Lettre-décision n° LET-R-148-2012

le 5 octobre 2012

Plainte déposée par Jen Bysterveld en vertu de l’article 95.3 de la LTC contre CP relativement au bruit et aux vibrations causés par le LRC situé à la gare de triage Alyth.

No de référence : 
R 8030/11-04173

INTRODUCTION ET QUESTION

Plainte

Le 8 août 2011, Mme Jen Bysterveld a présenté une plainte à l’Office des transports du Canada (Office) au nom de Sonja Bogdanovska, Liv Kolbe, Lara Murphy, Carolyn Fewer, Jen Woods, Sandy MacIsaac, Karen Marcus, Ian McNichol, Nancy McNichol et Bill Bakelaar, président de la Inglewood Community Association (ICA) (les plaignants). Cette plainte est présentée en vertu de l’article 95.3 de la Loi sur les transports au Canada, L.C., 1996, c. 10, tel que modifiée (LTC) contre la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP) relativement au bruit et aux vibrations causés par les activités menées au centre de fiabilité des locomotives (LRC) situé à la gare de triage Alyth, dans la collectivité d’Inglewood, à Calgary (Alberta).

Question

En menant ses opérations ferroviaires, CP respecte-t-il son obligation, en vertu de l’article 95.1 de la LTC, de limiter seulement le bruit et les vibrations à un niveau raisonnable en tenant compte de ses obligations en matière de niveau de service, de ses besoins en matière d’exploitation et de la région locale?

CONTEXTE

Après avoir reçu les plaidoiries initiales présentées par les parties, l’Office a déterminé qu’il lui fallait obtenir des renseignements supplémentaires sur les opérations du LRC de CP menées à la gare de triage Alyth. Le 22 décembre 2011, l’Office, dans sa décision no LET-R-142-2011, a transmis à CP une liste de 12 questions, à laquelle CP a donné suite le 6 février 2012.

Dans sa décision no LET-R-51-2012, l’Office demandait à CP d’autres renseignements afin de permettre à son propre personnel de terminer l’analyse des problèmes soulevés par les plaignants.

Les 19 et 20 mars 2012, les employés de l’Office ont effectué une visite à la gare de triage Alyth afin de mieux connaître la zone générale et les activités d’entretien de CP. Les employés de l’Office ont produit un procès-verbal de la visite sur les lieux, lequel a été accepté par les parties et constitue une partie des plaidoiries présentées à l’Office.

Le 4 avril 2012, les plaignants ont présenté des renseignements supplémentaires à l’Office relativement à l’acquisition de terrains, par CP, en prévision de la construction d’une voie de rotation de style plaque tournante adjacente à la gare de triage Alyth. Dans sa décision no LET‑R‑68‑2012, l’Office a demandé que CP réponde le 1er mai 2012 au plus tard à l’affirmation des plaignants relativement au bruit que la voie de rotation pourrait causer à l’avenir, en donnant aux plaignants la possibilité de répondre au plus tard le 7 mai 2012. Dans sa décision no LET‑R‑93‑2012, l’Office a déterminé que les renseignements supplémentaires présentés par les plaignants n’étaient pas pertinents dans le contexte des procédures actuelles.

OPÉRATIONS MENÉES À LA GARE DE TRIAGE ALYTH

Les renseignements non contestés suivants relatifs à la gare de triage Alyth ont été donnés par les parties au cours de la visite des lieux et dans leurs présentations à l’Office.

La gare de triage Alyth est adjacente à la ligne principale de CP et se trouve dans la collectivité d’Inglewood, à Calgary (Alberta). En tant que collectivité du centre ville, Inglewood entoure une grande partie de la gare de triage Alyth. La collectivité, qui compte environ 3 200 habitants, est une mosaïque de logements à faible et à grande densité, de sections industrielles lourdes et légères, de corridors de transport et de zones commerciales.

Les résidences des plaignants se trouvent au nord du LRC de la gare de triage Alyth, à des distances variant de 60 à 1 000 mètres.

La gare de triage Alyth est d’une superficie de 170 acres et comprend 75 milles de voies, environ 500 branchements et un triage à butte informatisé comptant 48 voies de classement, le LRC et une installation de réparation des wagons. CP affirme que la gare de triage Alyth dessert de nombreux clients en tant que point de regroupement de grands volumes de marchandises.

Les dossiers de CP montrent qu’une activité de réparation mécanique est menée à la gare de triage Alyth depuis les années 1950. Depuis 2009, CP a modernisé et regroupé ses emplacements  d’entretien du réseau complet, passant de huit à quatre « super ateliers de réparation », que CP appelle maintenant des LRC. Les quatre LRC sont situés à Calgary, Winnipeg, Toronto et Saint Paul, au Minnesota. Le LRC de la gare de triage Alyth a « absorbé » les activités de réparation menées auparavant à la gare de triage de CP de Coquitlam.

Lorsque CP a regroupé ses activités, il a remis en état le LRC de la gare de triage Alyth afin d’accueillir un plus grand nombre de locomotives. Parmi les modifications, citons un agrandissement des installations au LRC, terminé en 2010, pour permettre d’accueillir les grandes locomotives diesel. Une partie de l’agrandissement consistait à surélever le plafond afin d’installer des ponts roulants pour grand levage de trois tonnes, dans le but d’accroître la capacité de réparation. En outre, CP a construit une installation d’inspection des paliers de suspension (IPS), qui consiste en un bâtiment autonome construit au sud-est du principal atelier diesel qui comprend un puits permettant l’inspection des paliers de suspension et le changement des semelles de frein. Cette activité, qui se déroulait auparavant dans le bâtiment du LRC, a été déplacée pour renforcer la capacité associée aux réparations de grande envergure dans le LRC lui-même.

À la suite du regroupement, CP a augmenté ses affectations de locomotives à la gare de triage Alyth, qui sont passées de 191 en 2009 à 442 en 2012. En 2007, 227 locomotives ont été affectées à la gare de triage Alyth. La diminution du nombre de locomotives affectées au LRC de la gare de triage Alyth entre 2007 et 2009 est attribuable, selon CP, au ralentissement économique observé au cours de cette période.

Le LRC est maintenant exploité en tout temps. Dans le cadre du processus de réparation au LRC, CP effectue des essais de charge à l’arrivée et au départ sur ses locomotives à l’extérieur. Ces essais durent entre 20 minutes et une heure d’activité continue à haut régime. Les essais de charge à l’arrivée sont effectués lorsqu’une locomotive arrive au LRC et consistent à déterminer les réparations requises, le cas échéant. Les essais de charge au départ consistent à faire accélérer la locomotive à pleine puissance après sa réparation pour s’assurer qu’elle ne nécessite pas d’autres réparations avant d’être affectée à un train. CP mesure le rendement de ses réparations en établissant des durées de cycle de réparation, qui aident l’entreprise à déterminer la disponibilité de ses locomotives lorsqu’elle construit des trains.

Généralement, les essais de charge représentent une activité imprévue et peuvent se dérouler à n’importe quel moment sur une période de 24 heures, selon le trafic et la demande. La gare de triage compte des voies d’atelier, qui permettent aux employés d’entretien et de réparation de déplacer les locomotives dans le LRC pendant l’entretien, et des voies de triage, qui servent d’aire de classement et d’attente pour les trains qui arrivent et qui partent. La distinction est énorme, car les voies « appartiennent » à deux syndicats distincts. Il est possible que les employés certifiés pour déplacer les locomotives sur les voies d’atelier ne possèdent pas les qualifications leur permettant de déplacer les locomotives sur d’autres voies.

En 2011, 25 locomotives étaient réparées ou entretenues tous les jours, en moyenne. Chacune d’entre elles présentait une durée de cycle (ou capacité) moyenne de 45 heures. Des 25 locomotives, environ six à dix faisaient l’objet d’un essai de charge au départ, tous les jours. La durée d’un essai de charge au départ type est d’environ 60 minutes et le moteur fonctionne à pleine puissance (cran de marche 8). En 2011, de façon générale, entre dix et 15 essais de charge à l’arrivée étaient effectués quotidiennement au LRC de la gare de triage Alyth. Ce nombre reflète l’application de la technologie « Expert on Alert » dans le cadre d’un projet pilote; cette technologie permet de réduire le nombre d’essais de charge à l’arrivée requis de 70 à 80 %. Les essais de charge à l’arrivée durent moins longtemps que les essais au départ, nécessitant une durée moyenne de 20 à 30 minutes à pleine puissance (cran de marche 8). Environ 25 essais de charge sont effectués pendant une période de 24 heures et certains peuvent être effectués simultanément.

À l’inverse, en 2007, environ 15 locomotives étaient réparées ou entretenues tous les jours, ce qui représente en moyenne trois ou quatre essais de charge par jour. Les durées de cycle en 2007 variaient de 60 à 70 heures. Selon les présentations de CP, le nombre des essais à l’arrivée et au départ a quintuplé entre 2007 et 2012.

Initialement, CP effectuait ses essais de charge sur n’importe laquelle des voies d’atelier libres qui nécessitait le déplacement le moins important de la locomotive. Pour donner suite aux préoccupations de la collectivité, CP a modifié ses opérations, de sorte que les essais de charge au départ sont maintenant effectués sur les quatre voies situées au sud de l’immeuble du LRC. Un déplacement additionnel des locomotives est requis pour permettre à CP d’effectuer ses essais dans cette aire et cela sous-tend un coût additionnel.

Lorsque les voies d’atelier pour les arrivées sont toutes occupées, CP effectue ses essais de charge à l’arrivée près d’un sanctuaire d’oiseaux. CP maintient que cet arrangement ne convient pas, car il exige le déplacement d’équipes et d’équipement à environ 1,5 mille pour effectuer les essais. Selon CP, aucune réglementation environnementale n’empêche l’entreprise de procéder à des essais de charge à l’arrivée près du sanctuaire d’oiseaux.

Le nombre de locomotives dont le moteur tourne au ralenti, en attente d’un déplacement, varie d’une journée à l’autre et est fonction de divers facteurs, dont le nombre de locomotives qui sont entrées à la gare de triage Alyth dans le cadre de « visites » imprévues. Normalement, le nombre varie entre zéro et 25 locomotives par jour et peut être supérieur, selon le nombre de défaillances de locomotive. En outre, si on tient compte des locomotives utilisées exclusivement à la gare de triage Alyth, plus de 30 locomotives peuvent fonctionner au ralenti dans la gare de triage à tout moment. Le nombre des locomotives qui fonctionnaient au ralenti à tout moment avant le regroupement est difficile à évaluer, mais CP estime qu’il aurait pu s’établir à 15 environ.

CP applique des technologies « de démarrage intelligent » sur ses locomotives. Cette technologie surveille un certain nombre de paramètres, tels que la température ambiante (+ 5 degrés Celsius ou plus), la température du moteur et la tension de la batterie. Lorsque toutes les conditions sont réunies et que le moteur tourne au ralenti, le moteur diesel de la locomotive s’arrête automatiquement, ce qui économise du carburant et réduit le bruit. Les locomotives non munies de cette technologie sont visées par des politiques internes, qui indiquent que le moteur doit être arrêté manuellement dans des conditions semblables.

POSITIONS DES PARTIES

Plaignants

Dans leur demande, les plaignants affirment qu’Inglewood est la plus ancienne collectivité de Calgary et qu’elle existe depuis les années 1800. Actuellement, certaines maisons datent de 1910, année antérieure à la présence des installations d’entretien des locomotives de CP à la gare de triage Alyth.

Les plaignants maintiennent que CP utilise le plan de restauration d’Inglewood pour montrer que la partie résidentielle d’Inglewood représente moins du tiers de la superficie du quartier. Les plaignants prétendent que ce fait montre qu’Inglewood n’est pas une zone industrielle, mais une zone à usage mixte dont presque le tiers est résidentiel, fait qui doit être pris en compte par les intervenants de l’industrie menant des activités dans cette zone.

Les plaignants indiquent qu’avant 2009, ils n’avaient aucune préoccupation à l’égard des opérations de CP menées à la gare de triage Alyth, car ils savaient qu’ils habitaient très près de la gare de triage et pouvaient accepter un degré de bruit raisonnable. Les plaignants soutiennent que ce n’est pas avant le regroupement des installations de réparation des locomotives de CP que le bruit, et particulièrement celui produit par les essais de charge et la marche au ralenti des moteurs des locomotives en attente, est devenu un problème.

De l’avis des plaignants, les résidants d’Inglewood n’entendaient pas le bruit produit par les essais de moteur à pleine puissance avant le regroupement. Ils pensent que les essais étaient peut-être effectués à l’intérieur du LRC ou ailleurs dans la gare de triage ou de que des moteurs moins bruyants représentaient la norme dans la gare de triage par le passé. Les plaignants maintiennent que les essais à pleine puissance sont maintenant clairement audibles.

Les plaignants déclarent que le problème n’est pas le bruit ambiant et que les autres sons produits dans la zone ne constituent pas une source de plaintes. Ils peuvent distinguer les bruits produits par des locomotives, des avions et d’autres sons propres à la région et indiquent qu’ils peuvent clairement faire la différence entre 20 secondes de bruit d’avion entendu au-dessus de leur tête et 20 à 45 minutes de bruit causé par les essais de charge et la marche au ralenti des locomotives. Les avions ne se mettent pas en vol stationnaire près des résidences pendant 24 heures, ils ne stationnent à proximité et ne font pas entendre leur moteur poussé à pleine puissance. Les plaignants maintiennent que le bruit produit par les essais de charge des locomotives est clairement discernable, particulièrement pendant les accalmies du trafic, et prétendent que contrairement au bruit produit par la gare de triage, qui est constant, le bruit ambiant causé par la circulation routière et aérienne n’est pas constant.

En outre, les plaignants soulignent que l’immeuble du LRC est un vieil immeuble en tôle qui ne peut pas être considéré comme un ouvrage antibruit adéquat. Les plaignants ajoutent que les essais sont souvent effectués au nord de l’immeuble du LRC et que ce dernier ne constitue donc pas une protection.

Les plaignants affirment que les essais de charge sont plus fréquents entre 16 h et 6 h, mais qu’ils varient en fonction du trafic. Quant à la marche au ralenti des moteurs, il a lieu régulièrement, tous les jours, à toute heure.

Les plaignants ne contestent pas le fait que le regroupement des opérations d’entretien a été effectué à des fins d’efficacité. Ils indiquent que CP a créé le problème en regroupant les essais de charge à la gare de triage Alyth et que les mesures rentables ne sont pas nécessairement les plus efficaces en ce qui concerne le bruit et les vibrations.

Les plaignants indiquent que leur problème n’est pas causé par les opérations de triage à butte et de classement de CP, mais plutôt par l’entretien et la marche au ralenti des locomotives qui se déroulent tout près de la zone résidentielle d’Inglewood. Les plaignants soutiennent que CP n’a pas tenu compte du voisinage lorsque l’entreprise a modernisé et regroupé ses installations.

Les plaignants renvoient aux Lignes directrices et meilleures pratiques (lignes directrices sur le voisinage) publiées en 2007 par l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC), lesquelles recommandent une distance minimale de 300 mètres entre les immeubles résidentiels et les dépôts de rails. Les plaignants maintiennent que les responsables de CP connaissaient bien les lignes directrices sur le voisinage, l’entreprise ayant participé aux activités du sous‑comité des lignes directrices sur le voisinage de l’ACFC et à la recommandation liée à la distance minimale de 300 mètres à respecter entre les dépôts de rails et les résidences. CP a doublé les opérations à la gare de triage Alyth, bordée de résidences se trouvant à moins de 60 mètres, en faisant complètement abstraction de ses voisins. Le changement a été imposé aux résidants d’Inglewood et les plaignants prétendent que CP a enfreint l’article 95.1 de la LTC en regroupant ses opérations à la gare de triage Alyth sans tenir compte de la zone dans laquelle l’entreprise mène ses activités.

Les plaignants font référence aux relevés de décibels qui ont été effectués, lesquels excèdent les niveaux de décibels recommandés. Les relevés indiquent des niveaux de 65 à 80 décibels à l’intérieur des maisons (35 décibels recommandés) et de 90 à 130 décibels à l’extérieur des maisons (55 décibels recommandés). Toutefois, les plaignants n’ont présenté aucune information donnant les détails de la façon dont ces relevés ont été effectués ou du moment de leur réalisation.

Les plaignants ont également présenté des enregistrements audio/vidéo réalisés dans diverses résidences. Les vidéos montrent les fenêtres qui tremblent et la vaisselle qui s’entrechoque, et font entendre le son de la marche au ralenti des locomotives et des essais de charge. Cependant, aucun détail n’est donné sur la façon dont ces enregistrements ont été effectués et sur le moment où ils ont été réalisés.

Les plaignants affirment que depuis environ deux ans, la santé et le mieux-être des résidants d’Inglewood sont compromis par la négligence flagrante de CP à l’égard de la collectivité. Les plaignants maintiennent que certains résidants souffrent de privation de sommeil et de maux de tête attribuables au bruit constant, et que certains souffrent d’anxiété et ont des crises de panique. La note d’un médecin présentée par un des plaignants laisse entendre que cela pourrait être attribuable aux vibrations et au bruit constants causés par les activités de CP à la gare de triage Alyth.

Les plaignants soulignent que certains résidants portent des bouchons d’oreilles pour dormir la nuit, alors que d’autres font jouer de la musique de relaxation pour neutraliser les effets du bruit et des vibrations. Un des plaignants a tenté de s’isoler contre le bruit en installant de la mousse de polystyrène sur ses fenêtres, mais en vain.

Les plaignants reconnaissent les efforts de CP fournis l’année précédente pour réduire le bruit et les vibrations provenant de la gare de triage Alyth. Toutefois, aucune mesure quantifiable des changements n’a été présentée à la collectivité.

CP

CP affirme que la zone résidentielle d’Inglewood représente moins du tiers de la superficie du quartier. Le reste de la superficie est industrielle à 39 %, vacante à 9 %, multifamiliale à 4 % et consacrée aux loisirs à 10 %.

CP indique que la gare de triage Alyth est bordée par un grand nombre d’environnements qui constituent une source de bruit, tels que des autoroutes provinciales, des routes d’accès industrielles importantes, dont Blackfoot Trail, un développement industriel, une raffinerie de pétrole et la circulation aérienne. Ils estiment que tous ces environnements produisent un bruit ambiant ou des vibrations.

En renvoyant à la Méthodologie de mesure et de présentation d’un rapport sur le bruit ferroviaire (Méthodologie), CP affirme que la désignation de la zone se situe entre celle de quartier « urbain résidentiel » et celle de quartier « urbain résidentiel bruyant », dont le niveau sonore de base estimatif s’établit entre 60 et 65 dBA pendant la journée et entre 50 et 55 dBA pendant la nuit. CP considère que l’Office reconnaît que dans ces zones, le son de base est « acceptablement élevé ». CP souligne que les plaignants n’ont présenté aucune donnée sur le bruit. Cependant, CP prétend que toute mesure prise « n’ira pas à l’encontre des niveaux d’acceptabilité de base estimatifs établis par l’Office ».

CP a présenté la directive Le bruit du trafic routier et ferroviaire : ses effets sur l’habitation de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, datée de 1981 (Directive de la SCHL). CP affirme que ce document indique que la SCHL accepte le bruit du trafic ferroviaire comme un élément de la vie moderne dans les cadres urbains et que, dans les termes les plus simples, les niveaux sonores constants de 55 dB ou moins attribuables au bruit du trafic ferroviaire n’ont soulevé aucun problème pour le logement, sur le plan de l’emplacement et de la coexistence.

En outre, CP affirme que la Directive de la SCHL renvoie à des niveaux sonores constants plus élevés, appelés la « zone intermédiaire », dans laquelle le niveau sonore varie de 55 à 75 dB. Ces niveaux ne posent pas problème non plus, pourvu que le logement soit muni d’une installation anti-bruit adéquate. Ce n’est que la « zone élevée », dans laquelle les niveaux sonores constants sont supérieurs à 75 dB, qui représente un obstacle à la construction de nouveaux logements adjacents à un trafic ou à des activités qui constituent une source de bruit. CP soutient que cela laisse supposer que les résidants avoisinants doivent accepter le bruit et qu’ils sont obligés de prendre des mesures pour l’atténuer, ce que les plaignants ont omis de faire.

CP soutient, en tenant compte du contexte dans lequel les opérations se déroulent, soit dans une zone où les niveaux sonores ambiants sont importants, que les activités de l’entreprise ne peuvent être considérées comme créant un bruit ou des vibrations déraisonnables.

CP maintient que le transfert de la gare de triage de Coquitlam à la gare de triage Alyth a été effectué à des fins d’efficacité et de sécurité des activités ferroviaires. CP affirme également que l’approche dispersée de l’entretien et de la réparation des unités a créé des problèmes d’inefficacité et de qualité, car il était difficile de maintenir les normes de réparation.

Selon CP, les essais de charge sont effectués à des fins de sécurité et de garantie, et se déroulent à la gare de triage Alyth conformément aux normes d’essai de charge de l’industrie. CP confirme que jusqu’à 50 % des essais de charge peuvent se dérouler entre minuit et 6 h.

CP confirme que l’entreprise a modifié ses opérations en ce qui concerne les essais de charge. Auparavant, CP effectuait des essais de charge sur n’importe laquelle des voies disponibles afin de réduire au minimum le mouvement des locomotives. Maintenant, tous les essais de charge au départ sont effectués sur les quatre voies situées au sud du LRC, ce qui, selon l’entreprise, permet quelque peu de soustraire la collectivité au bruit causé par les essais de charge. CP indique que ce changement a été apporté pour donner suite à des préoccupations communautaires, mais qu’il comporte des coûts additionnels. CP affirme que les essais de charge au départ se font désormais derrière le LRC, afin d’atténuer l’effet du bruit de cette activité sur la collectivité.

CP indique qu’une partie des essais de charge à l’arrivée de l’entreprise sont effectués sur les voies de CP N-18 et N-19, près du sanctuaire d’oiseaux, à une certaine distance des maisons des plaignants et à environ 1,5 mille de l’immeuble du LRC. Cependant, CP indique que cela n’est pas la méthode privilégiée, car elle exige de déplacer une équipe et du matériel de réparation, ce qui rend l’opération inefficace. En outre, CP considère que les essais de charge effectués à cet endroit soulèvent des problèmes de sécurité, puisque les essais se font près de voies réservées aux envois de matières dangereuses. CP indique que les essais de charge sont effectués dans cette zone seulement lorsqu’il y a congestion près de l’immeuble du LRC.

La technologie « Expert on Alert », un projet pilote de General Electric (GE), combine une surveillance et un diagnostic en temps réel, des recommandations informatisées pour la réparation et l’expertise des techniciens de GE. Cette technologie permet à CP de procéder à une vérification « au cliquetis » des moteurs avant leur arrivée à la gare de triage Alyth, ce qui réduit considérablement le nombre d’unités nécessitant un essai à l’arrivée. CP affirme qu’environ 70 à 80 % des essais de charge à l’arrivée ont été déroutés grâce à la technologie « Expert on Alert ». CP prépare actuellement une analyse de rentabilisation pour acquérir cette nouvelle technologie.

CP indique que l’entreprise a déplacé ses locomotives Gen 1 à Saint Paul, au Minnesota, et a remplacé certaines d’entre elles par de nouvelles locomotives Gen 2. CP soutient que les locomotives Gen 2 nécessitent un processus moins bruyant. Toutefois, l’entreprise indique qu’elle ne répare pas seulement des locomotives affectées au LRC de la gare de triage Alyth, mais toutes les locomotives se trouvant dans la zone qui requièrent des réparations. Par conséquent, il est possible que l’on continue de réparer les locomotives Gen 1 au LRC de la gare de triage Alyth.

CP conteste les assertions des plaignants relativement au danger et à la santé, car ces assertions s’appuient seulement sur des preuves présentées par un des plaignants. CP affirme que dans ce cas, le plaignant habite à environ 60 m de la gare de triage Alyth; on ne dispose pas d’information permettant de déterminer si oui ou non cette personne souffre d’une affection qui était déjà présente et il n’y a pas de lien précis, mis à part une conclusion médicale plutôt brève, permettant de relier les opérations de CP au problème.

CP maintient que le déplacement d’une opération, ou dans ce cas-ci d’une installation mécanique, vers une autre gare de triage ou vers un autre emplacement situé dans la gare de triage Alyth n’est pas une solution raisonnable. Cela ne fera que déplacer les problèmes perçus d’un lieu géographique vers un autre.

CP soutient que la réduction du nombre des locomotives entretenues à la gare de triage Alyth n’est pas une option. Les travaux de réparation et d’entretien sont obligatoires et doivent être exécutés sans interruption.

CP est d’avis que l’évaluation de l’Office associée au caractère raisonnable du bruit doit tenir compte de trois principaux éléments : 1) les obligations de la compagnie de chemin de fer à l’égard du niveau de service, établies dans les articles 113 à 114 de la LTC, 2) l’obligation de la compagnie de chemin de fer de respecter des normes opérationnelles sécuritaires, efficaces et efficientes et 3) le lieu où se déroule l’opération ferroviaire. En ce qui concerne le troisième élément, applicable à l’exploitation d’une gare de triage, CP prétend que ce qui est raisonnable doit être évalué en fonction des étalons ou des répercussions régulières établis par les pratiques de l’industrie liées aux gares de triage. En outre, CP fait valoir que si les opérations ferroviaires correspondent aux pratiques ou aux normes d’exploitation établies de l’industrie, on ne peut affirmer que l’entreprise a enfreint l’article 95.1 de la LTC.

CP maintient que sur le plan de la nature, de la durée et de la portée, les activités de l’entreprise menées à la gare de triage Alyth sont obligatoires dans les profils des activités normalisées de gare de triage types ou de l’industrie, pour les compagnies de chemin de fer nord-américaines. Par conséquent, le bruit produit à la gare de triage Alyth n’est pas déraisonnable aux termes de l’article 95.1 de la LTC.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Loi

La LTC a été modifiée en 2007 de façon à ce qu’on y ajoute des dispositions relatives au bruit et aux vibrations causés par les compagnies de chemin de fer qui construisent et exploitent des voies ferrées. Tout particulièrement, l’article 95.1 de la LTC impose à une compagnie de chemin de fer l’obligation de limiter le bruit et les vibrations à un niveau raisonnable en tenant compte de ses exigences en matière de niveau de service, de ses besoins en matière d’exploitation et de la zone dans laquelle se déroule la construction ou l’exploitation.

L’article 95.3 de la LTC confère à l’Office le pouvoir de déterminer si une compagnie de chemin de fer respecte son obligation et, si la compagnie n’est pas conforme, de lui ordonner d’apporter tout changement raisonnable à la construction ou à l’exploitation de la voie ferrée, qui assurerait le respect continu des obligations de cette compagnie relativement au bruit et aux vibrations, en vertu de l’article 95. 1 de la LTC.

En vertu de l’article 95.2 de la LTC, l’Office a publié les Lignes directrices sur la résolution des plaintes relatives au bruit et aux vibrations ferroviaires (Lignes directrices). Les lignes directrices établissent les éléments dont l’Office tient compte pour déterminer si une compagnie de chemin de fer a limité le bruit et les vibrations à un niveau raisonnable. Voici ces éléments :

  • les activités ferroviaires dans le lieu touché, y compris tout changement pertinent;
  • les caractéristiques et l'importance du bruit ou des vibrations;
  • les mesures ou études pertinentes sur le bruit et les vibrations;
  • la présence de bruits environnants autres que ceux émanant de l'exploitation ferroviaire, tels que le bruit d'une autoroute;
  • les répercussions, sur les personnes touchées, des perturbations causées par le bruit ou les vibrations;
  • les normes pertinentes pour évaluer l'importance des effets du niveau de bruit et de vibrations;
  • les méthodes et technologies de mitigation faisables d'un point de vue opérationnel et économique;
  • les efforts d’atténuation déployés par les parties;
  • d'autres questions liées à la plainte, le cas échéant.

Selon le cadre de réglementation et la politique nationale des transports énoncée à l’article 5 de la LTC, il est manifeste qu’en réalisant son mandat en vertu de l’article 95.3, l’Office doit équilibrer les intérêts des parties. Les compagnies de chemin de fer et les administrations de transport urbain, d’une part, mènent des activités qui causent nécessairement du bruit et des vibrations et qui doivent correspondre aux diverses obligations en matière de niveau de service et aux divers besoins en matière d’exploitation, et doivent maintenir un « système de transport national compétitif et rentable qui répond aux besoins de ses usagers et satisfait au bien-être des Canadiens et favorise la compétitivité et la croissance économique dans les régions rurales et urbaines partout au Canada ». Toutefois, d’autre part, les intérêts des collectivités touchées par ce bruit et ces vibrations doivent être pris en compte par les compagnies de chemin de fer et les administrations de transport urbain, qui doivent déterminer la meilleure façon de mener les activités tout en respectant leurs obligations en vertu de l’article 95.1.

Analyse

Dans ce cas-ci, ce sont le bruit et les vibrations causés par les activités de réparation des locomotives de CP menées au LRC de la gare de triage Alyth qui font l’objet de la plainte. Les problèmes soulevés par les plaignants sont le bruit causé par la marche au ralenti des locomotives sur n’importe quelle voie du LRC et le bruit causé par les essais de charge à l’arrivée et au départ effectués par CP à l’extérieur, qui nécessitent le fonctionnement des moteurs à pleine puissance pendant de longues périodes. Aucune allégation ni preuve n’a été présentée en ce qui concerne les autres sources de bruit possibles ou les autres activités émanant de la gare de triage Alyth.

En outre, l’allégation des plaignants relative à l’inobservation de l’article 95.1 de la LTC par CP se rapporte au changement des opérations découlant de la décision de l’entreprise de regrouper les opérations de réparation de locomotives de son réseau. En fait, les plaignants ont clairement indiqué qu’avant 2009, ils n’entendaient pas le bruit des essais de moteurs poussés à pleine puissance.

Par conséquent, la question à trancher dans ce cas-ci est la suivante : CP limite-t-il encore le bruit et les vibrations à un niveau raisonnable, malgré l’augmentation de la marche au ralenti et des essais de charge associés aux activités centralisées menées au LRC de la gare de triage Alyth depuis 2009?

La preuve montre une augmentation du nombre de locomotives entretenues à la gare de triage depuis 2009, rendue possible par les améliorations apportées à l’immeuble du LRC et par la construction de l’installation d’inspection des paliers de suspension. Cette capacité de réparation additionnelle au LRC a fait passer le nombre des locomotives pouvant être réparées en une seule journée de 15 en 2007 à 25 en 2011. CP affirme qu’après le regroupement, un autre quart de travail a été ajouté pour permettre au LRC d’être exploité en tout temps.

Pour donner suite aux préoccupations soulevées par la collectivité, CP a pris des mesures visant à atténuer l’effet du bruit et des vibrations causés par ses activités de réparation. CP a transféré ses essais de charge au départ derrière le LRC, se proposant d’utiliser le centre comme ouvrage antibruit. En outre, CP a modifié ses affectations de réparation de locomotive afin de déplacer les anciennes locomotives Gen 1 hors de la gare de triage Alyth et de les remplacer par les nouvelles locomotives Gen 2, lesquelles, selon CP, nécessitent un processus plus silencieux.

CP a également pris d’autres mesures qui peuvent réduire l’effet du bruit et des vibrations sur les plaignants. CP a appliqué la technologie « Expert on Alert », dans le cadre d’un projet pilote. Sans cette technologie, le nombre d’essais de charge à l’arrivée effectués à la gare de triage Alyth serait beaucoup plus élevé car selon CP, la technologie réduit le nombre d’essais de charge à l’arrivée effectués de 70 à 80 %. De plus, CP a effectué des essais de charge à l’arrivée occasionnels sur les voies N-18 et N‑19 situés près du sanctuaire d’oiseaux, lequel se trouve à environ 1,5 mille des résidences des plaignants. Cependant, ces mesures n’ont fait que réduire le nombre des essais de charge effectués tout près du LRC et n’ont aucune incidence sur le niveau de bruit et de vibrations des essais de charge à l’arrivée, qui sont toujours exécutés près du LRC. En outre, CP n’a présenté aucune information relative à son engagement ferme à l’égard de l’utilisation permanente de la technologie « Expert on Alert ». Malgré ces mesures, le bruit et les vibrations demeurent un problème pour les plaignants.

L’Office constate que la preuve au dossier n’indique aucune distinction précise dans la façon dont les opérations de réparation menées à la gare de triage Alyth ont changé depuis le regroupement des activités de réparation en 2009. Les mesures de réduction du bruit appliquées par CP, dont l’utilisation de la technologie « de démarrage intelligent », sont antérieures au regroupement. Les essais de charge à l’arrivée et au départ sont toujours effectués à l’extérieur et les locomotives continuent de fonctionner au ralenti sur les voies du LRC, jusqu’à leur réaffectation. Cependant, aucune preuve n’indique que la durée des essais de charge ou de la marche au ralenti a augmenté ou diminué et aucune preuve ne démontre que les moteurs de locomotive sont plus bruyants qu’ils ne l’étaient avant 2009.

Pour cette raison, l’Office détermine que tout bruit déraisonnable qu’il puisse y avoir ne peut être attribuable qu’à l’augmentation du nombre des essais de charge (essais de charge à l’arrivée et au départ), à la marche au ralenti des locomotives et à l’ordonnancement des essais de charge et de la marche au ralenti découlant du regroupement de 2009.

Dans la décision no 35-R-2012, l’Office a établi le cadre analytique permettant de décider si une compagnie de chemin de fer respecte ses obligations en matière de bruit et de vibrations. En faisant un parallèle avec la jurisprudence des tribunaux civils en matière de droit sur les nuisances, l’Office a déterminé que la première étape consiste à déterminer si un bruit ou des vibrations constituent une atteinte réelle au confort ordinaire ou à la commodité de la vie, selon les normes d’une personne moyenne (atteinte réelle). Si c’est le cas, l’Office doit équilibrer le bruit ou les vibrations en fonction des critères établis à l’article 95.1 de la LTC afin de déterminer si, dans ce contexte, le bruit ou les vibrations sont raisonnables. Des mesures correctives ne peuvent être ordonnées que si l’Office conclut, après cet exercice, que le bruit ou les vibrations ne sont pas raisonnables. En examinant si une atteinte réelle a été causée dans ce cas-ci, l’Office a tenu compte de la nature, de la durée et de la fréquence du bruit/des vibrations. Dans cette décision, l’Office a également reconnu que le bruit et les vibrations pendant la nuit peuvent causer un degré plus élevé de perturbation chez les personnes pendant la journée.

Dans le cas présent, la preuve au dossier indique qu’en raison du regroupement, CP a considérablement augmenté le nombre de locomotives affectées à la gare de triage pour entretien entre 2007 et 2012. Entre 2007 et 2009, 191 à 227 locomotives étaient affectées à la gare de triage chaque année. Entre 2009 et 2012, le nombre de locomotives affectées à la gare de triage est passé à 442, ce qui exclut les locomotives qui n’étaient pas précisément affectées à la gare de triage en prévision d’un entretien régulier, mais qui nécessitaient des travaux de réparation pendant qu’elles se trouvaient dans la zone du LRC de la gare de triage Alyth. La preuve montre qu’entre 2009 et 2012, CP a plus que doublé le nombre de locomotives fonctionnant au ralenti et d’essais de charge au cours d’une période de 24 heures.

Dans le procès-verbal de la réunion des 19 et 20 mars 2012, CP affirmait qu’il peut y avoir jusqu’à 25 essais de charge par jour et que, selon la demande, la moitié des essais peuvent se dérouler la nuit. Cela représente environ un essai de charge par heure pendant toute la nuit. En outre, le procès-verbal de la réunion indique que des locomotives fonctionnent régulièrement au ralenti, en tout temps. CP affirme qu’à tout moment, le nombre total des locomotives fonctionnant au ralenti en attente d’une réparation ou d’une affectation peut être supérieur à 30.

La preuve montre que le volume et la fréquence des essais de charge et des activités associées à la marche au ralenti sont importants et que l’ordonnancement des essais est irrégulier et fondé exclusivement sur les besoins opérationnels. Les essais de charge et la marche au ralenti peuvent se dérouler en tout temps et le fait que les activités se déroulent de jour ou de nuit n’est pas un facteur pris en compte dans l’ordonnancement des essais de charge ou de la marche au ralenti des locomotives.

La Méthodologie à laquelle on renvoie dans la présentation de CP a été préparée et élaborée par l’Office, conjointement avec les principaux intervenants de l’industrie, dont des représentants de CP, afin de guider les compagnies de chemin de fer, les citoyens ou les municipalités dans leur détermination du niveau sonore, pour les besoins des procédures de l’Office. Afin d’évaluer l’incidence des activités associées aux locomotives lorsqu’aucune donnée sur le bruit n’est connue, l’Office établit qu’il convient d’appliquer la méthodologie pour estimer les niveaux de bruit potentiels dans les résidences.

Dans la Méthodologie, un ensemble de principes de base simples ont été établis pour estimer les niveaux de bruit. Dans la section de la Méthodologie portant sur le bruit causé par la marche au ralenti des locomotives, l’annexe A décrit certains facteurs de base à prendre en compte dans le cadre d’une analyse simplifiée permettant d’évaluer les niveaux de bruit. Parmi ces facteurs de base, on trouve l’ajout de bruit provenant de nombreuses sources, le niveau sonore des locomotives et sa réduction selon la distance, et les facteurs correctifs liés au temps et aux obstacles. En outre, le tableau 2 de la page 5 a été respecté pour l’ajout des décibels. Voici une description de ces facteurs de base et de la façon dont l’Office les a utilisés pour estimer le niveau de bruit.

Dans ses présentations, CP a déclaré qu’elle procède à des essais de charge conformément aux normes de l’industrie et que les opérations ferroviaires correspondent aux normes ou aux paramètres d’exploitation établis par l’industrie. Dans les plaidoiries du CP du 19 septembre 2011, la pièce 10 renvoyait au United States Code of Federal Regulations (CFR): CFR Title 40 – Protection of Environment, Part 201.11 Noise Emission Standards for Transportation Equipment (CFR, titre 40 – Protection de l’environnement, partie 201.11, Normes d'émission de bruit pour le matériel de transport), applicable à l’exploitation des locomotives dans des conditions stationnaires. Le CFR est la codification des règles et des règlements généraux et permanents du gouvernement des États-Unis. La norme établie dans le CFR indique que le niveau maximal de pression acoustique pour les locomotives fabriquées après le 31 décembre 1979 ne doit pas excéder 87 dBA à n’importe quel régime, sauf au ralenti lorsque la locomotive est reliée à une cellule de mesure, ou 70 dBA au ralenti. Les deux niveaux sonores sont établis à partir d’un récepteur situé à 30 mètres (100 pieds) de la locomotive.

En supposant que les moteurs de CP fonctionnent dans les limites de la norme du CFR, le son produit par le fonctionnement des locomotives à pleine puissance pendant l’entretien au LRC de la gare de triage Alyth pourrait produire un niveau de décibels maximal de 87 dBA à 30 mètres. En outre, chaque locomotive fonctionnant au ralenti en attente pourrait produire jusqu’à 70 dBA à 30 mètres. Si on tient compte des facteurs correctifs pour de nombreuses locomotives et du tableau 2 de la Méthodologie, les niveaux sonores attribuables au fonctionnement au ralenti pourraient passer de 70 dBA à 85 dBA à 30 mètres. Lorsqu’on combine les deux activités liées aux locomotives (un essai de charge de locomotive produisant 87 dBA et le fonctionnement au ralenti de nombreuses locomotives produisant 85 dBA) en utilisant le tableau 2 de la Méthodologie, le niveau sonore combiné total est estimé à 89 dBA à 30 mètres.

En ce qui concerne la réduction du bruit selon la distance, même si les deux parties ont accepté le fait que la résidence la plus proche de la gare de triage se trouve à moins de 60 mètres, l’Office fait remarquer que d’après le procès-verbal de la réunion des 19 et 20 mars 2012, les activités associées au LRC ne se limitent pas à un emplacement particulier; elles se déroulent plutôt autour de la zone générale comprenant l’immeuble du LRC. À la lumière de l’examen de la pièce 2 tirée de la présentation de CP du 19 septembre 2011 et de la photographie aérienne fournie par CP dans le procès-verbal de la réunion des 19 et 20 mars 2012, on suppose que le centre géométrique approximatif des activités du LRC se trouve au centre de l’immeuble du LRC. Selon les mesures, le centre de l’immeuble du LRC par rapport à la résidence la plus proche se trouve à moins de 200 mètres. Comme la norme du CFR établit des niveaux maximaux de pression acoustique à 30 mètres, le facteur de réduction du bruit selon la distance à appliquer se situerait entre 30 et 200 mètres.

Selon le tableau Niveau sonore de référence d’une locomotive fonctionnant au ralenti de l’annexe A de la Méthodologie, la réduction du bruit entre 30 mètres et 200 mètres est évaluée à 21 dBA. Afin d’estimer les niveaux sonores à 200 mètres, la même réduction du bruit peut être appliquée au niveau sonore combiné estimé ci-dessus. Par conséquent, le niveau sonore combiné de 89 dBA à 30 mètres devrait réduire le bruit à 68 dBA à 200 mètres. Ce niveau sonore estimé ne comprend pas les facteurs correctifs spéciaux pour les caractéristiques du son, comme le note la Méthodologie, pour prendre en compte les effets de basse fréquence possibles ou les résonances d’immeuble aux résidences, qui peuvent causer une plus grande perturbation. Les facteurs correctifs pour les caractéristiques du son, s’il y a lieu et selon les indications contenues dans la Méthodologie, peuvent être ajoutés au niveau sonore total pour représenter la plus grande perturbation causée par un son unique.

Comme ces essais de charge durent entre 20 et 60 minutes, le bruit des moteurs de locomotive produit par les essais peut parfois être continu, pendant de longues parties de la nuit. Par conséquent, aucun facteur correctif pour le temps n’a été appliqué. En outre, aucun rajustement pour les obstacles n’a été intégré, car les plaignants ont souligné que l’immeuble du LRC ne constitue pas une protection physique de façon permanente.

CP affirme que les niveaux de bruit de fond atteints dans la région d’Inglewood se situent entre ceux d’un quartier « urbain résidentiel » et ceux d’un quartier « urbain résidentiel bruyant ». Selon la Méthodologie de l’Office, ces zones présentent des niveaux sonores de référence se situant entre 60 et 65 dBA le jour et entre 50 et 55 dBA la nuit.

Si les niveaux de bruit de fond auxquels renvoie CP selon la Méthodologie de l’Office sont estimés entre 50 et 55 dBA pendant la nuit et si les activités liées aux locomotives, surtout le fonctionnement au ralenti et les essais de charge, peuvent atteindre un niveau de 68 dBA, la différence entre les niveaux sonores peut atteindre 18 dBA.

L’Office fait remarquer que les lignes directrices sur le voisinage présentées par les plaignants, dont CP a participé à l’élaboration, indiquent que dans le cas des agrandissements importants d’installations ferroviaires déjà en place effectués à proximité de terrains résidentiels, des mesures d’atténuation doivent être envisagées lorsqu’on prévoit que les niveaux sonores excéderont le bruit ambiant de 5 dBA ou plus. Du point de vue de l’Office, cette recommandation, dans de nombreux cas, indique que le niveau sonore supérieur au niveau de référence excédentaire à 5 dBA peut avoir des effets sur les résidants. Par voie de conséquence nécessaire, plus le niveau sonore dépasse ce seuil, plus l’effet sur les résidants est important. Par conséquent, l’Office considère que les niveaux sonores considérablement supérieurs au bruit ambiant peuvent augmenter la perturbation et avoir une incidence sur le sommeil et les communications, ce qui peut avoir des effets négatifs sur la santé, qui sont décrits dans la Méthodologie de l’Office. En outre, l’Office considère que le bruit produit la nuit lorsque les niveaux de bruit de fond sont au plus bas (et lorsque les gens sont généralement plus sensibles au bruit) est moins acceptable que le bruit entendu pendant la journée. Cette conclusion correspond à la décision no 220-R-2012, Marysville CN Expansion Community Group c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, et à la décision no 35‑R‑2012, André Normandeau et Tammy Tymchuk c. CP, dans lesquels l’Office a reconnu comme principe que le bruit produit la nuit peut être plus déplaisant que le bruit produit le jour.

Les plaignants affirment que le bruit et les vibrations provenant de la gare de triage Alyth ne leur posaient pas de problème avant le regroupement. En raison du regroupement au LRC, ils sont privés de sommeil parce qu’ils sont réveillés nuit après nuit, ils ont des maux de tête attribuables au bruit constant et aux vibrations, ils souffrent d’anxiété et ont des crises de panique, et ont perdu toute joie de demeurer dans leur maison.

CP a soutenu que « les résidants seraient tenus de prendre des mesures pour réduire le bruit, ce qu’ils ont omis de faire ». Bien que l’Office puisse considérer que cela constitue un facteur dans les cas où le bruit peut effectivement être réduit par les résidants, aucune obligation de ce genre n’est imposée dans la LTC. Parallèlement à cela, la compagnie de chemin de fer a une obligation positive permanente, en vertu de l’article 95.1 de la LTC, de limiter le bruit et les vibrations à un niveau raisonnable en tenant compte de ses exigences en matière de niveau de service, de ses besoins en matière d’exploitation et du lieu où se déroule la construction ou l’exploitation. L’infirmation de l’obligation alléguée par CP aurait pour effet d’annuler le recours créé par le Parlement.

À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que la preuve au dossier indique que les plaignants peuvent être sujets au bruit des moteurs des locomotives à des niveaux de décibels élevés et que ce bruit est fréquent et de longue durée. En outre, environ 50 % du bruit est produit la nuit, période au cours de laquelle les gens sont plus sensibles au bruit. L’Office conclut que l’effet cumulatif du bruit causé par l’augmentation des essais de charge et du fonctionnement au ralenti attribuable au regroupement des activités de réparation de CP en 2009 peut constituer une atteinte réelle au confort ordinaire et à la commodité de la vie des plaignants, même malgré les mesures prises par CP pour réduire le bruit au LRC de la gare de triage Alyth.

En outre, selon les présentations et la preuve de CP, la décision de l’entreprise de regrouper ses activités de réparation, qui a fait augmenter le nombre des opérations de réparation, ne semble s’appuyer que sur des questions de sécurité et d’efficacité. Aucune preuve n’a été produite pour indiquer qu’avant d’appliquer sa décision de créer une installation de réparation majeure à la gare de triage et d’augmenter le volume de ses opérations de réparation, CP a examiné l’incidence que cela aurait sur la collectivité. À la lumière de ces faits, l’Office conclut qu’en fonction des critères décrits à l’article 95.1 de la LTC et de la zone locale, il est possible que le bruit accru causé par les essais de charge et les activités de fonctionnement au ralenti menés au LRC de la gare de triage Alyth depuis le regroupement de 2009 soit déraisonnable.

Ordre de justifier

Avant de prendre une décision finale relativement à la plainte, l’Office ordonne à CP de justifier pourquoi l’OTC ne devrait pas conclure que l’effet cumulatif du bruit causé par l’augmentation des essais de charge et des opérations de fonctionnement au ralenti attribuable aux activités de réparation de CP constitue une atteinte réelle au confort ordinaire ou à la commodité de la vie d’une personne moyenne et qu’en fonction des critères décrits à l’article 95.1 de la LTC, le bruit accru causé par les essais de charge et les activités de fonctionnement au ralenti menés au LRC de la gare de triage Alyth depuis 2009 est déraisonnable. À moins que CP présente des données indiquant les niveaux de bruit réels, l’Office pourrait utiliser les estimations du niveau de bruit établies dans la présente justification pour prendre sa décision finale relativement à la plainte.

L’OTC ordonne également à CP de justifier les raisons pour lesquelles l’Office ne devrait pas exiger que l’entreprise prenne des mesures correctives à la source ou des mesures d’atténuation pour empêcher la propagation du bruit dans les parties touchées, ce qui comprend, sans s’y limiter, des mesures limitant le volume des opérations ou visant l’emplacement des opérations, les heures d’exploitation, les procédures d’exploitation et les ouvrages antibruit.

CP est tenu de répondre à l’ordre susmentionné d’ici au 5 novembre 2012. L’Office offre aux plaignants, jusqu’au 15 novembre 2012, la possibilité de présenter des commentaires définitifs sur la présentation de CP. Par la suite, l’Office évaluera l’information et prendra sa décision finale à l’égard de cette question, en vertu de l’article 95.3 de la LTC.

Si vous avez des questions relativement à la présente affaire, vous pouvez communiquer avec Stephan Coqueux par téléphone, au 819-997-7702, par télécopieur, au 819-953-5564, ou par courriel, à stephan.coqueux@otc-cta.gc.ca.

Membre(s)

J. Mark MacKeigan
Raymon J. Kaduck
Date de modification :