Décision n° 93-R-1995

le 24 février 1995

le 24 février 1995

DEMANDE présentée par la Ville d'Edmonton en vue d'obtenir :

1) un arrêté en vertu de l'article 326 de la Loi sur les chemins de fer, L.R.C. (1985), ch. R-3, autorisant la ville d'Edmonton à construire et à entretenir le croisement d'un câble à fibres optiques sous l'emprise de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada au point milliaire 260,17 de la subdivision Wainwright, dans la ville d'Edmonton, dans la province d'Alberta; et

2) un arrêté provisoire en vertu de l'article 40 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), ch. 28 (3e suppl.), autorisant la ville d'Edmonton à construire et à entretenir le croisement d'un câble à fibres optiques en attendant que l'Office national des transports se prononce sur les dispositions en matière d'indemnisation, de résiliation, de déplacement et de responsabilité.

Référence no R 8050/709-260.17


CONTEXTE

Le 20 juin 1994, la ville d' Edmonton (ci-après la Ville) a déposé une demande auprès de l'Office national des transports (ci-après l'Office) en vue d'obtenir les autorisations énoncées dans l'intitulé. La Ville a également demandé que l'arrêté sur le croisement comprenne les conditions suivantes :

  1. Qu'à l'exception des coûts de réparation des dommages causés par la Ville et non réparés par la Ville, celle-ci n'ait pas à payer de frais d'administration, de location, de traitement ou autres à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (ci-après le CN) pour la construction, l'entretien ou l'exploitation du croisement.
  2. Que l'autorisation de traverser la voie soit donnée à la Ville à perpétuité ou jusqu'à ce que le déplacement ou l'enlèvement soit ordonné par l'Office ou ses successeurs et que toute demande déposée en vue d'un tel arrêté ne soit faite qu'après un avis raisonnable ait été donné à la Ville.
  3. Que les dispositions concernant la responsabilité de la Ville à l'égard du CN en ce qui a trait à ce croisement soient établies conformément à l'article 23 du Règlement sur le passage de conduits sous les chemins de fer, C.R.C., ch. 1187 (ci-après l'Ordonnance générale no E-10).

Dans sa demande, la Ville a indiqué qu'elle n'a pas réussi à négocier une entente mutuellement acceptable avec le CN quant aux conditions de ce croisement. La Ville a aussi déclaré que le croisement d'un câble à fibres optiques était nécessaire pour remplacer le câble en place qui se détériorait et pour garantir la sécurité des activités de transmission d'énergie.

Dans sa lettre du 4 août 1994, la Ville a affirmé que la construction au nord de la voie du CN serait terminée sous peu et elle a demandé qu'un arrêté provisoire soit pris pour qu'elle puisse continuer ses travaux pour traverser la voie du CN.

Par l'arrêté no 1994-R-351 du 18 août 1994, l'Office a acquiescé à la demande de la Ville en vue d'obtenir un arrêté provisoire en vertu de l'article 40 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux en attendant de se prononcer sur les dispositions en matière d'indemnisation, de résiliation, de déplacement et de responsabilité.

POSITION DE LA VILLE

La Ville signale qu'elle n'a pu régler avec le CN la question de savoir si ce dernier avait droit ou non à une indemnisation pour le croisement de fils, les conditions de ce croisement et les circonstances dans lesquelles la Ville peut être forcée d'enlever ou de déplacer son installation. Le genre de dispositions qui conviennent en matière de responsabilité reste aussi à déterminer.

La Ville fait valoir que la demande du CN pour des frais annuels d'indemnisation, de location ou d'administration dans ce cas n'est pas justifiée et que la politique de l'Office et de ses prédécesseurs a été de ne pas demander d'indemnisation dans les cas semblables à celui du croisement qui fait l'objet de la demande visée. La Ville cite les motifs de l'arrêté no 1989-R-296 du 26 septembre 1989 concernant Interprovincial Pipe Line Company, dans lesquels l'Office a déclaré que :

Lorsqu'un contrat de passage privé est passé entre un propriétaire foncier et une compagnie de chemin de fer, il arrive fréquemment qu'il oblige le permissionnaire à verser un dédommagement à la compagnie de chemin de fer sous forme de frais annuels ou administratifs. Cependant, si le droit de passage est établi suite à l'exercice d'un pouvoir suivant la loi, l'Office, comme ses prédécesseurs, a pour principe de ne pas autoriser de dédommagement lorsqu'une simple servitude est donnée sans qu'il y ait de préjudice ou de dommage véritable à la compagnie de chemin de fer ou à sa propriété.

La Ville cite aussi la cause Maritime Telegraph and Telephone Co. c. Compagnie de chemin de fer Dominion-Atlantic et Baird c. Compagnie de chemin de fer du Pacifique-Canadien (1916), 20, C.R.C. 213 dans laquelle le commissaire McLean a déclaré, relativement aux passages privés de conduits :

(traduction libre)

Tout au plus, une servitude est donnée, et la Commission refuse d'ordonner des frais comme dédommagement lorsqu'il s'agit simplement d'une infraction en droit strict des droits de propriété.

Dans la même cause, le commissaire en chef Sir Henry L. Drayton a dit :

(traduction libre)

La Commission a pour principe d'autoriser pareils passages sans les assortir de dédommagement. . . . S'il y avait un préjudice ou un dommage réel ou appréciable pour la compagnie de chemin de fer ou sa propriété, la règle ordinaire obligeant au versement d'un dédommagement s'appliquerait bien entendu.

En outre, la Ville note que dans l'affaire A. Demers, Laprairie c. Grand Tronc de chemin de fer du Canada (1920), 31, C.R.C. 297, le commissaire adjoint en chef a élargi l'application de ce principe dans la déclaration suivante donnée à la page 299 :

(traduction libre)

Il est vrai que les compagnies de chemin de fer sont propriétaires de leur emprise. Néanmoins, si, en tant que propriétaires, elles ont certains droits, elles ont aussi certaines obligations. Par exemple, elles sont tenues de tolérer toutes les servitudes rattachées à la nature des choses et à la disposition des terres qui peuvent découler d'ouvrages de drainage, d'un nouveau passage routier, de conduits d'eau ou d'égout, d'installations électriques, etc.

La Ville fait valoir que ces principes devraient être appliqués à la présente demande et qu'aucune forme d'indemnisation au CN n'est justifiée. La Ville ajoute que le croisement à l'étude nécessitera une simple servitude et n'occasionnera pas de dommage réel ou appréciable au CN, à ses activités ou à sa propriété.

La Ville signale qu'aucun des règlements de l'Office ne prévoit de frais annuels, de taux de location ou d'indemnisation équitables pour l'autorisation relative à un croisement et à son installation. La Ville ajoute que les conditions de l'entente du CN sont telles que le CN tentait d'obtenir une indemnisation simplement pour autoriser le croisement. Cette indemnisation était en sus des frais d'ingénierie, de protection par signaux et de signalisation propres à chaque installation. Que cette indemnisation soit décrit comme des frais annuels ou de location fixes ou comme des frais administratifs non précisés n'a pas d'importance. Quelle que soit la description donnée, ce que le CN a essentiellement demandé comme condition pour autoriser ce croisement est une indemnisation pour une simple servitude.

La Ville affirme que l'entente proposée par le CN est d'une durée de 20 ans et prévoit que le CN peut exiger que la Ville enlève ou déplace les installations. La Ville est d'avis que ces dispositions ne sont pas convenables. Le terme de 20 ans est inférieur à la durée de vie pratique d'un câble à fibres optiques qui est de 25 ans. De plus, il serait beaucoup plus économique de remplacer le câble à fibres optiques à cet endroit que de le réinstaller ailleurs. La Ville a demandé que le droit de traverser soit donné à perpétuité ou jusqu'à ce que l'enlèvement ou le déplacement soit ordonné par l'Office ou ses successeurs.

Pour ce qui est de la résiliation et du déplacement, la Ville fait valoir qu'elle ne cherche pas à empêcher l'inclusion d'une clause de résiliation ou de déplacement mais elle voudrait une disposition pour ce croisement qui permette au CN de présenter une demande de déplacement ou de résiliation en tout temps moyennant un avis raisonnable donné à la Ville. Cela est une bien meilleure façon de garantir que l'intégrité du CN relativement au passage futur n'est pas compromise si les conditions de l'emplacement venaient à exiger l'enlèvement ou le déplacement du câble. Cela garantit aussi que les préoccupations de la Ville peuvent être traitées selon l'évolution des conditions.

En matière de responsabilité, la Ville est d'avis que la responsabilité relative à ce croisement ne devrait pas dépasser ce qui est prévu dans l'Ordonnance générale no E-10 et en particulier à l'article 23 :

Une personne à qui appartient un conduit qui passe sous un chemin de fer est tenue de dédommager la compagnie, qui exploite, utilise ou à qui appartient le chemin de fer, d'une perte, d'un coût, d'un dommage, d'une blessure et d'une dépense relativement à une personne ou à des biens et qui résultent de la présence du conduit ou d'huile, de gaz, d'eau ou d'autre substance transportée ou qui résultent de travaux dont il est question dans le présent règlement ou de l'imprudence, la négligence ou la malhabilité des employés ou des mandataires du propriétaire du conduit relativement à la pose, l'entretien, le renouvellement, la réparation ou l'enlèvement du conduit ou à son utilisation.

POSITION DU CN

Le CN fait valoir que la demande présentée par la Ville en vue d'être soustraite aux dispositions en matière d'administration, de location et de responsabilité n'est pas acceptable et que les travaux non ferroviaires effectués sur la propriété du chemin de fer doivent être supervisés par des représentants de la compagnie du chemin de fer pour garantir la sécurité des travaux non ferroviaires et celle des équipes et de la propriété du chemin de fer. Le CN, en tant que partie touchée aux endroits visés, maintient le droit d'être indemnisé pour tout ouvrage au-delà des activités ferroviaires normales. En outre, le CN se réserve le droit de protéger ses intérêts à l'avenir comme le prévoient les clauses de responsabilité des ententes de croisement.

Le CN croit que la Ville ne devrait pas être soustraite aux obligations de l'entente normalisée sur le passage des conduits et que les exemptions qu'elle demande s'appliquent normalement aux lignes qui traversent les frontières provinciales, comme les pipelines interprovinciaux.

Le CN fait valoir que les objections de la Ville ne s'appliquent pas à l'ensemble de l'entente, mais plutôt à certaines clauses, en particulier aux dispositions concernant l'indemnisation, la résiliation, le déplacement et la responsabilité. Après avoir été avisé des objections de la Ville relativement à l'entente de croisement, le CN a révisé l'entente proposée et a présenté une entente cadre à la Ville qui couvrirait le croisement visé.

En ce qui a trait à la position de la Ville au sujet de la durée de 20 ans de l'entente de croisement, le CN fait valoir qu'en fait la compagnie de chemin de fer autorise le croisement de services publics à perpétuité. On a proposé une durée de 20 ans pour permettre aux deux parties de réviser, au besoin, les termes et conditions de l'entente.

En ce qui a trait à la résiliation, le CN ajoute que l'entente peut être examinée et, au besoin, renouvelée au 10 ans. Pour ce qui est de la première entente proposée, le croisement de services publics est autorisé à perpétuité. Le CN fait valoir que cela garantit que des croisements de services publics abandonnés ne demeurent pas sur la propriété du chemin de fer.

En ce qui a trait à l'indemnisation, le CN propose dans son entente révisée un paiement de base unique qui couvrirait les coûts de l'examen de la demande et des plans par les services compétents, la préparation de l'entente et l'insertion dans une base de données à des fins de consultation future. Le CN fait valoir que ces étapes sont nécessaires pour garantir qu'il n'y a pas de conflits avec les activités actuelles ou proposées du chemin de fer ou celles des services publics dans la région. Selon le CN, le paragraphe 7(2) du Règlement sur les croisements de fils et leur proximité, C.R.C., ch. 1195 (ci-après l'Ordonnance générale no E-11) et le paragraphe 22 (2) de l'Ordonnance générale no E-10 prévoient une telle indemnisation.

Pour ce qui est du déplacement ou de l'enlèvement, le CN affirme comme il est indiqué dans l'entente qu'il fournirait à la Ville, moyennant une demande raisonnable, un avis d'un an et demi, sauf en cas d'urgence. L'entente prévoit aussi que le CN fera son possible pour fournir un endroit de rechange acceptable, au besoin.

Le CN maintient que pour son intégrité future, particulièrement si les conditions de l'emplacement, pour des raisons de sécurité, rendent l'enlèvement ou le déplacement nécessaire, les clauses de l'entente traitant de résiliation et de déplacement sont équitables pour les deux parties.

En ce qui a trait à l'enlèvement ou à la modification des croisements, le CN soutient que l'article 8 de l'Ordonnance générale no E-11 et l'article 20 de l'Ordonnance générale no E-10 prévoient ces conditions et peuvent protéger les deux parties.

Quant aux dispositions en matière de responsabilité, le CN déclare que les dispositions demandées dans l'entente sont conformes à l'article 9 de l'Ordonnance générale no E-11 et à l'article 23 de l'Ordonnance générale no E-10 et sont nécessaires pour la protection des deux parties.

Le CN maintient que les dispositions de son entente cadre sont prévues dans l'Ordonnance générale no E-10 et l'Ordonnance générale no E-11 et il est d'avis que les exemptions demandées par la Ville vont à l'encontre d'articles donnés de ces règlements et qu'aucune exemption aux arrêtés ni aucun changement ne devrait être autorisé.

CONCLUSIONS ET CONSIDÉRATIONS DE L'OFFICE

Dans ce cas particulier, l'Office doit se prononcer sur des questions liées à l'indemnisation, à la résiliation, au déplacement et à la responsabilité relativement à l'installation d'un câble à fibres optiques sous une emprise du CN.

La Loi sur les chemins de fer permet, dans le cas des croisements de fils, à un demandeur et une compagnie de chemin de fer de s'entendre sur les conditions d'un croisement, après quoi il suffit de respecter les règlements, plans ou devis généraux adoptés ou approuvés par l'Office. Cependant, lorsque les parties ne parviennent pas à s'entendre, la loi visée prévoit qu'elles peuvent présenter une demande à l'Office qui peut alors donner un droit de passage sous réserve de certaines conditions.

Le paragraphe 326(1) de la Loi sur les chemins de fer prévoit qu'il faut d'obtenir la permission de l'Office pour des travaux projetés, comme la construction ou l'entretien de lignes, de fils métalliques, d'autres conducteurs ou d'autres structures ou appareils de transmission téléphonique ou télégraphique, ou servant à la transmission de la force motrice ou de l'électricité employée à d'autres objets, soit le long ou en travers d'un chemin de fer, par une autre compagnie que la compagnie de chemin de fer possédant ou contrôlant le chemin de fer.

Le paragraphe 326(5) de la Loi sur les chemins de fer prévoit qu'une autorisation de l'Office sous le régime de cet article n'est pas nécessaire dans les cas où les ouvrages ont été ou doivent être construits ou entretenus avec le consentement de l'Office et conformément à ses ordonnances générales et à ses règlements, ainsi qu'aux plans ou devis qu'elle a adoptés ou approuvés.

L'Ordonnance générale no E-11 est un règlement qui s'applique à la construction et à l'entretien des lignes, fils et autres conducteurs de transmission d'énergie électrique ou de communication pour la construction et l'entretien desquels l'autorisation de l'Office est requise aux termes de l'article 326 de la Loi sur les chemins de fer, ou qui sont ou seront construits ou entretenus avec consentement et conformément au présent règlement.

L'Office reconnaît, comme il est indiqué dans l'arrêté no 1989-R-296 du 26 septembre 1989, que lorsqu'un contrat de passage privé est conclu avec une compagnie de chemin de fer, il arrive fréquemment qu'il oblige le permissionnaire à verser un dédommagement à la compagnie de chemin de fer sous forme de frais annuels ou administratifs. Cependant, si le droit de passage est établi suite à l'exercice d'un pouvoir suivant la loi, l'Office, comme ses prédécesseurs, a pour principe de ne pas autoriser de dédommagement lorsqu'une simple servitude est donnée sans qu'il y ait de préjudice ou de dommage véritable à la compagnie de chemin de fer ou à sa propriété.

L'Office a appliqué ces principes aux faits du cas à l'étude et ne voit aucune raison de s'écarter de ces principes en ce moment. Il a donc déterminé qu'un dédommagement sous forme de frais annuels ou administratifs versés à la compagnie de chemin de fer n'est pas justifié puisqu'il n'y a pas de dommage réel ou appréciable aux terres visées de cette dernière.

En ce qui concerne la responsabilité, l'Office est d'avis que la responsabilité des actes de négligence qui pourraient se produire au passage à l'avenir devrait être déterminée par des tribunaux civils dans la province où le croisement est situé. L'Office ne croit pas qu'une personne à l'égard de laquelle le droit de passage légal est établi devrait assumer la responsabilité de la négligence de la compagnie de chemin de fer. Dans le cas des croisements de fils, la Ville doit se conformer à l'Ordonnance générale no E-11 et, plus particulièrement, à l'article 9 de l'Ordonnance générale no E-11 qui indemnise le CN des pertes ou des dommage résultant de la négligence de la Ville, de ses employés et ses agents.

Quant au déplacement ou à l'enlèvement, un arrêté de l'Office autorisant la construction du croisement du câble à fibres optiques sous l'emprise du CN accordera une servitude à la Ville à cet endroit jusqu'à ce que cet arrêté soit modifié ou annulé par l'Office.

L'Office prendra un arrêté à cet effet.

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