Lettre-décision n° LET-AT-A-70-2020

le 2 novembre 2020

Demande déposée par Christine Comtois contre Air Canada conformément au paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC) concernant des besoins liés à sa déficience et au paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA) concernant une perturbation d’horaire.

Numéro de cas : 
18-50080

RÉSUMÉ

[1] Christine Comtois a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada alléguant qu’Air Canada ne lui a pas offert le service d’assistance avec fauteuil roulant qu’elle avait demandé et que le retard accusé par le vol no AC1602 de Montréal (Québec) vers Fort Lauderdale, É.-U., lui a fait rater le départ du navire de croisière à Fort Lauderdale. De plus, elle affirme qu’elle a rencontré plusieurs obstacles pendant son voyage.

[2] Mme Comtois demande le remboursement total des coûts de sa croisière et de son voyage. De plus, elle exige une indemnisation pour les douleurs et les souffrances qu’elle a éprouvées pendant son séjour et à son retour à Ottawa (Ontario).

[3] Dans la présente décision, l’Office se penchera sur les questions suivantes :

  1. Mme Comtois est-elle une personne ayant une déficience?
  2. Mme Comtois a-t-elle rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement?
  3. Air Canada a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans les règles 5(A)(2) et 80 de son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff No. AC-2 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on Behalf of Air Canada Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in Canada/USA and Points in Areas 1/2/3 and Between the USA and Canada, NTA(A) No. 458 (tarif)?

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que :

  1. Mme Comtois est une personne ayant une déficience.
  2. Mme Comtois a rencontré des obstacles à ses possibilités de déplacement :
  • lorsque le commis à l’aéroport international Macdonald-Cartier d’Ottawa (aéroport d’Ottawa) a refusé de l’aider à mettre ses bagages sur la pesée;
  • lorsqu’aucun agent de bord n’a accepté de l’aider à mettre son bagage de cabine dans le compartiment à bagages lors de son vol au départ de l’aéroport d’Ottawa;
  • lorsqu’elle s’est retrouvée assise sur le bord de l’allée au lieu de près du hublot pour le vol nAC1602.

3. Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées dans les règles 5(A)(2) et 80 de son tarif.

[5] Après avoir conclu à la présence des obstacles ci-dessus mentionnés, l’Office donne à Air Canada les deux possibilités suivantes :

  • expliquer, en tenant compte des solutions proposées par Mme Comtois, comment elle propose d’éliminer les obstacles en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée ou à n’importe quelle autre contrainte constituant un obstacle, ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;
  • démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer les obstacles sans se voir imposer une contrainte excessive.

CONTEXTE

[6] Le 18 décembre 2016, Mme Comtois a effectué un voyage d’Ottawa à Fort Lauderdale, via Montréal, dans le but de faire une croisière. Le 29 décembre 2016, elle a pris un vol de retour de Fort Lauderdale à Ottawa. Elle affirme qu’elle a rencontré plusieurs obstacles pendant son voyage.

[7] Le vol no AC1602 de Montréal à Fort Lauderdale a été retardé. Mme Comtois soutient que le retard lui a fait rater le départ du navire de croisière à Fort Lauderdale. Elle a voyagé à Nassau (Bahamas) avec un autre transporteur pour rejoindre le navire de croisière le lendemain.

[8] L’Office a ouvert les actes de procédure pour cette demande le 26 septembre 2019. Dans sa réponse, Air Canada a déposé une requête de rejet de cette demande auprès de l’Office. Le 10 janvier 2020, l’Office a émis la décision no LET-AT-A-4-2020 (décision), dans laquelle il a rejeté la requête d’Air Canada et a déterminé que la demande de Mme Comtois est conforme au délai prescrit par la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal). L’Office a demandé à Mme Comtois de fournir l’itinéraire de la

croisière ou une autre preuve indiquant l’heure de départ du navire de croisière de Fort Lauderdale et a exigé qu’Air Canada fournisse une réponse complète à la demande initiale.

[9] Mme Comtois a déposé l’itinéraire de la croisière le 13 janvier 2020. Air Canada a déposé sa réponse le 24 janvier 2020. Mme Comtois n’a pas déposé de réplique; l’Office a clos les actes de procédure le 31 janvier 2020.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC)

[10] La lettre d’ouverture des actes de procédures indiquait que, lors de la première partie des actes de procédures, l’Office détermine si le demandeur est une personne ayant un handicap et s’il a rencontré un obstacle. Or, lorsque Mme Comtois a voyagé, l’article 172(1) de la LTC utilisait le terme « personne ayant une déficience » au lieu de « personne handicapée ». La LTC a été amendée le 11 juillet 2019 et le terme « personne handicapée » a été introduit. Afin de refléter le langage applicable au moment du voyage, l’Office utilisera le terme « personne ayant une déficience » pour le reste des procédures et invite les parties à faire de même.

[11] De plus, tel qu’il est indiqué dans la lettre d’ouverture des actes de procédures, depuis le 11 juillet 2019, la LTC définit l’obstacle comme étant « tout élément — notamment celui qui est de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. » Toutefois, au moment de l’incident allégué, l’Office définissait l’obstacle comme étant « une règle, une politique, une pratique ou une structure physique ayant pour effet de priver une personne ayant une déficience de l’égalité d’accès aux services qui sont normalement accessibles aux autres utilisateurs du réseau de transport fédéral ». Afin de refléter le langage applicable au moment du voyage, l’Office utilisera cette définition d’obstacle pour le reste des procédures et invite les parties à faire de même.

Article 35 de la Convention de Montréal — Délai de recours

[12] Dans la décision, l’Office a déterminé qu’étant donné qu’il a été saisi de la demande le 25 juillet 2017, soit moins de deux ans après le 18 décembre 2016, date de l’arrivée du vol no AC1602 à Fort Lauderdale dont il est question dans la demande, le délai prescrit par la Convention de Montréal est respecté en l’espèce.

[13] Nonobstant la décision de l’Office, Air Canada réitère son argument dans sa réponse que le recours en dommage est prescrit par l’article 35 de la Convention de Montréal. Cependant la décision de l’Office selon laquelle la demande de Mme Comtois est conforme au délai prescrit est finale. L’Office ne traitera plus cette question dans la présente décision.

Dommages moraux, douleur, souffrance et perte de jouissance

[14] Mme Comtois demande une indemnisation de la part d’Air Canada parce que cette dernière n’a pas fourni les services dont elle avait besoin compte tenu de sa déficience, ce qui lui a causé des douleurs et des souffrances pendant et après sa croisière.

[15] En ce qui concerne les événements survenus avant l’entrée en vigueur de la Loi canadienne sur l’accessibilité, LC 2019, c 10, le 11 juillet 2019, l’Office n’a pas la compétence pour ordonner le versement d’une indemnité pour la douleur, la souffrance ou la perte de jouissance.

Fouilles par l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA)

[16] Mme Comtois soutient qu’en raison de sa condition médicale elle ne peut pas passer dans le « scanner » et doit subir une fouille. Elle soutient qu’à l’aéroport d’Ottawa, avant son départ pour Montréal, la femme qui a exécuté la fouille l’a fait sans aucune discrétion, en particulier dans les zones « intimes » et, ce, devant tout le monde. Mme Comtois affirme qu’elle a été très gênée par ces gestes. Elle soutient également qu’elle a à nouveau subi une fouille « gênante » à l’aéroport d’Ottawa, à son retour de Fort Lauderdale.

[17] Au Canada, les fouilles relèvent de la responsabilité de l’ACSTA et sont effectuées par celle-ci. Air Canada ne peut donc pas être tenue responsable des expériences vécues par Mme Comtois lors des fouilles. Cependant, l’Office tient à rappeler à Mme Comtois qu’elle a le droit de demander à l’ACSTA que la fouille soit effectuée en privée.

Service offert par Para Transpo

[18] Mme Comtois affirme que lors de son vol de retour, l’aéronef est arrivé à l’aéroport d’Ottawa avec trois heures de retard. Elle soutient qu’elle a avisé Para Transpo du retard. Mme Comtois soutient également qu’à sa sortie de l’aéroport, elle a cherché son transport sans succès. Elle indique qu’après avoir attendu son transport, elle est retournée dans l’aérogare, qu’elle a obtenu de l’aide à la sécurité et que quelqu’un lui a appelé une navette pour la ramener chez elle. Mme Comtois affirme que le conducteur n’avait aucune expérience en transport adapté, qu’il ne l’a pas aidée à descendre de l’autobus et qu’elle est tombée.

[19] La présente demande a été déposée à l’Office à l’encontre d’Air Canada seulement. Mme Comtois n’a fourni ni les détails de la compagnie de transport responsable pour la navette qui l’a ramenée chez elle, ni les renseignements qui permettraient à l’Office d’évaluer ses allégations contre Para Transpo. L’Office note qu’elle affirme avoir déposé une plainte directement auprès de Para Transpo. Par conséquent, l’Office ne se penchera pas sur cet aspect de la plainte.

LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES

[20] La demande soulève des questions liées à la fois à l’accessibilité et à l’application du tarif d’Air Canada.

Accessibilité

[21] L’Office note que le paragraphe 172(1) de la LTC, qui, en vigueur au moment de l’incident, prévoyait ce qui suit :

Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[22] L’Office détermine s’il y a présence d’un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience au moyen d’une approche en deux parties.

Partie 1 : Il incombe à la partie demanderesse de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle :

  • a une déficience au sens de la partie V de la LTC;
  • et
  • a rencontré un obstacle. Un obstacle est une règle, une politique, une pratique ou une structure physique qui a pour effet de refuser à une personne un accès égal aux services accessibles à d’autres passagers dans le réseau de transport fédéral.

Partie 2 : S’il est déterminé que la partie demanderesse est une personne ayant une déficience et qu’elle a rencontré un obstacle, il incombe alors à la partie défenderesse de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :

  • expliquer, en tenant compte des solutions proposées par la partie demanderesse, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée ou à n’importe quelle autre contrainte constituant un obstacle, ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée; ou
  • démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.

[23] L’Office se penchera sur la première partie de l’approche en deux parties mentionnée ci-dessus dans cette décision.  

Application du tarif

[24] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que le transporteur aérien, lors de l’exploitation d’un service international, applique correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.

[25] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :

  1. de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
  2. de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

[26] Le paragraphe 146(1) du RTA stipule que la partie VII s’applique au transporteur aérien pour ce qui concerne tout service intérieur qu’il exploite au moyen d’un aéronef d’au moins 30 sièges passagers.

[27] L’alinéa 147(1)d) du RTA prévoit que le transporteur aérien doit, sur demande, fournir l’assistance pour ranger et récupérer les bagages de cabine de la personne.

[28] Les dispositions du tarif applicables à cette affaire sont énoncés dans l’annexe. En particulier, la règle 5(A)(2) du tarif qui incorpore par renvoi la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal).

[29] L’article 19 de la Convention de Montréal précise la responsabilité du transporteur à l’égard d’un retard :

Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

[30] L’article 20 de la Convention de Montréal en ce qui a trait à l’exonération prévoit :

Dans le cas où il fait la preuve que la négligence ou un autre acte ou omission préjudiciable de la personne qui demande réparation ou de la personne dont elle tient ses droits a causé le dommage ou y a contribué, le transporteur est exonéré en tout ou en partie de sa responsabilité à l’égard de cette personne, dans la mesure où cette négligence ou cet autre acte ou omission préjudiciable a causé le dommage ou y a contribué. Lorsqu’une demande en réparation est introduite par une personne autre que le passager, en raison de la mort ou d’une lésion subie par ce dernier, le transporteur est également exonéré en tout ou en partie de sa responsabilité dans la mesure où il prouve que la négligence ou un autre acte ou omission préjudiciable de ce passager a causé le dommage ou y a contribué. Le présent article s’applique à toutes les dispositions de la convention en matière de responsabilité, y compris le paragraphe 1 de l’article 21

[31] L’article 29 de la Convention de Montréal précise la responsabilité du transporteur à l’égard du principe des recours :

Dans le transport de passagers, de bagages et de marchandises, toute action en dommages-intérêts, à quelque titre que ce soit, en vertu de la présente convention, en raison d’un contrat ou d’un acte illicite ou pour toute autre cause, ne peut être exercée que dans les conditions et limites de responsabilité prévues par la présente convention, sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le droit d’agir et de leurs droits respectifs. Dans toute action de ce genre, on ne pourra pas obtenir de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires ni de dommages à un titre autre que la réparation.

[32] L’article 35 de la Convention de Montréal prévoit les délais pour exercer des recours contre un transporteur :

  1. L’action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l’arrivée à destination, ou du jour où l’aéronef aurait dû arriver, ou de l’arrêt du transport.
  2. Le mode du calcul du délai est déterminé par la loi du tribunal saisi.

MME COMTOIS EST-ELLE UNE PERSONNE AYANT UNE DÉFICIENCE?

Positions des parties

MME COMTOIS

[33] Mme Comtois affirme qu’elle est une personne à mobilité réduite et qu’elle a fait une demande d’assistance avec fauteuil roulant avant son voyage. Elle indique qu’elle a contacté la ligne médicale d’Air Canada pour demander un siège sur le bord du hublot afin de protéger sa jambe blessée contre les coups et les accrochages et afin d’éviter que les autres passagers soient obligés de l’enjamber.

AIR CANADA

[34] Air Canada soutient que Mme Comtois n’a pas établi ni démontré la présence d’une déficience.

[35] Air Canada reconnaît que Mme Comtois a fait une demande d’assistance avec fauteuil roulant, mais soutient qu’elle n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle voulait un fauteuil roulant. Air Canada ajoute qu’il arrive que des personnes demandent l’assistance avec fauteuil roulant, sans que cela ne soit lié à un besoin en matière d’accessibilité, que plusieurs personnes font appel à ce service, non pas parce qu’elles ont besoin d’assistance en termes de mobilité, mais pour diverses raisons comme celle de ne pas être à l’aise de naviguer à travers un aéroport, par exemple.

[36] Air Canada affirme que Mme Comtois a demandé le service « WCHR » qui est un service d’assistance pour les longues distances à l’intérieur de l’aérogare. Elle soutient que le fait d’avoir demandé et d’avoir obtenu le service de fauteuil roulant n’équivaut pas à établir ni à démontrer l’existence d’une déficience quelconque.

Analyse et déterminations

[37] Mme Comtois a indiqué qu’elle est une personne à mobilité réduite et qu’elle a demandé l’assignation d’un siège particulier pour protéger sa jambe blessée et le service d’assistance avec fauteuil roulant à la ligne médicale d’Air Canada avant le voyage. À la suite de cet appel, Air Canada a reconnu que Mme Comtois a besoin de ces services puisque l’assignation d’un siège particulier sans frais a été accordée, tel qu’il est indiqué dans le dossier du passager (DP), et le service avec fauteuil roulant (WCHR) a été accordé, tel qu’il est indiqué sur les cartes d’embarquement.

[38] Dans le cas présent, il n’y a aucune information au dossier qui indique que l’assistance avec fauteuil roulant n’était pas nécessaire. L’Office reconnaît qu’une condition temporaire, comme une jambe blessée, pourrait constituer une déficience au sens de la partie V de la LTC. À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que Mme Comtois est une personne ayant une déficience.

MME COMTOIS A-T-ELLE RENCONTRÉ UN OBSTACLE À SES POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT?

Positions des parties

MME COMTOIS

[39] Mme Comtois affirme avoir rencontré plusieurs obstacles pendant son voyage avec Air Canada :

  • à son arrivée à l’aéroport d’Ottawa, le 18 décembre 2016, elle remarque l’absence d’emplacement réservé pour le débarquement des personnes à mobilité réduite et l’absence de fauteuil roulant à proximité de l’entrée. Elle doit prendre un chariot à bagages comme soutien pour se rendre au guichet et elle doit attendre en ligne, debout, avec le chariot comme soutien;
  • malgré le fait qu’elle présente son billet qui porte la mention « chaise roulante » au commis au comptoir d’enregistrement à Ottawa, il refuse de lui fournir une chaise pour qu’elle puisse s’asseoir afin de compléter son enregistrement. Elle prétend qu’il refuse de l’aider à placer ses bagages sur la pesée. Une fois l’enregistrement complété, le commis appelle pour obtenir l’assistance avec fauteuil roulant et indique à Mme Comtois un espace où s’asseoir en attendant l’accompagnement;
  • elle est accompagnée jusqu’à la porte d’embarquement, mais on la laisse devant un ascenseur jusqu’à l’embarquement plutôt que dans la zone d’attente;
  • elle ne reçoit pas d’assistance pour mettre son bagage de cabine dans le compartiment à bagages dans l’aéronef au départ d’Ottawa;
  • à son arrivée à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (aéroport de Montréal), elle doit attendre dans l’aéronef le service d’assistance avec fauteuil roulant. Elle affirme qu’elle a attendu entre 45 minutes et une heure avant de recevoir de l’assistance;
  • elle n’obtient pas le siège qu’elle a réservé pour le vol à Fort Lauderdale, soit un siège près du hublot, mais plutôt un siège sur le bord de l’allée;
  • à son arrivée à l’aéroport international de Fort Lauderdale-Hollywood (aéroport de Fort Lauderdale), l’agent de bord refuse sa demande de débarquer en priorité. Selon Mme Comtois, elle explique à l’agent de bord qu’elle risque de manquer le transport pour rejoindre le navire de croisière à cause du retard du vol. L’agent de bord l’informe que la politique indique que les passagers nécessitant des accommodements sont débarqués en dernier sans exception;
  • lorsque son tour vient de débarquer à Fort Lauderdale, aucun fauteuil roulant n’est disponible. Selon Mme Comtois, elle attend seule dans l’aéronef avec un agent de bord, entre 30 minutes et 1 heure avant qu’on lui apporte un fauteuil roulant;
  • un commis d’Air Canada l’accompagne dans l’aérogare de Fort Lauderdale jusqu’au carrousel de bagages, mais ne l’aide pas à récupérer ses bagages. Elle doit demander de l’aide à un passant pour récupérer ses bagages et se rendre jusqu’au transport pour rejoindre le navire de croisière. Elle manque l’embarquement sur le navire de croisière. Mme Comtois a soumis l’itinéraire de la croisière sur lequel il est indiqué que l’embarquement pour la croisière est prévu de 12 h 30 à 15 h et que le navire quitte le port à 16 h;
  • à son retour à Ottawa, le 29 décembre 2016, il n’y a pas de fauteuil roulant de disponible à son arrivée. Elle doit attendre seule dans l’aéronef pendant environ une heure avant qu’on lui apporte un fauteuil roulant;
  • elle reçoit l’accompagnement pour la vérification aux douanes et à la sécurité, mais à la porte de sécurité, un commis d’Air Canada reprend le fauteuil roulant et la laisse seule avec le chariot à bagages pour récupérer ses bagages.

AIR CANADA

[40] En ce qui concerne l’assistance avec fauteuil roulant, Air Canada indique que le service « WCHR » tel que demandé par Mme Comtois, n’est pas nécessairement fourni par fauteuil roulant et qu’il peut être offert par un service de navette en chariot. Air Canada soutient que cette demande de service « présuppose » que le passager est mobile, sauf sur de longues distances.

[41] Concernant le fait que Mme Comtois n’a pas obtenu d’assistance jusqu’au comptoir d’enregistrement à son arrivée à l’aéroport d’Ottawa et qu’elle a dû mettre elle-même ses bagages sur la pesée, Air Canada affirme que Mme Comtois n’a pas fait la preuve qu’elle a demandé de l’assistance et que cette assistance lui aurait été refusée. Air Canada soutient qu’il n’y a aucune indication au dossier qu’une telle demande lui a été faite, et qu’il est donc raisonnable de penser qu’elle n’a pas été faite.

[42] En ce qui a trait au fait que les personnes ayant besoin d’assistance sont débarquées les dernières, Air Canada soutient que des annonces sont faites à cet effet à l’atterrissage de chaque vol. Air Canada affirme qu’il s’agit d’une pratique normale et bien connue dans l’industrie aérienne afin de permettre le transport sécuritaire des personnes handicapées ayant besoin d’assistance pour embarquer ou débarquer, et afin de permettre un embarquement et débarquement dans les temps pour tous les passagers, un embarquement prioritaire est offert, et l’assistance au débarquement se fait après le débarquement général.

[43] Air Canada soutient qu’étant donné que Mme Comtois n’a pas demandé d’assistance avec fauteuil roulant jusqu’à son siège, il lui aurait été loisible de débarquer avec les autres passagers.

[44] Air Canada affirme que le vol no AC1602 devait arriver à Fort Lauderdale à 14 h 35, soit 1 heure et 25 minutes avant le départ prévu du navire de croisière. Air Canada soutient que le vol a été retardé et est arrivé à Fort Lauderdale à 15 h 30.

[45] Air Canada indique que sur le site internet de la compagnie de croisière il est recommandé aux passagers qui rejoignent le navire par aéronef d’arriver à destination la journée avant le départ du navire et pour ceux qui arrivent en voiture d’arriver deux à trois heures avant le départ du navire.

[46] Air Canada soutient que Mme Comtois n’a pas manqué le départ de sa croisière en raison d’un obstacle à sa mobilité, mais bien en raison du fait qu’elle n’a pas réservé un vol arrivant à Fort Lauderdale suffisamment tôt pour lui permettre d’embarquer à bord du navire de croisière à l’heure. Air Canada ajoute que l’heure d’arrivée prévue du vol était bien trop près de l’heure maximale d’embarquement à bord de la croisière.

[47] Air Canada affirme que même s’il n’y avait pas eu de retard et que Mme Comtois était sortie la première, elle n’aurait pu se rendre au navire de croisière à temps pour l’embarquement.

[48] Quant au fait que Mme Comtois aurait attendu 30 minutes dans l’aéronef l’assistance avec fauteuil roulant, Air Canada soutient qu’il s’agit d’un délai standard dans le cadre d’un débarquement pour ce type d’aéronef.

[49] Air Canada soutient qu’il serait surprenant que Mme Comtois ait été « abandonnée » à l’aéroport de Fort Lauderdale puisqu’un service porte-à-porte y est fourni en tout temps, par tous les transporteurs y opérant, conformément à la loi américaine. Air Canada indique que ces services sont offerts par des fournisseurs de services locaux qui offrent des services à tous les passagers qui en ont besoin.

[50] Air Canada soutient que les allégations de Mme Comtois concernant le fait qu’elle a été laissée seule dans l’aéronef, le 29 décembre 2016 à son arrivée à l’aéroport d’Ottawa, sont peu crédibles étant donné que cela va à l’encontre des standards et des procédures des agents de bord.

Analyse et déterminations

[51] Les fournisseurs de services de transport ont le devoir de prendre des mesures d’accommodement à l’égard des personnes ayant une déficience. Une personne ayant une déficience rencontre un obstacle à ses possibilités de déplacement si elle démontre qu’elle avait besoin d’une mesure d’accommodement et que cette mesure ne lui a pas été fournie; ce qui fait qu’elle a été privée d’un accès égal aux services offerts aux autres personnes dans le réseau de transport fédéral.

[52] Le fardeau de la preuve incombe à la demanderesse, qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a fait face à un obstacle lié à sa déficience. La prépondérance des probabilités signifie que chaque élément doit être démontré comme étant « plus probable qu’improbable ».

[53] L’Office note que le voyage de Mme Comtois est caractérisé par une planification insuffisante de ses besoins liés à sa déficience et de ses circonstances personnelles. Mme Comtois n’avait prévu ni ses propres besoins en matière de voyage, ni les retards typiques attribuables aux intempéries hivernales, ni le temps nécessaire pour le transport entre l’aéroport et le navire de croisière. Compte tenu des expériences malheureuses vécues pendant son voyage, l’Office encourage Mme Comtois à mieux planifier ses voyages ainsi qu’à mieux identifier et communiquer ses besoins aux transporteurs à l’avenir.

[54] L’Office considère que Mme Comtois n’a pas rencontré des obstacles à ses possibilités de déplacement dans les circonstances décrites ci-dessous.

SERVICE D’ASSISTANCE AVEC FAUTEUIL ROULANT

[55] L’information au dossier indique que Mme Comtois avait demandé le service « WCHR », qui est un service d’assistance pour les longues distances à l’intérieur de l’aérogare. Le service choisi présuppose qu’elle est en mesure de se déplacer sans aide, sauf sur de longues distances. Ce service n’est pas nécessairement fourni avec fauteuil roulant et peut être offert par un service de navette. Les éléments de preuve déposés par les deux parties indiquent que Mme Comtois a reçu le service « WCHR » pour les longues distances tel qu’elle l’avait demandé et comme il est noté dans les fichiers de réservation, mais que le service ne correspondait pas à ses attentes.

ARRIVÉE À L’AÉROPORT D’OTTAWA ET ASSISTANCE POUR RÉCUPÉRER SES BAGAGES À FORT LAUDERDALE ET OTTAWA

[56] Il n’y aucune information au dossier qui indique que Mme Comtois a informé Air Canada à l’avance qu’elle avait besoin de services en lien avec sa déficience dès son arrivée à l’aéroport d’Ottawa et qu’elle avait besoin d’assistance pour récupérer ses bagages à son arrivée à l’aéroport de Fort Lauderdale et à l’aéroport d’Ottawa. Il n’y a pas d’information au dossier qu’elle aurait demandé cette assistance au moment du voyage et qu’Air Canada aurait refusé de la fournir. Si Air Canada n’était pas avertie des besoins de Mme Comtois, elle n’avait pas l’opportunité de les comprendre ou de fournir l’assistance nécessaire. L’Office détermine que les éléments de preuve déposés par Mme Comtois sont insuffisants pour conclure qu’elle a rencontré un obstacle à cet effet. De plus, pour l’arrivée de Mme Comtois à l’aéroport de Fort Lauderdale, Air Canada a indiqué qu’aux États-Unis, les fournisseurs de services locaux offrent des services à tous les passagers qui en manifestent le besoin. L’Office conclut qu’Air Canada ne savait donc pas que Mme Comtois avait besoin d’une assistance plus élevée que celle indiquée à l’avance. Ces problèmes soulignent l’importance de demander à l’avance des services spéciaux directement au transporteur aérien afin qu’il ait la possibilité de connaître les besoins des passagers et d’y répondre.

CHAISE POUR S’ASSEOIR AU COMPTOIR D’ENREGISTREMENT

[57] Mme Comtois indique également qu’elle a demandé une chaise pour s’asseoir pendant l’enregistrement à l’aéroport d’Ottawa, mais que le commis a refusé. L’Office est d’avis que ce refus ne constitue pas un obstacle parce que Mme Comtois s’est présentée au comptoir d’enregistrement debout avec le chariot à bagages comme soutien. Il n’y a pas d’information au dossier qui indique que le processus d’enregistrement a duré plus longtemps que d’habitude. Il n’y a pas d’information non plus qui indique que Mme Comtois a informé Air Canada à l’avance qu’elle avait besoin de ce service. Selon l’information reçue de Mme Comtois, une fois qu’elle a eu complété son enregistrement, elle a pu s’asseoir pour attendre l’assistance avec fauteuil roulant. Par conséquent, l’Office conclut que Mme Comtois n’a pas rencontré d’obstacle à cet égard.

ATTENTE AVANT L’EMBARQUEMENT DEVANT UN ASCENSEUR

[58] En ce qui a trait à l’attente avant l’embarquement devant un ascenseur, l’Office n’a pas assez d’information pour juger si la proximité entre la zone d’attente et l’ascenseur était inappropriée. De plus, Mme Comtois a tout de même reçu l’assistance en temps opportun. Par conséquent, l’Office conclut que Mme Comtois n’a pas rencontré d’obstacle à cet égard.

ATTENTE DANS L’AÉRONEF AVANT D’OBTENIR LE SERVICE D’ASSISTANCE AVEC FAUTEUIL ROULANT

[59] En ce qui concerne le débarquement des personnes ayant besoin d’assistance une fois que tous les autres passagers sont débarqués, l’Office reconnaît que les transporteurs aériens ont adopté cette pratique pour éviter la congestion dans les allées. D’ailleurs, l’Office a établi depuis longtemps que cette pratique est raisonnable et ne constitue pas un obstacle en soi.

[60] Pour chaque vol, Mme Comtois prétend avoir dû attendre dans l’aéronef de 30 minutes à une heure le service d’assistance avec fauteuil roulant, et ne fait pas de distinction entre le temps d’attente pour le débarquement des autres passagers et le temps d’attente pour le fauteuil roulant. Ses éléments de preuve relatifs au temps d’attente rendent l’établissement des périodes d’attente réelles impossible. L’Office ne considère pas qu’une attente raisonnable pour débarquer constitue un obstacle. L’Office doit être capable d’établir la période d’attente réelle pour l’obtention du fauteuil roulant afin de conclure qu’une personne ayant une déficience a rencontré un obstacle.

[61] En ce qui a trait à la période d’attente avant d’obtenir l’assistance avec fauteuil roulant, laquelle inclut le temps d’attente pour le débarquement de tous les passagers, à son arrivée à l’aéroport de Montréal et à l’aéroport de Fort Lauderdale, l’Office détermine que Mme Comtois n’a pas rencontré d’obstacle à sa mobilité à cet égard. Même si l’attente a pu lui sembler longue à son arrivée à l’aéroport de Montréal, Mme Comtois a reçu l’assistance avec fauteuil roulant et est arrivée à temps pour le vol nAC1602.

[62] Pour son arrivée à l’aéroport de Fort Lauderdale, Mme Comtois a également reçu l’assistance avec fauteuil roulant, et l’Office détermine que celle-ci n’a pas manqué le départ du navire de croisière à cause du temps d’attente pour obtenir l’assistance avec fauteuil roulant, mais plutôt en raison du fait qu’elle n’a pas réservé un vol arrivant à destination suffisamment tôt pour permettre l’embarquement sur le navire de croisière avant l’heure maximale d’embarquement.

[63] Le vol nAC1602 devait arriver à Fort Lauderdale à 14 h 35 et l’embarquement pour la croisière était prévu entre 12 h 30 à 15 h pour un départ à 16 h. Donc, Mme Comtois avait prévu un total de 25 minutes pour débarquer de l’avion, passer à travers l’aéroport en fauteuil roulant, récupérer ses bagages, se rendre au port et embarquer sur le navire de croisière. Il est donc raisonnable de croire que Mme Comtois serait arrivée trop tard pour l’embarquement sur le navire de croisière même si le vol no AC1602 était arrivé à l’heure prévue. L’Office note que Mme Comtois n’a pas suivi le conseil de la compagnie de croisière qui recommande aux passagers qui voyagent par aéronef d’arriver à destination la journée avant le départ du navire et de se présenter pour l’embarquement à bord du navire de croisière entre 12 h 30 et 15 h.

[64] En ce qui concerne son arrivée à l’aéroport d’Ottawa en provenance de Fort Lauderdale, Mme Comtois affirme qu’il n’y avait pas de fauteuil roulant disponible à son arrivée et qu’elle a attendu seule dans l’aéronef pendant environ une heure avant qu’on lui en apporte un. Elle soutient que le vol est arrivé à 23 h 30, avec trois heures de retard, mais, selon les données fournies par Air Canada, le vol quittait Fort Lauderdale à l’heure prévue de 21 h 15 et atterrissait à Ottawa à 0 h 30. L’Office reconnaît que le temps d’attente pour le débarquement de tous les passagers et pour le fauteuil roulant peut avoir semblé long, mais l’incohérence relative à l’heure d’arrivée en lien avec le temps d’attente rend l’établissement de la période d’attente réelle impossible. Mme Comtois a reçu l’assistance avec fauteuil roulant et l’accompagnement jusqu’à l’aire des douanes. Par conséquent, l’Office détermine que les éléments de preuve déposés par Mme Comtois au sujet de la période d’attente sont insuffisants pour conclure que cette dernière s’est acquittée de son fardeau de la preuve et pour démontrer qu’elle a rencontré un obstacle.

[65] Par ailleurs, l’Office considère que Mme Comtois a rencontré des obstacles à ses possibilités de déplacement dans les circonstances décrites ci-dessous.

BAGAGES SUR LA PESÉE À L’AÉROPORT D’OTTAWA

[66] L’Office accepte les éléments de preuve déposés par Mme Comtois selon lesquels elle a demandé de l’aide au commis au comptoir d’enregistrement à l’aéroport d’Ottawa pour mettre ses bagages sur la pesée et que le commis a refusé. Elle fait référence au stress et à la fatigue liés au fait qu’elle s’est sentie humiliée. L’Office s’attend à ce que les transporteurs aériens fassent des efforts raisonnables pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience lorsqu’il y a une demande à cet égard, et ce, même si la demande n’a pas été formulée à l’avance. L’Office conclut que puisqu’Air Canada n’a pas déposé d’élément de preuve selon lequel un effort raisonnable a été fait, Mme Comtois a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement lorsque le commis au comptoir d’enregistrement a refusé de l’aider à mettre ses bagages sur la pesée.

BAGAGE DE CABINE DANS LE COMPARTIMENT À BAGAGES DANS L’AÉRONEF À L’AÉROPORT D’OTTAWA

[67] Mme Comtois allègue aussi qu’aucun agent de bord n’a accepté de l’aider à mettre son bagage de cabine dans le compartiment à bagages dans l’aéronef à l’aéroport d’Ottawa. L’alinéa 147(1)d) du RTA prévoit qu’un transporteur aérien doit fournir de l’assistance pour ranger les bagages de cabine d’un passager si ce dernier en fait la demande en ce qui concerne tout service intérieur. Bien que l’alinéa 147(1)d) ne s’applique pas au cas présent puisque le vol en question faisait partie d’un itinéraire international, l’Office a une pratique bien établie selon laquelle il applique également les principes sous-tendant le RTA aux vols internationaux et conclut qu’il est raisonnable de l’appliquer au cas présent. Toute personne ayant une déficience devrait être en droit de recevoir, sur demande, de l’assistance de la part du personnel du transporteur pour ranger ses bagages de cabine dans le compartiment à bagage dans l’aéronef et que le refus de prêter l’assistance demandée peut constituer un obstacle aux possibilités de déplacement du passager.

[68] Air Canada n’a pas contesté les allégations de Mme Comtois. Par conséquent, l’Office conclut que Mme Comtois a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement lorsqu’aucun agent de bord n’a accepté de l’aider à mettre son bagage de cabine dans le compartiment à bagages.

SIÈGE SUR LE BORD DE L’ALLÉE POUR LE VOL No AC1602

[69] Selon le DP déposé par Air Canada, un siège particulier sans frais supplémentaires a été réservé pour chaque segment de vol. Le DP ne contient pas d’information sur les spécifications du siège particulier demandé par Mme Comtois pour le vol no AC1602. L’Office note par contre que, pour ses deux autres vols, Mme Comtois a reçu un siège sur le bord du hublot, ce qui tend à démontrer que c’est bien ce qu’elle avait demandé. De plus, il n’y a aucune explication au dossier expliquant pourquoi Mme Comtois n’a pas reçu le siège particulier qu’elle avait réservé. L’Office conclut donc que Mme Comtois a rencontré un obstacle à sa mobilité lorsqu’elle a reçu un siège sur le bord de l’allée pour le vol no AC1602.

AIR CANADA A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS LES RÈGLES 5(A)(2) ET 80 DE SON TARIF?

Positions des parties

MME COMTOIS

[70] Mme Comtois demande le remboursement total des coûts de sa croisière et de son voyage. Elle soutient que le retard du vol nAC1602 a eu pour conséquence qu’elle est arrivée trop tard pour l’embarquement à bord du navire de croisière.

[71] Mme Comtois affirme qu’après avoir raté l’embarquement à bord de son navire de croisière, le transport du Princess Cruises l’a ramenée à l’aéroport de Fort Lauderdale. Elle soutient s’être présentée au comptoir d’Air Canada pour se procurer un billet pour Nassau pour rejoindre le navire de croisière le lendemain et qu’Air Canada a refusé de lui prêter assistance. Elle indique qu’Air Canada l’a référée à un autre transporteur aérien, car aucun vol d’Air Canada n’était prévu pour Nassau.

[72] Elle affirme qu’elle a engagé des frais supplémentaires, tels que l’achat d’un billet d’avion pour Nassau (400 USD), de nourriture (20 USD), de transport en taxi (55 USD), d’assistance à l’aéroport (5 USD), d’hébergement à l’hôtel (125,53 USD) et pour le transport de ses bagages (60 USD).

AIR CANADA

[73] Air Canada attire l’attention sur la règle 80(A)(1) de son tarif, qui prévoit que les heures de départ et d’arrivée sont approximatives, qu’elles et ne sont pas garanties et que les horaires peuvent être modifiés sans préavis.

[74] Elle attire également l’attention sur la règle 105(C)(4)(a), qui prévoit qu’Air Canada ne peut être tenue responsable d’un retard, à moins que ce retard ne soit le résultat de sa négligence.

[75] Air Canada soutient que le retard était attribuable au mauvais temps, que les dommages n’étaient pas le résultat d’une négligence et donc ne peuvent engager sa responsabilité. Air Canada affirme avoir correctement appliqué son tarif.

[76] Air Canada affirme que la plainte de Mme Comtois relève exclusivement de la Convention de Montréal et fait référence aux articles 19 et 29 de celle-ci. Air Canada soutient qu’étant donné que le retard était attribuable au mauvais temps, que cela est indépendant de sa volonté et qu’il était impossible de prendre des mesures pour éviter le retard, sa responsabilité ne peut être engagée.

[77] Nonobstant le retard du vol, Air Canada soutient que le fait de rater le départ du navire de croisière et d’engager des dépenses n’a pas été causé par le retard de l’aéronef, mais plutôt par une réservation de vol trop rapprochée de l’heure maximale d’embarquement à bord du navire de croisière. Air Canada soutient que même si le vol n’avait pas été en retard, Mme Comtois n’aurait pas été en mesure de se rendre à temps pour embarquer à bord du navire. Air Canada affirme que le dommage subi est donc lié à la négligence de Mme Comtois, ce qui, selon Air Canada, constitue un élément d’exonération pour le transporteur en vertu de l’article 20 de la Convention de Montréal.

Analyse et déterminations

[78] Le fardeau de la preuve repose sur le demandeur, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas appliqué correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.

[79] L’Office note que les règles 80(A)(1) et (2) du tarif prévoient qu’Air Canada ne peut être tenue responsable si le passager manque des correspondances ne faisant pas partie de l’itinéraire indiqué sur son billet; qu’Air Canada ne garantit pas les heures des vols qui figurent sur les billets des passagers; qu’Air Canada ne peut être tenue responsable des modifications des heures en cas de force majeure. La règle 80(A)(2) prévoit également qu’un passager peut invoquer la Convention de Montréal en ce qui a trait à la responsabilité du transporteur en cas de retard.

[80] Air Canada soutient que le retard d’une heure a été causé par le mauvais temps et que les dommages n’étaient donc pas le résultat de sa négligence. Mme Comtois n’a pas contesté que le retard a été causé par le mauvais temps. Lorsqu’il y a une irrégularité d’horaire, Air Canada doit faire les « meilleurs efforts » pour transporter les passagers dans un délai raisonnable selon la règle 80(A)(3) du tarif. La règle 80(C)(4) prévoit qu’Air Canada peut, entre autres, transporter le passager à bord d’un autre de ces aéronefs ou à bord de l’aéronef d’un autre transporteur. Dans le cas présent, l’Office reconnaît qu’il était impossible de prendre des mesures additionnelles pour éviter ce retard ou de transporter Mme Comtois à destination plus rapidement qu’à bord du vol nAC1602.

[81] L’Office conclut que Mme Comtois serait arrivée en retard pour l’embarquement à bord du navire de croisière même sans le retard du vol nAC1602. Malheureusement, Mme Comtois a réservé un vol dont l’heure d’arrivée était trop rapprochée de l’heure de la fin de l’embarquement pour la croisière. En effet, le vol no AC1602 de Montréal à Fort Lauderdale devait arriver à Fort Lauderdale à 14 h 35 et l’embarquement pour la croisière se terminait à 15 h. Il n’y avait donc aucune mesure qu’Air Canada aurait pu prendre pour éviter que Mme Comtois rate l’embarquement à bord du navire de croisière, car le dommage aurait eu lieu de toute façon.

[82] De plus, selon la règle 80(A)(2) du tarif, Air Canada n’avait pas d’obligation envers Mme Comtois en ce qui a trait à la réservation d’un vol pour Nassau, puisqu’elle l’avait transporté jusqu’à sa destination de Fort Lauderdale tel qu’il est prévu sur l’itinéraire de Mme Comtois.

[83] En ce qui a trait aux dépenses supplémentaires supportées par Mme Comtois pour rejoindre le navire de croisière à Nassau, selon l’article 19 de la Convention de Montréal, qui est incorporé par renvoi dans le tarif en vertu de la règle 5(A)(2), Air Canada ne peut être tenue responsable lorsqu’elle démontre qu’elle et son personnel ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre. Dans le contexte d’un retard d’une heure à cause du mauvais temps, Air Canada a pris toutes les mesures raisonnables. De plus, les dommages subis sont attribuables aux actions de Mme Comtois, celle-ci ayant réservé un vol arrivant à une heure trop rapprochée de la fin de la période d’embarquement sur le navire de croisière. Donc, les dommages subis seraient survenus même si le vol était arrivé à l’heure, ce qui constitue un élément d’exonération pour le transporteur en vertu de l’article 20 de la Convention de Montréal.

[84] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que Mme Comtois n’a pas démontré qu’Air Canada n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans les règles 5(A)(2) et 80 de son tarif. Les dommages qui découlent du fait d’avoir raté l’embarquement à bord du navire de croisière n’étaient pas attribuables à la négligence d’Air Canada.

PROCHAINES ÉTAPES

[85] Ayant déterminé que Mme Comtois est une personne ayant une déficience et qu’elle a rencontré un obstacle lorsque le commis à l’aéroport d’Ottawa a refusé de l’aider à mettre ses bagages sur la pesée, lorsqu’aucun agent de bord n’a accepté de l’aider à mettre son bagage de cabine dans le compartiment à bagages lors de son vol au départ de l’aéroport d’Ottawa et lorsqu’elle s’est retrouvée assise sur le bord de l’allée pour le vol nAC1602, l’Office donne à Air Canada les deux possibilités suivantes :

  • expliquer, en tenant compte des solutions proposées par Mme Comtois, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée ou à n’importe quelle autre contrainte constituant un obstacle, ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;
  • démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.

[86] Air Canada a jusqu’au 17 novembre 2020 pour déposer sa réponse, à la suite de quoi Mme Comtois aura trois jours ouvrables pour déposer sa réplique.

[87] Toute la correspondance et tous les actes de procédure doivent comporter un renvoi au cas no 18‑50080 et être déposés auprès du Secrétariat de l’Office à l’adresse courriel : secretariat@otc‑cta.gc.ca.


ANNEXE À LA DÉCISION No LET-AT-A-70-2020

International Passenger Rules and Fares Tariff No. AC-2 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on Behalf of Air Canada Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in Canada/USA and Points in Areas 1/2/3 and Between the USA and Canada, NTA(A) No. 458

Remarque : Le tarif d’Air Canada a été déposé en anglais seulement.

RULE 5 – APPLICATION OF TARIFF

A. GENERAL

….

2. International transportation shall be subject to the rules relating to liability establish by, and to all other provisions of the Convention for the Unification of Certain Rules Relating to International Transportation by Air, signed at Warsaw, October 12, 1929, or the Convention for the Unification of Certain Rules International Carriage by Air (Montreal Convention of 1999) or such convention as amended, whichever may be applicable to the transportation hereunder. Any provision of these rules which is inconsistent with any provision of said Convention shall, to that extent, but only to that extend, be inapplicable to international transportation.

….

Rule 80 – SCHEDULE IRREGULARITIES

A. GENERAL

  1. Schedules not guaranteed. Times and aircraft type shown in timetables or elsewhere are approximate and not guaranteed, and do not form part of the contract of carriage. Schedules are subject to change without notice….
  2. Carrier not responsible

Carrier assumes no responsibility for passenger making connections not included as part of the itinerary set out in the ticket. Carrier is not responsible for changes, errors or omissions either in timetables or other representations of schedules. The carrier will not guarantee and will not be held liable for cancellations or changes to flight times that appear on passengers’ tickets due to force majeure, including labour disruptions or strikes. However, a passenger may invoke the provisions of the Convention regarding liability in the case of delay.

3. Best Efforts

Carrier undertakes to use its best efforts to carry passenger and baggage with reasonable dispatch, but no particular time is fixed for the commencement or completion of carriage. Subject thereto carrier may, without notice, substitute alternate carriers or aircraft and may alter the route, add stopovers or omit the stopping places shown on the face of the ticket in case of necessity.

….

C. SCHEDULE IRREGULARITY

….

4. In the event of a schedule irregularity, Carrier will either:

….

  1. carry the passenger on another of its aircraft or class of service on which space is available without additional charge regardless of the class of services; or, at carrier’s option;
  2. endorse to another air carrier with which Air Canada has an agreement for such transportation, the unused portion of the ticket for purposes of rerouting; or, at carrier’s option;
  3. reroute the passenger to the destination named on the ticket or applicable portion thereof by its own or other transportation services; and if the fare for the revised routing or class of service is higher than the refund value of the ticket or applicable portion thereof as determined from Rule 100, carrier will require no additional payment from the passenger but will refund the difference if it is lower or.

.…

Rule 105 – LIABILITY OF CARRIERS

C LIMITATION OF LIABILITY

.…

4. Except as provided herein, or in other applicable law;

  1. Carrier is not liable for any death, injury, delay, loss, or other damage of whatsoever nature (hereinafter in this tariff collectively referred as “damage”) to passengers or unchecked baggage arising out of or in connection with carriage or other services performed by carrier incidental thereto, unless such damage is caused by the negligence of carrier.

.…

Membre(s)

Elizabeth C. Barker
Heather Smith
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