elles ont tenté d’obtenir un autre vol.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

[32] Le fardeau de la preuve repose sur le demandeur, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas appliqué correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.

[33] La règle 21(2.)(C)(i) du tarif énonce que lorsqu’un passager est affecté par une perturbation d’horaire, le transporteur doit prendre en compte toutes les circonstances de sa situation telle qu’il les connaît lorsqu’il tente de trouver une alternative permettant d’acheminer le passager à sa destination.

[34] Le transporteur doit alors offrir la possibilité d’accepter un ou plusieurs des choix suivants :

  • Le transport vers la destination visée par le passager dans un délai raisonnable, sans frais supplémentaires;
  • Le transport de retour au point d’origine du passager dans un délai raisonnable, sans frais supplémentaires;
  • Lorsqu’aucune option de transport raisonnable n’est disponible, un remboursement ou un crédit d’un montant équivalent au prix payé par le passager, à la discrétion du passager.

[35] La règle 21(2.)(C)(ii) du tarif prévoit que, au moment de déterminer le service de transport qui sera offert, le transporteur prendra en considération :

  • les services de transport disponibles, incluant les services intercompagnies, les partages de codes, les services de partenaires affiliés et, si nécessaire, ceux d’autres transporteurs non affiliés;
  • les circonstances de la situation du passager, dont le transporteur a connaissance, incluant tout facteur qui aurait un impact sur l’importance de l’heure d’arrivée à destination.

[36] La règle 21(2.)(C)(iii) énonce en outre qu’après avoir considéré toutes les circonstances connues, le transporteur doit prendre toutes les mesures qui peuvent être raisonnablement requises afin d’éviter ou d’atténuer les dommages causés par la perturbation d’horaire.

[37] La défenderesse n’a pas expliqué avoir considéré les circonstances particulières des demanderesses, soit que le nouvel horaire de vol proposé ne convenait pas, ni tenté de trouver une alternative. Plutôt, elle a affirmé qu’elle n’était nullement tenue de réacheminer les demanderesses. Bien qu’il demeure incertain que des alternatives convenables auraient pu être proposées aux demanderesses, la règle 21(2.)(C)(ii) énonce que le transporteur doit rembourser ou offrir un crédit aux passagers lorsqu’aucune option de transport raisonnable n’est disponible.

[38] De plus, la défenderesse a remboursé le prix des billets des demanderesses en déduisant une pénalité de 600 CAD.

[39] L’Office conclut que la défenderesse n’a donc pas correctement appliqué la règle 21(2.)(C) de son tarif. Par conséquent, en vertu de l’article 113.1 du RTA, les demanderesses ont droit à une indemnisation pour les dépenses qu’elles ont supportées en raison du défaut de la défenderesse d’appliquer correctement son tarif, soit le coût des billets de remplacement avec Air Canada.

[40] Puisque les billets de remplacement avec Air Canada ont coûté 2 467,92 CAD aux demanderesses et que la défenderesse leur a déjà remboursé 1 532,82 CAD, la défenderesse doit verser un montant de 935,10 CAD aux demanderesses.

[41] En ce qui concerne les autres réparations réclamées par les demanderesses, ces dépenses ont été engagées avant la modification de l’horaire de leurs vols et ne constituent pas une conséquence directe du défaut de la défenderesse d’appliquer correctement son tarif. L’Office ne peut donc accorder aucune indemnisation au sens de l’article 113.1 du RTA.

CONCLUSION

[42] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées à la règle 21(2.)(C) de son tarif en ne considérant pas les circonstances particulières de la situation des demanderesses, contrairement à ce qu’exige le paragraphe 110(4) du RTA. Conformément à l’article 113.1 du RTA, les demanderesses ont droit au remboursement des dépenses qu’elles ont supportées en raison de la non-application du tarif par la défenderesse. Celle‑ci doit rembourser aux demanderesses un montant additionnel de 935,10 CAD.

ORDONNANCE

[43] En vertu de l’article 113.1 du RTA, l’Office ordonne à la défenderesse de verser une indemnité de 935,10 CAD aux demanderesses. La défenderesse doit verser ce montant aux demanderesses le plus rapidement possible et au plus tard le 19 octobre 2020.


ANNEXE À LA DÉCISION No 89-C-A-2020

Tariff Containing Rules Applicable to Scheduled Services for the Transportation of Passengers and Baggage or Goods Between Points in Canada on the One Hand and Points Outside Canada (Except the United States) on the Other Hand, CTA(A) No. 4

Remarque : Le tarif d’Air Transat a été déposé en anglais seulement.

RULE 21 – ADDITIONAL PASSENGER SERVICE COMMITMENTS

….

2. (C)(i) Given that passengers have a right to take the flight they paid for, if the passenger’s journey is impacted by a Schedule Irregularity, the Carrier will take into account all the circumstances of the case as known to it and will provide the passenger with the option of accepting one or more of the following remedial choices:

a) transportation to the passenger’s intended destination within a reasonable time at no additional cost;

b) return transportation to the passenger’s point of origin within a reasonable time at no additional cost;

c) where no reasonable transportation option is available and upon surrendering of the unused portion of the ticket, a cash amount or travel credit (at the passenger’s discretion) in an amount equal to the fare and charges paid will be refunded or provided as a credit where no portion of the ticket has been used. Where a portion of the ticket has been used, an amount equal to the lowest comparable one-way fare for the class of service paid for shall be refunded or provided as a credit in the event of a one-way booking/itinerary, and for round-trip, circle trip or open jaw bookings/itineraries, an amount equal to fifty percent of the roundtrip fare and charges for the class of service paid for, for the unused flight segment(s), shall be refunded or provided as a credit.

(ii) When determining the transportation service to be offered, the Carrier will consider:

(a) available transportation services, including services offered by interline, code sharing and other affiliated partners and, if necessary, other non-affiliated carriers;

(b) the circumstances of the passenger, as known to it, including any factors which impact upon the importance of timely arrival at destination.

(c) (iii) Having taken all the known circumstances into consideration, the Carrier will take all measures that can reasonably be required to avoid or mitigate the damages caused by a Schedule Irregularity. Where a passenger who accepts option (a) or option (b) or option (c) nevertheless incurs expense as a result of advancement Schedule Irregularity, the Carrier will in addition offer a cash payment or travel credit, the choice of which will be at the passenger’s discretion.
….

Membre(s)

J. Mark MacKeigan
Mary Tobin Oates
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