Lettre-décision n° LET-AT-A-30-2008
Demande présentée par Robin East contre Air Canada et Jazz Air S.E.C., représentée par son commandité, Commandité Gestion Jazz Air inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz
Dans la décision no LET-AT-A-8-2007 du 17 janvier 2008, l'Office des transports du Canada (l'Office) a répondu à la demande du 4 juillet 2007 d'Air Canada et de Jazz Air S.E.C., représentée par son commandité, Commandité Gestion Jazz Air inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz (les transporteurs), afin de suspendre la demande de M. East jusqu'à la diffusion de la décision de l'Office dans l'affaire AFC (une demande déposée par le Conseil des Canadiens avec déficiences, Joanne Neubauer et le regretté Eric Norman au sujet des tarifs et des frais exigés par Air Canada, Air Canada Jazz, WestJet, l'Administration de l'aéroport international de Gander et l'Association du transport aérien du Canada auprès des passagers qui ont besoin d'un siège supplémentaire en raison de leur déficience, soit pour eux-mêmes ou pour leur accompagnateur).
Dans la décision no LET-AT-A-8-2007, l'Office a indiqué qu'à la lumière de la diffusion de sa décision dans l'affaire AFC le 10 janvier 2008, la demande de suspension des transporteurs était sans raison d'être et, par conséquent, qu'il poursuivrait son enquête portant sur la demande de M. East et rendrait sa décision le plus rapidement possible. Il a aussi rappelé aux parties que, comme prévu dans les décisions nos LET-AT-A-289-2006 du 9 novembre 2006, LET-AT-A-103-2007 du 1er juin 2007 et LET-AT-A-109-2007 du 11 juin 2007, la question qui fait l'objet de l'enquête dans le cas de M. East est étudiée dans le contexte de l'article 149 du Règlement sur les transports aériens (le RTA).
Dans un mémoire du 28 janvier 2008, les transporteurs ont indiqué qu'ils examinaient le dossier en vue de déterminer s'il y avait d'autres questions que l'Office devrait prendre en considération avant de rendre sa décision finale au sujet de la demande de M. East. Qui plus est, les transporteurs ont demandé à l'Office de fixer un calendrier pour l'achèvement de son enquête sur cette affaire.
Les transporteurs ont déposé un deuxième mémoire le 30 janvier 2008, dans lequel ils établissaient les mesures qu'ils proposaient de prendre et le temps dont ils avaient besoin pour réaliser ces mesures d'une manière adéquate malgré les contraintes auxquelles ils font face. Les transporteurs indiquent que même s'il est trop tôt pour que l'avocat puisse commenter les mesures particulières qu'il pourrait recommander à la suite de son examen du résumé chronologique des plaidoiries jusqu'à maintenant, ils ont confirmé que l'avocat est d'avis que le dossier n'est pas complet et les transporteurs envisagent la possibilité de déposer d'autres preuves. À la lumière des contraintes auxquelles ils se heurtent, les transporteurs demandent à l'Office de fixer une date, au plus tard le 21 mars 2008, pour le dépôt de preuves supplémentaires.
L'Office a considéré la demande d'Air Canada et d'Air Canada Jazz et, à la lumière des raisons susmentionnées, autorise les transporteurs à déposer des preuves supplémentaires d'ici au 21 mars 2008, après quoi M. East aura 10 jours pour déposer sa réplique.
Toutefois, dans l'intervalle, afin de traiter la demande de M. East le plus rapidement possible, l'Office établira, pour l'instant, ses constatations préliminaires selon la preuve déposée jusqu'à maintenant. Ainsi, les parties devront traiter, dans le cadre de leur mémoire, la demande de justification de l'Office énoncée ci-dessous.
Décision préliminaire
Question
1. L'Office doit déterminer si les éléments suivants ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de M. East et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises :
- l'espace disponible pour l'animal aidant de M. East devant le siège qui lui a d'abord été assigné et les difficultés qu'il a éprouvées lors de l'embarquement et avant le début du vol no AC137 d'Air Canada en raison de la pratique du transporteur d'essayer de fournir des mesures d'accommodement sans frais supplémentaires, juste avant le départ, aux personnes ayant une déficience et voyageant avec un animal aidant pour lequel l'espace disponible devant le siège assigné est insuffisant;
- l'espace disponible pour l'animal aidant de M. East devant le siège qui lui a été assigné à bord du vol no AC8576 d'Air Canada Jazz.
Faits
2. M. East est aveugle et utilise un animal aidant, un chien-guide qui pèse 85 livres, pour ses déplacements et sa sécurité. M. East a transmis ces renseignements à ceux qui ont pris des dispositions pour ses voyages d'aller et de retour.
3. M. East voyageait entre Saskatoon et Toronto à bord du vol no AC8830 d'Air Canada Jazz le 29 avril 2006, entre Toronto et Kelowna, via Vancouver, à bord du vol no AC137 d'Air Canada et du vol no AC8424 d'Air Canada Jazz le 5 mai 2006 et entre Kelowna et Saskatoon, via Vancouver, à bord des vols no AC8415 et AC8576 d'Air Canada Jazz le 7 mai 2006.
4. Les réservations de M. East ont été effectuées plus de 48 heures avant son départ. Une note dans son dossier de réservation, soit le dossier passager (le DP), pour le vol no AC137 indique que M. East est aveugle et qu'il a besoin de suffisamment d'espace à bord pour son chien-guide de 85 livres. Le DP confirme aussi que M. East a préalablement reçu l'approbation du MEDA Desk d'Air Canada pour son voyage de retour, que le siège près-cloison 12K lui avait été préalablement assigné et que les frais de pré-sélection de siège n'ont pas été exigés dans ce cas-ci.
5. La note suivante apparaît dans le DP du vol d'aller de M. East pour le vol no AC8576 : « SSRBLNDCPN1 chien aidant ». Le manuel des services de réservations de l'Association du transport aérien international (IATA) précise que le code BLND est utilisé afin d'indiquer qu'un passager est aveugle.
6. M. East prenait place dans le siège près-cloison 12K à bord du vol no AC137 d'Air Canada entre Toronto et Vancouver, dans un aéronef Airbus 330 (le A330) ayant une capacité de 274 passagers et qui a décollé avec 32 sièges libres dans la classe économique. Puisque le passager qui devait être assis à côté de M. East à l'origine ne voyageait plus à bord de ce vol, M. East et son animal aidant ont utilisé l'espace devant le siège 12H à bord du vol no AC137. Lors du vol de retour entre Kelowna et Saskatoon le 7 mai 2006, M. East a obtenu un siège près-cloison à bord du vol no AC8576 d'Air Canada Jazz entre Vancouver et Saskatoon, effectué au moyen d'un aéronef de type Canadair Regional Jet 200 (un CRJ) ayant une capacité de 50 sièges; tous les sièges étaient occupés au moment du départ. M. East et son animal aidant ont utilisé l'espace devant un seul siège à bord du vol no AC8576.
Politiques et procédures applicables des transporteurs
7. Les transporteurs ont fourni les politiques et procédures concernant l'assignation des sièges aux personnes ayant une déficience voyageant avec des animaux aidants.
8. Le chapitre 57 - MEDA déficience visuelle-auditive soumis par les transporteurs prévoit ce qui suit sous « définition d'animaux aidants » :
- un animal (p. ex. un chien ou un singe) qui est certifié et dressé par un professionnel pour aider une personne ayant une déficience.
- ils doivent porter un harnais convenable et prendre place aux pieds du passager.
- ils sont transportés sans frais lorsqu'ils accompagnent un passager dans la cabine ou lorsqu'ils sont transportés dans la soute à bagages même si le client a un compagnon de voyage. [traduction]
...
9. Le chapitre 57 - MEDA déficience visuelle-auditive établit les éléments suivants en ce qui concerne, en partie, les passagers voyageant avec un animal aidant :
- ces passagers peuvent être assis n'importe où, sauf dans les sièges situés dans des rangées menant à une issue de secours et dans la rangée 12 des aéronefs A319, A320 et A321;
- les sièges de la classe économique qui ont plus d'espace ou qui sont considérés plus appropriés pour voyager avec un animal aidant ont été identifiés pour chaque type d'aéronef;
- tous les sièges situés dans la classe affaires/super affaires sont adéquats pour les animaux aidants;
- la détermination des sièges appropriés devrait être effectuée en consultation avec le passager. [traduction]
10. Les transporteurs ont soutenu que la politique d'Air Canada ne garantit pas que le passager obtiendra deux sièges, à moins que celui-ci paie pour le deuxième siège à un prix réduit de 50 pour cent par rapport au prix du premier siège, ou qu'il paie un tarif Tango, le tarif le plus réduit, auquel cas la réduction de 50 pour cent pour un deuxième siège n'est pas offerte.
11. Dans leur mémoire déposé le 14 novembre 2006, les transporteurs ont expliqué qu'il n'existe pas de « document en particulier » relatif à l'assignation des sièges pour les personnes ayant une déficience, puisque l'assignation dépend du type d'aéronef et du billet acheté. Si le billet acheté ne permet pas la pré-sélection du siège, le transporteur prendra note des besoins en matière de siège (p. ex. un accoudoir relevable) et avisera le passager qu'un siège répondant à ses besoins sera fourni. Toutefois, si un nombre très limité de sièges répondent aux besoins du passager et que le seul moyen d'assurer l'assignation de ce siège au passager est de procéder à une pré-sélection, l'agent assignera un siège au passager. Les transporteurs ont ajouté que certains sièges, comme les sièges près-cloison à bord de l'aéronef A330, sont réservés aux assignations de siège à l'aéroport et sont attribués en dernier. De plus, si la réglementation impose certaines restrictions en ce qui a trait aux personnes qui peuvent utiliser un siège précis (p. ex. la rangée menant à l'issue de secours), ces sièges seront assignés à l'aéroport seulement, afin que l'agent puisse les répartir convenablement.
12. Les transporteurs ont ajouté que même si de nombreux sièges sont désignés pour les passagers ayant une déficience, les déficiences sont différentes et aucun siège n'est désigné spécialement pour les personnes ayant une déficience qui sont accompagnées d'un animal aidant. Les transporteurs ont affirmé que le siège près-cloison dans la classe économique de l'aéronef A330 est utilisé, généralement avec satisfaction, par les passagers ayant une déficience qui voyagent avec un animal aidant.
Analyse et constatations
13. Pour en arriver à ses constatations préliminaires, l'Office a étudié la preuve soumise par les parties lors des plaidoiries déposées jusqu'à maintenant.
14. Une demande doit être déposée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Dans le cas présent, M. East est aveugle et utilise un animal aidant pour ses déplacements et sa sécurité. Par conséquent, M. East est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
Contexte
15. Il est généralement convenu que les personnes aveugles qui se servent d'un animal aidant pour se déplacer, comme M. East, doivent pouvoir voyager avec leur animal et les garder sous leur contrôle en tout temps, pour avoir le plus d'autonomie possible lors de leurs voyages.
16. Ce principe est reconnu depuis longtemps par l'Office dans son travail d'arbitrage des plaintes en vertu de l'article 172 de la LTC. En outre, la partie VII du RTA (Conditions de transport des personnes) a été adoptée le 1er janvier 1994, afin d'établir les normes de service pour veiller à ce que les transporteurs aériens assujettis au règlement fournissent des services uniformes aux passagers ayant une déficience. En vertu de ces dispositions réglementaires, qui s'appliquent dans le cas présent, les transporteurs aériens canadiens exploitant des services aériens intérieurs à l'aide d'aéronefs de 30 sièges ou plus doivent répondre aux besoins des personnes voyageant avec un animal aidant. Plus précisément, l'article 149 du RTA prévoit ce qui suit :
- Sous réserve de l'article 151, le transporteur aérien doit accepter de transporter sans frais un animal aidant, à condition :
- d'une part, que la personne en ait besoin;
- d'autre part qu'il soit attesté par certificat que l'animal a été dressé par un organisme professionnel de dressage des animaux aidants pour aider une personne.
- Lorsque le transporteur aérien accepte de transporter un animal aidant aux termes du paragraphe (1), il doit permettre que l'animal, si celui-ci porte un harnais convenable selon les normes établies par un organisme professionnel de dressage des animaux aidants, accompagne la personne à bord de l'aéronef jusqu'à son siège passager et y demeure sur le plancher.
Le paragraphe 151(1) du RTA prévoit ce qui suit :
(1) Le transporteur aérien doit fournir tout service visé à la présente partie à la personne qui en fait la demande au moins 48 heures avant l'heure prévue pour le départ de son vol.
...
(3) En cas de non-respect du délai prévu aux paragraphes (1) ou (2) pour la demande d'un service qui y est visé, le transporteur aérien doit déployer des efforts raisonnables pour fournir le service.
...
17. L'Office a ensuite publié le Code de pratiques - Accessibilité des aéronefs pour les personnes ayant une déficience (le Code de pratiques) en 1997, qui offre des solutions pratiques, fonctionnelles, axées sur les opérations pour résoudre les problèmes auxquels font face les personnes ayant une déficience lorsqu'elles voyagent par avion, sans les mesures précises et les descriptions rigides des procédures exactes à suivre.
18. Le Code de pratiques traite des sièges offrant de l'espace pour un animal aidant. À cet égard, l'Office précise au paragraphe 2.6 du Code de pratiques que les transporteurs aériens devraient fournir un certain nombre de ce type de sièges passagers, sauf ceux situés dans les rangées menant à une issue de secours, dans chaque classe des cabines passagers, p. ex., la première classe, la classe affaires et la classe économique. Le Code de pratiques traite aussi de la position de l'animal dans l'aéronef, c.-à-d. qu'il devrait y avoir suffisamment d'espace devant le siège pour que l'animal aidant puisse se coucher.
19. L'Office a étudié la question de l'espace pour les animaux aidants lors des voyages internationaux effectués avec Air Canada. Dans le cas cité, la demanderesse voyageait avec son animal aidant. La personne qui l'accompagnait avait aussi un animal aidant, et ils avaient demandé d'être assis ensemble. Les passagers ont obtenu trois sièges pour répondre à leurs besoins et à ceux des deux animaux aidants. De cette façon, la demanderesse a obtenu plus d'espace pour répondre aux besoins de son animal aidant, même si ce n'était que la moitié de l'espace devant le siège adjacent puisque l'espace était partagé par deux animaux aidants. Dans la décision no 670-AT-A-2001 du 27 décembre 2001, l'Office a estimé qu'en raison « de la situation que la demanderesse a vécue [...] et de l'inconfort qu'elle et son chien-guide ont subi en raison de l'espace limité pour son chien-guide, les sièges qu'on lui a assignés constituaient un obstacle à ses possibilités de déplacement. » Toutefois, les membres de l'Office ont conclu que l'obstacle n'était pas abusif car « ces sièges étaient les plus accessibles pour elle en classe économique. » Les membres ont aussi mentionné que le Code de pratiques devrait être revisité de façon à « déterminer s'il y a lieu d'ajouter des précisions à la disposition en vertu de laquelle les transporteurs sont tenus de fournir un espace suffisant pour qu'un animal aidant puisse se coucher » ce qui, ont noté les membres, « nécessitera de plus amples consultations auprès des transporteurs et des utilisateurs de chiens-guides. »
20. Même si l'Office, à la suite de la publication de cette décision, n'a pas tenu de consultation au sujet de cette disposition particulière du Code de pratiques, des discussions ont eu lieu par l'entremise du comité consultatif sur le transport accessible de l'ancien ministre, et un atelier intitulé « Passagers accompagnés d'un animal aidant dans le réseau de transport du Canada » a été tenu par Transports Canada en octobre 2003. Toutefois, l'Office n'ignore pas qu'aucune recommandation sur les besoins d'espace n'a été formulée et que la question est en suspens.
21. Un facteur important qui différencie le cas international précédent du cas présent est que le RTA s'applique aux vols pris par M. East.
22. L'Office a adopté depuis longtemps l'approche selon laquelle les fournisseurs de services de transport devraient avoir le plus de flexibilité possible pour déterminer la meilleure façon de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en tenant compte des différences d'exploitation, d'équipement et de pratiques de chaque fournisseur de services. La composition du parc aérien et la configuration des aéronefs peuvent être très différentes d'un transporteur à l'autre et peuvent changer énormément au fil du temps pour chaque transporteur. L'Office encourage les transporteurs à modifier et à réviser continuellement leurs pratiques, politiques et procédures afin de veiller à ce que les personnes ayant une déficience obtiennent la mesure d'accommodement appropriée lors de la prestation des services de transport.
Approche afin de déterminer le caractère abusif des obstacles
23. En ce qui a trait aux services aériens intérieurs, afin de déterminer s'il y a un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience aux termes du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office adopte l'une des deux approches suivantes :
1) Conformité réglementaire : lorsqu'un règlement s'applique à la situation, l'Office peut déterminer qu'il existe un obstacle abusif en se basant en partie sur la conformité du transporteur avec le règlement. Le paragraphe 172(2) de la LTC prévoit ce qui suit :
L'Office rend une décision négative à l'issue de son enquête s'il est convaincu de la conformité du service du transporteur aux dispositions réglementaires applicables en l'occurrence.
Si la preuve appuie la conclusion selon laquelle le transporteur n'a pas enfreint le règlement applicable, l'Office n'a d'autre choix que de conclure que la situation ne constitue pas un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. Également, si l'Office conclut qu'il y a eu infraction, il ne pourra que conclure que la situation constitue un obstacle abusif, ce qui comprend la détermination des mesures correctives appropriées en vertu du paragraphe 172(3) de la LTC. En décider autrement minerait le régime réglementaire, qui fait la promotion de l'accessibilité pour les personnes ayant une déficience.
2) Analyse de l'obstacle abusif : lorsque les dispositions prévues par le paragraphe 170(1) de la LTC ne s'appliquent pas à la situation, l'Office détermine d'abord si les possibilités de déplacement du demandeur ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office décide alors si cet obstacle était abusif. Afin de répondre à ces questions, il doit tenir compte des faits particuliers du cas dont il est saisi.
Dès que le demandeur établit dans sa demande qu'il y a obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, le fardeau de la preuve est déplacé vers le fournisseur de services de transport visé qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif. À cette fin, il doit prouver que la source de l'obstacle :
- est rationnellement liée à un objectif légitime, par exemple aux objectifs établis dans la Politique nationale des transports contenue dans l'article 5 de la LTC;
- a été adoptée de bonne foi par le fournisseur de services de transport en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;
- est raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif, de sorte qu'il lui est impossible de répondre aux besoins de la personne ayant une déficience sans se voir imposer une contrainte excessive.
Le fournisseur de services de transport doit démontrer que toutes les mesures raisonnables d'accommodement ont été fournies sans qu'il se voie imposer une contrainte excessive. Dans chaque cas, la mesure raisonnable d'accommodement varie dans une certaine mesure selon les circonstances et dépend d'un équilibre entre les intérêts des personnes ayant une déficience et ceux des fournisseurs de services. Tout compte fait, la mesure raisonnable d'accommodement se traduira par la solution la plus convenable qui n'imposera pas de contrainte excessive au fournisseur de services de transport.
L'approche concernant l'obstacle abusif qui s'applique au cas de M. East
24. Dans le cas présent, puisque les questions soulevées dans la demande de M. East sont visées par des dispositions dans le RTA, l'enquête de l'Office détermine si les transporteurs se sont conformés aux règlements applicables.
25. Le 16 octobre 2006, les transporteurs ont demandé qu'une partie de la demande de M. East soit suspendue (question de savoir si un transporteur aérien devrait laisser libre le siège voisin d'un passager ayant une déficience voyageant avec un animal aidant), jusqu'à la conclusion d'une audience sur la question des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège supplémentaire pour un autre cas dont l'Office a été saisi. Même si, dans la décision no LET-AT-A-289-2006 du 9 novembre 2006, l'Office a noté que la question de savoir si un transporteur aérien devrait laisser libre le siège voisin d'un passager ayant une déficience qui voyage avec un animal aidant a été soulevée par M. East en tant que mesure corrective pour répondre aux difficultés qui font partie de sa demande, il a énoncé clairement qu'il traite la demande de M. East dans le contexte de l'article 149 du RTA.
26. Dans la décision no LET-AT-A-103-2007 du 1er juin 2007, l'Office a réitéré qu'il traitait la demande de M. East dans le contexte de l'article 149 du RTA, qui prévoit qu'un transporteur aérien doit accepter de transporter sans frais un animal aidant et, par conséquent, a déterminé qu'un ajournement n'est ni requis, ni approprié.
27. À la lumière d'une demande de l'avocat des transporteurs, l'Office, dans la décision no LET-AT-A-109-2007 du 11 juin 2007, a fourni les clarifications suivantes au sujet de la question faisant l'objet de l'enquête, en ce qui concerne le RTA.
Le paragraphe 149(1) du RTA exige que les animaux aidants soient transportés sans frais si la personne ayant une déficience en a besoin et s'il est attesté par certificat que l'animal a été dressé par un organisme professionnel de dressage des animaux aidants pour aider une personne. Le paragraphe 149(2) dudit règlement prévoit que lorsqu'un transporteur accepte de transporter un animal aidant en vertu du paragraphe (1), il doit permettre que l'animal, si celui-ci porte un harnais convenable selon les normes établies par un organisme professionnel de dressage des animaux aidants, accompagne la personne à bord de l'aéronef jusqu'à son siège passager et y demeure sur le plancher.
L'Office reconnaît que les transporteurs ont accepté de transporter l'animal aidant de M. East sans frais, mais il examinera la demande de ce dernier afin de déterminer s'ils ont entièrement respecté le paragraphe 149(2) du RTA, en fournissant suffisamment d'espace pour permettre à M. East et à son animal aidant de voyager en toute sécurité et permettre à l'animal aidant de M. East de demeurer sur le plancher devant le siège. De plus, l'Office déterminera si l'application de la politique des transporteurs aux personnes ayant une déficience voyageant avec des animaux aidants à bord des vols intérieurs, qui garantit l'espace adjacent devant le deuxième siège pour l'utilisation exclusive de leur animal aidant à peu de frais, dans les cas où cela est nécessaire pour répondre adéquatement aux besoins de la personne et de leur animal aidant, constitue une contravention au paragraphe 149(1) du RTA. [traduction]
28. On a rappelé aux parties, dans la décision no LET-AT-A-8-2008 du 17 janvier 2008, que la question faisant l'objet de l'enquête est traitée dans le contexte de l'article 149 du RTA.
29. L'Office note que le paragraphe 149(1) du RTA, sous réserve des exigences relatives au préavis de 48 heures de l'article 151 du RTA, exige que les animaux aidants soient transportés sans frais si la personne ayant une déficience en a besoin et s'il est attesté par certificat que l'animal a été dressé par un organisme professionnel de dressage des animaux aidants pour aider une personne.
30. Le paragraphe 149(2) du RTA prévoit que lorsqu'un transporteur accepte de transporter un animal aidant en vertu du paragraphe (1), il doit permettre que l'animal, si celui-ci porte un harnais convenable selon les normes établies par un organisme professionnel de dressage des animaux aidants, accompagne la personne à bord de l'aéronef jusqu'à son siège passager et y demeure sur le plancher. L'Office est d'avis que ce droit ne doit pas être interprété de façon restrictive, mais plutôt en fonction de son objet visé et de manière fonctionnelle afin de donner une signification aux droits des personnes qu'elle doit protéger.
31. Dans certains cas, l'espace disponible devant le siège de la personne sera adéquat pour répondre aux besoins de la personne et de l'animal aidant, mais il y aura des situations où un espace supplémentaire sera requis en raison (a) de la configuration de l'aéronef, (b) de la taille de l'animal, (c) de la durée du vol, etc.
32. Il va sans dire que pour qu'un niveau d'accommodement soit approprié, il doit répondre à une norme de sécurité de base, afin que la personne ne soit pas exposée à un risque de blessure déraisonnable. Dans le cas des personnes aveugles voyageant avec un animal aidant, ce principe est également applicable aux animaux aidants auxquels elles se fient pour leurs déplacements et leur autonomie, au point où les conditions selon lesquelles l'animal aidant est transporté ne devraient pas avoir d' impact sur son bien-être et sa sécurité et, par le fait même, sur sa capacité d'effectuer ses fonctions et de fournir l'aide à la personne ayant une déficience pour laquelle il est dressé pourraient être compromises.
33. Selon l'Office, il est implicite, dans le paragraphe 149(2) du RTA, que pour que ce paragraphe soit interprété en fonction de son objet visé, les transporteurs doivent fournir un « espace suffisant » pour permettre à l'animal aidant de demeurer sur le plancher devant le siège de la personne, tout en veillant à ce que la personne ayant une déficience et l'animal aidant puissent voyager en toute sécurité. Le libellé du règlement n'appuierait pas raisonnablement une autre construction. Il ne serait pas raisonnable d'interpréter le règlement de manière à ce qu'il soit déclaré qu'un transporteur s'y est conformé, alors que l'espace fourni à la personne et à son animal aidant pourrait entraîner des blessures ou un inconfort extrême et avoir un impact négatif, de ce fait, sur le bien-être de la personne ou sur la capacité de l'animal d'effectuer adéquatement les tâches pour lesquelles il est dressé.
34. Puisque les questions soulevées par la demande de M. East sont visées par l'article 149 du RTA, l'Office appliquera l'approche de la conformité réglementaire afin de déterminer si, de façon préliminaire, ce qui suit constitue un obstacle aux possibilités de déplacement de M. East :
- L'espace fourni pour l'animal aidant de M. East devant le siège qui lui a été assigné à l'origine et les difficultés qu'il a éprouvées lors de l'embarquement et avant le départ du vol no AC137 d'Air Canada en raison de la pratique du transporteur d'essayer de fournir des mesures d'accommodement sans frais, juste avant le départ, aux personnes ayant une déficience voyageant avec un animal aidant pour lequel l'espace au siège assigné est insuffisant;
- L'espace fourni pour l'animal aidant de M. East devant le siège qui lui a été assigné à bord du vol no AC8576 d'Air Canada Jazz.
Le cas présent
35. Les transporteurs ont reçu la demande d'espace pour M. East et son animal aidant à bord des vols intérieurs en question plus de 48 heures avant son départ. Par conséquent, en vertu du paragraphe 151(1) du RTA, les transporteurs devaient fournir les services prévus dans l'article 149 du RTA pour répondre aux besoins de M. East, qui voyageait avec son animal aidant que les transporteurs ont accepté de transporter. Le demandeur a fait tout ce qu'il a pu pour aviser les transporteurs de ses besoins lors du voyage, et ses dossiers de réservations indiquent adéquatement sa déficience et les mesures d'accommodement requises. L'Office note que M. East est un voyageur expérimenté, qu'il s'attendait à ce que l'espace devant le siège qui lui était assigné à bord des aéronefs utilisés pour ses vols soit insuffisant pour son animal aidant, et qu'il a fait des suggestions sur la meilleure manière de répondre à ses besoins à bord des vols, comme laisser un siège vide à côté du sien.
36. Même si les transporteurs ont indiqué que les sièges près-cloison dans la classe économique des aéronefs A330 et CRJ à bord desquels M. East a voyagé étaient ceux offrant le plus d'espace pour les jambes et pour un animal aidant et qu'il y avait suffisamment d'espace pour que son animal aidant puisse se coucher, vu l'expérience de M. East, l'Office examinera le caractère suffisant de cet espace pour l'animal aidant en ce qui a trait aux deux vols en question.
Espace pour l'animal aidant de M. East
Le vol no AC137 d'Air Canada entre Toronto et Vancouver le 5 mai 2006
37. Après avoir pris place, avec son animal aidant, à bord du vol no AC137, M. East a informé le personnel du transporteur qu'il n'y avait pas suffisamment d'espace pour lui et son animal aidant devant le siège, puisque ce dernier empiétait sur l'espace du siège du passager à côté de lui, une préoccupation qu'il avait déjà mentionnée aux agents qui s'occupaient de son enregistrement et de son embarquement lorsqu'on lui a dit qu'il y aurait quelqu'un dans le siège à côté du sien. Le passager voisin de M. East était d'accord pour dire qu'il n'y avait pas suffisamment d'espace pour lui, M. East et son chien-guide, et cette déclaration semble avoir été acceptée par les employés du transporteur puisqu'ils ont essayé de trouver un nouveau siège convenable pour le passager. À cet égard, l'Office convient que l'espace fourni devant le siège assigné à M. East était insuffisant pour répondre à ses besoins et à ceux de son animal aidant.
38. L'Office accueille la preuve de M. East voulant qu'en raison de l'espace insuffisant, le passager voisin a eu des discussions orageuses avec les employés du transporteur pendant environ 25 minutes, il a continué d'exprimer son insatisfaction face à la situation qui a été constatée par les autres passagers et il craignait de blesser par inadvertance l'animal aidant de M. East s'il s'endormait. L'Office prend note de l'indication des transporteurs selon qui le passager ne croyait pas que l'animal aidant de M. East devait être transporté dans la cabine. Ils ont confirmé que le vol a été retardé parce que les bagages du passager ont dû être déchargés, ce dernier ayant finalement quitté l'aéronef pour ne pas voyager à bord du vol no AC137.
39. Même si M. East a pu ensuite utiliser l'espace devant le siège voisin, l'Office accepte la preuve de M. East selon laquelle la situation qu'il a vécue à bord de l'aéronef était humiliante et embarrassante. L'Office est d'avis que les personnes ayant une déficience ne devraient pas avoir à vivre de telles situations lorsqu'elles voyagent et que la pratique des transporteurs de fournir des mesures d'accommodement sans frais aux personnes voyageant avec un animal aidant, pour qui l'espace devant le siège assigné est insuffisant, en déplaçant des personnes juste avant le départ, attire une attention exagérée et parfois négative sur la personne ayant une déficience et a un impact négatif sur leur dignité de voyageur.
Le vol no AC8576 d'Air Canada Jazz entre Vancouver et Saskatoon le 7 mai 2006
40. En ce qui a trait au siège de M. East à bord du vol no AC8576 d'Air Canada Jazz qui était rempli à pleine capacité, l'Office note que même si le passager voisin de M. East acceptait l'espace fourni, contrairement au passager du vol no AC137, il devait tout de même déplacer ses pieds dans l'allée et les remettre devant lui pour laisser passer le chariot ou les autres passagers. L'Office note aussi que l'animal aidant de M. East devait continuellement passer « d'une position couchée à une position assise » en raison de l'espace insuffisanti, ce qui a incité l'agent de bord à enjoindre à M. East de garder son chien dans une position couchée. Pour sa part, M. East s'est senti obligé de glisser ses jambes le plus loin possible sous le siège pour faire de la place à son animal aidant; ses jambes ont été bloquées dans une position inconfortable pour toute la durée du vol; et ses jambes étaient si loin sous le siège que seuls ses orteils touchaient le plancher. De plus, l'Office accepte la preuve de M. East selon laquelle il souffrait de douleur et d'enflure aux genoux à son arrivée à destination et qu'il était très inconfortable en raison de l'espace insuffisant pour lui et son animal aidant.
Constatation
41. À la lumière de ce qui précède, l'Office estime qu'un espace insuffisant a été fourni pour l'animal aidant de M. East devant le siège qui lui a été assigné à l'origine à bord du vol no AC137 d'Air Canada, en raison de la pratique des transporteurs d'essayer d'accommoder sans frais, juste avant le départ, les personnes voyageant avec un animal de service pour lequel l'espace devant le siège assigné est insuffisant.
42. Dans le même ordre d'idée, la preuve démontre que l'espace fourni devant le siège assigné à M. East à bord du vol no AC8576 était insuffisant pour lui et son animal aidant. Le passager voisin de M. East avait le droit de pouvoir poser ses jambes et ses pieds devant lui au cours du voyage, et M. East avait le droit de voyager en toute sécurité et dans une position qui n'avait pas un impact négatif sur son bien-être, ce que les deux passagers n'ont pu faire de toute évidence à cause de l'espace fourni à bord de ce vol. De plus, l'Office note les préoccupations du demandeur au sujet de l'impact de l'assignation des sièges, comme ceux fournis à bord du vol no AC8576 qui restreignaient le déplacement et la position de son animal aidant, sur le bien-être de l'animal et sa capacité d'effectuer les tâches pour lesquelles il est dressé. Même si l'Office note la déclaration des transporteurs voulant que l'espace sous le siège peut être utilisé par l'animal aidant et reconnaît que cela peut être le cas selon la construction du siège et si l'espace est libre d'accès, il prend aussi note de l'affirmation de M. East, qui considère l'espace dangereux et inutilisable puisque son animal s'y était déjà blessé auparavant.
Pratique des transporteurs
43. Les transporteurs ont choisi de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience voyageant avec un animal aidant :
- en entamant un dialogue avec la personne ayant une déficience au moment de la réservation, pour obtenir de l'information à propos de sa déficience et mieux comprendre les besoins liés à sa déficience;
- en inscrivant la déficience du passager et les besoins connexes dans le DP lors de la réservation;
- en assignant à la personne un siège offrant le plus d'espace, selon la classe de service prévue dans le billet qu'elle a acheté, lors de la réservation ou de l'enregistrement;
- lorsque le siège assigné ne fournit pas assez d'espace pour que l'animal aidant puisse demeurer en toute sécurité aux pieds du passager, l'équipage attend que tous les passagers soient à bord et juste avant le départ, il dresse un bilan des sièges vides, le cas échéant, et détermine s'il peut répondre aux besoins de la personne en lui donnant un siège dans une autre classe qui fournit suffisamment d'espace ou en utilisant l'espace d'un siège vide adjacent à celui de la personne ayant une déficience.
44. Donc, plutôt que d'offrir un espace suffisant sans frais dès le début, l'équipage doit, au besoin, apporter des changements de dernière minute à l'assignation des sièges aux passagers, d'une manière ponctuelle et avec différentes solutions de rechange, pour répondre aux besoins des personnes comme M. East et de leurs animaux aidants.
45. L'Office reconnaît que, du point de vue des transporteurs, cette pratique offre plus de flexibilité pour répondre aux besoins. Elle permet d'évaluer l'espace devant le siège assigné pour la personne et son animal aidant, ce qui peut être utile en raison des différentes tailles des animaux aidants. Si l'espace est insuffisant, elle permet de déterminer la présence de sièges vides à bord de l'aéronef et de déplacer des passagers dans l'aéronef afin de permettre à la personne ayant une déficience de s'asseoir dans un siège voisin d'un siège libre, de fournir l'espace adjacent supplémentaire pour l'animal aidant, ou possiblement de déplacer la personne ayant une déficience dans un siège libre de la classe affaires, comme cela est déjà arrivé à M. East.
46. Toutefois, même si cette pratique est utile pour les transporteurs parce qu'elle leur donne plus de flexibilité et qu'elle permet finalement de fournir suffisamment d'espace à des passagers comme M. East et leur animal aidant, comme cela était le cas à bord du vol no AC137, le résultat de cette mesure d'accommodement de dernière minute n'est pas toujours approprié et peut poser des problèmes importants pour la personne ayant une déficience, comme l'ont démontré les deux expériences de M. East. Par exemple, si un vol est complet, comme dans le cas du vol no AC8576, la personne devra soit quitter l'aéronef ou, comme pour M. East à bord de ce vol, voyager dans une position inconfortable en raison de l'espace insuffisant fourni. Le demandeur a dû voyager dans des conditions difficiles et inconfortables, à un point tel qu'il ressentait un malaise extrême en raison de ses genoux endoloris et enflés à son arrivée à Saskatoon parce qu'il voulait donner le plus d'espace possible à son animal aidant en raison de ses préoccupations à propos du bien-être de ce dernier. De telles situations feront également que le passager assis à côté de la personne ayant une déficience devra modifier sa position, possiblement en plaçant ses jambes dans l'allée, puisque l'animal aidant empiète sur l'espace de son siège et cela pourrait l'amener à réagir négativement face à la personne ayant une déficience.
47. De plus, des problèmes peuvent survenir même si le vol n'est pas complet, comme l'illustre l'expérience de M. East à bord du vol no AC137. L'Office reconnaît que l'expérience négative du demandeur à bord de ce vol a été créée, en grande partie, par l'attitude et le comportement du passager assis à côté de lui, un facteur qui échappe au contrôle du transporteur. Cela dit, l'office est d'avis que lorsqu'une personne ayant un animal aidant est assise à côté d'un autre passager et que son siège offre un espace insuffisant pour l'animal, une attention inutile sera toujours portée sur la personne ayant une déficience et sur sa difficulté d'accommodement même dans les meilleures circonstances. Malheureusement, M. East a vécu des circonstances bien pires que cela, et l'Office est d'avis qu'il est raisonnable de prédire que la plupart des expériences se retrouveront quelque part entre les deux extrêmes. Les passagers ne sont habituellement pas heureux d'être déplacés dans un aéronef à la dernière minute, après qu'ils aient rangé leurs bagages de cabine et qu'ils se soient installés dans leur siège, particulièrement s'ils ont choisi ce siège et payé des frais de pré-sélection.
48. L'Office reconnaît que les personnes aveugles voyageant avec un animal aidant partagent généralement l'espace avec leur animal, ce qui peut causer un certain niveau d'inconfort. Toutefois, l'Office est d'avis que l'expérience de M. East ne se limite pas à l'inconfort et qu'elle est inacceptable. De plus, il est d'avis que l'inconfort extrême a un impact négatif sur le bien-être d'une personne, augmente le risque de blessure et, donc, a des répercussions en matière de sécurité pour la personne. De surcroît, l'Office accepte la position de M. East selon qui si l'espace fourni force l'animal aidant à voyager dans une position très restreinte, cela a des répercussions négatives pour l'animal aidant et pourrait nuire à sa capacité d'effectuer ses tâches. L'Office est d'avis qu'en raison du rôle essentiel que les animaux aidants jouent au plan de l'autonomie des personnes aveugles, le risque de blessure à ces animaux est une préoccupation importante liée à la sécurité de leurs propriétaires.
49. À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut, à titre préliminaire, que la pratique des transporteurs d'essayer de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience voyageant avec un animal aidant juste avant le départ, dans les cas où l'espace devant le siège assigné à la personne est insuffisant, n'est pas conforme aux exigences réglementaires puisqu'elle pourrait entraîner la non-disponibilité d'un siège approprié requis pour répondre aux besoins de la personne.
50. L'Office est d'avis qu'en effectuant leurs préparatifs de voyage, les personnes ayant une déficience ont droit à la même certitude que les autres personnes qu'elles vont pouvoir voyager comme prévu. Pour la plupart des gens, cette certitude est fournie par la réservation. Toutefois, pour que les personnes ayant une déficience puissent obtenir cette certitude, elles doivent aussi obtenir l'assurance que leurs besoins liés à leur déficience pour le voyage seront raisonnablement respectés par le transporteur. Les expériences de M. East démontrent que la pratique des transporteurs d'essayer de fournir des accommodements juste avant le départ aux personnes ayant une déficience et voyageant avec un animal aidant ne fournit pas cette certitude, ce qui entraîne des situations où le siège assigné par les transporteurs n'offre pas « un espace suffisant » pour permettre à l'animal aidant de demeurer sur le plancher devant le siège de la personne, tout en veillant à ce que la personne ayant une déficience et l'animal aidant puissent voyager en toute sécurité.
51. L'Office note qu'aux dires de M. East, ce dernier a été quelque peu assuré d'un espace suffisant pour un des vols pour lequel l'agent d'enregistrement l'a avisé qu'il y aurait un siège libre à côté de lui dans l'aéronef. Toutefois, l'Office est d'avis qu'il n'est pas convenable que M. East ait dû attendre jusqu'à la journée même de son voyage pour savoir s'il y aurait suffisamment d'espace à bord de l'aéronef pour son animal aidant.
52. L'Office indique que les types et les configurations d'aéronef continuent de changer et il est d'avis que les transporteurs aériens sont les plus à même de déterminer comment répondre aux besoins des personnes voyageant avec un animal aidant. De plus, l'Office reconnaît que les transporteurs aériens peuvent configurer les aéronefs en fonction de différentes exigences opérationnelles et sécuritaires, et qu'ils doivent également se plier à certaines exigences obligatoires. En outre, ils doivent aussi répondre raisonnablement aux besoins des personnes ayant une déficience. Lorsqu'ils ne le font pas, s'il existe une exigence réglementaire de fournir l'accommodement, l'Office pourra conclure qu'il y a un obstacle abusif, et imposer des mesures correctives appropriées et prendre toute autre mesure nécessaire afin d'éliminer les obstacles abusifs du réseau de transport fédéral.
53. L'Office reconnaît qu'en raison de l'espace disponible à bord de l'aéronef, les moyens pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience qui voyagent avec un animal aidant peuvent varier selon la taille de l'animal et la configuration de l'aéronef. À cet égard, l'Office note la politique des transporteurs qui prévoit qu'il y a suffisamment d'espace devant certains sièges à bord de l'aéronef pour répondre aux besoins d'une personne et de son animal (ces sièges sont tous dans la classe affaires/super affaires). D'autres sièges offrent un peu plus d'espace pour les jambes et l'animal aidant (certains sont dans la classe économique), alors que certains sièges, qui ont de l'espace supplémentaire et qui pourraient mieux répondre aux besoins de l'animal aidant, ne sont pas disponibles pour les personnes ayant une déficience puisqu'ils sont situés dans les rangées menant à des issues de secours. Toutefois, il est évident que dans le cas présent, les sièges assignés à bord des deux aéronefs, qui, selon les transporteurs offrent le plus d'espace possible, n'ont pas suffi à M. East et son animal aidant.
54. En ce qui a trait aux préparatifs de voyage, les transporteurs ont fait valoir qu'il existe une pratique qui permet d'assurer aux personnes ayant une déficience la même certitude qu'aux autres personnes en ce qui a trait à leur capacité de voyager comme prévu: les personnes ayant une déficience qui voyagent avec un animal aidant doivent payer un tarif supplémentaire, soit un tarif Tango complet ou 50 pour cent des autres tarifs, et ainsi réserver le siège adjacent, ce qui garantit l'espace supplémentaire devant ce siège pour l'animal aidant. Toutefois, l'Office note que sur les vols intérieurs utilisant des aéronefs de 30 sièges ou plus, les transporteurs sont tenus par règlement de fournir aux personnes ayant une déficience qui voyagent avec un animal aidant des accommodements appropriés sans frais. Par conséquent, l'application de leur politique de facturer un tarif, même s'il s'agit d'un tarif réduit dans certains cas, constitue une infraction au paragraphe 149(1) du RTA.
55. L'Office note qu'en réponse à l'observation de M. East selon qui sa demande d'espace suffisant pour lui et son animal aidant devrait être traitée au moment de sa réservation initiale, les transporteurs n'ont pas justifié, du point de vue opérationnel, pourquoi ils ne peuvent pas évaluer l'espace nécessiare pour répondre aux besoins d'une personne ayant une déficience et de son animal aidant, ni confirmer au moment de la réservation que l'espace sera fourni sans frais supplémentaires.
56. L'Office est d'avis qu'une discussion exhaustive au moment de la réservation fournira aux transporteurs les renseignements à propos des besoins du passager et leur permettra de vérifier, selon le type d'aéronef, la configuration des sièges et la taille de l'animal aidant, s'il y a suffisamment d'espace pour la personne voyageant avec son animal aidant et, dans la négative, de prendre les mesures nécessaires pour fournir un espace suffisant sans frais et ainsi donner la certitude au voyageur qu'on répondra de façon adéquate aux besoins liés à sa déficience.
57. Même si l'Office accepte les déclarations des transporteurs, selon qui M. East ne pouvait pas prendre place dans un siège situé dans les rangées menant aux issues de secours en raison de la sécurité et du RAC, et qu'il a obtenu les sièges offrant le plus d'espace dans la classe de service prévue par le billet acheté pour les deux vols, l'Office estime, à titre préliminaire et à la lumière de ce qui précède, que les transporteurs ont enfreint le paragraphe 149(2) du RTA puisque l'espace des sièges en question était insuffisant et, donc, ne fournissait pas un niveau d'accommodement approprié. Par conséquent, l'Office conclut, à titre préliminaire, que les éléments suivants ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de M. East :
- L'espace fourni pour l'animal aidant de M. East devant le siège qui lui a d'abord été assigné et les difficultés qu'il a éprouvées lors de son embarquement et avant le décollage du vol no AC137 d'Air Canada en raison de la pratique du transporteur d'essayer, juste avant le départ, de fournir des mesures d'accommodement sans frais aux personnes voyageant avec un animal aidant pour lequel l'espace devant le siège assigné est insuffisant;
- L'espace fourni pour l'animal aidant de M. East devant le siège qui lui a été assigné à bord du vol no AC8576 d'Air Canada Jazz.
58. Comme l'a montré l'expérience de M. East à bord du vol no AC8576, les politiques et pratiques inappropriées en ce qui concerne l'assignation des sièges ont eu un impact négatif sur son bien-être; M. East n'avait pas assez d'espace pour voyager en toute sécurité avec son animal aidant, qui l'accompagnait et qui devait demeurer sur le plancher devant le siège qu'Air Canada Jazz lui avait assigné à bord de l'aéronef utilisé pour ce vol.
59. Au cours des plaidoiries, les transporteurs ont fait référence à une solution de rechange pour les personnes ayant une déficience qui voyagent avec un animal aidant et qui veulent être certains d'avoir suffisamment d'espace pour leur animal aidant à bord de l'aéronef. Cette solution de rechange se traduit par la possibilité pour la personne d'acheter deux sièges (le deuxième à un tarif réduit, sauf dans les cas où le premier billet est acheté au tarif Tango) garantissant ainsi la disponibilité de l'espace devant le siège adjacent pour l'utilisation exclusive de l'animal aidant. Toutefois, l'Office conclut, à titre préliminaire, que l'application de la politique des transporteurs pour les personnes ayant une déficience qui voyagent avec un animal aidant à bord des vols intérieurs, qui garantit l'espace devant le siège adjacent pour l'utilisation exclusive de l'animal aidant pour un certain prix, dans les cas où il est nécessaire de répondre adéquatement aux besoins de la personne et de son animal aidant, constitue une infraction au paragraphe 149(1) du RTA puisqu'un espace suffisant pour que l'animal aidant puisse rester avec la personne ayant une déficience doit être fourni à cette personne sans frais.
60. Même si l'Office a conclu, de façon préliminaire, qu'il y a eu contravention au RTA, et advenant que l'Office parvienne à cette décision finale dans le cas présent, ce dernier ne prendrait pas d'autres mesures pour appliquer le règlement puisqu'il est d'avis que l'affaire serait réglée plus adéquatement au moyen de l'imposition de mesures correctives liées à la constatation d'un obstacle abusif.
Conclusion
61. L'Office a déterminé, à titre préliminaire, que les transporteurs ont enfreint l'article 149 du RTA, dans la mesure où l'espace fourni devant le siège en question était insuffisant et, donc, ne fournissait pas un niveau approprié d'accommodement. Par conséquent, l'Office conclut, de façon préliminaire, que les éléments qui suivent ont constitué des obstacles aux possibilités de déplacement de M. East :
- l'espace fourni pour l'animal aidant de M. East devant le siège qui lui a d'abord été assigné et les difficultés qu'il a éprouvées lors de son embarquement et avant le décollage du vol no AC137 d'Air Canada en raison de la pratique du transporteur d'essayer, juste avant le départ, de fournir des mesures d'accommodement sans frais aux personnes voyageant avec un animal aidant pour lequel l'espace devant le siège assigné est insuffisant;
- l'espace fourni pour l'animal aidant de M. East devant le siège qui lui a été assigné à bord du vol no AC8576 d'Air Canada Jazz.
Demande de justification
62. À la lumière de la gravité de la question, l'Office estime qu'il est approprié de donner à Air Canada et à Air Canada Jazz l'occasion de soumettre plus de preuves, au moyen d'une demande de justification, afin de répondre aux conclusions préliminaires susmentionnées.
63. Dans le cas présent, les solutions s'appliquent seulement aux services aériens intérieurs.
64. La question de savoir ce qui constitue un espace suffisant pour un animal aidant en est une de longue date et, conformément à l'approche prise par l'Office dans le RTA et le Code de pratiques, l'Office est d'avis que la question devrait plutôt être résolue par les transporteurs. Ni le RTA, ni le Code de pratiques ne prévoient d'exigences précises en matière d'espace dans le cas présent ou pour toute autre question. L'Office a plutôt fixé sommairement l'objectif requis, en reconnaissance de l'application générale du RTA à un vaste ensemble de transporteurs aériens différents, chacun fonctionnant différemment, et aux types et configurations d'aéronefs qui changent de temps en temps. De plus, l'Office a fourni des attentes de services supplémentaires dans le Code de pratiques pour la même raison. Dans ces circonstances, l'Office est d'avis que les transporteurs devraient avoir la possibilité de fixer pour eux-mêmes et pour leurs activités de telles normes précises et avoir la liberté de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience au moyen des solutions de rechange qu'ils croient appropriées, en autant qu'ils fournissent un niveau approprié d'accommodement aux personnes ayant une déficience.
65. Par conséquent, l'Office est d'avis provisoire que les transporteurs devraient, dans la période de 90 jours suivant la publication de la décision finale, prendre les mesures correctives suivantes, car elles s'appliquent aux animaux aidants décrits dans les paragraphes 149(1) et 149(2) du RTA :
- Élaborer des politiques et procédures pour veiller à ce qu'au moment de la réservation, et sur réception d'une demande au moins 48 heures avant le départ prévu du vol, les transporteurs garantissent que le siège assigné à la personne aura suffisamment d'espace sans frais supplémentaires. De cette façon, les transporteurs ont la possibilité de retarder l'assignation d'un siège précis, en autant qu'ils garantissent qu'un accommodement approprié sera fourni. La décision concernant l'assignation du siège devra être effectuée :
- à la suite d'un dialogue avec la personne ayant une déficience voyageant avec un animal aidant;
- en faisant référence à l'espace disponible devant les sièges de l'aéronef qui peuvent être utilisés par la personne et l'animal aidant;
- en faisant référence à l'espace nécessaire pour répondre aux besoins de l'animal aidant.
Ces politiques et procédures doivent aussi inclure des dispositions indiquant que lorsqu'une telle demande est effectuée moins de 48 heures avant le départ, le transporteur aérien déploiera un effort raisonnable pour fournir le service.
66. L'Office estime que cette mesure corrective est nécessaire pour garantir la conformité avec les paragraphes 149(1) et 149(2) du RTA et, ainsi, éliminer l'obstacle abusif qu'a subi M. East, comme l'a estimé l'Office à titre préliminaire, et de laisser le plus de discrétion possible aux transporteurs pour élaborer les politiques et procédures appropriées en considérant leurs équipements et activités spécifiques.
67. Air Canada et Air Canada Jazz doivent donc fournir des preuves précises et des arguments connexes afin de justifier pourquoi ils n'ont pas enfreint l'article 149 du RTA, pourquoi les obstacles ne sont pas abusifs et pourquoi ils ne devraient pas être obligés de mettre en œuvre les mesures correctives. Comme il a déjà été mentionné, les transporteurs ont jusqu'au 21 mars 2008 pour répondre à cette demande de justification, à la suite de quoi M. East aura 10 jours pour déposer sa réplique.
Si vous avez des questions au sujet de cette affaire, vous pouvez communiquer avec Andray Renaud, avocat de l'Office, au 819 953-8941, par courriel au secretary@otc-cta.gc.ca, ou par télécopieur au 819 953-6019.
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