Décision n° 9-AT-A-2023

le 20 janvier 2023

Demande présentée par Elizabeth Miller contre WestJet, concernant un obstacle à ses possibilités de déplacement

Numéro de cas : 
21-50474

Résumé

[1] Elizabeth Miller a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre WestJet concernant son présumé manquement à son obligation de transporter son petit chien en tant qu’animal de soutien émotionnel (ASE).

[2] Mme Miller réclame des excuses de la part de WestJet, à son frère et à elle-même, une formation pour le personnel de WestJet et une ordonnance qui oblige WestJet à transporter les ASE.

[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :

  1. Est-ce que Mme Miller est une personne handicapée?
  2. Le chien de Mme Miller est-il considéré comme un chien d’assistance ou un ASE?
  3. Mme Miller a-t-elle rencontré un obstacle?

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que Mme Miller a un handicap lié à la maladie de Crohn, que son chien n’est pas considéré comme un chien d’assistance ou un ASE, et qu’elle n’a pas rencontré d’obstacle. Par conséquent, l’Office rejette la demande.

Contexte

[5] Mme Miller déclare qu’elle a pu prendre des vols avec son chien en tant qu’ASE pendant huit ans. Ce n’est que le 18 août 2021, lorsqu’elle a communiqué avec le bureau des soins particuliers de WestJet pour que son chien l’accompagne dans ses déplacements à titre d’ASE, qu’on l’a informée que WestJet n’acceptait plus les ASE. Mme Miller a effectué son déplacement avec son chien comme animal de compagnie dans la cabine lors de son vol de Toronto (Ontario) à Thunder Bay (Ontario), le 26 août 2021, et lors de son vol de retour, le 14 septembre 2021. Mme Miller a bénéficié du tarif pour compagnon, car son frère travaillait pour WestJet.

[6] Les actes de procédure ont été ouverts pour la demande le 22 août 2022. WestJet a déposé sa réponse le 30 septembre 2022, et Mme Miller a déposé sa réplique le 7 octobre 2022. Étant donné que Mme Miller a accompagné sa réplique de nouveaux documents, l’Office a donné la possibilité à WestJet de déposer des commentaires sur ces documents. WestJet a déposé ses commentaires le 28 octobre 2022, et Mme Miller y a répliqué le 31 octobre 2022.

La loi

Accessibilité

[7] L’Office a le pouvoir de trancher les demandes dans lesquelles un demandeur affirme qu’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes handicapées dans le réseau de transport fédéral.

[8] Comme il l’a indiqué dans sa décision 33-AT-A-2019 (décision d’interprétation), l’Office détermine s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne handicapée au moyen d’une approche en deux parties.

Partie 1 : Il incombe au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités :

- qu’il a un handicap. Un handicap est une déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, trouble d’apprentissage ou de la communication ou limitation fonctionnelle, de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société.

et

- qu’il a rencontré un obstacle. Un obstacle est tout élément — notamment celui qui est de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. Il doit y avoir un certain lien entre le handicap et l’obstacle.

Partie 2 : Si l’Office détermine que le demandeur a un handicap et qu’il a rencontré un obstacle, il incombe alors à la défenderesse de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :

- expliquer, en tenant compte des solutions proposées par le demandeur, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie, à la structure physique visée ou à n’importe quel autre élément constituant un obstacle ou, si une modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;

ou

- démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.

Chiens d’assistance

[9] Le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées (RTAPH) définit le terme « chien d’assistance » comme étant un chien qui a reçu, de la part d’un organisme ou d’une personne spécialisé en formation de chiens d’assistance, une formation individualisée à la tâche pour répondre aux besoins liés au handicap d’une personne handicapée.

[10] Le transporteur doit, si la personne handicapée le demande, accepter de transporter son chien d’assistance et permettre à l’animal d’accompagner la personne à bord.

[11] Le transporteur peut exiger que la personne handicapée munisse le chien d’une laisse, d’un câble d’attache ou d’un harnais afin de le maîtriser pendant le transport. Il peut également obliger la personne à lui fournir, au moment de faire sa réservation, une attestation que le chien d’assistance a reçu, de la part d’un organisme ou d’une personne spécialisé en dressage de chiens d’assistance, une formation individualisée à la tâche pour répondre aux besoins liés au handicap de la personne handicapée.

[12] Avant le départ, le transporteur peut également exiger une carte d’identité ou un autre document, délivrés par l’organisme ou la personne spécialisé en dressage de chiens d’assistance. Le document doit identifier la personne handicapée et attester que le chien d’assistance a reçu de l’organisme ou de la personne une formation individualisée à la tâche pour répondre aux besoins liés au handicap de la personne handicapée.

ASE

[13] Les ASE n’effectuent aucune tâche; c’est plutôt leur présence qui procure du réconfort ou un soutien affectif aux personnes ayant un handicap lié à la santé mentale. Aucun règlement n’exige que les ASE soient transportés, mais les transporteurs doivent répondre aux besoins liés aux handicaps des personnes handicapées tant que la contrainte ne devient pas excessive.

1. Est-ce que Mme Miller est une personne handicapée?

Positions des parties

Mme Miller

[14] Mme Miller indique qu’elle a des limitations intellectuelles et fonctionnelles. Elle déclare souffrir du syndrome de stress post-traumatique (SSPT), de la maladie de Crohn et de troubles des fonctions exécutives et de la mémoire à court terme.

[15] Afin d’étayer sa déclaration de handicap, Mme Miller a déposé avec sa demande le formulaire de déclaration du professionnel de la santé ou de la santé mentale fourni par WestJet (formulaire médical de WestJet) dans lequel un médecin indique qu’elle soigne Mme Miller pour un trouble mental ou émotionnel qui figure dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM). Le médecin n’a pas coché la case qui atteste qu’elle a besoin d’un animal à titre de mesure d’accommodement pour ses déplacements par transport aérien ou ses activités à la destination prévue.

[16] Mme Miller a également déposé le formulaire de renseignements médicaux de l’Office, rempli par le même médecin, qui indique que Mme Miller a une déficience physique et mentale. Le médecin précise que Mme Miller souffre d’une déficience mentale lorsqu’elle est soumise à un stress en raison du SSPT, de la dépression, de l’anxiété ou d’une maladie intestinale, et qu’elle a une limitation fonctionnelle en raison de la maladie de Crohn.

[17] Le médecin ajoute que Mme Miller ressent des symptômes de la maladie de Crohn tels que la douleur, la diarrhée, la perte d’appétit et les nausées, dont la gravité peut aller de légère à intense. Mme Miller a subi une opération et porte un sac d’iléostomie permanent. Lorsqu’elle est en déplacement, Mme Miller éprouve du stress et doit utiliser plus souvent les toilettes, et son sac d’iléostomie présente un risque supplémentaire de fuite en raison de la longue période passée par Mme Miller en position assise avec une ceinture de sécurité. Le médecin indique que le chien avertit Mme Miller lorsque son sac d’iléostomie se desserre ou fuit et l’aide à composer avec son traumatisme permanent.

[18] En ce qui concerne le SSPT, la dépression et l’anxiété, le médecin décrit les symptômes de Mme Miller comme étant le stress, les difficultés cognitives sous la contrainte, le rythme cardiaque élevé, les difficultés de compréhension, la perte de vision périphérique, le déficit d’attention, l’anxiété et l’inquiétude. Le médecin indique que la gravité et la durée de ces symptômes varient, et que la présence d’un ASE est l’un des moyens pour les soulager.

[19] Dans la section du formulaire de renseignements médicaux intitulée « Mesures requises pour permettre au demandeur de voyager », le médecin mentionne que Mme Miller se déplacement avec son ASE sans problème depuis huit ans. Elle ajoute que Mme Miller a recourt à la méditation, au yoga, à un régime alimentaire, au cannabidiol et à l’huile Rick Simpson pour gérer ses symptômes au quotidien.

[20] Mme Miller a également déposé une note d’un travailleur social qui indique qu’elle est inscrite à un programme abordant la vie après un traumatisme pour l’aider à gérer ses symptômes du syndrome de stress post-traumatique complexe. Le travailleur social souligne que Mme Miller est souvent dépassée dans les situations les plus simples, qu’elle fige et devient insensible à ce qui l’entoure. Il explique que cet état d’immobilité est inscrit dans le cerveau de Mme Miller depuis l’enfance et que lorsqu’elle sent un danger et que son amygdale se déclenche, pour se protéger, elle se ferme à son environnement. Selon le travailleur social, Mme Miller affirme qu’elle devient extrêmement dépassée et qu’elle n’arrive pas à gérer son environnement, et que son chien l’aide à se déplacer dans le monde. Le travailleur social recommande que Mme Miller soit autorisée à emmener son chien avec elle en tout temps.

WestJet

[21] WestJet fait référence au formulaire de renseignements médicaux et affirme que même si le médecin indique que le chien de Mme Miller l’avertit lorsque son sac d’iléostomie se desserre ou fuit, elle ne précise pas la façon dont cette détection s’effectue. WestJet ajoute que le médecin ne fournit aucune preuve sur la façon dont le chien de Mme Miller l’aide à gérer ses troubles psychologiques.

[22] Pour ce qui est de la note médicale du 15 août 2022, WestJet soutient qu’elle ne démontre pas qu’il y a handicap dans le contexte du transport aérien, car le médecin y indique seulement que le chien de Mme Miller l’aide à gérer ses problèmes de santé au quotidien.

[23] Pour ce qui est de la note du travailleur social, WestJet affirme que les travailleurs sociaux ne sont pas qualifiés pour fournir des diagnostics en matière de santé mentale.

[24] Par conséquent, WestJet soutient que Mme Miller n’a pas fourni assez de preuves pour démontrer qu’elle a un handicap, étant donné qu’elle n’a pas transmis de renseignements sur la nature et la gravité de ses symptômes et sur l’incidence de ces symptômes sur sa vie quotidienne, y compris sur ses déplacements. WestJet ajoute que Mme Miller n’a pas fourni assez de preuves pour démontrer qu’elle a besoin d’un ASE pour répondre au besoin lié à son handicap lors de ses déplacements.

Analyse et détermination

[25] L’Office a toujours affirmé qu’il incombe tout d’abord au demandeur qui affirme qu’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes handicapées de démontrer qu’il a un handicap au sens de la partie V de la Loi sur les transports au Canada (LTC).

[26] Comme l’indique la décision d’interprétation de l’Office, son interprétation de la définition de ce que constitue un handicap s’appuie sur un modèle social de handicap dans lequel la notion se comprend comme étant le résultat d’une interaction entre une déficience ou une limitation fonctionnelle dans un contexte social et physique. Par conséquent, le demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a une déficience ou une limitation fonctionnelle dont l’interaction avec un obstacle nuit à sa participation pleine et égale dans la société.

[27] Dans certains cas (comme la paraplégie, la quadriplégie et la cécité), le handicap est évident, en ce sens que la nature des symptômes associés au trouble représente toujours un handicap dans le contexte du transport. D’autres troubles ne représentent pas un handicap en soi puisqu’ils sont composés d’un large éventail de symptômes, de légers à graves, qui varient d’une personne à l’autre. Dans de tels cas, la détermination d’un handicap dépend de la gravité des symptômes de la personne et de leur incidence sur elle, en particulier dans le contexte du transport.

[28] Dans le formulaire de renseignements médicaux, le médecin indique que Mme Miller souffre de la maladie de Crohn et décrit en détail ses divers symptômes ainsi que leur gravité. Cet élément de preuve détaillé démontre clairement l’incidence de la maladie de Crohn sur la vie et les déplacements quotidiens de Mme Miller. Par conséquent, l’Office conclut que, pour ce qui est de la maladie de Crohn, Mme Miller a un handicap au sens de la partie V de la LTC.

[29] Dans le formulaire médical de WestJet, le médecin indique soigner Mme Miller pour un trouble mental ou émotionnel figurant au DSM. Cependant, ce formulaire ne suffit pas pour déterminer l’existence d’un handicap puisqu’il n’aborde ni la nature des symptômes ressentis par Mme Miller, ni leur gravité, ni leur incidence sur sa vie quotidienne, y compris ses déplacements. Comme mentionné précédemment, l’Office rend sa décision quant à l’existence d’un handicap au sens de la partie V de la LTC et à la lumière des éléments de preuves qui lui sont présentés. Une note de médecin qui fait état d’un trouble mental ou émotionnel figurant au DSM constitue une preuve d’un problème de santé, mais il est essentiel que l’Office dispose de renseignements sur la nature et la gravité des symptômes pour rendre une décision quant à l’existence d’un handicap.

[30] Dans le formulaire de renseignements médicaux, le médecin définit le SSPT, la dépression et l’anxiété comme étant des déficiences et en décrit les symptômes. Toutefois, il indique que la gravité et la durée des symptômes ressentis par Mme Miller varient sans en préciser la gravité ni l’incidence sur sa vie quotidienne ou ses déplacements. Cette constatation contraste avec les renseignements du même médecin en ce qui concerne la maladie de Crohn de Mme Miller, qui décrivent clairement ses symptômes comme étant de légers à graves et ayant une incidence significative sur sa vie quotidienne et sa capacité à se déplacer. Dans le cas des troubles de santé mentale, par contre, le médecin déclare simplement que les symptômes varient et ne fait aucune mention de leur gravité. Ils peuvent donc varier entre inexistants et légers, ce qui ne suffirait pas à appuyer une décision quant à l’existence d’un handicap au sens de la partie V de la LTC.

[31] Pour ce qui est de la note du travailleur social, même si cette note fournit certains renseignements à propos du SSPT de Mme Miller, les travailleurs sociaux ne sont pas des médecins. Pour rendre une décision quant à l’existence d’un handicap au sens de la partie V de la LTC, l’Office s’appuie sur des preuves médicales concernant la gravité des symptômes et leur incidence sur la vie quotidienne et les déplacements. Ce point est conforme à l’exigence selon laquelle le formulaire de renseignements médicaux doit être rempli par un médecin ou par un professionnel de la santé.

[32] Par conséquent, il n’y a pas assez d’éléments de preuve aux archives pour établir que le SSPT, la dépression et l’anxiété de Mme Miller sont suffisamment graves pour nuire à sa capacité d’accéder au réseau de transport fédéral. L’Office conclut donc que Mme Miller ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer que son SSPT, sa dépression et son anxiété constituent un handicap au sens de la partie V de la LTC.

2.  Le chien de Mme Miller est-il considéré comme un chien d’assistance ou un ASE?

Positions des parties

Mme Miller

[33] Mme Miller affirme que son chien est un ASE. Elle indique que son chien a reçu un dressage et a déposé deux certificats de dressage de la Mother Knows Best Obedience School Inc. Mme Miller soutient que la tâche de son chien, qui consiste à l’avertir lorsque son sac d’iléostomie se desserre ou fuit, ne nécessite pas de dressage spécialisé, car c’est un chien qui se sert de son odorat et qui a un lien fort avec sa maîtresse. Mme Miller ajoute qu’elle a l’intention de faire dresser son chien pour qu’il devienne un chien d’assistance lorsqu’elle en aura les moyens.

[34] Mme Miller a également déposé une note, datée du 15 août 2022, et signée par son médecin, qui indique que son chien l’aide dans ses activités quotidiennes en raison de ses problèmes de santé. Le médecin indique que, selon lui, le chien est un animal d’assistance qui aide Mme Miller à faire face à son handicap.

WestJet

[35] WestJet soutient que Mme Miller n’a pas fourni assez de documents avant le vol pour que son chien puisse satisfaire aux exigences afin d’être considéré comme chien d’assistance au sens du RTAPH. Plus précisément, WestJet affirme que Mme Miller n’a pas fourni assez de preuves pour démontrer que son chien a reçu le dressage exigé par le RTAPH.

[36] En ce qui concerne la note du médecin du 15 août 2022, WestJet indique que, selon le site Web de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, le médecin est spécialisé en médecine familiale. Par conséquent, WestJet fait valoir que le médecin n’est pas qualifié pour déterminer si un chien correspond à la définition d’un chien d’assistance aux termes du RTAPH.

Analyse et déterminations

[37] Le RTAPH définit le terme « chien d’assistance » comme étant un chien qui a reçu une formation individualisée à la tâche, donnée par un organisme ou une personne spécialisé en formation de chien d’assistance, pour offrir à la personne handicapée une assistance liée à son handicap.

[38] Dans le formulaire de renseignements médicaux, le médecin mentionne que le chien de Mme Miller effectue une tâche liée à la maladie de Crohn, que l’Office a reconnue comme un handicap. Toutefois, Mme Miller admet que son chien n’a pas reçu de formation individualisée à la tâche de la part d’un organisme ou d’une personne spécialisé en dressage de chien d’assistance. Les deux certificats de dressage de la Mother Knows Best Obedience School Inc. portent sur des cours d’obéissance générale plutôt que sur un dressage propre à la tâche demandée. De plus, un médecin n’est pas qualifié pour déterminer si un chien correspond à la définition du chien d’assistance dans le RTAPH. Par conséquent, l’Office conclut que, même si Mme Miller indique que son chien effectue une tâche liée à son handicap, elle n’a pas démontré qu’il a reçu le dressage nécessaire pour être considéré comme un chien d’assistance au sens du RTAPH.

[39] Si Mme Miller souhaite que son chien soit reconnu comme chien d’assistance au sens du RTAPH, elle doit obtenir une attestation de la part d’un organisme ou d’une personne spécialisé en dressage de chiens d’assistance certifiant que son chien a reçu une formation individualisée à une ou plusieurs tâches pour répondre à un besoin lié à son handicap. Cette attestation doit comprendre :

- une description claire de la ou des tâches pour lesquelles le chien a reçu une formation individualisée dans le but de répondre à l’un ou à plusieurs des besoins liés à son handicap;

- les références du ou des dresseurs, y compris leurs qualifications, certifications et affiliations à des organismes professionnels de chiens d’assistance comme la Canadian Association of Service Dog Trainers (association canadienne des dresseurs de chien d’assistance) et l’Association canadienne des écoles de chiens-guides et d’assistance;

- une description claire du contenu précis du ou des programmes de dressage qu’a suivis le chien, y compris la durée du programme, les objectifs que le chien devait atteindre, la participation de Mme Miller, les méthodes d’évaluation utilisées et les résultats d’évaluation obtenus par le chien et Mme Miller.

[40] L’Office reconnaît que l’avantage d’un ASE est la valeur de réconfort que sa présence peut offrir aux personnes souffrant d’un problème de santé mentale. Toutefois, Mme Miller ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer que ses problèmes de santé mentale, son SSPT, sa dépression et son anxiété constituent un handicap. Par conséquent, l’Office conclut que Mme Miller n’a pas démontré que son chien peut être considéré comme un ASE.

[41] Faute de preuve pour étayer que le chien de Mme Miller est un chien d’assistance ou un ASE, l’Office conclut qu’il doit être considéré comme animal de compagnie.               

3.  Mme Miller a-t-elle rencontré un obstacle?

Communication de renseignements avant le voyage

Positions des parties

Mme Miller

[42] Mme Miller soutient qu’elle a rencontré un obstacle à la communication avant le vol. Le 18 août 2021, elle a communiqué par courriel avec le bureau des soins particuliers de WestJet pour l’aviser qu’elle voyagerait avec son chien à titre d’ASE. On l’a alors informée que, depuis le 5 août 2021, WestJet n’accepte plus les ASE. Le jour suivant, elle a reçu un courriel du bureau des soins particuliers l’invitant à choisir l’une des options suivantes :

  • faire voyager son chien comme animal de compagnie dans une cage de transport dans la cabine sous le siège ou dans la soute;
  • voyager sans son chien;
  • annuler sa réservation.

[43] Mme Miller a également été informée qu’il lui incombait d’obtenir les documents requis pour que son chien puisse voyager comme chien d’assistance, le cas échéant.

[44] Mme Miller voulait parler à un agent du bureau des soins particuliers pour savoir comment faire certifier son chien avant le vol. Si ce n’était pas possible, Mme Miller souhaitait savoir si un nouveau règlement est prévu concernant les ASE et obtenir plus de renseignements sur le vol avec son chien dans une cage de transport. Elle explique qu’elle se sent mieux lorsqu’elle est préparée et qu’elle craignait de ne pas pouvoir faire certifier son chien à temps. Dans un tel cas, elle se demandait si elle avait le droit de mettre la main dans la cage pour le caresser pendant le vol.

[45] Mme Miller déclare qu’elle a été en attente pendant une heure et demie lorsqu’elle a téléphoné au bureau des soins particuliers et qu’elle n’a pas réussi à parler avec un agent. Elle ajoute qu’elle a téléphoné au service de renseignements généraux et qu’au moins quatre jours se sont écoulés avant qu’on la rappelle.

WestJet

[46] WestJet soutient que Mme Miller a reçu assez de renseignements à plusieurs reprises. WestJet souligne que le bureau des soins particuliers a avisé Mme Miller, le 18 août 2021, qu’elle pourrait voyager avec son chien comme animal de compagnie dans la cabine, même si les ASE ne sont plus acceptés, et qu’un courriel lui avait été envoyé le 19 août 2021 pour l’informer des autres options qui s’offraient à elle.

[47] WestJet ajoute que tous les renseignements concernant l’acceptation des chiens d’assistance, la fin du programme des ASE et les exigences de voyage pour les animaux de compagnie dans la cabine se trouvaient aussi sur son site Web.

Analyse et détermination

[48] La preuve au dossier démontre que les renseignements nécessaires pour que Mme Miller puisse voyager avec son chien lui ont été fournis dans un courriel du bureau des soins particuliers et se trouvaient aussi sur le site Web de WestJet. Le bureau des soins particuliers a répondu au courriel de Mme Miller; par conséquent, il semble qu’elle aurait pu lui poser toute autre question sur le vol avec son chien par courriel.

[49] Mme Miller indique qu’elle a tenté de joindre le bureau des soins particuliers par téléphone sans succès, et qu’elle a également téléphoné au service des renseignements généraux, mais qu’au moins quatre jours se sont écoulés avant qu’on la rappelle. À la lumière de ce qui précède, il semble qu’elle ait réussi à parler à un agent des renseignements généraux avant son voyage. Toutefois, Mme Miller n’a pas dévoilé le contenu de cette discussion. Étant donné que Mme Miller a reçu les renseignements par courriel et qu’ils se trouvaient aussi sur le site Web de WestJet, l’Office estime que, dans les circonstances, le niveau de service était acceptable.

[50] L’Office conclut donc que Mme Miller n’a pas rencontré d’obstacle en ce qui a trait à la communication de renseignements avant le voyage.

Service offert par le personnel de WestJet le 26 août 2021

Positions des parties

Mme Miller

[51] Mme Miller affirme qu’elle a vécu une mauvaise expérience avec des membres du personnel de WestJet lorsqu’elle s’est enregistrée pour son vol de départ à l’aéroport de Toronto. Elle explique qu’elle était nerveuse à l’idée de garder son chien dans une cage de transport et a dit à une agente du service à la clientèle que la fin du programme des ASE représentait un pas en arrière pour WestJet, qu’il était difficile d’assumer le coût de la cage de transport et que son vol la préoccupait. Selon Mme Miller, l’agente du service à la clientèle lui a répondu que voyager en tant que compagnon était un privilège et n’a pas arrêté de répéter, à voix haute, qu’elle insultait WestJet.

[52] Mme Miller soutient qu’elle n’a ni demandé à être dispensée du paiement des frais pour animaux de compagnie dans la cabine, ni déclaré qu’elle n’aurait pas dû payer de frais. Elle affirme que, même si l’agente a reconnu qu’elle était nerveuse, elle n’a montré aucune empathie. Mme Miller indique qu’elle n’a jamais eu besoin d’être calmée, juste qu’elle avait besoin d’une oreille attentive, et qu’elle était vulnérable. Elle essayait d’établir un lien, mais n’a pas été comprise.

[53] Mme Miller déclare que son chien avait la tête hors de la cage de transport lorsqu’elle est montée à bord de l’aéronef pour son vol de départ et qu’une agente de bord lui a ordonné de mettre la tête de son chien dans la cage. Elle ajoute qu’elle a placé la cage entièrement sous le siège dans le sens de la longueur; cependant, l’agente de bord lui a fait mettre la cage dans l’autre sens. Mme Miller soutient que l’agente de bord lui a mentionné qu’elle était une passagère en attente et qu’elle pouvait la faire descendre de l’aéronef.

[54] Mme Miller explique que son siège se trouvait à l’arrière de l’aéronef, près de l’allée, et qu’elle avait l’impression que l’agente de bord la frappait intentionnellement chaque fois qu’elle passait à côté d’elle. Mme Miller indique qu’au moment du débarquement, elle a entendu l’agente de bord lui dire au revoir en chantonnant sur un ton méprisant. Elle affirme qu’elle ne s’est pas retournée, car elle avait l’impression que l’agente de bord dirigeait sa colère et son hostilité vers elle.

[55] Mme Miller soutient que lorsqu’elle a raconté ce qui s’était passé à un autre agent de bord, il lui a dit que c’était parce qu’elle faisait l’objet de deux plaintes concernant son comportement.

[56] Mme Miller indique que les déclarations de l’agente du service à la clientèle et de l’agente de bord comprennent des inexactitudes factuelles; elles font passer sa nervosité pour de l’indiscipline. Elle nie notamment avoir dit que son chien n’avait pas besoin d’être dans une cage de transport, qu’elle consultait une équipe d’avocats pour intenter une poursuite contre WestJet, que l’agente de bord n’en ferait pas partie si elle la laissait sortir son chien de la cage, et que l’agente de bord recevrait l’appel de son avocat.

WestJet

[57] WestJet déclare que l’agente du service à la clientèle et l’agente de bord ont toutes les deux rempli un rapport d’incident concernant leur interaction avec Mme Miller.

[58] L’agente du service à la clientèle soutient que Mme Miller était une passagère en attente, qu’elle était nerveuse à son arrivée au comptoir et qu’elle était contrariée de devoir payer 50 CAD pour voyager avec son chien comme animal de compagnie dans la cabine. L’agente du service à la clientèle indique que Mme Miller a affirmé que WestJet était sur le déclin en tant que compagnie. Mme Miller aurait également affirmé qu’il était injuste que WestJet mette fin au programme des ASE, et aurait affirmé qu’on ne devrait pas lui faire payer de frais pour animaux de compagnie dans la cabine. L’agente du service à la clientèle indique qu’elle a tenté de calmer Mme Miller.

[59] L’agente de bord fait remarquer que le chien de Mme Miller n’était pas entièrement dans la cage de transport lorsque celle-ci est montée à bord de l’aéronef. Mme Miller a été priée de s’assurer que l’animal était bien placé dans la cage. L’agente de bord soutient que Mme Miller a affirmé que son chien était un ASE et qu’il n’avait pas besoin d’être dans une cage de transport. L’agente de bord indique qu’elle a expliqué à Mme Miller que WestJet n’acceptait plus les ASE et que son chien se trouvait sur la liste des animaux de compagnie dans la cabine et était soumis à des règles différentes. L’agente de bord indique que Mme Miller connaissait bien les règles et a déclaré qu’elle consultait une équipe d’avocats pour intenter une poursuite contre WestJet pour violation des droits de la personne. L’agente de bord affirme que Mme Miller l’a menacé de l’inclure dans la poursuite si elle ne faisait pas preuve de compassion et ne lui permettait pas que son chien soit considéré comme un ASE.

[60] L’agente de bord ajoute qu’elle a fourni à Mme Miller des informations spéciales pour les passagers voyageant avec un animal de compagnie. L’agente de bord soutient que Mme Miller lui a ensuite demandé si elle pouvait fermer les yeux et permettre au chien de demeurer à l’extérieur de la cage de transport. L’agente de bord indique que Mme Miller a été informée que son chien devait rester dans la cage de transport, sauf lorsque le signal de ceinture de sécurité était éteint, auquel cas la cage pouvait être ouverte brièvement pour donner de la nourriture, de l’eau et des médicaments. L’agente de bord affirme que Mme Miller était calme pendant tout le vol et que son chien est resté sous le siège dans sa cage. L’agente de bord soutient que, au moment du débarquement, Mme Miller lui a dit qu’elle recevrait l’appel de son avocat.

[61] WestJet indique que les deux rapports d’incident ont été préparés le jour du vol et qu’ils contiennent des souvenirs détaillés des deux employées concernant leur interaction avec Mme Miller. WestJet précise que les agents du service à la clientèle et les membres de l’équipage de cabine suivent une formation spécialisée et approfondie afin qu’ils puissent s’acquitter de leurs tâches et responsabilités et fournir un excellent service à la clientèle. WestJet affirme que la preuve démontre que le propre comportement de Mme Miller était à l’origine des interactions négatives et que, par conséquent, aucune de ces interactions ne constitue un obstacle.

Analyse et détermination

[62] Les éléments de preuve présentés par les parties sont contradictoires. Mme Miller allègue que l’agente du service à la clientèle et l’agente de bord ont manqué de professionnalisme, tandis que WestJet estime que c’est le comportement de Mme Miller qui était à l’origine de ces interactions négatives. Il est incontesté que Mme Miller était nerveuse ce jour-là et que son comportement pourrait avoir été mal compris par l’agente du service à la clientèle et l’agente de bord. Toutefois, l’agente du service à la clientèle et l’agente de bord ont toutes les deux fourni les services requis à Mme Miller et expliqué les règles pour voyager avec un animal de compagnie dans la cabine.

[63] Dans le cas présent, comme Mme Miller est la demanderesse, le fardeau de la preuve lui incombe. Ainsi, elle doit convaincre l’Office, selon la prépondérance des probabilités, que sa version des événements est plus probable que celle de WestJet. Compte tenu des nombreux courriels déposés comme preuves par Mme Miller, y compris leur contenu et leur ton, et compte tenu de son refus d’accepter les renseignements que le bureau des soins particuliers lui a fournis par écrit, l’Office conclut que la version des événements de WestJet est plus probable que celle de Mme Miller.

[64] Par conséquent, l’Office conclut que Mme Miller ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer que sa version des événements est plus probable que celle de WestJet et qu’elle a rencontré un obstacle.

Conclusion

[65] L’Office conclut que Mme Miller a un handicap lié à la maladie de Crohn, que son chien n’est pas considéré comme un chien d’assistance ou un ASE, et qu’elle n’a pas rencontré d’obstacle. Par conséquent, l’Office rejette la demande.

Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 Partie V; 169,5; 172(1); 172(2)
Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, DORS/2019-244 1(1); 51(1); 51(2); 51(4)

Membre(s)

France Pégeot
Elizabeth C. Barker
Date de modification :