Décision n° 97-R-2013

le 13 mars 2013

DEMANDE présentée par la Municipalité Régionale de Waterloo conformément à l’article 101 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée et à l’article 16 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. (1985), ch. 32 (4e suppl.).

No de référence : 
R8050/453-062.70

INTRODUCTION ET QUESTIONS

[1] La Municipalité Régionale de Waterloo (Région) a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) afin d’obtenir une ordonnance relativement à la construction, à l’entretien et à la répartition des coûts d’un saut-de-mouton à construire au croisement de la rue Weber et du point milliaire 62,70 de la subdivision Guelph, dans la ville de Kitchener, dans la province de l’Ontario. Le franchissement proposé est situé sur une ligne ferroviaire qu’exploite la Goderich-Exeter Railway Company Limited (GEXR) dans le cadre d’une convention de bail conclue avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN).

[2] Les 10 et 12 avril 2012, respectivement, VIA Rail Canada Inc. (VIA Rail) et Metrolinx GO Transit (GO Transit) ont déposé des interventions d’opposition à la demande de la Région visant la construction d’un saut‑de‑mouton au franchissement de la rue Weber.

Questions

  1. Est-il justifié de construire un saut‑de‑mouton à l’emplacement en question?
  2. Le cas échéant, comment les coûts de construction du saut‑de‑mouton et de tout ouvrage connexe et les coûts d’entretien doivent-ils être répartis?

CONTEXTE

[3] Au sein de la municipalité régionale de Waterloo, les villes jumelles de Kitchener et de Waterloo peuvent être décrites comme étant alignées sur un axe nord-sud comptant deux artères, soit la rue King et la rue Weber, qui passent à travers les deux villes et relient les centres historiques et commerciaux. La Région est l’administration routière responsable de la rue Weber (route régionale 8) et de la rue King (route régionale 15).

[4] La voie ferrée de la subdivision Guelph de GEXR, qui part de la jonction Silver (située à l’ouest de Georgetown, en Ontario) jusqu’à London (Ontario), est située au nord du centre-ville de Kitchener. GEXR loue la ligne de CN dans le cadre d’un bail à long terme qui expirera en 2018. La rue Weber traverse actuellement la subdivision Guelph au point milliaire 62,70, et est un passage à niveau à deux voies protégé par des feux et des barrières. Le franchissement compte deux voies ferrées. La voie nord est une voie d’évitement utilisée principalement par les trains de marchandises de GEXR, tandis que la voie sud est la voie principale dont se servent GEXR, VIA Rail et GO Transit.

[5] La rue Weber s’étend sur environ 20 kilomètres. Elle part de la frontière sud-est de Kitchener et passe à travers son centre-ville vers la frontière nord jusqu’au franchissement. Cet axe routier à quatre voies est réduit à deux voies à partir du passage à niveau à deux voies vers un point à 1 000 mètres au nord du franchissement à la rue Guelph, ce qui crée un goulot d’étranglement aux alentours du franchissement. À partir de la rue Guelph vers la frontière nord de la ville de Waterloo, la rue Weber redevient une artère à quatre voies. La Région, conformément aux recommandations que renferme son plan directeur des transports, a décidé d’élargir la rue Weber à quatre voies.

[6] La Région propose de construire un passage inférieur au point milliaire 62,70 de la subdivision Guelph, soit une superstructure de pont en métal à poutres pleines à tablier inférieur sur des culées en béton, qui compterait deux voies ferrées. Le concept du pont comprend des caractéristiques d’amélioration architecturales afin de reconnaître l’importance de la structure en tant que « passerelle » vers le centre-ville de Kitchener. Ces caractéristiques ne seraient pas considérées dans le cadre du saut-de-mouton élémentaire. Par ailleurs, le saut-de-mouton proposé comprendrait une route à quatre voies avec un trottoir et un sentier polyvalent de chaque côté.

[7] La Région entreprend d’aménager un système léger sur rail (SLR) partiellement financé par les gouvernements fédéral et provincial, ce qui permettra de fournir un service de transport rapide depuis la frontière nord de Waterloo vers le sud-est de Kitchener. Le SLR sera construit en partie sur la rue King.

POSITIONS DES PARTIES

La Région

[8] La Région indique que la circulation globale n’a pas augmenté de façon importante dans les centres commerciaux des centres‑villes de Kitchener et de Waterloo. Toutefois, des améliorations à la rue Weber sont maintenant nécessaires en raison du goulot d’étranglement créé par le rétrécissement à deux voies au franchissement de la rue Weber. La Région allègue que ces améliorations augmenteront l’efficacité globale de la rue.

[9] La Région affirme que selon les estimations de planification à long terme, le débit courant restreint de 13 000 véhicules par jour (vpj) au franchissement augmentera à 20 000 vpj d’ici 2031 en raison de l’élimination du goulot d’étranglement.

[10] La Région indique qu’elle prévoit commencer en 2014 la construction du SLR qui sera construit en partie sur la rue King. Elle ajoute qu’à court terme, la capacité additionnelle sera nécessaire sur la rue Weber, car la circulation de la rue King sera redirigée durant la construction du SLR. La Région affirme toutefois qu’il faudra apporter des améliorations à la rue Weber, sans égard au projet de SLR, afin de régler le problème courant du goulot d’étranglement.

[11] La Région a déposé son rapport d’étude environnementale dans lequel il est indiqué que [traduction] « par l’accent qu’elle met sur l’élargissement et l’amélioration du SLR, la Région propose de réduire le nombre de voies pour véhicules sur la rue King, en faveur de voies de transport en commun réservées. La pression sera ainsi augmentée sur le réseau routier de la rue Weber ». Il est notamment indiqué dans le rapport qu’il était [traduction] « inacceptable de retenir la solution du statu quo (l’option qui prévoit de ne rien faire) d’une route à deux voies et d’un passage à niveau, car cette solution de rechange ne servirait pas les objectifs à long terme du plan directeur des transports de la Région et de sa stratégie de gestion de la croissance ».

[12] La Région affirme que selon des observations de la circulation ferroviaire en 2012, il passe sur la voie environ six trains de marchandises de GEXR et six trains de VIA Rail tous les jours, du lundi au vendredi, et quatre trains de GO Transit tous les jours, cinq jours par semaine.

[13] La Région déclare que la définition de « produit vectoriel » utilisée dans le document Projet de politique sur les passages à niveau rail‑route (projet de politique de TC) publié par Transports Canada est proposée pour des fins complètement différentes afin que les concepteurs de franchissements prennent en compte l’utilisation prévue du franchissement, notamment les prévisions pour un produit vectoriel maximum sur une période de cinq ans.

[14] La Région indique que l’Office accepte de façon générale qu’un produit vectoriel de circulation rail‑route fixé à 200 000 constitue le seuil pour justifier un saut‑de‑mouton. La Région déclare qu’en fonction de l’actuel tronçon de la rue Weber restreint à deux voies, la circulation routière est de 13 000 vpj au franchissement, ce qui donne un produit vectoriel de 208 000. La Région ajoute qu’elle anticipe une augmentation de la circulation routière à environ 22 000 vpj d’ici 2016, au moment où le SLR devrait être terminé, ce qui donne un produit vectoriel de 352 000. La Région affirme toutefois que l’actuel produit vectoriel est suffisant pour justifier la construction d’un saut‑de‑mouton.

[15] La Région soutient qu’un saut‑de‑mouton à la rue Weber est justifié par le fait que cette rue est l’un des deux principaux corridors nord‑sud au sein des villes jumelles de Kitchener et de Waterloo, et qu’en tant que passerelle importante vers le centre‑ville de Kitchener, une telle structure améliorera l’efficacité de ce corridor.

[16] La Région fait valoir que la circulation routière et ferroviaire se déroulera bien tout au long de la construction du saut‑de‑mouton, car des détours routiers et ferroviaires temporaires seront aménagés. Les coûts de ces détours feront partie des coûts du saut‑de‑mouton élémentaire.

[17] La Région affirme qu’elle s’attend à tirer des avantages du projet du fait de l’augmentation de la capacité routière et de la réfection importante des installations pour les piétons et les amateurs de plein air, tout en permettant que le passage de la circulation routière et ferroviaire se fasse de manière sécuritaire. La Région fait valoir que ces avantages sont la raison pour laquelle elle accepte de payer une partie des coûts du projet.

[18] Selon la Région, il est clair que les besoins routiers et ferroviaires ont contribué au besoin de construire un saut‑de‑mouton à la rue Weber. Pour ce qui est des avantages sur le plan routier, l’élargissement de la rue Weber se justifie par le besoin de régler le problème de longue date du goulot d’étranglement, tandis que les besoins ferroviaires sont justifiés par la croissance du trafic ferroviaire voyageurs. Conformément au guide de l’Office intitulé Répartition des coûts des sauts-de-mouton : Un outil d’information (outil d’information), la Région fait valoir que les coûts du saut‑de‑mouton élémentaire doivent être répartis également (50/50) entre la Région et GEXR/CN.

GEXR et CN

[19] GEXR indique que l’outil d’information de l’Office définit un saut-de-mouton élémentaire comme étant la partie de l’ouvrage qui est nécessaire pour fournir les installations répondant « aux besoins présents au moment de la construction » du saut‑de‑mouton.

[20] GEXR soutient que les renseignements fournis par VIA Rail et GO Transit dans leurs présentations du 10 septembre 2012 établissent clairement que les trains supplémentaires prévus dans la présentation de la Région ne se concrétiseront pas. GEXR affirme que dans le cas de VIA Rail, à compter de la fin d’octobre 2012, la fréquence du trafic voyageurs diminuera, ce qui réduira le produit vectoriel à 156 000, soit un chiffre en dessous du seuil établi dans la demande de la Région.

[21] GEXR affirme que le passage à niveau protégé actuel est adéquat pour la circulation et les habitudes de la circulation actuelles. Par ailleurs, selon GEXR, le niveau de sécurité ne changera pas, et il est peu probable qu’il change si la rue Weber demeure une rue à deux voies. GEXR allègue que le plan de la Région pour améliorer la fluidité de la circulation à ce passage à niveau déjà sécuritaire pourrait constituer un risque.

[22] Selon GEXR, les preuves soumises par la Région dans ses réponses aux questions étayent la conclusion voulant que la construction d’un saut‑de‑mouton serve uniquement à faciliter le projet de transport urbain et la mise en œuvre d’un SLR.

[23] GEXR indique que, lorsqu’elle se penche sur les avantages pour les parties, l’un des facteurs à considérer est l’amélioration de la sécurité du franchissement. Elle fait valoir que lorsqu’elle a posé des questions à la Région, il est devenu évident qu’il n’y avait jamais eu de problème de sécurité rattaché à l’exploitation ferroviaire au franchissement de la rue Weber. GEXR ajoute que, dans la mesure où aucune exigence de sécurité ne vient justifier le retrait du passage à niveau actuel, l’outil d’information ne devrait pas s’appliquer.

[24] GEXR indique qu’elle ne tirera aucun avantage du saut‑de‑mouton et qu’une contribution aux coûts de construction ou d’entretien de cette structure ajoutera à son fardeau financier.

[25] Selon CN, la Région laisse entendre à l’Office que le franchissement contribue au goulot d’étranglement. CN affirme que cette information est clairement trompeuse, car le passage à niveau ne peut pas être plus large que la rue elle‑même. CN affirme par ailleurs que le goulot d’étranglement actuel à cet emplacement résulte de la décision de la Région d’élargir les deux extrémités de la rue Weber sans élargir le tronçon entre la rue College et la rue Guelph, entre lesquelles se trouve le passage à niveau.

[26] CN soutient que la Région reconnaît qu’à court terme, la capacité additionnelle sera nécessaire sur la rue Weber pour accueillir la circulation qui sera déviée depuis la rue King durant la construction du SLR. Par conséquent, la fermeture de deux voies sur la rue King ne fera qu’exacerber le besoin d’améliorer le tronçon à deux voies de la rue Weber.

[27] CN affirme que les données fournies par la Région concernant l’activation de la barrière du passage à niveau de la rue Weber donnaient une approximation du nombre de trains exploités durant cette période. En réponse à la question no 1, paragraphe 12, la Région indique qu’en fonction du nombre d’activations de la barrière qui a été calculé, la circulation routière sur la rue Weber est bloquée en moyenne 25 minutes par jour. CN fait valoir qu’un franchissement qui est occupé par des trains pendant 25 minutes sur une période de 24 heures ne témoigne pas d’un fort achalandage de la voie ferrée et qu’un chiffre ainsi obtenu ne signifie rien, car il n’indique pas l’incidence du franchissement sur la circulation routière.

[28] CN affirme que la Région propose de construire un saut‑de‑mouton pour lequel les coûts sont estimés à 25 millions de dollars, en raison du passage d’environ un train par heure durant les heures de pointe, lequel train occupe le franchissement pendant environ 1,5 minute. CN allègue que ces chiffres ne montrent pas que l’occupation du franchissement par les trains est la cause du goulot d’étranglement et que ce temps n’est pas tellement différent de la durée des feux de circulation à de nombreuses intersections routières.

[29] CN fait valoir que la Région a reconnu que l’élargissement du passage à niveau viendrait régler le problème du goulot d’étranglement, sauf durant les périodes où la barrière est activée. CN affirme par ailleurs que l’activation de la barrière et l’occupation du franchissement par les trains n’est pas un problème.

[30] CN fait remarquer que la Région indique que selon les observations actuelles de la circulation ferroviaire qu’elle a réalisées au début de 2012, environ six trains de marchandises de GEXR passent chaque jour, du lundi au vendredi. CN affirme que le calcul par la Région du débit journalier moyen annuel (DJMA) ne suit pas la méthodologie généralement acceptée.

[31] CN affirme que Transports Canada a défini « produit vectoriel » dans le projet de politique de TC comme suit : « En ce qui concerne un passage à niveau, le produit du débit journalier moyen annuel des trains et des locomotives sur la voie ferrée par le débit journalier moyen annuel du nombre des véhicules sur la route qui traversent le passage à niveau. »

[32] Selon CN, le calcul du DJMA est le nombre total de véhicules ou de trains qui passent sur le franchissement dans les deux directions pendant une année, divisé par le nombre de jours dans cette année, où la multiplication de ces deux chiffres donne le produit vectoriel pour ce franchissement.

POSITIONS DES INTERVENANTS

VIA Rail et GO Transit

[33] GO Transit indique que l’argument de la Région voulant que le nouveau service de train de banlieue limité qu’offre GO Transit très tôt le matin (avant les heures de pointe) soit en quelque sorte le point critique dans les calculs de la circulation totale et devrait être considéré comme ce qui justifie le besoin de la Région d’un saut‑de‑mouton à la rue Weber n’est pas un reflet raisonnable ou juste de la réalité.

[34] GO Transit fait valoir que si le besoin d’un saut-de-mouton est établi à la satisfaction de l’Office en raison et dans le cadre du plan directeur des transports de Waterloo, alors la Région devrait assumer tous les coûts de sa construction.

[35] GO Transit fait remarquer que le rapport sur les transports de mars 2010 de la Région (rapport sur les transports) sur les améliorations de la rue Weber (rue College [au sud de Victoria] jusqu’à la rue Guelph) indique que le projet d’élargissement de la rue viendrait régler la question de ce qui a été décrit à la rue Weber comme étant la [traduction] « capacité limitée de recevoir une demande accrue ».Note 1 GO Transit indique que ces travaux (y compris le saut‑de‑mouton proposé) s’inscrivent dans les initiatives de la Région pour l’aménagement de routes et l’infrastructure locale et se justifient par l’augmentation de la demande relative au réseau routier, l’augmentation de la circulation automobile et le projet de SLR. Ces travaux ne sont d’aucune façon attribuables à l’ajout d’un service ferroviaire interrégional par GO Transit, particulièrement les deux trains supplémentaires qui passent du lundi au vendredi, un tôt le matin et l’autre en début de soirée (en dehors des heures de pointe).

[36] GO Transit souligne que dans le rapport sur les transports (page 3, section 1.4), il est mentionné que d’autres études sur les transports, notamment la mise à jour du plan directeur des transports de 2009 de la Région, montrent un engagement envers [traduction] « des cibles beaucoup plus élevées d’utilisation des transports en commun […] ce qui pourrait signifier plus d’autobus dans le corridor de la rue Weber » et qu’il s’agit là d’une justification supplémentaire pour prolonger le corridor routier de la Région.

[37] GO Transit affirme que sa circulation ferroviaire actuelle et celle prévue dans un avenir rapproché restent aux niveaux présentés en décembre 2011, soit au plus quatre trains quotidiens, du lundi au vendredi.

[38] VIA Rail indique qu’elle utilise l’infrastructure de GEXR pour ses trains qui desservent Toronto, Kitchener, London et Sarnia (Ontario). Lorsque la Région a déposé sa demande auprès de l’Office, VIA Rail avait prévu exploiter jusqu’à 12 trains par jour. Toutefois, VIA Rail soutient que les circonstances ont changé depuis ce temps. Depuis la fin octobre 2012, VIA Rail n’exploite que quatre trains par jour entre Toronto, Kitchener et London.

[39] VIA Rail fait valoir qu’à la lumière de ces changements, la demande de la Région devra être modifiée, plus particulièrement le calcul du produit vectoriel de la circulation routière et ferroviaire énoncé dans le cadre d’une détermination possible à savoir si un saut‑de‑mouton est justifié.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[40] Le paragraphe 16(1) de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF) permet au promoteur et à tout bénéficiaire des installations ferroviaires de saisir l’Office de leur désaccord s’ils ne peuvent s’entendre sur la répartition des coûts. Dans le cas présent, les parties ne sont pas d’accord en ce qui a trait à la construction du saut‑de‑mouton ou à la répartition des coûts de la construction et de l’entretien du saut‑de‑mouton.

[41] L’Office doit examiner le bien‑fondé du cas en fonction des exigences du paragraphe 16(4) de la LSF. Il doit déterminer la portée des responsabilités de chaque partie à l’égard des coûts de construction et d’entretien en tenant compte des avantages respectifs que chaque partie en tirera et de tout facteur qu’il estime pertinent. Le besoin de l’ouvrage peut être un facteur que l’Office estime pertinent, mais le paragraphe 16(4) de la LSF n’exige pas que la répartition des coûts soit fondée sur la question de savoir quelle partie a créé le besoin de l’ouvrage.

[42] L’Office prend en considération, entre autres, les avantages que chaque partie retire de la construction/reconstruction d’un saut‑de‑mouton. L’Office peut répartir les coûts conformément à son outil d’information s’il détermine qu’un saut‑de‑mouton est justifié.

[43] L’outil d’information établit la manière dont les coûts de la construction et de l’entretien d’un « saut‑de‑mouton élémentaire » peuvent être répartis entre les parties. Un saut‑de‑mouton élémentaire s’entend de la « partie de l’ouvrage qui est nécessaire pour fournir les installations répondant aux besoins présents au moment de la construction ou de la reconstruction du saut‑de‑mouton ».

[44] Toutefois, l’Office examine le bien-fondé de chaque demande de saut‑de‑mouton et de répartition des coûts lorsqu’il détermine si son outil d’information s’applique et dans quelle mesure. L’Office peut s’écarter de ce que prévoit l’outil d’information au besoin, selon les circonstances entourant chaque projet de saut‑de‑mouton.

[45] À la première étape de l’examen d’une demande pour un saut‑de‑mouton et toute répartition de coûts connexe, l’Office doit déterminer si un saut‑de‑mouton est justifié, compte tenu du besoin actuel en matière d’infrastructure. Si le saut‑de‑mouton n’est pas justifié, celui-ci peut tout de même être autorisé. Dans un tel cas, le demandeur sera toutefois considéré comme celui qui tire l’avantage principal de la construction.

[46] L’Office note que le produit vectoriel de la circulation routière-ferroviaire est l’un des « facteurs d’exposition » généralement acceptés pour déterminer si un saut‑de‑mouton est justifié.

[47] Dans ses décisions nos 65-R-2008 et 73-R-2008, l’Office a noté que le produit vectoriel de la circulation routière-ferroviaire est l’un des facteurs utilisés pour déterminer si un passage à niveau est adéquat ou si un saut-de-mouton est justifié. La Région ne remet pas en question l’utilisation du produit vectoriel pour déterminer si un franchissement est justifié. Elle affirme plutôt que la définition du produit vectoriel utilisée dans le projet de politique de TC est proposée pour des fins complètement différentes. À la lumière des décisions antérieures de l’Office sur la question, et conformément à la définition que renferme le projet de politique de TC, lorsque le produit résultant (la circulation routière quotidienne moyenne sur le passage à niveau dans les deux directions, multipliée par le nombre quotidien de trains) est en deçà de 200 000, un passage à niveau est généralement considéré comme étant suffisant, à condition qu’il soit correctement protégé.

[48] L’Office est d’avis que la définition de produit vectoriel utilisée dans le projet de politique de TC est pertinente pour l’aider à déterminer si un passage à niveau est adéquat ou si un saut‑de‑mouton est justifié. Dans le cas présent, l’Office est d’avis que la justification proposée par les parties ne suffit pas pour justifier qu’on s’écarte de la définition généralement acceptée de produit vectoriel. Plus particulièrement, l’Office conclut que la définition établie dans le projet de politique de TC convient pour déterminer ce qui constitue un franchissement adéquat, et s’applique dans le cas présent.

[49] Le projet de politique de TC indique que le DJMA s’entend : a) en ce qui concerne la voie ferrée, du nombre de mouvements de train et de locomotive sur un point ou une partie d’une voie ferrée au cours d’une année, divisé par le nombre de jours dans l’année, et b) en ce qui concerne la route, du nombre total de véhicules circulant sur un point ou une partie d’une route dans les deux directions au cours d’une année, divisé par le nombre de jours dans l’année.

[50] L’Office a calculé le nombre de trains exploités par jour en fonction des renseignements fournis par les parties pour cette voie ferrée à l’emplacement du passage public de la rue Weber, soit ([4x6]/7) 3,43 trains par jour pour GEXR, ([4x5]/7) 2,86 trains par jour pour GO Transit, et 4 trains par jour pour VIA Rail, pour un total de 10,29 passages de trains par jour.

[51] Dans le cas présent, la Région fait valoir qu’un saut‑de‑mouton est nécessaire pour éliminer le goulot d’étranglement à la rue Weber. La Région a indiqué qu’elle construira un SLR et que deux voies seront réservées sur la rue King pour le projet, déviant ainsi la circulation vers la rue Weber, qui est, avec la rue King, une artère majeure qui passe du nord au sud à travers la municipalité régionale de Waterloo et dessert plusieurs des mêmes destinations. La circulation routière actuelle sur la rue Weber est de 13 000 vpj avec une augmentation prévue à 22 000 vpj durant la construction du SLR. Il a également été estimé que d’ici 2031, la moyenne de vpj baisserait à 20 000. Avec la donnée actuelle établie à 13 000 vpj, combinée à 10,29 passages de trains par jour, le produit vectoriel est de 133 770.

[52] L’Office est d’avis que les volumes de circulation actuels sont plus bas qu’il faudrait normalement pour justifier un saut‑de‑mouton. En fait, la plupart des arguments présentés ont trait à la demande projetée en 2031 et aux changements prévus en raison du déplacement et de l’aménagement de la gare VIA Rail/GO Transit. À court terme, le seul changement important quant à la demande se rapporte au réacheminement de la circulation au cours des travaux de construction prévus du SLR sur la rue King.

[53] L’Office a tendance à percevoir les « besoins actuels » comme étant liés à un produit vectoriel qui a atteint ou qui atteindra bientôt un seuil, et qui est raisonnablement stable ou en croissance. Cela justifie les dépenses consenties à un grand projet d’infrastructure. Dans ce contexte, la demande d’un saut-de-mouton à frais partagés semble prématurée parce que le produit vectoriel de la circulation requis n’a pas été atteint et que les autres aménagements ne sont pas encore en place.

[54] L’Office a aussi pris en considération le fait que la Région pourrait vouloir poursuivre le projet parce qu’elle prévoit construire d’autres installations, comme des trottoirs et des pistes cyclables. Toutefois, ces travaux, dans le contexte de l’autorisation demandée et des circonstances propres au cas présent, ne constituent pas des motifs suffisants pour affecter des coûts aux compagnies de chemin de fer en l’absence d’une justification liée à la circulation.

[55] L’Office note que les parties ont déposé des données sur l’activation des barrières pendant quelques jours en janvier et en février 2012. Les données montrent que les barrières sont activées en moyenne 21 fois par jour la semaine, avec en moyenne seulement trois activations pendant chaque période de pointe. Les données montrent également que le temps moyen d’activation des barrières est de 2,12 minutes durant les heures de pointe le matin et de 1,06 minute le soir. En fonction des renseignements fournis par les parties, l’Office souligne que la fréquence et la durée d’activation des barrières sont faibles et qu’il n’estime pas que cela nuise au débit de la circulation routière.

[56] L’Office est d’avis que comme la Région prévoit construire un SLR et réserver deux voies sur la rue King pour le projet, la circulation de véhicules sera déviée vers la rue Weber, d’où la nécessité de régler le problème du goulot d’étranglement au franchissement de la rue Weber. Par ailleurs, en fonction des renseignements fournis dans le cadre des actes de procédure, la seule option que la Région a retenue pour régler le problème du goulot d’étranglement est un saut‑de‑mouton.

[57] Les parties conviennent qu’aucun accident n’a été signalé au franchissement actuel.

[58] Toutefois, l’Office est d’avis que chaque compagnie de chemin de fer qui exerce ses activités sur la ligne ferroviaire pourrait tirer avantage du remplacement du passage à niveau public par le passage inférieur proposé, car cela viendrait éliminer toute possibilité de collision de trains avec des véhicules routiers, des cyclistes ou des piétons, accroîtrait la souplesse dans l’exercice des activités et réduirait les coûts.

CONCLUSION

[59] Pour les raisons susmentionnées, l’Office conclut, en se fondant sur le produit vectoriel de la circulation, qu’un saut‑de‑mouton n’est pas nécessaire pour accueillir la circulation actuelle. La Région tirerait les principaux avantages si un saut‑de‑mouton devait être construit. Comme l’Office a déterminé qu’un saut‑de‑mouton n’est pas justifié, il n’a pas à se pencher sur la question de la répartition des coûts.

AUTRE QUESTION

[60] Même si l’Office a conclu qu’un saut-de-mouton n’est pas requis, la Région peut aller de l’avant avec la construction; cependant, elle devra en assumer la totalité des coûts.

[61] Si la Région décide de construire un saut‑de‑mouton à ce moment‑ci et les parties n’arrivent pas à s’entendre sur les coûts d’entretien, elles peuvent référer l’affaire à l’Office.

Notes

Note 1

«EA Problem Statement», page 3 du rapport sur les transports.

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Membre(s)

Jean-Denis Pelletier, ing.
Raymon J. Kaduck
Date de modification :