ANNEXE B DE LA DÉCISION No 425-R-2011

Synthèse des questions de méthodologie soulevées dans l'examen de la méthode utilisée par l'Office des transports du Canada pour déterminer le coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées

1.0 Introduction

[1] Ce document constitue un recueil sommaire des informations dont s'est servi l'Office des transports du Canada (Office) pour examiner les questions entourant la méthodologie qu'il utilisera dans le cadre de son mandat législatif pour déterminer le coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées, et sert de toile de fond à l'analyse, aux conclusions et aux décisions de l'Office dans le dossier de l'examen de la méthode d'établissement du coût du capital.

[2] Il comprend les énoncés des questions soulevées lors du processus d'examen et de consultation, suivis chacun d'une section sur le contexte et la pertinence de ces questions, ainsi qu'un résumé des exposés des participants sur chacune des questions soulevées, une description des pratiques des autres organismes de réglementation, et des extraits du rapport Brattle, le cas échéant.

1.1 Coût du capital - Généralités

[3] Le coût du capital est défini comme une estimation du rendement global sur l'investissement net requis par les porteurs de titres de créance et les actionnaires pour que les coûts liés à la dette puissent être acquittés et que les investisseurs puissent obtenir un rendement du capital investi correspondant aux risques assuméspour la période considérée.

[4] Il y a plusieurs façons de déterminer le coût du capital, aucune d'entre elles n'étant réputée parfaitement juste. Selon le Brattle Group, « (…) il faut reconnaître que l'estimation du coût du capital continue de relever de l'art autant que de la science »[1]. En effet, à chaque étape du calcul, chaque paramètre peut varier selon l'objet de l'établissement du coût du capital. Par exemple, un investisseur pourrait se servir de la valeur marchande pour déterminer la structure du capital ou le coût des capitaux empruntés d'une entreprise en vue de calculer un taux de rendement (coût du capital) qui corresponde parfaitement au coût d'option. Dans ce cas particulier, le problème est de savoir si le fait d'acheter, de vendre ou de détenir une action au prix du marché concorde, à un moment donné, avec les attentes d'un investisseur particulier à l'égard des risques ou des gains. Par ailleurs, un organisme de réglementation pourrait choisir d'évaluer les mêmes paramètres selon leur valeur comptable pour différentes raisons, dont celle voulant que l'on prévoie une rémunération juste et raisonnable des investissements que fait la partie réglementée et celle voulant que l'on maintienne les taux stables.

[5] Le coût du capital est habituellement établi sur la base du coût moyen pondéré du capital (CMPC) avant ou après impôt, suivant l'application qu'on en fait. On calcule le CMPC d'une entité en déterminant le coût de chaque moyen de financement (emprunts et capitaux propres) et en utilisant comme pondérations les proportions respectives de chaque moyen de financement dans la structure financière de l'entité. Parmi ces opérations, l'estimation du coût des capitaux propres est celle qui prête le plus à controverse, ce coût étant moins directement observable que le coût des emprunts. Il n'en reste pas moins que dans toutes les pratiques réglementaires, le coût des capitaux propres est toujours établi en fonction des attentes. Autrement dit, dans la réalité, il peut arriver que le marché des titres de capitaux propres donne des rendements négatifs à un moment quelconque. Pourtant, les organismes de réglementation n'établiront jamais un taux de rendement du capital négatif pour une période donnée même si on s'attend à des rendements négatifs durant la période où s'appliquera le taux. La réciproque de cette affirmation est également vraie : les organismes de réglementation ne tenteront pas de reproduire les taux de rendement extrêmement élevés que l'on peut observer parfois sur le marché des titres de capitaux propres à un moment donné. Au cœur des pratiques réglementaires réside le principe d'un rendement des capitaux propres stable à long terme.

[6] Les deux méthodes d'estimation du coût des capitaux propres – actions ordinaires les plus couramment utilisées sont le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) et le modèle de l'actualisation des flux monétaires (modèle DCF – discounted cash flow). La première méthode permet d'estimer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires en comparant le rendement et le profil de risque des actions d'une entreprise à la moyenne du marché. Pour n'importe quel titre donné, elle classe les risques en deux catégories : i) ceux qui peuvent être diversifiés (et pour lesquels l'investisseur n'est pas indemnisé) et ii) les risques systématiques que le petit actionnaire est incapable de diversifier (et pour lesquels l'investisseur est indemnisé).

[7] Le taux de rendement établi à l'aide du MEDAF repose sur trois éléments :

[8] Le modèle DCF permet d'établir le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires qui reflète le taux d'intérêt qui met à égalité la valeur actualisée des flux monétaires que les investisseurs s'attendent à recevoir de l'entreprise durant son exploitation, au prix que les investisseurs sont disposés à payer pour les titres de participation de l'entreprise.

[9] Par ailleurs, les organismes de réglementation utiliseront parfois des variantes du modèle de la prime de risque sur capitaux propres (modèle ERP ? equity risk premium). Ce modèle repose sur le principe selon lequel un investissement en actions ordinaires comporte plus de risques qu'un investissement sous forme de titres de créance, d'actions privilégiées ou de titres d'État et doit donc produire un taux de rendement plus élevé que ces autres formes d'investissement, c'est-à-dire être assorti d'une prime. Ainsi, les modèles ERP permettent de déterminer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires d'une entité en évaluant la rémunération qu'exigent les investisseurs en contrepartie du risque auquel ils s'exposent par comparaison avec le rendement tiré des autres formes de placement moins risquées.

[10] On peut aussi estimer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires à l'aide de la méthode fondée sur les bénéfices comparables. Cette méthode consiste à former un échantillon de sociétés présentant un risque équivalent, à calculer le rendement moyen des capitaux propres de ces sociétés ? évalués selon leur valeur comptable ? sur une période convenable, et à corriger le résultat dans le cas où des différences de niveau de risque seraient observées entre la société étudiée et l'échantillon de sociétés comparables. Il faut donc déterminer quelles sociétés formeront le groupe de référence, quelle période sera retenue pour le calcul du rendement des capitaux propres et quel type de rajustement sera effectué pour tenir compte des différences de niveau de risque.

1.2 Application de la réglementation et évolution de la méthodologie de l'Office

[11] L'Office est appelé à établir le coût du capital dans trois cas en vertu de la réglementation : i) pour déterminer le revenu admissible maximal (plafond de revenu) que les compagnies de chemin de fer peuvent encaisser pour le transport du grain de l'Ouest, ii) pour déterminer les prix d'interconnexion du trafic, et iii) pour établir des coûts aux fins de la réglementation. Les prix établis pour le transport du grain de l'Ouest et pour l'interconnexion sont des prix prospectifs, c'est-à-dire qu'ils tendent à refléter ce que sera le coût du capital dans environ un an, tandis que les prix établis à d'autres fins réglementaires sont rétrospectifs, c'est-à-dire qu'ils reflètent le coût du capital d'il y a un an. Le calcul des prix d'interconnexion et les calculs effectués pour d'autres besoins de réglementation s'inspirent fortement du modèle de calcul des coûts de l'Office, qui évalue les actifs des compagnies de chemin de fer selon la valeur comptable.

[12] La méthode utilisée actuellement par l'Office pour déterminer le coût du capital comporte quatre étapes. Le principe de base de cette méthode consiste à mettre en équation les investissements nets des compagnies de chemin de fer et la structure du capital de ces compagnies. Cette équation fournit ensuite la justification théorique de l'application du coût du capital de la compagnie à ses actifs ferroviaires, conformément au modèle de prévision des coûts.

[13] L'Office en est arrivé à la méthode de calcul actuelle à la suite d'importantes décisions relatives au coût du capital mises en œuvre en 1985, 1997 et 2004. La décision de 1985 a été le résultat d'un examen en profondeur, y compris par des audiences publiques, qui a permis de développer une méthodologie qui, dans une large mesure, est encore en usage aujourd'hui. La décision de 1997 est survenue après que l'Office ait reconnu la nécessité de revoir la décision de 1985 en raison de la promulgation de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) et de la tournure des événements dans le secteur ferrroviaire, c'est-à-dire la privatisation de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et l'intention déclarée de Canadien Pacifique Limitée de se réorganiser et de faire inscrire des titres à la bourse pour ses actifs ferroviaires dans la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique.

[14] Le 1er août 2000, le projet de loi C-34 proposait des modifications à la LTC qui allaient avoir des répercussions sur le mandat de l'Office, notamment en changeant la manière dont les estimations du coût du capital étaient appliquées, plus particulièrement en ce qui concerne le transport du grain de l'Ouest; toutefois, la méthode employée pour calculer ces estimations demeurait dans la ligne de celles mises de l'avant dans les décisions de 1985 et de c1997. Quant à la décision de 2004, elle a été l'aboutissement d'un dialogue avec les parties intéressées, qui ont discuté de certaines questions soulevées régulièrement par les compagnies de chemin de fer concernant l'estimation, par l'Office, du coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires.

[15] Les décisions de 1997 et de 2004 n'ont pas entraîné de modifications majeures à la méthode de calcul du coût du capital; elles ont plutôt réexaminé et confirmé les conclusions de la décision de 1985 et, dans certains cas, explicité ces conclusions.

1.3 Examen de la méthodologie de l'Office

[16] L'examen qui a cours actuellement s'est déroulé en deux phases : une phase d'étude et une phase d'audiences. Dans la première phase, le Brattle Group, un cabinet d'experts-conseils indépendant engagé par l'Office, a passé en revue les méthodes d'établissement du coût du capital qui ont cours actuellement, ainsi que les principes sous-jacents, et il a examiné la méthode qu'utilise présentement l'Office, de même que les méthodes utilisées par d'autres organismes de réglementation économique. Cette étape a mené à la rédaction du rapport Brattle, dans lequel on a défini et examiné toute une série de modèles ou méthodes d'estimation du coût du capital actuellement en usage. Le rapport comprend une analyse des points forts et des points faibles de ces modèles, ainsi qu'une évaluation de toutes les questions et implications liées à la mise en œuvre de tels modèles.

[17] Dans la seconde phase, l'Office a engagé un processus de consultations auprès d'un grand nombre de participants de l'industrie afin de discuter de certaines questions récurrentes qu'il avait relevées; pour ce faire, il a mis à la disposition des intervenants un document de consultation et a établi un calendrier d'audiences. Ainsi, les parties intéressées ont eu l'occasion d'exprimer leur point de vue sur ces questions et sur d'autres qu'elles jugeaient pertinentes au regard de cet examen, et de répondre aux opinions émises par les autres parties.

[18] Le présent document expose sommairement les questions sur lesquelles s'est penché l'Office durant son examen des méthodes d'établissement du coût du capital, les positions des parties (en intégrant les opinions de leurs experts respectifs sans nécessairement identifier ces derniers), l'analyse du Brattle Group et les pratiques des autres organismes de réglementation.

[19] La liste des intervenants dont les observations sont résumées dans le présent document est la suivante :

[20] On peut consulter sur le site Web de l'Office le texte intégral des mémoires des intervenants dans la langue où ils ont été rédigés et on peut obtenir, sur demande, une copie du rapport Brattle dans sa version intégrale en français ou en anglais.

2.0 LES Pondérations de la structure du capital – valeur comptable ou valeur marchande

Question : L'Office devrait-il utiliser la valeur comptable ou la valeur marchande lorsqu'il détermine les pondérations relatives de la dette à long terme et des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires dans la structure du capital des compagnies de chemin de fer?

2.1 Contexte et pertinence

[21] La structure du capital d'une société se définit comme la combinaison des différents types de capitaux qu'une société utilise pour financer ses actifs. En termes génériques, le financement peut être accompli grâce à l'emprunt ou à l'émission de titres d'emprunt, à l'impôt reporté et aux capitaux propres. La structure du capital révèle la proportion que représente chacun de ces modes de financement et repose sur le principe selon lequel une entreprise ne peut posséder un actif que si elle en a tout d'abord financé l'acquisition au moyen d'un emprunt ou des capitaux propres.

[22] La structure du capital est un élément important dans l'établissement du coût du capital. Chaque mode de financement a un coût qui correspond à son profil de risque. On pondère ce coût par la proportion que représente le mode de financement correspondant dans la structure du capital et on fait la somme de ces coûts pondérés pour obtenir le taux du coût du capital, ou le coût moyen pondéré du capital (CMPC), exprimé en pourcentage, comme l'indique l'équation qui suit :

Coût moyen pondéré du capital = WDCD + WCPCCP + WICI

WDCD est le produit de la pondération des capitaux empruntés par le coût de ces capitaux, WCPCCP, le produit de la pondération des capitaux propres par le coût de ces capitaux et WICI, le produit de la pondération de l'impôt reporté par le coût de l'impôt reporté.

[23] Si l'on multiplie le taux ainsi calculé par la valeur des actifs (valeur comptable nette ou valeur marchande), on obtient le coût du capital exprimé en dollars.

[24] Il est clair que le taux du coût du capital dépend non seulement du coût des composantes de la structure du capital, mais aussi du poids relatif de ces composantes.

[25] En cas de liquidation, les droits des créanciers ont préséance sur ceux des actionnaires. De plus, contrairement aux actionnaires, les créanciers se voient garantir le versement de paiements fixes par l'entreprise débitrice et détiennent un droit de premier rang sur les liquidités disponibles. C'est pourquoi les actionnaires exigent un taux de rendement des capitaux propres plus élevé dès que des capitaux empruntés figurent dans la structure du capital.

[26] La Figure 1, inspirée des propositions I et II de Modigliani et Miller [2], montre que le coût des capitaux propres augmente à mesure que s'accroît le ratio d'endettement à cause des risques que suppose l'augmentation du poids relatif des emprunts dans la structure du capital.

Figure 1 : Coût du capital et ratio d'endettement

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[27] Par ailleurs, le CMPC diminue jusqu'à ce que le ratio d'endettement atteigne un certain niveau, au delà duquel le CMPC se met à augmenter. La valeur du ratio d'endettement au delà de laquelle le CMPC ne diminue plus correspond à ce que l'on appelle la structure du capital optimale.

[28] Lorsque le niveau d'endettement est faible, l'avantage fiscal de l'endettement est supérieur aux coûts liés à la dette (difficultés financières et faillite). Toutefois, lorsque le ratio d'endettement excède le niveau correspondant à la structure financière optimale, les coûts liés à la dette tendent à annuler l'avantage fiscal de l'endettement (théorie de l'arbitrage), ce qui fait augmenter le CMPC.

[29] Si la dette de la société augmente, le risque de défaillance grossit et la société doit verser un taux d'intérêt plus élevé aux détenteurs d'obligations. Si la société emprunte encore davantage, le rythme d'accroissement du rendement attendu des capitaux propres va commencer à fléchir, en raison du fait que les détenteurs de titres de créance risqués supportent eux aussi une partie du risque d'entreprise. Plus la société empruntera, plus grande sera la part du risque commercial supportée par les obligataires comparativement aux actionnaires.

[30] Pour réaliser ses objectifs réglementaires, l'Office ne tient compte actuellement que de la part de l'actif de la compagnie de chemin de fer qui sert à offrir des services de transport ferroviaire régis par l'Office, selon ce qu'indiquent les livres de la compagnie. En conséquence, la valeur de l'actif ou de l'investissement net utilisée pour déterminer le coût du capital représente la valeur comptable de l'actif de la compagnie de chemin de fer qui se rapporte au domaine ferroviaire au Canada (diminuée des amortissements cumulés et augmentée d'un montant pour le fonds de roulement).

[31] Les trois moyens de financement accessibles aux compagnies de chemin de fer et pris en compte dans la méthodologie de l'Office sont la dette à long terme, l'impôt reporté et les capitaux propres – actions ordinaires. La dette à long terme comprend les effets à payer à long terme et les obligations découlant de contrats de location-acquisition. Le second groupe comprend les impôts reportés, les crédits d'impôt à l'investissement et les charges de rationalisation différées. Enfin, les capitaux propres sont la somme des éléments suivants : capital-actions, surplus d'apport, bénéfices non répartis et investissement net en actif se rapportant au domaine ferroviaire[3].

[32] Pour déterminer les pondérations relatives de chaque mode de financement dans la structure du capital, l'Office met en adéquation la valeur comptable des actifs et la valeur comptable de la dette et des capitaux propres qui ont servi à financer ces actifs; cette méthode est axée sur le coût réel, ou coût d'acquisition, de l'actif. La somme des trois modes de financement qui composent la structure du capital est égale à l'investissement net en actif du domaine ferroviaire.

[33] Ces dernières années, l'une ou l'autre des compagnies de chemin de fer de classe 1, ou les deux, ont mis en question cette méthode fondée sur la valeur comptable, prônant plutôt l'utilisation d'une méthode axée sur la valeur marchande de la dette ou des capitaux propres pour calculer les pondérations relatives de chaque composante.

[34] La structure du capital à la valeur marchande dans sa version pure n'a que deux composantes : la dette et les capitaux propres, les passifs différés étant assimilés aux capitaux propres. On établit la valeur marchande de la dette en se fondant sur la valeur monétaire courante et le taux de rendement courant des titres de dette négociables et sur une variable de substitution quelconque, ou un modèle d'estimation, pour ce qui est des titres difficilement négociables étant donné l'absence de données sur les prix. Quant à la valeur marchande des capitaux propres, on la détermine en multipliant le cours de l'action par le nombre d'actions en circulation.

2.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[35] CP considère que l'Office devrait déterminer les pondérations relatives de la dette à long terme et des capitaux propres dans la structure du capital en se fondant sur la valeur du marché. Elle soutient que la pondération selon la valeur marchande cadre bien avec le MEDAF et le modèle DCF à périodes multiples, qui servent à estimer le coût des capitaux propres, car les paramètres clés de ces modèles sont exprimés selon leur valeur marchande. CP affirme en outre que la pondération fondée sur la valeur marchande éliminera la nécessité de reconnaître l'impôt reporté comme une composante à part entière de la structure du capital de CP, laissant ainsi supposer que les incidences économiques liées au report d'imposition se reflèteront dans la valeur marchande des capitaux propres.

[36] Pour défendre sa position, CP cite des sources qu'utilise Aswarth Damodaran, professeur de finance réputé, dans son ouvrage intitulé Damodaran on Valuation[4]. Ces sources abordent le coût du capital sous deux angles en particulier : premièrement, en faisant valoir que l'on peut acheter une entreprise aujourd'hui en mobilisant des capitaux - par emprunt et par actions - aux prix courants et deuxièmement, en présentant le coût du capital comme un instrument pour mesurer la valeur intrinsèque d'une entreprise, qui évolue dans le temps selon les nouvelles informations que l'on reçoit au sujet de l'entreprise et de l'économie en général.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[37] CN soutient que l'Office devrait se fonder sur la valeur marchande et les estimations de la valeur marchande pour déterminer les pondérations relatives de la dette à long terme et des capitaux propres – actions ordinaires dans la structure du capital. Elle est d'avis que la valeur comptable ne reflétera pas correctement le coût d'option des investisseurs si elle s'écarte de la valeur marchande.

[38] CN défend sa position en donnant un exemple d'une situation hypothétique qui repose sur une triple affirmation, à savoir i) qu'il existe un rapport direct entre la hausse de la valeur marchande des actifs d'une société et la hausse de la valeur marchande de ses capitaux propres, ii) qu'un investisseur peut liquider au prix du marché les avoirs qu'il détient dans une société et réinvestir son argent dans une autre société présentant un risque équivalent mais offrant un taux de rendement supérieur, et iii) que si une société était incapable d'égaler ce taux de rendement, elle liquiderait ses actifs et se réorienterait dans un autre secteur d'activité.

[39] CN ajoute que ce scénario illustre en outre l'importance d'utiliser la valeur marchande (coût de remplacement) pour l'évaluation des actifs. Elle est d'avis que l'utilisation de pondérations fondées sur la valeur marchande pour évaluer la structure du capital est pratique courante chez les sociétés, les conseillers financiers, les universités et les organismes de réglementation, qui, de même, utilisent, de façon plus limitée, la valeur marchande (coût de remplacement) pour évaluer les actifs.

Western Canadian Shippers' Coalition

[40] La WCSC affirme que la valeur comptable est la mesure appropriée pour déterminer la structure du capital. Selon elle, la valeur comptable est beaucoup plus stable que la valeur de marché, et l'utilisation de pondérations selon la valeur marchande accroîtrait considérablement la variabilité du coût moyen pondéré du capital.

[41] La WCSC parle de taux de rendement minimal plutôt que de coût d'option; elle indique en effet que l'objectif d'une entreprise d'augmenter autant que possible la valeur de ses actions ordinaires est lié à sa décision d'investir dans des projets qui procurent un rendement supérieur au taux de rendement minimal acceptable; plus le projet sera risqué, plus haut sera le taux de rendement exigé (c'est-à-dire le coût du capital du projet).

[42] La WCSC soutient que le prix que les investisseurs sont prêts à payer pour les actions ordinaires d'une société reflète le rendement exigé par ces investisseurs. Elle souligne que tant et aussi longtemps que le rendement des actions ordinaires de la société est égal au rendement exigé par les actionnaires, ceux-ci ne font ni plus de gain ni plus de perte; autrement dit, leurs attentes sont comblées. Par contre, lorsque le rendement des actions ordinaires est supérieur au rendement exigé, chaque dollar de financement additionnel accroît la valeur des actions en circulation.

[43] La WCSC affirme par ailleurs que lorsque les entreprises se procurent des fonds additionnels pour maintenir leur structure du capital à un niveau cible, elles se fondent sur la valeur comptable. Une entreprise n'utilisera pas la valeur marchande à cette fin, car elle ne sait pas avec certitude quelle est cette valeur. Comme on s'appuie sur la valeur comptable pour lever des fonds additionnels, on doit aussi utiliser des pondérations fondées sur la valeur comptable pour calculer le revenu nécessaire pour couvrir le coût d'investissement.

[44] La WCSC considère que cette approche - déterminer le coût du capital en appliquant des pondérations fondées sur la valeur comptable à l'investissement au coût historique – est largement acceptée dans les démarches réglementaires visant les compagnies de chemin de fer canadiennes, et elle a permis à ces compagnies de mobiliser les capitaux nécessaires pour répondre à la demande de services sans conséquences négatives pour les capitaux propres.

Canadian Canola Growers Association

[45] La CCGA précise que la méthode qu'utilise actuellement l'Office pour calculer les pondérations de la dette à long terme et des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires lui paraît raisonnable, bien qu'il semble que l'association croie, à tort, que l'Office utilise la valeur marchande dans le cas des capitaux propres.

[46] En ce qui a trait à l'utilisation de la valeur comptable pour évaluer la dette à long terme, la CCGA note que l'établissement de la valeur marchande des titres d'emprunt faisant l'objet de peu d'opérations de négociation nécessite une analyse approfondie en ce qui concerne la cote de crédit, la durée des titres d'emprunt et le taux d'intérêt nominal, ainsi qu'un ajustement pour tenir compte des facteurs réels ou perçus qui influent sur la compagnie de chemin de fer par rapport à ses pairs.

Coalition des expéditeurs par rail

[47] La CER recommande elle aussi l'utilisation de la valeur comptable. Pour ce faire, elle traite la question sous l'angle du ratio cours/valeur comptable (C/VC), où le cours correspond à la valeur marchande de l'action. Si une société réalise un juste rendement des nouveaux actifs, le ratio C/VC sera égal à un, puisque le cours sera encore égal à la valeur comptable. La CER affirme que l'idée selon laquelle chaque entité réglementée doit faire en sorte de maintenir la valeur marchande de ses actions au-dessus de leur valeur comptable est contradictoire, car elle suppose que chaque entité doit projeter de réaliser un rendement des nouveaux capitaux engagés supérieur au rendement exigé. Enfin, la CER considère que l'on peut juger du caractère raisonnable des estimations du coût des capitaux propres par un examen des ratios cours/valeur comptable.

Province de l'Alberta

[48] L'Alberta fait valoir que l'Office devrait continuer d'utiliser la valeur comptable – mesure plus transparente - pour évaluer la structure du capital. Elle évoque par ailleurs les difficultés que pose le calcul de la valeur marchande de la dette à long terme, et qui font en sorte que l'on recourt de toute façon à la valeur comptable, et elle remet en question la pertinence d'évaluer les capitaux propres – actions ordinaires selon leur valeur marchande.

Province du Manitoba

[49] Le Manitoba affirme que l'Office doit s'en tenir à la valeur comptable pour évaluer les composantes de la structure du capital. Comme la valeur de marché des capitaux propres - actions ordinaires est déterminée par les perceptions des investisseurs concernant la rentabilité future et que cette même rentabilité est influencée par les résultats du calcul de l'Office relativement au coût du capital, le Manitoba estime que l'utilisation de la valeur marchande introduit un élément de circularité dans le processus réglementaire, ce qui le rend déraisonnable; le Manitoba décrit cette circularité de la façon suivante : un coût du capital calculé de façon généreuse se traduit par une rentabilité accrue, laquelle influe à la hausse sur la valeur de marché des capitaux propres, qui, à son tour, amène l'Office à faire une estimation encore plus généreuse du coût du capital.

[50] Le Manitoba fait valoir que contrairement à la valeur du marché, la valeur comptable n'est pas influencée par les décisions de l'Office parce qu'elle repose sur les données historiques sur l'investissement. Le Manitoba estime que la valeur comptable est un critère sûr et pragmatique, parce qu'elle est stable et transparente, alors que la valeur marchande varie à chaque jour, sinon à chaque heure. Le Manitoba juge incohérente et incorrecte la pratique qui consiste à calculer le coût du capital en fonction de la valeur de marché, puis à appliquer ce résultat à l'actif évalué selon sa valeur comptable, comme cela se fait pour les investissements auxquels est appliqué le coût du capital calculé par l'Office.

Province de la Saskatchewan

[51] La Saskatchewan n'a pas formulé de commentaires sur la question du choix entre la valeur marchande et la valeur comptable pour déterminer la structure du capital.

2.3 Réponses

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[52] CP réaffirme sa position selon laquelle les pondérations de la structure du capital devraient reposer sur la valeur de marché; elle cite à cet effet Damodaran, où il est dit que les pondérations selon la valeur marchande sont plus pertinentes, étant donné que le coût du capital est une mesure prospective qui représente ce qu'il en coûterait pour lever de nouveaux fonds en vue d'acquérir aujourd'hui l'entreprise, et que le financement nécessaire (par emprunt ou par actions) se trouve sur le marché aux prix courants. Par ailleurs, CP réfute l'argument suivant lequel le CMPC établi selon la valeur marchande est trop variable, en citant de nouveau Damodaran, où il est dit que malgré sa variabilité, la valeur marchande est un reflet beaucoup plus fidèle de la valeur réelle que la valeur comptable.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[53] CN objecte que la WCSC ne fournit aucune justification théorique de son affirmation selon laquelle la valeur comptable doit servir à déterminer les pondérations relatives de la dette à long terme et des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. Elle ajoute que l'exemple présenté par la WCSC n'est pas clair et justifie plus ou moins bien la conclusion, étant donné qu'on ne parle ni de valeur comptable ni de valeur marchande d'actif ou de passif dans cet exemple.

Western Canadian Shippers' Coalition

[54] La WCSC relève l'affirmation de CN que si la valeur comptable s'écarte de la valeur de marché, il faut se servir des pondérations fondées sur la valeur marchande pour calculer le CMPC, et prétend que cette observation repose sur une hypothèse erronée, à savoir que dans un contexte de réglementation, on doit appliquer le coût d'option du capital établi par le marché à la valeur marchande des actifs faisant l'objet de la réglementation. La WCSC affirme en outre que cette hypothèse se retrouve dans tous les exemples que présente CN.

[55] La WCSC rapporte la conclusion de CN formulée ainsi [traduction] : « Cet exemple illustre l'importance d'utiliser la valeur marchande pour l'évaluation des actifs, ainsi que pour l'établissement des pondérations servant au calcul du CMPC. ». Elle fait observer que CN n'explique pas comment l'Office peut déterminer la valeur marchande des ces actifs, sans laquelle le calcul ne peut se faire, et affirme que l'opération serait très complexe et controversée. La WCSC relève en outre que selon CN, le coût des capitaux propres déterminé par le marché serait constamment modifié pour rendre compte de l'évolution de la valeur marchande des capitaux propres; or, CN n'indique pas comment l'Office pourrait procéder à cet ajustement. Enfin, la WCSC donne à entendre que CN est dans l'erreur lorsqu'elle essaie d'appliquer aux sociétés réglementées les principes de finance qui s'appliquent normalement aux sociétés non réglementées.

[56] La WCSC se sert d'exemples pour étayer son affirmation selon laquelle le rendement attendu constitue un lien direct entre l'investissement à la valeur comptable et le cours de l'action, et que tant et aussi longtemps qu'une société est censée réaliser le rendement de l'actif exigé (l'actif étant évalué selon sa valeur comptable), elle sera en mesure de mobiliser des capitaux pour faire de nouveaux investissements et de conserver sa viabilité financière. La WCSC fait observer que cette approche est largement acceptée dans les démarches réglementaires visant les sociétés canadiennes, et elle a permis aux sociétés réglementées de mobiliser les capitaux nécessaires pour répondre à la demande de services sans conséquences négatives pour leurs capitaux propres. Selon la WCSC, le processus d'établissement des prix doit reposer sur la méthode selon laquelle on détermine le coût du capital en appliquant des pondérations fondées sur la valeur comptable à l'investissement au coût historique.

2.4 Pratiques des autres organismes de réglementation

[57] La Surface Transportation Board (STB) des États-Unis se fonde sur la valeur marchande pour déterminer la structure du capital aux fins de l'établissement du coût du capital.

[58] Pour établir annuellement le coût du capital, la STB constitue expressément à cette fin un groupe composé de compagnies de chemin de fer de classe 1 respectant certains critères, à savoir que la compagnie 1) soit inscrite à la Bourse de New York ou à l'American Stock Exchange; 2) qu'elle verse régulièrement des dividendes; 3) qu'elle affecte plus de 50 pour cent de ses actifs au domaine ferroviaire; et 4) qu'elle ait une cote de crédit d'au moins BBB (Standard & Poor's) ou BAA (Moody's).

[59] La STB détermine la valeur marchande des capitaux propres en multipliant le cours des actions de chaque compagnie de chemin de fer par le nombre d'actions en circulation enregistrées auprès de la Securities and Exchange Commission des États-Unis.

[60] Depuis 1988, la STB établit les coûts liés à la dette en calculant le « coût actuel des capitaux empruntés » (current cost of debt, selon leur terminologie), et ce tant pour la détermination de la structure du capital que pour l'estimation des coûts[5]. La STB s'efforce de mesurer les rendements de marché des instruments d'emprunt, et elle applique ces rendements à la valeur marchande de la dette. Depuis quelques années, l'insuffisance des nouvelles émissions de titres d'emprunt oblige la STB à calculer le coût des capitaux empruntés en se fondant sur la valeur marchande des instruments d'emprunt négociés sur le marché (y compris les obligations de tous genres) et le coût estimé des autres modes de financement par emprunt[6]. La STB établit ses estimations d'après les observations présentées par l'American Association of Railroads (AAR) au nom des compagnies de chemin de fer de classe 1 des États-Unis qui sont assujetties au processus d'établissement du coût du capital.

[61] Les instruments d'emprunt sur lesquels se fonde la STB pour déterminer la proportion des capitaux empruntés dans la structure du capital sont : 1) les obligations de tous genres; 2) les titres garantis par nantissement de matériel; et 3) les conventions de vente conditionnelles. La STB pondère les rendements de ces instruments en fonction de leur valeur marchande. Elle n'inclut pas le coût des contrats de location-acquisition et des emprunts divers dans le calcul du coût moyen des capitaux empruntés, parce qu'elle estime que le coût de ces instruments n'est pas directement observable sur le marché libre. Ces instruments seront abordés ci-après.

[62] Toutes les obligations (garanties et non garanties) qui servent à financer une compagnie de chemin de fer – qu'elles aient été négociées ou non au cours de l'année - sont prises en considération dans les observations présentées par l'AAR. En ce qui a trait aux obligations négociées durant l'année, on établit leur valeur marchande en fonction des cours et des rendements mensuels. Pour ce qui est des obligations qui n'ont pas fait l'objet d'opérations de négociation au cours de l'année (soit environ 40 pour cent de toutes les obligations), on se sert de la valeur nominale. Les données sur les cours et les rendements du marché sont tirées d'une source indépendante (par exemple, pour 2009, le Bond Guide de Standard & Poor's).

[63] Les autres instruments d'emprunt comprennent les titres garantis par nantissement de matériel, les conventions de vente conditionnelles, les contrats de location-acquisition et les emprunts divers. Les deux premiers types d'instruments permettent à une société de prendre possession d'un actif sans en payer totalement le prix, tandis que le ou les prêteurs utilisent le titre de propriété de cet actif comme sûreté jusqu'à ce que l'actif soit entièrement payé. Comme les titres garantis par nantissement de matériel ne font pas fréquemment l'objet d'échanges sur les marchés secondaires, on établit leur rendement en fonction du rendement des titres d'État ayant la même échéance, plus une prime visant à tenir compte du risque plus élevé. Cette prime de risque est estimée sur la base de l'écart observé entre les titres garantis par nantissement de matériel et les obligations d'État au moment de la dernière émission des titres du premier groupe (qui peut remonter à l'année précédente ou même avant). Enfin, la valeur des titres garantis par nantissement de matériel émis à un taux d'intérêt variable plutôt que fixe n'est pas modélisée, non plus que les titres qui ne possèdent pas toutes les caractéristiques propres au titre garanti par nantissement de matériel[7].

[64] On estime le coût des conventions de vente conditionnelles en augmentant d'un certain facteur l'écart de rendement entre les obligations d'État et les titres garantis par nantissement de matériel. Ce facteur correspond à l'écart observé entre la convention de vente conditionnelle et les titres garantis par nantissement de matériel dans l'année où a été établie la convention. On additionne ce facteur à la prime de risque décrite dans le paragraphe précédent. Les contrats de location-acquisition et les emprunts divers évalués selon leur valeur comptable sont inclus dans la structure globale de la dette, mais aucun coût d'emprunt (taux) ne leur est attribué. De la même manière, les coûts de transaction rattachés à l'émission des titres de dette (c'est-à-dire les frais d'émission) sont eux aussi inclus dans la structure de la dette sans que l'on attribue un taux à cette dette.

[65] En 2009, la Western Coal Transportation League s'était plainte de ce qu'elle n'avait pas accès à des chiffriers électroniques illustrant le calcul du coût des capitaux empruntés et que, par conséquent, elle ne pouvait reproduire les calculs de l'AAR. Néanmoins, la STB a jugé que ces calculs étaient en général corrects, à part quelques ajustements.

[66] Contrairement à la manière dont elle procède pour calculer les pondérations de la structure du capital aux fins de la détermination du coût du capital, la STB utilise la méthode du coût historique (c'est-à-dire la valeur comptable) au lieu de la valeur marchande pour calculer l'investissement net aux fins de la détermination du taux de rendement de l'investissement. Ce taux est utilisé en combinaison avec le coût du capital pour calculer annuellement le niveau de suffisance des revenus. Une compagnie de chemin de fer est réputée avoir des revenus suffisants dans une année donnée si son taux de rendement de l'investissement est supérieur au coût du capital, et des revenus insuffisants si son taux de rendement de l'investissement est inférieur au taux du coût du capital.

3.0 Le traitement de l'impôt reporté

Question : L'Office devrait-il continuer d'inclure l'impôt reporté dans la structure du capital en lui attribuant un poids, et dans l'affirmative, quel taux faudrait-il lui imputer?

3.1 Contexte et pertinence

[67] Le report d'impôts résulte du fait qu'une société peut, en se prévalant des déductions pour amortissement, amortir ses immobilisations à des fins fiscales plus rapidement qu'elle ne le fait à des fins comptables. Cela s'explique par les différences entre le traitement des produits et des charges aux fins de la réglementation (traitement comptable), tel qu'il est décrit dans le Règlement sur les les sociétés par actions de régime fédéral (2001), DORS/2001-512, et le traitement aux fins fiscales (traitement fiscal), aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), qui permet à une société de comptabiliser un produit ou une charge d'une certaine manière à une fin donnée, sans devoir les comptabiliser de la même manière à une autre fin.

[68] La communication d'information dans un cadre de réglementation se fait selon les principes comptables généralement reconnus (PCGR). Un de ces principes veut que les produits et les charges ayant contribué à générer ces produits soient rapprochés dans la période où ils sont constatés. S'il y a un poste de l'état des résultats qui est touché par les différences de traitement de l'information et qui a de l'importance du point de vue comptable pour les compagnies de chemin de fer, c'est bien celui de l'amortissement. Les différences de traitement de l'information font en sorte que le montant des impôts exigibles variera selon que les états financiers ont été préparés à des fins réglementaires ou à des fins fiscales. En conséquence, les entreprises créent un poste au bilan intitulé impôts reportés qui indique le montant des impôts créditeurs, afin de décrire plus fidèlement leur situation financière. Selon la Classification uniforme des comptes (UCA), l'impôt reporté peut être considéré comme un élément d'actif ou de passif, selon que les différences de traitement de l'information se traduisent par une économie d'impôts ou un passif d'impôts[8].

[69] Le traitement du solde du compte impôts reportés a une incidence sur le taux du coût du capital. On reconnaît en règle générale deux méthodes acceptables pour le traitement de l'impôt reporté en ce qui concerne la structure du capital et le coût du capital : la méthode de la normalisation et la méthode de l'imputation à l'exercice[9].

[70] La méthode de la normalisation peut être appliquée de deux façons différentes. Selon la première version, l'impôt reporté est ajouté à l'actif, ainsi qu'à la structure du capital, où on lui impute un coût nul. C'est la façon de faire de l'Office à l'heure actuelle. Comme l'impôt reporté est inclus dans la structure du capital avec un coût nul et qu'il est affecté d'une pondération quelconque, le coût du capital se trouve abaissé.

[71] Selon la deuxième version de la méthode de la normalisation, l'impôt reporté est soustrait de l'actif (investissement net), ce qui implique des ajustements à l'actif et à la structure du capital. Une fois l'impôt reporté exclu de la structure du capital, il ne reste plus que les capitaux empruntés et les capitaux propres, et le coût du capital est une fois de plus réduit.

[72] Selon la méthode de l'imputation à l'exercice, l'impôt reporté sert à réduire d'une somme rigoureusement équivalente la charge d'impôts de l'exercice ou des exercices où les incidences fiscales sont constatées, ce qui se solde par un montant plus élevé du bénéfice net, des bénéfices non répartis et des capitaux propres. En d'autres termes, l'impôt reporté est inclus dans l'actif et accroît la valeur des capitaux propres dans la structure du capital. Des trois méthodes exposées ci-dessus, la méthode de l'imputation à l'exercice est celle qui produit le coût du capital le plus élevé.

[73] La méthode utilisée actuellement par l'Office pour traiter l'impôt reporté a été adoptée dans le cadre de la décision de 1985, où l'on considérait l'impôt reporté comme une source de capital à coût nul pour les compagnies de chemin de fer. À ce propos, l'Office concluait dans la décision de 1985 :

(...) du point de vue du coût, les impôts cumulés reportés sont essentiellement un prêt sans intérêt et que, à ce titre, ils doivent être considérés comme des capitaux obtenus à un coût nul, car l'objectif est d'établir un niveau d'indemnisation équitable (...) si [le Comité allouait] le coût des capitaux propres pour ces soldes, les actionnaires se retrouveraient avec des bénéfices excédentaires (…)

[74] Ces dernières années, cette méthode de traitement de l'impôt reporté a été mise en doute par CN ou CP, ou les deux.

3.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[75] CP soutient que le fait d'utiliser les pondérations établies selon la valeur marchande – qui est la solution qu'elle propose – élimine la nécessité d'inclure l'impôt reporté dans la structure du capital, puisque les incidences économiques des politiques d'amortissement qui génèrent un passif d'impôts reportés se reflèteront dans la valeur marchande des capitaux propres. CP ajoute toutefois que si l'utilisation de la valeur marchande est la meilleure méthode pour déterminer les pondérations de la structure du capital, les organismes de réglementation utilisent parfois la valeur comptable comme substitut de la valeur marchande. Selon CP, quand on utilise la valeur comptable, on ne doit considérer ni le passif d'exploitation ni son pendant en termes de ressources, p. ex. le passif d'impôts reportés, comme faisant partie intégrante de la structure du capital, mais plutôt comme partie des capitaux propres.

[76] CP affirme que la capacité de reporter l'impôt a été créée par le gouvernement dans le but de favoriser l'investissement et que le recours à cet incitatif devrait être laissé à la discrétion des investisseurs éventuels, à défaut de quoi les incitations à l'investissement perdront beaucoup de leur importance. CP fait observer en outre que les avantages découlant du report d'impôt échoient aux actionnaires et que, de ce fait, ils devraient être inclus dans la valeur des capitaux propres. Enfin, CP indique que la méthode qu'utilise actuellement l'Office pour le traitement de l'impôt reporté amène à calculer un coût du capital déraisonnablement bas et neutralise les incitations à l'investissement qui découlent de la politique d'amortissement accéléré des autorités publiques.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[77] Selon CN, lorsque la valeur marchande sert de base à l'évaluation de l'actif, l'impôt reporté est sans intérêt et n'est pas pris en compte dans la valeur marchande. Si, toutefois, c'est la valeur comptable qui sert à la détermination de la structure du capital et qu'elle est une estimation non biaisée de la valeur marchande, on doit inclure l'impôt reporté dans la valeur totale de l'actif et lui attribuer un taux de rendement qui fasse en sorte que le CMPC soit réalisé sur la valeur comptable intégrale de l'actif. CN estime que, dans certaines conditions, le CMPC équivaudra au coût des capitaux propres.

[78] CN considère l'impôt reporté comme un ajustement comptable qui sert à rapprocher deux ensembles de livres de comptes différents et elle cite à cet effet une source universitaire non identifiée selon laquelle l'impôt reporté ne doit pas être considéré comme une source de financement ou comme un élément de la formule du CMPC. Elle soutient en outre que le passif d'impôts reportés ne correspond pas à un titre détenu par les investisseurs, mais à un poste du bilan créé pour répondre aux besoins de la comptabilité. CN estime que l'on complique le problème lorsqu'on considère l'impôt reporté comme une source de financement à coût nul, car elle a de la difficulté à imaginer les conditions dans lesquelles les fournisseurs de capitaux envisageraient de réaliser un taux de rendement nul s'ils investissaient dans une autre entité présentant un risque équivalent.

[79] CN affirme en outre que l'impôt reporté n'est pas un apport de capital, mais un simple compte qui reconnaît que le montant réel des flux de trésorerie d'exploitation après impôts est différent du montant indiqué dans les états comptables si l'amortissement fiscal est lui-même différent de l'amortissement comptable de l'exercice et que l'impôt réellement payé est lui aussi différent de l'impôt indiqué dans les comptes.

Western Canadian Shippers' Coalition

[80] La WCSC affirme que lorsqu'on détermine les prix que pourront pratiquer les entreprises réglementées, on fixe ces prix de manière à faire reposer le fardeau de l'impôt sur le revenu sur les clients de ces entreprises plutôt que sur les entreprises et leurs actionnaires. Une hausse (une diminution) de l'impôt augmente (réduit) le prix que doit payer le client, mais n'a aucun effet sur le rendement du capital investi.

[81] La WCSC décrit en ces termes les différentes méthodes de traitement de l'impôt reporté : lorsque les entreprises sont autorisées à recourir à l'amortissement accéléré à des fins fiscales, le montant des impôts exigibles se trouve réduit; grâce à l'amortissement accéléré, les entreprises paient normalement moins d'impôt durant les premières années d'utilisation du bien immobilisé et plus d'impôt dans les années plus lointaines. C'est ce qu'on appelle la méthode de l'imputation à l'exercice. L'autre méthode, appelée méthode de la normalisation, consiste à indiquer ce qu'aurait été le montant des impôts exigibles si l'entreprise n'avait pas été autorisée à recourir à l'amortissement accéléré à des fins fiscales. La différence entre l'impôt calculé selon le taux d'imposition réglementaire et l'impôt réellement payé par l'entreprise est inscrite dans un compte intitulé impôt reporté.

[82] Selon la WCSC, la méthode de la normalisation est reconnue officiellement par la profession comme la pratique comptable la plus appropriée dans ce contexte, car elle permet d'effectuer un rapprochement correct des produits et des charges. La WCSC affirme que suivant cette méthode, la réduction des impôts payés par les compagnies de chemin de fer ne se répercute pas sur les prix payés par leurs clients (autrement dit, les clients paient des prix qui ont un rapport avec le taux d'imposition réglementaire plutôt qu'avec le taux d'imposition effectif), ce qui équivaut pour ces derniers à faire périodiquement des prêts aux compagnies de chemin de fer d'un montant égal au montant de la provision pour impôts différés. De surcroît, aucun intérêt n'est versé sur ces prêts, et les clients ne récupèrent jamais le montant payé en sus pour les services.

[83] La WCSC soutient, en revanche, que les clients profiteront de prix moins élevés dans l'avenir si l'impôt reporté est inclus dans le CMPC avec une pondération établie selon la valeur comptable et un coût nul. Elle explique que lorsqu'on utilise la méthode de la normalisation sans prévoir de rendement de la provision pour impôts différés, les clients en tant que groupe bénéficient d'un rendement équivalent au CMPC appliqué à la provision pour impôts différés, c'est-à-dire l'argent qu'ils ont prêté à la compagnie.

Canadian Canola Growers Association

[84] La CCGA soutient que l'on devrait imputer un coût nul à l'impôt reporté, car il s'agit d'un élément temporaire étant donné qu'il n'existe qu'en raison d'une différence entre deux méthodes de communication de l'information financière. À un moment quelconque dans l'avenir, le poste impôts reportés disparaîtra car les deux montants finiront par se rejoindre.

Coalition des expéditeurs par rail

[85] La CER n'a pas formulé de commentaires sur la question de l'impôt reporté.

Provinces de l'Alberta et du Manitoba

[86] L'Alberta et le Manitoba affirment la même position sur la question de l'impôt reporté. Les provinces sont d'avis que l'impôt reporté est une charge sans effet sur la trésorerie qui permet aux compagnies de chemin de fer de jouir d'une source de liquidités à coût nul. L'impôt reporté résulte du fait que CN et CP amortissent leurs actifs à un taux plus élevé à des fins fiscales qu'à des fins comptables. CN et CP sont en mesure de reporter indéfiniment l'impôt à payer car elles ne cessent d'investir et d'améliorer leurs immobilisations.

[87] Le Manitoba conçoit l'impôt reporté comme un montant affecté, au cours d'une période, à la couverture des passifs d'impôt qui n'ont pas été éliminés du bilan, une charge sans effet sur la trésorerie qui constitue en quelque sorte une source de liquidités sans frais pour les compagnies de chemin de fer. Le Manitoba affirme en outre que dans la pratique, le passif d'impôts reportés n'est habituellement jamais éliminé du bilan parce que les sociétés avisées financièrement ne cessent d'investir et d'améliorer leurs immobilisations.

[88] L'Alberta et le Manitoba croient que l'Office devrait continuer d'inclure l'impôt reporté dans la structure du capital en lui attribuant une pondération et un coût nul. Les deux provinces soutiennent que l'autre solution possible – qui consiste à soustraire l'impôt reporté des immobilisations (investissement) auxquelles est appliqué le coût du capital – ne répond pas au critère de l'approche pragmatique, en faisant valoir que cette pratique n'est applicable que lorsque l'actif correspond à l'ensemble des immobilisations de la société. Or, ce n'est le cas dans aucune des applications que l'Office fait du coût du capital. Par exemple, lorsqu'il évalue les coûts du transport du grain pour les compagnies de chemin de fer, l'Office applique un taux du coût du capital aux immobilisations qui servent au transport du grain, et celles-ci ne constituent qu'une partie de l'investissement total des compagnies de chemin de fer.

Province de la Saskatchewan

[89] La Saskatchewan ne s'est pas prononcée sur le traitement de l'impôt reporté.

3.3 Réponses

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[90] CP réaffirme que le fait d'utiliser les pondérations établies selon la valeur marchande élimine la nécessité d'inclure l'impôt reporté dans sa structure du capital, et que les incidences économiques des politiques d'amortissement qui génèrent un passif d'impôts reportés se reflèteront dans la valeur de marché des capitaux propres. CP déplore que les expéditeurs et les provinces aient fait abstraction de ce rapport dans leurs présentations initiales. CP indique par ailleurs que la méthode utilisée actuellement par l'Office pour le traitement de l'impôt reporté – c'est-à-dire considérer le passif d'impôts reportés comme une composante à part entière de la structure du capital et lui attribuer un coût nul dans le calcul du CMPC - amène à calculer un coût du capital déraisonnablement bas et neutralise les incitations à l'investissement qui découlent de la politique d'amortissement accéléré des autorités publiques.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[91] CN laisse entendre que l'argument de la WCSC selon lequel les impôts reportés sont en quelque sorte un prêt sans intérêt est difficile à comprendre, et elle dit avoir démontré dans sa présentation initiale la non-validité de cet argument en s'appuyant sur un modèle particulier. CN cite une source universitaire non identifiée pour confirmer son opinion que les impôts reportés ne sont pas une source de financement. Selon CN, on lit généralement dans les manuels de comptabilité que la valeur de l'actif dépend des flux de trésorerie disponibles après impôts et que les ajustements comptables, tels que les impôts reportés, qui n'ont pas d'incidence sur ces flux de trésorerie ne présentent aucun intérêt. CN ajoute que selon le MEDAF, le taux de rendement exigé s'applique à la valeur marchande des actifs, ce qui fait que les écritures relatives à l'impôt reporté ou le moment de l'enregistrement n'ont plus d'importance. CN conclut qu'il est donc inopportun de considérer les impôt reportés comme un prêt sans intérêt.

Western Canada Shippers Coalition

[92] La WCSC donne à entendre que CN et CP ne saisissent pas les différences entre l'effet que peut avoir l'impôt reporté pour les sociétés non réglementées et l'effet qu'il peut avoir dans un contexte de réglementation. La WCSC affirme que l'un des principes fondamentaux de la réglementation est d'allouer un taux de rendement du capital investi suffisant pour attirer des capitaux; or, les investisseurs n'ont rien à voir avec les fonds que représentent les impôts reportés, si ce n'est les clients des compagnies de chemin de fer. Par conséquent, la WCSC estime que tout rendement réalisé sur ces fonds constitue un rendement excédentaire par rapport au rendement exigé, ou attendu, par les actionnaires ordinaires. Faisant valoir que l'application de la méthode de la normalisation dans un contexte de réglementation revient à faire en sorte que les clients des compagnies de chemin de fer accordent, bien malgré eux, des prêts à ces compagnies, la WCSC conclut en affirmant que la recommandation de CN concernant l'impôt reporté équivaut à une situation où l'on devrait payer de l'intérêt sur l'argent qu'on prête à une banque aussi bien que sur l'argent qu'on emprunte à cette banque.

3.4 Pratiques des autres organismes de réglementation

[93] La STB tient compte de l'impôt reporté dans le calcul du rendement de l'investissement, mais elle en fait abstraction dans la structure du capital aux fins de l'établissement du coût du capital. Elle calcule le taux de rendement de l'investissement en divisant le résultat d'exploitation ferroviaire net par une base d'investissements définie comme suit : investissement net de la société dans l'activité ferroviaire + fonds de roulement – impôt reportés. Ce taux est utilisé à des fins de comparaison avec le coût du capital au moment de calculer le niveau de suffisance des revenus. Une compagnie de chemin de fer est réputée avoir des revenus suffisants si son taux de rendement de l'investissement est supérieur au coût du capital, comme l'explique la STB dans sa décision de 2008[10]. Dans cette décision la STB mentionne ce qui suit :

[traduction]

« (…) en comparant le taux de rendement de l'investissement avec le coût du capital, la STB veut s'assurer que le transporteur ferroviaire pourra continuer d'investir dans son infrastructure tout en offrant un taux de rendement raisonnable à ses investisseurs. » La STB est d'avis que les impôts reportés sont une source de financement à coût nul et qu'ils doivent donc être exclus de la base d'investissements (méthode de la normalisation – version 1).

4.0 L'actif

Question : [question soulevée durant les consultations] L'Office devrait-il continuer d'utiliser l'actif (investissement net) évalué selon la valeur comptable, ou devrait-il plutôt opter pour l'actif évalué selon la valeur marchande.

4.1 Position de CN

[94] CN est la seule partie à avoir plaidé en faveur de l'utilisation de la valeur marchande (coût de remplacement) pour l'évaluation de l'actif (investissement net) en même temps qu'elle proposait formellement d'utiliser aussi la valeur marchande aux fins de la détermination de la structure du capital d'une société. Illustrant par un exemple l'importance des mesures du coût d'option inspirées du marché, CN fait valoir que même si la structure du capital utilisée était établie selon la valeur du marché, le fait que l'actif, lui, ne soit pas évalué selon sa valeur marchande empêcherait de couvrir le coût d'option s'offrant à l'investisseur. L'argument de CN est le suivant :

[traduction]

L'utilisation de la valeur comptable peut produire des résultats trompeurs. Si, par exemple, l'Office détermine les REV [revenus marchandises prévus] en fonction de la valeur comptable du matériel roulant et qu'il utilise des pondérations établies selon la valeur comptable pour calculer le CMPC, il arrivera à un montant de 25 $ et non au montant de 59 $ prescrit plus haut. Il est clair que dans une telle situation, la compagnie vendrait le matériel roulant pour une somme de 200 $ et ne serait pas partie prenante au marché réglementé.

Si, par ailleurs, l'organisme de réglementation constate que la valeur de marché du matériel roulant est montée à 200 $, mais qu'il utilise des pondérations établies selon la valeur comptable pour calculer le CMPC, il multipliera le CMPC avant impôts (25 pour cent) par la valeur marchande (200 $) pour arriver à un REV avant impôts de 50 $, ce qui est inférieur au seuil de rentabilité avant impôts de 59 $. Là encore, la compagnie vendrait le matériel roulant pour une somme de 200 $ et ne serait pas partie prenante au marché réglementé.

Cet exemple illustre l'importance d'utiliser la valeur marchande pour évaluer la base tarifaire et pour établir les pondérations qui servent au calcul du CMPC. L'utilisation de la valeur marchande aux fins de l'établissement du coût du capital est une pratique correcte sur le plan théorique et elle est largement répandue (…). Selon le rapport Brattle, on emploie souvent des pondérations établies selon la valeur marchande pour calculer le CMPC, tandis que pour l'évaluation de la base tarifaire, l'utilisation de la valeur de marché (coût de remplacement) est plus limitée mais non moins réelle.

4.2 Réponses

Western Canada Shippers Coalition

[95] La WCSC a retenu plus particulièrement le passage de la présentation de CN où celle-ci affirme que, étant donné que le coût du capital doit refléter le côut d'option, elle a de la difficulté à imaginer les conditions dans lesquelles les fournisseurs de capitaux envisageraient de réaliser un taux de rendement nul s'ils investissaient dans une autre entité présentant un risque équivalent. La WCSC s'arrête aussi à l'argument de CN, inspiré de ce qui précède, selon lequel les impôts reportés n'ont aucune importance lorsque l'actif est évalué selon sa valeur de marché.

[96] La WCSC objecte que, au contraire, l'argument de CN montre simplement pourquoi on ne doit pas évaluer l'actif selon sa valeur de marché. Elle enchaîne en affirmant que dans l'hypothèse où CN utilise la valeur de marché de l'actif, CN ne peut faire d'analyse valable que lorsque la valeur comptable est une estimation non biaisée de la valeur marchande (c'est-à-dire lorsque la valeur comptable est à peu près égale à la valeur marchande). Comme CN et CP affichent toutes deux des ratios valeur marchande/valeur comptable supérieurs à 2,0, affirme la WCSC, l'analyse de CN est dépourvue de signification.

5.0 Le coût des capitaux empruntés

Question : L'Office devrait-il déterminer le coût de la dette à long terme en utilisant le coût historique de l'endettement tel qu'il apparaît dans les états financiers de l'exercice le plus récent des compagnies de chemin de fer? Dans la négative, comment l'Office devrait-il déterminer le coût de la dette à long terme?

5.1 Contexte et pertinence

[97] Le document de consultation évoquait la possibilité de calculer le coût des capitaux empruntés en se fondant sur le coût des emprunts sur le marché actuel ou le coût anticipé des emprunts éventuels plutôt que sur les paiements d'intérêt réels sur l'encours de la dette, comme cela se fait actuellement. En outre, l'étude d'une structure de capital déterminée selon la valeur de marché a fait ressortir la question des mesures du rendement de la dette à long terme axées sur le marché.

[98] Cette section examine les différences entre les emprunts en cours et les emprunts futurs et elle évalue de quelle manière on peut le mieux mesurer le coût des capitaux empruntés.

[99] La dette à long terme est l'une des sources de financement d'une entreprise. Il existe plusieurs sortes de titres de dette (obligations, effets, débentures, papier commercial, facilités de crédit renouvelable, contrats de location-acquisition et conventions d'achat), chacun étant assorti d'un taux, d'une échéance et de conditions qui lui sont propres.

[100] À l'heure actuelle, l'Office détermine le coût de la dette à long terme en calculant l'intérêt tel qu'il apparaît dans les états financiers les plus récents des compagnies de chemin de fer. Il répartit le total des paiements d'intérêt sur la dette selon chaque type d'emprunt et calcule le coût des capitaux empruntés en faisant la moyenne pondérée de ces paiements. Cette méthode a l'avantage de présenter les caractéristiques suivantes : cohérence, robustesse, simplicité, transparence et reproductibilité. Il s'agit en outre d'une méthode rétrospective en ce sens que les compagnies de chemin de fer sont indemnisées en fonction du coût des emprunts qu'elles supportent déjà plutôt qu'en fonction du coût de l'emprunt sur le marché actuel.

[101] L'Office revoit annuellement les estimations du coût du capital et tous les emprunts contractés dans une année donnée sont pris en compte dans les calculs de l'Office l'année suivante. Les nouveaux emprunts sont pondérés suivant la proportion de la dette totale qu'ils représentent, cette dernière étant elle-même pondérée en fonction de la place qu'elle occupe dans la structure du capital de l'entreprise. Ainsi, malgré le décalage d'un an, la méthode utilisée par l'Office donne une représentation juste des engagements financiers de la compagnie de chemin de fer.

[102] En raison de son caractère rétrospectif, cette méthode n'évalue pas nécessairement les exigences que pourraient formuler les investisseurs potentiels si les compagnies de chemin de fer devaient lancer un emprunt. Par exemple, si une compagnie de chemin de fer a contracté le gros de ses emprunts dans un contexte économique très différent du contexte actuel, le coût de ses emprunts (c'est-à-dire les paiements d'intérêt) pourrait ne pas être représentatif du coût de l'emprunt sur le marché, ce qui pose la question de savoir comment rendre compte le mieux possible du coût des capitaux empruntés dans un contexte de réglementation comme celui de l'Office, étant donné que les conditions d'emprunt qui lient la compagnie emprunteuse et ses investisseurs au moment présent sont différentes de celles qui existeront dans l'avenir, lesquelles différeront également des conditions du marché pour l'ensemble des emprunts.

5.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[103] CP plaide fortement en faveur de l'utilisation de la valeur marchande pour évaluer le coût des capitaux empruntés. Elle soutient que cette mesure représente une estimation plus fidèle du coût actuel de ses emprunts que le taux d'intérêt nominal. CP affirme que l'utilisation de la valeur comptable peut [traduction] « avoir pour effet de sous-évaluer considérablement » le coût du capital lorsque le coût des capitaux d'emprunt évalué selon la valeur marchande est plus élevé que le coût selon la valeur comptable. C'est pourquoi CP recommande d'utiliser la valeur marchande pour estimer le coût des capitaux empruntés, affirmant que [traduction] « le rendement à l'échéance reflète la valeur de marché des titres d'emprunt émis par l'entreprise. »

[104] CP soutient que lorsque le risque de marché est élevé et le coût des emprunts aussi, l'utilisation de la valeur comptable peut avoir pour effet de sous-évaluer considérablement le coût du capital. Elle ajoute que la méthode de l'Office, fondée sur le taux d'intérêt nominal, ne tient pas compte des plus-values ou des moins-values en capital. CP recommande plutôt de calculer le rapport du rendement à l'échéance au rendement moyen d'un indice composé de titres obligataires de sociétés ayant la même note et une durée moyenne pondérée qui s'accorde avec celle des titres d'emprunt en circulation de CP. Elle inclut dans sa présentation un chiffre représentant le coût des capitaux empruntés évalué selon le marché, qu'elle a calculé [traduction] « en faisant la moyenne des rendements à l'échéance de fin de mois dans le premier trimeste de chaque année civile, tirés de la courbe de juste valeur de Bloomberg de 10 ans et de 15 ans pour les obligations de sociétés canadiennes notées BBB .»

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[105] CN se sert d'un exemple détaillé pour défendre son opinion selon laquelle on doit estimer le coût des capitaux d'emprunt selon la valeur de marché. L'argument de CN est essentiellement le même que celui de CP, c'est-à-dire que dans un contexte de hausse des taux d'intérêt, le coût historique de l'endettement ne sera pas suffisant pour que l'on obtienne du financement sur les marchés. CN maintient en outre que la combinaison de la valeur comptable et de la valeur marchande créera des distorsions.

[106] CN recommande donc d'établir le coût des capitaux empruntés en fonction des rendements courants calculés sur la base de la valeur marchande des titres de dette, cette valeur étant déterminée d'après les opérations récentes sur des titres de CN ou d'après des émissions présentant le même risque de crédit et ayant la même durée.

[107] CN reconnaît que le marché des titres d'emprunt des compagnies de chemin de fer est peut-être trop peu liquide pour que l'on puisse en tirer des estimations significatives, et elle propose en revanche d'élaborer un modèle d'estimation :

[traduction]

Bien que l'on puisse déterminer la valeur de marché de certains titres d'emprunt d'après les opérations de négociation récentes, les titres de dette des sociétés se négocient beaucoup moins souvent que les titres de participation. Il faut donc recourir à un « modèle » [sic] pour estimer la valeur marchande des titres d'emprunt. Ce modèle pourrait consister simplement dans le calcul de la moyenne d'un ensemble de titres comparables ayant la même note et la même durée et dont on connaît la valeur marchande.

Canadian Canola Growers Association

[108] La CCGA estime que l'utilisation du coût historique (ou valeur comptable) de l'endettement qui apparaît dans les rapports annuels des compagnies de chemin de fer est une pratique raisonnable. Elle allègue qu'une société aura plus tendance à lancer un emprunt lorsque les taux d'intérêt sont bas, et qu'il est ardu de prévoir les coûts d'emprunt dans des marchés volatils. La CCGA indique en outre qu'il peut être difficile de déterminer le volume d'émissions que peuvent lancer des sociétés dans une année donnée, ou encore la durée de ces émissions ou même la monnaie dans laquelle elles sont libellées. Elle conclut en soulignant que le calcul annuel du coût du capital devrait réduire au maximum les différences entre le coût historique et le coût actuel de la dette à long terme.

Western Canadian Shippers' Coalition

[109] La WCSC recommande d'établir le coût des capitaux empruntés selon les intérêts (coût structurel de la dette) figurant dans les états financiers des compagnies de chemin de fer, ce qui équivaut, selon elle, à la méthode fondée sur le taux d'intérêt nominal. Elle défend sa position en indiquant que les rendements du marché n'ont aucun effet sur l'obligation contractuelle de verser un montant d'intérêt spécifié et de rembourser le principal à l'échéance. La WCSC allègue que si l'on calculait les rendements des obligations au moyen des taux du marché, les actionnaires des compagnies de chemin de fer réaliseraient un profit inattendu :

[traduction]

(...) lorsque les rendements du marché sont supérieurs au coût structurel, les détenteurs d'obligations ne reçoivent pas un montant d'intérêt additionnel étant donné que les paiements d'intérêt sont fixés par entente contractuelle; ce sont donc les actionnaires ordinaires qui tirent profit de la différence de taux.

[110] La WCSC lie étroitement sa proposition d'utiliser le coût réel du financement par emprunt des compagnies de chemin de fer à l'utilisation de la valeur comptable pour établir les pondérations de la structure du capital :

[traduction]

(Lorsqu'on) calcule le coût du capital en se servant des taux d'intérêt structurels et des pondérations établies selon la valeur comptable, il est convenu que les actionnaires ordinaires touchent un rendement équivalent au coût des capitaux propres – actions ordinaires déterminé par le marché sans enregistrer de gains ou de pertes fortuits lorsque les taux d'intérêt changent.

Coalition des expéditeurs par rail

[111] La CER propose que l'on détermine le coût de la dette à long terme en se fondant sur le coût historique de l'endettement tel qu'il apparaît dans les états financiers des compagnies de chemin de fer. La CER fait cette recommandation en supposant qu'on utilise la valeur comptable (plutôt que la valeur marchande) aux fins de la détermination de la structure du capital. Elle affirme que si l'on devait plutôt élaborer des prévisions sur les coûts d'emprunt, les erreurs de prévision pourraient être inscrites dans un compte de report créé spécialement à cette fin.

[112] La CER est d'accord avec l'affirmation de la WCSC selon laquelle l'utilisation du rendement courant de la dette au lieu du rendement réel (selon le taux d'intérêt) se soldera par un profit inattendu pour les actionnaires. En effet, lorsque les rendements prévus augmentent, les créanciers de la compagnie emprunteuse ne reçoivent pas de paiements additionnels. Ce sont plutôt les actionnaires de la compagnie qui profitent de toute augmentation de la mesure du coût des capitaux empruntés calculée par l'Office.

Province de l'Alberta

[113] L'Alberta soutient que l'on devrait calculer le rendement de la dette à long terme à l'aide de la méthode du rendement à l'échéance.

Province du Manitoba

[114] Le Manitoba propose que l'Office mesure le coût des capitaux d'emprunt en se servant des données les plus récentes sur le coût structurel de l'endettement. Le Manitoba ajoute que ce coût devrait être calculé par la méthode du rendement à l'échéance, qui [traduction] « tient compte des coûts d'émission des titres d'emprunt et de tout escompte ou prime que la compagnie de chemin de fer peut avoir enregistrés au moment du lancement des émissions obligataires, mais fait abstraction des [traduction] « escomptes ou primes courants sur l'encours de la dette. »

[115] Le Manitoba se prononce fortement contre l'utilisation des taux d'intérêt prévus pour représenter le coût des capitaux empruntés. Il indique en effet que ces prévisions peuvent n'avoir aucun rapport avec les coûts de financement réels des compagnies de chemin de fer; elles seront en outre moins transparentes et varieront probablement selon l'analyste et selon la période.

Province de la Saskatchewan

[116] La Saskatchewan n'a pas fait de commentaires explicites sur la méthode appropriée pour mesurer le coût des capitaux empruntés.

5.3 Réponses

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[117] CP relève l'affirmation de la WCSC selon laquelle l'utilisation du rendement courant de la dette au lieu du coût historique de l'endettement tel qu'il apparaît dans les états financiers de la compagnie de chemin de fer se soldera par des profits ou des pertes inattendus pour les actionnaires, et elle laisse entendre que cette affirmation traduit une conception erronée du coût du capital. CP explique que même si une compagnie de chemin de fer était tenue par contrat de verser périodiquement des intérêts sur un certain nombre de ses instruments d'emprunt, le coût économique de ces instruments à un moment donné est déterminé par la conjoncture des marchés du financement par emprunt, laquelle ne transparaît pas dans le coût historique de l'endettement tel qu'il apparaît dans les états financiers de la compagnie de chemin de fer. Enfin, CP indique que lorsque les taux d'intérêt du marché changent, les cours des titres d'emprunt en circulation changent eux aussi de sorte que le rendement à l'échéance reflète le rendement qu'exigent les investisseurs pour supporter les risques liés à un instrument donné.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[118] CN prétend qu'elle a montré dans sa présentation initiale comment l'utilisation du coût structurel de la dette pouvait fausser le calcul du coût moyen pondéré du capital, et elle maintient que le coût structurel ne correspond pas au rendement qu'exigeraient les créanciers pour financer de nouveaux projets d'investissement. Selon CN, dans sa présentation la WCSC omet d'examiner comment on peut éviter de fausser le calcul du coût moyen pondéré du capital si on utilise le coût structurel de la dette, et elle se dispense de remettre en question l'opportunité d'utiliser le coût structurel pour évaluer le coût du financement de projets d'investissement futurs.

Western Canadian Shippers' Coalition

[119] La WCSC affirme que la méthode que recommande CP à l'Office – c'est-à-dire utiliser le rendement à l'échéance d'un indice composé de titres obligataires de sociétés canadiennes ayant la même échéance et la même note que les titres d'emprunt de la compagnie de chemin de fer pour laquelle on détermine le coût des capitaux empruntés – est complexe et donne un résultat qui est peu vraisemblable dans le cas de CP.

5.4 Pratiques des autres organismes de réglementation

[120] La Surface Transportation Board (STB) et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) sont du nombre des organismes de réglementation qui se fondent sur des valeurs de marché pour déterminer le coût de la dette à long terme. Bien que les pratiques adoptées par la STB aient été décrites plus haut, dans les sections portant sur les pondérations de la structure du capital, il a été jugé opportun de les résumer ci-après pour faciliter la référence.

[121] La STB détermine le coût des capitaux d'emprunt en se fondant sur les rendements du marché. Pour ce faire, elle applique la formule du rendement actuel aux titres obligataires de l'échantillon composite étudié qui sont négociés sur le marché (proportion d'environ 50 pour cent en 2010). En ce qui concerne les titres non négociés, la STB détermine le rendement en fonction de l'écart entre l'émission considérée et l'émission de titres du Trésor de la même période. On tient compte aussi dans le calcul d'un certain nombre de titres d'emprunt à long terme exprimés en valeur nominale (c'est-à-dire en utilisant le taux d'intérêt contractuel). Finalement, le rendement de la dette à long terme est égal à la moyenne pondérée du rendement estimé des obligations et du rendement des titres non négociés, majorée des frais d'émission estimés.

[122] De son côté, le CRTC utilise le « coût actuel du financement par emprunt » pour établir le coût des capitaux empruntés[11]. Mesuré d'après le marché actuel, ce coût correspond au rendement des obligations d'État à 10 ans majoré d'une prime de risque propre à la société et des frais d'émission. On calcule la prime de risque propre à la société en faisant la moyenne des estimations fournies par les banques d'investissement. De plus, on rajuste (à la baisse) le coût des capitaux empruntés par rapport à celui des capitaux propres pour tenir compte de l'économie d'impôts des sociétés résultant des intérêts débiteurs. Enfin, on intègre le coût des capitaux empruntés dans la structure du capital actuelle de la société.

5.5 Le rapport Brattle

[123] Le rapport Brattle n'a pas examiné spécifiquement les méthodes permettant de calculer le rendement de la dette à long terme. Dans sa réponse aux observations formulées par différentes parties, le Brattle Group aborde sommairement la question en soulignant que la méthode du rendement à l'échéance est préférable à celle du rendement actuel car elle tient compte de tous les intérêts provenant de l'émission obligataire[12].

6.0 Le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires

Question : Quelle méthode ou combinaison de méthodes l'Office devrait-il utiliser pour évaluer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires?

6.1 Contexte et pertinence

[124] Les capitaux propres constituent, avec les capitaux empruntés et l'impôt reporté, la structure du capital d'une entreprise. Ces composantes représentent les trois sources de financement auxquelles ont accès les entreprises pour financer leurs dépenses d'investissement, et à chacune de ces sources est associé un coût de financement. La moyenne pondérée de ces coûts (les pondérations étant déterminées par les proportions respectives de chaque composante dans la structure du capital) désigne le coût moyen pondéré du capital de l'entreprise. Comme les capitaux propres représentent une grande proportion de la structure du capital des compagnies de chemin de fer, la méthode utilisée pour déterminer le coût des capitaux propres peut avoir une incidence considérable sur le coût moyen pondéré du capital. La méthode actuelle de l'Office consiste à examiner trois modèles axés sur le marché pour estimer le coût des capitaux propres.

Modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF)

[125] Selon le MEDAF, le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires est calculé de la façon suivante : taux de rendement sans risque offert dans l'économie, majoré d'un taux de rendement additionnel qui est fonction du rendement offert sur le marché et du risque systématique du titre de participation. Formulé mathématiquement, le MEDAF s'exprime comme suit :

Re = Rf + ß (PRM)

où :

Re est le coût des capitaux propres attendu ou exigé;

Rf est le taux sans risque;

PRM représente le rendement moyen du marché moins le rendement moyen d'un actif sans risque au cours d'une période déterminée;

ß est le risque systématique, ou non diversifiable, du titre par rapport au marché.

[126] Cette relation, que l'on désigne généralement comme le MEDAF classique ou inconditionnel, résulte d'un certain nombre d'hypothèses simplificatrices sur le comportement des investisseurs et le fonctionnement des marchés financiers. En particulier, le MEDAF classique suppose que le risque non diversifiable associé aux titres de participation d'une entité est représenté entièrement par un seul terme, ß. Selon les circonstances, on peut ajouter des termes dans l'équation du MEDAF classique pour représenter des risques qui ne sont pas pris en compte dans ß, par exemple le risque de change, le risque d'inflation, l'incertitude concernant l'avenir. Ces différentes versions du MEDAF classique sont examinées plus en détail dans la section 8.

[127] Le rapport Brattle résume l'utilité du MEDAF comme méthode d'établissement du coût des capitaux propres dans les termes suivants (pages 55-56) :

Le MEDAF possède un solide fondement théorique et cadre avec l'intuition d'un arbitrage risque-rendement. Les données nécessaires à sa mise en œuvre sont accessibles à grande échelle et à peu de frais, et ses calculs sont relativement simples. Dans ce modèle, le taux d'intérêt sans risque révèle la conjoncture actuelle, mais l'estimation du bêta est fondée sur des données historiques, alors le modèle n'est ni prospectif ni entièrement rétrospectif. Ce modèle (…) résiste bien aux dérogations aux hypothèses sous-jacentes, mais pas nécessairement à l'évolution de la conjoncture.

Comme le révèle cet examen, la principale source qui prête à controverse pour le MEDAF est l'estimation des paramètres, en particulier la PRM, mais la méthode adéquate pour estimer le bêta et ce qu'est la mesure appropriée du taux sans risque sont également des sujets de controverse. Il est important de reconnaître ce manque de consensus dans les ouvrages universitaires et parmi les praticiens lorsque le MEDAF est utilisé dans un contexte de réglementation. Bien que ce modèle soit peut-être mieux enraciné dans la théorie économique que d'autres méthodes, il est également plus susceptible de faire l'objet de controverses sur le plan technique.

Prime de risque sur capitaux propres (modèle ERP)

[128] Il existe plusieurs modèles ERP pour estimer le coût des capitaux propres – actions ordinaires. Tous reposent sur le principe qu'un investissement sous forme d'actions comporte un risque plus élevé qu'un investissement sous forme de titres de créance et exige donc une prime en sus du taux offert pour les obligations. Formulé mathématiquement, le modèle ERP qu'utilise l'Office s'exprime comme suit :

Re = Rf + PRM

où :

RE est le coût des capitaux propres

Rf est le taux sans risque

PRM est la prime de risque du marché

[129] Comme le montre l'équation ci-dessus, le modèle ERP de l'Office est une version particulière du MEDAF classique : le niveau de risque systématique des titres de la compagnie, mesuré par ß, est supposé égal à 1 (c'est-à-dire que ces titres enregistrent en moyenne des variations équivalentes à celles du marché). Pour calculer la variable prime de risque du marché dans ce modèle, l'Office fait la moyenne des primes de risque du marché des cinq dernières années.

[130] Le rapport Brattle résume l'utilité du modèle ERP comme méthode d'établissement du coût des capitaux propres dans les termes suivants (page 67) :

Le modèle fondé sur la prime de risque est une méthode dérivée du MEDAF; les commentaires se rapportant au MEDAF concernent donc également le modèle fondé sur la prime de risque. Toutefois, les fondements théoriques du modèle fondé sur la prime de risque ne sont pas aussi poussés que ceux du MEDAF. Le lien entre la théorie et la pratique est affaibli par le fait que, dans le modèle fondé sur la prime de risque, le taux d'intérêt n'est pas nécessairement égal au taux sans risque et la prime de risque n'est pas explicitement fondée sur le produit du coefficient bêta de l'investissement par la prime de risque du marché (PRM). Cependant, le modèle propose des calculs simples et il repose sur le compromis entre risque et rendement qui sous-tend le MEDAF. Le modèle est dit prospectif parce que le taux d'intérêt de référence est un taux actuel et que les données exigées par le modèle sont, de manière générale, facilement accessibles et bon marché, selon la méthode utilisée pour estimer la prime de risque.

Modèle de l'actualisation des flux monétaires (ou modèle DCF – Discounted Cash Flow)

[131] Le modèle DCF repose sur le postulat selon lequel le prix d'une action reflète la valeur actualisée de toutes les rentrées de fonds que pourra générer cette action durant son existence. Si l'on suppose que les dividendes représentent les seules rentrées de fonds que pourra générer l'action et qu'on suppose aussi que le dividende croît à un taux constant sur un horizon infini, la formule ordinaire du modèle DCF exprime le rendement attendu du titre de participation en fonction du rendement courant du titre, du cours des actions ordinaires de la compagnie et du taux de croissance prévu du dividende. Cette version simple du modèle DCF à une période est donc formulée comme suit :

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Texte alternatif pour la formule

où :

RE est le taux de rendement des capitaux propres

D0 est le dividende courant

P est le cours de l'action

D0/P est le rendement courant de l'action

g est le taux de croissance du dividende.

[132] Si l'on juge peu réaliste l'hypothèse que les dividendes croissent à un taux constant sur un horizon infini et que l'on dispose par ailleurs d'estimations sur le taux de croissance des dividendes dans le temps, on peut calculer le rendement attendu des capitaux propres en résolvant l'équation ci-dessous en fonction du Re :

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Texte alternatif pour la formule

où :

D1, ..., DT représentent les encaissements de dividendes de chaque période;

T désigne la période de long terme où la croissance plafonne;

g représente le taux de croissance à l'équilibre de long terme.

[133] Pour mettre en œuvre ce modèle DCF à périodes multiples, on doit disposer de prévisions sur les taux de croissance pour chaque période et connaître la durée de ces périodes, de même que le dividende courant et le prix de l'action. Le modèle DCF et ses variantes sont traités plus en détail dans la section 13. L'Office utilise présentement la version du modèle à une période.

[134] Le rapport Brattle résume l'utilité du modèle DCF comme méthode d'établissement du coût des capitaux propres dans les termes suivants (pages 62-63) :

En résumé, la fiabilité du modèle DCF dépend de la pertinence de ses hypothèses, à savoir si la formule de la valeur actualisée est valide pour les actions, si les répercussions de l'évaluation des options sont importantes pour la société, si la bonne variante de la formule de base a été trouvée, et si les véritables anticipations du taux de croissance ont été définies.

La plupart des données nécessaires à l'application du modèle sont facilement accessibles à peu de frais, si ce n'est de l'absence de sources de données sur le taux de croissance à long terme des dividendes. Ses calculs sont relativement simples, et la logique du modèle est intuitive en ce que le rendement attendu des investissements est égal au montant prévu des revenus courants (c'est-à-dire les versements de dividendes) et du gain en capital (c'est-à-dire la hausse du cours ou des versements de dividendes).

La détermination du taux de croissance des dividendes, en particulier pour le long terme, est la principale source de controverse en ce qui concerne le modèle DCF. En général, il n'existe pas de données accessibles au public sur les taux de croissance prévus pour des périodes de plus de 5 ans. Malheureusement, le taux de croissance prévu a une incidence majeure sur le coût des capitaux propres estimé selon la méthode DCF.

La méthode DCF est théoriquement solide si ses hypothèses sont respectées, mais elle peut poser des difficultés en pratique, parce que ces hypothèses sont très hardies et risquent peu de correspondre à la réalité.

6.2 Évolution des pratiques de l'Office en matière de calcul du coût des capitaux propres

[135] La méthode qu'applique actuellement l'Office pour établir le coût des capitaux propres a été adoptée dans le cadre de la décision de 1985 :

Trois méthodes utilisées sur le marché ont été mises de l'avant durant l'audience pour mesurer le coût des actions ordinaires de CP Ltée : la méthode de la valeur actualisée nette (VAN), le modèle d'équilibre des marchés financiers (MEAF) et la prime de risque. Ces trois méthodes ont quelque mérite, a dit le Comité, mais elles sont très difficiles à mettre en œuvre. Dans les prochaines déterminations annuelles du coût du capital, le Comité tiendra compte des résultats des trois méthodes et portera un jugement avisé. Et, au fur et à mesure que de nouveaux instruments d'analyse atteindront le niveau de fiabilité nécessaire, le Comité étudiera la possibilité de les employer en plus des méthodes précitées.

[136] Depuis la publication de la décision de 1985, l'Office a réexaminé à deux reprises sa méthode de calcul du coût du capital. Dans sa décision de 1997, l'Office émet la conclusion suivante après avoir reconsidéré sa méthode d'établissement du coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires :

(...) l'Office est d'avis qu'il faut continuer à utiliser les trois méthodes axées sur le marché (c.-à-d. la méthode VAN, le MEAF et la méthode de la prime de risque) pour estimer le coût des actions ordinaires de CPL. Comme dans le cas de la décision de 1985, le résultat des trois méthodes sera évalué chaque année et l'on retiendra le modèle ou la combinaison de modèles qui convient le mieux. L'Office constate que le jugement joue dans l'estimation des résultats des modèles.

[137] À la suite de changements à la réglementation, l'Office a revu une fois de plus sa méthode de calcul du coût des capitaux propres en 2003, puis en 2004, année d'une décision dans laquelle il conclut, pour répondre aux préoccupations exprimées par CN au sujet de la pondération nulle accordée au modèle DCF par l'Office et au sujet d'autres questions,

(...) qu'aucun changement n'est nécessaire en ce qui a trait à la méthodologie attribuée dans les décisions de 1985 et 1997 pour savoir quels modèles axés sur le marché utiliser et comment ils doivent être évalués par l'Office lors des évaluations du coût des capitaux propres. Par conséquent, l'Office continuera à évaluer les trois modèles reconnus et accordera la pondération appropriée à chaque modèle ou combinaison de modèles qui reflète le mieux la situation des marchés des capitaux.

[138] L'Office contine d'évaluer le coût des capitaux propres des compagnies de chemin de fer aux fins de la réglementation en se servant du MEDAF (ou MEAF) ainsi que des modèles ERP et DCF. Après avoir calculé le coût des capitaux propres à l'aide de chaque modèle, l'Office détermine le modèle ou la combinaison de modèles qui correspond le mieux à la conjoncture économique du moment. Depuis la campagne agricole 1992-1993, l'Office a toujours accordé une pondération de 100 pour cent au MEDAF, jugeant que celui-ci est le modèle qui rend le mieux compte de la conjoncture des marchés des capitaux dans lesquels évoluent les compagnies de chemin de fer. Dans la décision de 2004, on pouvait lire que l'Office préfère donner une pondération prioritaire à la méthode du MEDAF étant donné que ce modèle :

(...) est connu et accepté dans la pratique réglementaire et financière et n'est pas assujetti au degré de conjecture nécessaire pour estimer un taux de croissance prévu ou une prime de risque comme c'est le cas avec les méthodes VAN et PRCA respectivement. Le MEAF permet une projection transparente quantifiable, qui incorpore les données conciliables par rapport à l'ensemble du marché et les facteurs spécifiques à une entreprise (bêta), pour en arriver à une prévision du coût du capital-actions ordinaires.

[139] Depuis la publication de la décision de 2004, au moins une des deux compagnies de chemin de fer de classe 1 continue de s'intéresser à la question et insiste pour que l'Office se serve d'une combinaison des résultats du MEDAF et du modèle DCF pour établir le coût des capitaux propres.

6.3 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[140] CP met en évidence le passage suivant du rapport Brattle : « L'analyse des données issues de nombreux modèles reste la meilleure pratique à adopter, parce que certains modèles réussissent mieux que d'autres à rendre compte des divers aspects du processus d'évaluation. » À la lumière de cette affirmation, CP propose que l'Office établisse une moyenne des estimations du coût des capitaux propres issues du MEDAF et du modèle DCF à périodes multiples.

[141] En ce qui concerne le MEDAF, CP soutient que le modèle tel qu'il est utilisé actuellement par l'Office présente certaines lacunes importantes : i) le taux sans risque considéré devrait être le taux de rendement sans risque à long terme; ii) le calcul de la prime de risque du marché ne tient pas compte de toutes les données accessibles (lesquelles remontent à 1936); iii) le taux de rendement sans risque servant à calculer la prime de risque du marché est mesuré à l'aide du rendement global plutôt que du rendement courant. CP conclut que si l'Office cessait de se fier uniquement au MEDAF et qu'il adoptait la méthode combinée proposée, il obtiendrait une estimation plus stable du coût des capitaux propres de CP.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[142] CN est d'avis que le MEDAF est le modèle qui répond le mieux à tous les critères définis par l'Office, à savoir que la méthode soit raisonnable, fiable et pragmatique. CN fait toutefois observer que même si le modèle DCF repose sur des données différentes de celles du MEDAF, ses fondements théoriques sont solides et on devrait s'en servir pour vérifier la cohérence des estimations issues du MEDAF. CN ajoute qu'elle n'aurait pas d'objection à ce que l'Office fasse une moyenne non pondérée des résultats du MEDAF et des résultats du modèle DCF.

[143] En ce qui a trait au modèle ERP, CN affirme qu'il peut s'avérer utile dans les cas où les prix du marché pour une compagnie réglementée ne sont pas connus, mais comme CN est une compagnie très active à la bourse, il est préférable de recourir au MEDAF.

[144] Pour ce qui est du modèle DCF, CN mentionne que les prévisions moyennes à l'égard du taux de croissance des bénéfices ne sont évidemment pas susceptibles d'être maintenues indéfiniment, et l'utilisation directe d'un taux de croissance couvrant même aussi peu que cinq ans donnera lieu à une surestimation du coût des capitaux propres. CN ajoute que le modèle DCF présente certaines difficultés, mais conclut qu'il pourrait s'avérer utile de vérifier la cohérence des estimations issues du MEDAF à l'aide du modèle DCF : un large écart entre les deux estimations pourrait être le signe d'un problème du côté du MEDAF.

Canadian Canola Growers Association

[145] La CCGA est en faveur de l'utilisation du MEDAF. Elle souligne que l'Office tient aussi compte des résultats du modèle DCF et du modèle ERP lorsqu'il établit le coût des capitaux propres. La CCGA est aussi d'avis que le fait d'examiner les résultats de ces deux modèles permet de confirmer le caractère raisonnable des estimations du MEDAF et offre à l'Office un moyen additionnel de déceler les problèmes potentiels liés soit au MEDAF comme tel, soit aux données servant aux calculs. La CCGA estime que la méthode de calcul actuelle de l'Office est fiable. Elle n'aborde pas la question du modèle DCF et ses variantes, et elle ne donne pas non plus son avis sur les données servant à l'estimation du modèle DCF.

Coalition des expéditeurs par rail

[146] La CER a présenté ses observations sous la forme d'une critique du rapport Brattle. Elle se penche sur plusieurs modèles d'estimation du coût des capitaux propres analysés dans le rapport Brattle.

[147] La CER soutient qu'ajouter le coût des capitaux propres découlant de méthodes d'estimation inférieures au coût des capitaux propres issu de méthodes d'estimation supérieures, comme le préconise le rapport Brattle selon la CER, ne fait qu'accroître le risque d'erreur dans les estimations et le risque de biais et que cela n'augmente pas vraiment l'exactitude (le caractère équitable) du coût des capitaux propres estimé. En ce qui concerne la méthode actuelle de l'Office qui consiste à examiner trois modèles puis à utiliser son jugement pour déterminer le plus performant, la CER affirme que le rapport Brattle ne fait pas la démonstration convaincante que l'Office devrait renoncer à cette souplesse.

[148] Par ailleurs, la CER affirme que les modèles ERP [les modèles ERP comprennent, entre autres, le MEDAF] sont les modèles privilégiés par les organismes de réglementation dont il est question dans le rapport Brattle. Les modèles DCF arrivent en deuxième position dans la liste des préférences, bien loin derrière les modèles ERP. Le modèle fondé sur les bénéfices comparables se classe à la toute fin de la liste : un seul organisme l'utilise, et ce, de manière partielle.

[149] Au sujet du modèle DCF, la CER mentionne que les études économiques font état de biais par excès d'optimisme et de confiance dans les bénéfices estimés par les analystes, que la révision des prévisions des analystes provoque des variations dans le cours des actions et que le fait de recourir à ces estimations sans neutraliser le biais par excès donne lieu à une surestimation de la prime de risque sur capitaux propres et du coût des capitaux propres. La CER allègue en outre que si les organismes de réglementation fixent le coût des capitaux propres autorisé d'après les résultats du modèle DCF estimés au moyen de taux de croissance prévus qui sont systématiquement plus élevés (ou moins élevés) que les taux observés subséquemment, alors le coût des capitaux propres autorisé sera systématiquement plus élevé (ou moins élevé) que le coût des capitaux propres équitable.

Western Canadian Shippers' Coalition

[150] La WCSC estime que l'Office devrait continuer d'estimer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires à l'aide du MEDAF sans attribuer une pondération au modèle DCF. La WCSC met en doute l'exactitude des taux de croissance estimés utilisés dans le modèle DCF, et elle analyse trois méthodes possibles pour estimer ces taux de croissance. Elle ne privilégie toutefois pas l'une ou l'autre des trois méthodes.

[151] La première méthode analysée par la WCSC consiste à multiplier le rendement moyen des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires par la portion des gains retenus par la compagnie dans le passé au cours d'une période déterminée préalablement. La WCSC rejette cette méthode, car elle juge qu'elle pourrait être source d'importantes erreurs. La deuxième méthode consiste à faire appel à un spécialiste pour qu'il recueille toutes les données historiques jugées pertinentes et qu'il produise une estimation; toutefois, la WCSC croit que si plusieurs personnes portent des jugements, les données qui en résulteront ne seront pas homogènes, et l'Office sera contraint à examiner le raisonnement qui sous-tend chacun des résultats avant de décider de l'estimation à retenir. La troisième approche analysée par la WCSC consiste à faire la moyenne des estimations effectuées par les analystes en valeurs mobilières des sociétés offrant des conseils en matière d'investissement. La WCSC fait observer que de telles estimations sont biaisées dans la mesure où le rendement du capital investi et la portion des gains retenus par la compagnie devraient évoluer au cours de la période.

[152] La WCSC est d'avis que le modèle DCF peut donner des résultats très précis lorsqu'il est exécuté par un spécialiste qui tient compte de toutes les données actuelles et historiques pertinentes, mais qu'il produit des estimations moins précises lorsqu'une formule rigide est employée. La WCSC conclut qu'en l'absence d'audiences annuelles, et s'il n'est pas possible d'examiner le raisonnement qui sous-tend les estimations, il est peu probable que le modèle DCF produise des résultats exacts.

Province de l'Alberta

[153] L'Alberta croit que l'Office devrait continuer de recourir au MEDAF pour déterminer la portion du coût du capital qui correspond au rendement des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. En se fondant sur le rapport Brattle, l'Alberta estime qu'il n'existe pas de modèle clairement plus performant que les autres et qu'on ne pourrait pas apporter d'améliorations au MEDAF.

[154] L'Alberta n'analyse pas le modèle DCF et ses variantes, et elle n'émet pas d'opinion quant aux données servant à estimer le modèle DCF, si ce n'est qu'elle affirme qu'utiliser ce modèle aurait une incidence négative sur les expéditeurs de grains de l'Ouest et que cela augmenterait de manière déraisonnable les gains de CN et de CP au titre du transport du grain de l'Ouest.

Province du Manitoba

[155] Le Manitoba a examiné le MEDAF, le modèle DCF, le modèle ERP et le modèle fondé sur les bénéfices comparables. À la lumière de cet examen, le Manitoba estime que ni le modèle ERP ni le modèle fondé sur les bénéfices comparables ne devraient être utilisés pour calculer le rendement des capitaux propres, mais il juge que le MEDAF est raisonnable, fiable et pragmatique. Le Manitoba affirme que le modèle DCF n'est pas totalement fiable, pragmatique et raisonnable, soutenant que les prévisions de croissance actuelles ne sont pas susceptibles d'être maintenues à long terme.

Province de la Saskatchewan

[156] La Saskatchewan ne voit aucune raison qui pourrait justifier le recours par l'Office à un autre modèle que le MEDAF comme fondement du calcul du coût des capitaux propres. Elle conclut qu'aucune autre méthode ne s'est révélée clairement supérieure au MEDAF actuellement employé par l'Office et que ce dernier devrait donc continuer de s'en remettre à ce modèle.

[157] La Saskatchewan a en outre analysé les répercussions de l'utilisation du modèle DCF pour estimer le coût des capitaux propres nécessaire au calcul du revenu admissible maximal au titre du transport du grain de l'Ouest. La Saskatchewan affirme que si, pour la campagne agricole 2009-2010, l'Office avait eu recours au modèle DCF pour déterminer le coût du capital aux fins du plafonnement des revenus, le plafond aurait été plus élevé d'environ 88 millions de dollars.

6.4 Réponses

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[158] CP mentionne que la CER soulève un certain nombre de questions théoriques au sujet de l'estimation du coût des capitaux propres, mais qu'elle ne propose pas de solution de rechange précise à la méthode actuelle de l'Office et qu'elle semble parvenir à la conclusion que l'Office devrait continuer à faire preuve de souplesse et à examiner plus d'une méthode dans le cadre de son processus d'estimation du coût des capitaux propres. Elle affirme aussi que la CER soutient malgré tout qu'il est possible de cibler une méthode unique plus précise, et donc supérieure, qui permettrait d'estimer le coût des capitaux propres. CP s'objecte à l'évaluation que fait la CER de ces questions. CP explique que le coût des capitaux propres est un coût implicite qui ne peut être observé de manière directe, et qu'il n'y a aucun moyen de mesurer ce coût sans faire appel à des modèles économiques et financiers, lesquels ont tous des bons et des mauvais côtés qui doivent être pris en considération avant d'opter pour l'un ou pour l'autre. CP est d'avis qu'il n'existe pas de modèle unique qui constitue la meilleure solution dans tous les cas et qu'une des méthodes largement acceptées pour accroître la fiabilité des résultats issus de ces modèles consiste à combiner les estimations provenant de divers modèles pour générer un coût du capital.

[159] CP fait mention des préoccupations de la CCGA à l'égard des fluctuations qui pourraient se produire d'une année à l'autre si la méthode de calcul du coût du capital devait changer fréquemment. CP a les mêmes préoccupations que la CCGA au sujet des fluctuations potentielles du coût du capital réglementaire, mais elle ne croit pas que l'utilisation constante d'une seule méthode atténuerait ces fluctuations à long terme. CP estime que la conclusion de la CCGA semble être fondée sur l'hypothèse selon laquelle utiliser plusieurs méthodes signifie changer de méthode au fil du temps, et non combiner systématiquement plusieurs méthodes. CP mentionne que sa proposition voulant que l'Office fasse une moyenne des résultats des deux modèles (le MEDAF et le modèle DCF à périodes multiples) devrait atténuer les inquiétudes soulevées par la CCGA. CP fait valoir que la méthode qu'elle propose permettrait à l'Office de générer une estimation du coût des capitaux propres qui rendrait généralement mieux compte de la situation économique de l'industrie ferroviaire canadienne et qui subirait vraisemblablement moins l'effet des jugements portés sur la mise en œuvre des modèles.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[160] CN soutient que la WCSC n'offre aucune justification à l'appui de son affirmation selon laquelle l'Office devrait continuer à estimer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires à l'aide du MEDAF. En outre, CN se trouve en désaccord avec la WCSC, qui rejette le modèle DCF parce que les paramètres du modèle doivent être sélectionnés soit d'après des estimations historiques qui peuvent faire l'objet d'erreurs, soit d'après des estimations reposant sur des jugements. CN fait valoir qu'aucune estimation statistique n'est à l'abri d'erreurs et qu'elle ne considère pas que le premier argument est valable. CN affirme par ailleurs que comme l'application de n'importe quel modèle commande une dose de jugement – même le MEDAF que recommande la WCSC – le second argument est également sans fondement.

Western Canadian Shippers' Coalition

[161] La WCSC affirme qu'elle n'a pas d'objection théorique à l'égard de l'utilisation d'un modèle DCF à périodes multiples pour estimer le coût des capitaux propres, mais elle s'oppose au modèle particulier que propose CP, à la source des estimations et à la manière dont le modèle serait mis en application. La WCSC convient qu'un modèle DCF pourrait être utilisé dans le cadre de certaines démarches réglementaires afin de générer une estimation très précise du coût des capitaux propres, mais, selon elle, le modèle DCF à périodes multiples recommandé par CP comporte de graves lacunes. En premier lieu, la WCSC fait observer que le modèle n'a pas été conçu pour estimer le coût des capitaux propres de CN ou de CP en particulier, et le modèle universel ne produira pas des résultats précis au regard ni de CN ni de CP. En deuxième lieu, la WCSC allègue que la démarche utilisée par CP pour estimer les paramètres à intégrer dans le modèle, en particulier les taux de croissance, comporte des failles. Enfin, la WCSC soutient que les modèles DCF à périodes multiples ne donnent généralement pas des résultats exacts lorsqu'une formule rigide est employée, comme le fait CP.

6.5 Pratiques des autres organismes de réglementation

[162] Dans son dernier examen, la STB s'est penchée sur la méthode d'établissement du coût des capitaux propres. Dans le cadre du processus d'établissement du coût du capital des compagnies de chemin de fer réglementées pour l'année 2005, la Western Coal Traffic League (WCTL) a contesté l'utilisation du modèle DCF à une période. En septembre 2006, la STB a entrepris un examen de sa méthode de calcul du coût des capitaux propres.

[traduction]

À la lumière de cet examen, en janvier 2008, nous avons laissé tomber notre modèle DCF à une période et avons opté pour un modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) afin d'établir avec plus d'exactitude le coût du capital des compagnies de chemin de fer. Dans le cadre de cette décision, la STB fait valoir qu'elle entreprendra également des démarches réglementaires distinctes visant à rassembler des renseignements additionnels sur la méthode d'estimation du coût du capital et à examiner des propositions détaillées de modèle DCF à périodes multiples qui pourrait être utilisé en combinaison avec le MEDAF dans l'avenir[13].

[163] Après cet examen, la STB est parvenue à la conclusion suivante :

[traduction]

Établir une moyenne non pondérée du résultat du MEDAF et du résultat du modèle DCF à périodes multiples de Morningstar/Ibbotson pour calculer le coût des capitaux propres générera une estimation plus précise que le MEDAF employé seul[14].

[164] La STB a justifié ainsi sa décision d'utiliser une moyenne des résultats des deux modèles :

[traduction]

À notre avis, les deux modèles offrent des avantages à l'égard de l'estimation du coût des capitaux propres. Comme nous l'avons constaté, si le MEDAF est un outil d'estimation du coût des capitaux propres largement accepté, il comporte des forces et des faiblesses et il gagnerait à être utilisé en complément avec un modèle DCF. En théorie, les deux méthodes cherchent à estimer le coût véritable des capitaux propres d'une compagnie de chemin de fer et elles devraient produire les mêmes résultats attendus si elles sont appliquées correctement. Les deux méthodes prennent simplement deux chemins différents pour atteindre le même objectif. Ainsi, en utilisant la moyenne des résultats obtenus à l'aide des deux méthodes, nous pourrions obtenir une estimation plus fiable, moins instable et, au bout du compte, supérieure à celle que nous obtiendrions en nous fiant exclusivement à l'un ou l'autre des modèles.

6.6 Le rapport Brattle

[165] Le rapport Brattle[15] fait un résumé des modèles utilisés par les organismes suivants pour calculer le coût des capitaux propres : l'Alberta Utilities Commission (AUC), la Commission de l'énergie de l'Ontario (CEO), l'Australian Energy Regulator (AER), la STB, le CRTC, la Competition Commission du Royaume-Uni (UKCC), l'Economic Regulation Authority de l'Australie-Occidentale (ERA) et la Commerce Commission de la Nouvelle-Zélande (NZCC). Tous les organismes de réglementation sur lesquels s'est penché le Brattle Group utilisent au moins partiellement le MEDAF pour estimer le coût des capitaux propres. La CEO recourt également au modèle fondé sur la prime de risque et, de manière partielle, au modèle fondé sur les bénéfices comparables.

[166] Le rapport Brattle mentionne également que bien que ni l'AUC ni la CEO n'aient commenté de manière approfondie la mise en œuvre des modèles DCF, les deux organismes de réglementation se fient en partie aux résultats obtenus à l'aide des modèles DCF pour déterminer la prime de risque ou le rendement des capitaux propres autorisé. Les auteurs du rapport ajoutent que les deux organismes ont examiné le modèle DCF à une période et le modèle DCF à périodes multiples, mais leurs décisions ne font pas état de préférences quant aux données à insérer dans les modèles.

[167] Le modèle fondé sur la prime de risque sur capitaux propres employé par la CEO prévoit le rajustement du rendement des capitaux propres à l'année de référence (défini à l'aide de divers modèles d'estimation du coût des capitaux propres) : un facteur de 0,75 est appliqué à l'écart entre le rendement prévu des obligations à long terme du gouvernement du Canada pour l'année examinée et le rendement prévu des obligations à long terme du gouvernement du Canada à l'année de référence.

7.0 La prime de risque associée au transport du grain

Question : L'Office devrait-il continuer à évaluer chaque année la pertinence d'appliquer un rajustement au coût des capitaux propres-actions ordinaires pour refléter le risque afférent au transport du grain, et dans l'affirmative, sur quoi l'Office devrait-il se fonder?

7.1 Contexte et pertinence

[168] Tous les ans, l'Office détermine s'il doit appliquer un rajustement au coût des capitaux propres en fonction du risque associé au transport du grain. Il procède ainsi depuis 1983, année où ce processus de rajustement a été instauré par le truchement de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest (LTGO). À l'époque, l'alinéa 38(2)b) de la LTGO prévoyait ce qui suit :

[…] la Commission […] calcule les coûts en capital conformément à l'alinéa 276(3)b) de la Loi sur les chemins de fer et effectue tout rajustement qu'elle estime justifié, compte tenu des risques afférents aux mouvements du grain.

[169] Ce rajustement permet à l'Office de tenir compte du risque différentiel que présente le transport du grain par rapport au transport d'autres marchandises.

[170] Dans la décision de 1985, le Comité des transports par chemin de fer (CTCF) de la Commission canadienne des transports (prédécesseur de l'Office) concluait que le transport du grain, aux termes de la LTGO, était moins risqué que le transport des marchandises en général. Le CTCF avait alors déterminé que les circonstances dans lesquelles le grain était transporté avaient pu être appréciablement affectées par l'adoption de la LTGO; plus précisément, les revenus garantis par les subventions du gouvernement avaient fait du transport du grain une activité moins risquée que le transport d'autres marchandises[16]. Comme les taux admissibles en vertu de la LTGO pour les expéditeurs de grain étaient, contrairement à toutes les autres marchandises, fixes mais insuffisants, les subventions garantissaient aux compagnies de chemin de fer des revenus leur permettant de couvrir l'ensemble des coûts économiques associés au transport du grain, y compris le coût du capital et l'amortissement. C'est ce qui a poussé le CTCF à conclure que le risque – et conséquemment le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires – afférent au transport du grain était de un point de pourcentage inférieur à celui établi pour l'ensemble des opérations de CP. CN appartenait encore à l'État à cette époque.

[171] Après l'abrogation de la LTGO en 1995 et la promulgation de la LTC en 1996, la décision de 1985 a fait l'objet d'un examen et a été modifiée, ce qui a donné lieu à une nouvelle décision en 1997. Alors que CN et CP avaient toujours bénéficié de subventions considérables de la part du gouvernement fédéral, après la création de l'OTC, ces subventions ont été enrayées et la structure des taux a été revue. Les producteurs de grains devaient désormais assumer le coût total du transport du grain de l'établissement agricole jusqu'à la destination finale.

[172] Dans sa décision de 1997, l'Office tient compte de ce changement législatif et conclut que même si au Canada, les volumes de grains transportés varient selon les conditions météorologiques, le transport du grain ne présente pas moins de risques que le transport d'autres marchandises. En conséquence, l'Office a décidé de hausser le coefficient de rajustement de -1 pour cent à 0.

[173] Dans cette même décision, l'Office a admis que l'abrogation de la LTGO s'est accompagnée d'une possibilité de risque supplémentaire pour les compagnies de chemin de fer. L'Office note qu'un certain nombre de changements annexes dans la façon de cultiver, de manutentionner et de transporter le grain se sont opérés. L'Office a conclu que les producteurs avaient désormais tout intérêt à sélectionner la combinaison de transport la moins chère par camion et par train ou par camion jusqu'à une entreprise de transformation locale.

[174] L'Office a alors convenu qu'il y avait un risque important que de grandes quantités de grains qui étaient jadis acheminées par train ne le soient plus dans l'avenir. Le grain pouvait être acheminé par camion jusqu'à une compagnie de chemin de fer concurrente, ou directement vers les marchés d'écoulement, ou encore vers un établissement local pour y être transformé en produits à valeur ajoutée (p. ex. trituration des oléagineux, élevage de bétail avec des grains fourragers). Dans sa décision de 1997, l'Office a aussi conclu qu'il y avait un risque que la quantité totale de grains produite diminue si les agriculteurs soustrayaient à la production du grain les terres à rendement marginal, vu que les produits pourraient ne plus suffire à régler les coûts de transport non subventionnés jusqu'aux marchés d'écoulement.

[175] L'Office a également convenu qu'il se pouvait que les producteurs de grains diversifient leurs activités vers d'autres secteurs, comme l'élevage de bétail, réduisant du même coup la quantité de grains à acheminer par train. L'Office a noté que certains produits à valeur ajoutée étaint alors transportés par camion et que le transport d'autres produits serait dès lors soumis à la concurrence du camionnage.

[176] Dans sa décision de 1997, l'Office a aussi admis que la vente annoncée, mais pas encore effective, du parc de wagons-trémies du gouvernement ajoutait un nouvel élément de risque au transport du grain. Les compagnies de chemin de fer ne savaient plus à qui appartiendraient ces wagons ni qui en assurerait l'exploitation, wagons qui représentaient environ 50 pour cent du parc de wagons à grain disponibles. Les problèmes que pourraient entraîner l'affectation et l'utilisation des wagons étaient aussi des facteurs qui ont contribué à cette incertitude.

[177] Pour les raisons susmentionnées, dans sa décision de 1997, l'Office a laissé la porte ouverte à des rajustements dans l'avenir, au besoin. Il a affirmé qu'il continuerait de surveiller la situation et de déterminer chaque année le rajustement nécessaire au titre du risque afférent au transport du grain en s'appuyant sur son jugement éclairé.

[178] Les années suivantes, l'Office a entendu les arguments des compagnies de chemin de fer et des parties concernées pour et contre le rajustement en fonction du risque afférent au transport du grain, mais il est toujours parvenu à la conclusion que les raisons données dans la décision de 1997 en faveur d'un rajustement nul étaient encore valables. Le coefficient de rajustement nul a donc toujours été maintenu depuis.

7.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[179] CP affirme que de nombreux facteurs agronomiques et géopolitiques influent sur la volatilité des volumes de grains produits et expédiés d'une année à l'autre, mais elle admet qu'une grande part des incertitudes et des risques dont il est question dans la décision de 1997 ne s'appliquent plus aujourd'hui. CP fait observer que le risque couru est désormais plus grand et d'intérêt public : si les compagnies de chemin de fer ne peuvent réaliser un rendement suffisant sur le capital investi, la viabilité de leurs réseaux et leur capacité à servir leurs clients seront compromises. CP est d'avis que ce risque n'est pas propre au grain, mais qu'il s'applique plutôt à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. CP maintient que [traduction] « l'inclusion d'un rajustement au titre du risque afférent au transport du grain serait contraire à l'objectif de l'Office, qui consiste à se doter d'une méthode raisonnable, fiable et pragmatique ».

[180] En réponse aux observations initiales, CP s'oppose aux positions de l'Alberta et du Manitoba qui préconisent un rajustement au coût des capitaux propres se situant entre 100 et 180 points de base. Selon CP, l'Office reconnaît que l'abrogation de la LTGO a accentué le risque auquel s'exposent les compagnies de chemin de fer au titre du transport du grain de l'Ouest. CP ajoute que les risques et incertitudes associés au grain touchent non seulement les producteurs de grains, mais également CP en raison de ses investissements dans le matériel, les wagons et les installations visant à appuyer la production et la distribution des grains.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[181] CN soutient que les circonstances ayant poussé l'Office à rendre sa décision de 1997 à cet égard n'ont pas changé et que toute allégation voulant que le risque soit différent découlerait d'une évaluation totalement subjective et discrétionnaire, et donc incompatible avec les principes définis par l'Office, qui veut que la méthode d'établissement du coût du capital soit raisonnable, fiable et pragmatique. En réponse aux intervenants qui souhaitent qu'un rajustement soit effectué pour tenir compte du risque moindre découlant du transport du grain, CN mentionne qu'aucune donnée n'a été fournie pour étayer cette position et qu'il est impossible de mesurer le risque systématique des titres de participation non négociés d'une entreprise de transport du grain ou la covariance entre le rendement du transport du grain et le rendement de tous les actifs.

Western Canadian Shippers' Coalition

[182] La WCSC définit le risque systématique afférent au transport du grain comme étant la covariance entre le rendement du transport du grain et le rendement de tous les actifs. Selon elle, même si le risque systématique associé au transport du grain peut différer ou pas du coût du capital global des compagnies de chemin de fer, selon que le risque systématique associé au transport du grain diffère du risque systématique global, il est pratiquement impossible à mesurer, car il n'y a pas de prix du marché associés aux titres de participation non négociés d'une entreprise de transport du grain.

Canadian Canola Growers Association

[183] La CCGA considère que l'argument en faveur d'une prime de risque au titre du transport du grain est fondé sur le fait que les revenus des compagnies de chemin de fer tirés du transport du grain sont plus instables que leurs revenus globaux. La CCGA affirme que si les activités de la compagnie de chemin de fer sont diversifiées, les revenus globaux sont moins instables que les revenus tirés d'une activité en particulier, car les différentes activités ne sont généralement pas corrélées entre elles. La CCGA conclut qu'il n'est pas justifié d'inclure une prime de risque pour le transport du grain dans le calcul puisque le coût du capital est déterminé sur la base de la société dans son ensemble et non de ses différentes activités.

Provinces de l'Alberta et du Manitoba

[184] L'Alberta et le Manitoba soutiennent que l'Office devrait continuer d'évaluer sur une base annuelle le risque associé au transport du grain et de déterminer s'il convient de rajuster le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires pour tenir compte de ce risque. Si l'Office devait envisager une autre option, l'Alberta et le Manitoba affirment que l'Office devrait considérer le transport du grain comme un facteur de réduction du risque pour les compagnies de chemin de fer, et ce, pour deux raisons.

[185] En premier lieu, les compagnies de chemin de fer ont le quasi-monopole du transport du grain sur de longues distances, ce qui réduit le risque afférent au transport du grain par rapport au transport d'autres marchandises. Le Manitoba illustre la réduction du risque découlant de la situation de monopole à l'aide d'études visant à comparer le coût des capitaux propres de compagnies réglementées et non réglementées comparables sur le plan de la sécurité et de la santé financière. Le Manitoba affirme que le coût des capitaux propres des compagnies réglementées qui est toujours plus bas que celui des compagnies non réglementées indique que les investisseurs considèrent les compagnies en monopole comme étant beaucoup moins risquées que les compagnies en concurrence, et que le même risque différentiel s'applique pour les segments du marché du transport ferroviaire en situation de monopole et pour les segments en situation de concurrence.

[186] En deuxième lieu, contrairement à d'autres marchandises transportées par train, le volume de grains transporté n'est pas lié à la situation économique globale. Pour étayer son raisonnement, le Manitoba prend comme exemple la récession de 2009 : alors que dans le cas de la plupart des marchandises, le trafic ferroviaire a connu une baisse marquée, les volumes de grains transportés par train se sont accrus (en raison des bonnes conditions de culture et des stocks initiaux de grains satisfaisants), ce qui a contribué à ralentir la brusque chute des revenus des compagnies de chemin de fer de catégorie I tirés du transport des marchandises. Le Manitoba cite également la décision de 1985, dans laquelle le CTCF a jugé que le transport du grain a réduit le risque global auquel s'exposent les compagnies de chemin de fer car les revenus tirés de cette activité ne sont pas corrélés avec les cycles économiques, contrairement aux revenus tirés du transport d'autres marchandises.

[187] En conséquence, l'Alberta et le Manitoba estiment qu'il faudrait rajuster à la baisse le taux de rendement des capitaux propres dans le cas des investissements relatifs au transport du grain. L'Alberta croit que la réduction devrait être de l'ordre de 100 points de base. Le Manitoba est d'avis que la réduction devrait se situer entre 100 et 180 points de base pour tenir compte de la diminution du risque qui découle de cette activité.

Province de la Saskatchewan

[188] La Saskatchewan n'a pas formulé d'observations à l'égard du rajustement du coût des capitaux propres en fonction du risque afférent au transport du grain.

8.0 Les versions du MEDAF

Question : En ce qui concerne le MEDAF, certains participants aux séances de consultation ont proposé que d'autres versions que la version classique soient prises en considération.

8.1 Contexte et pertinence

[189] Le MEDAF permet de déterminer le taux de rendement exigé d'une action dans un portefeuille bien diversifié en fonction du rendement d'un actif théoriquement sans risque majoré d'une prime correspondant à la portion du risque non diversifiable de l'actif par rapport au marché dans son ensemble. L'équation généralement employée est la suivante :

Re = Rf + ß (PRM)

Re représente le rendement de l'action exigé;

Rf désigne le taux de rendement sans risque dans l'économie;

PRM représente le rendement moyen du marché moins le rendement moyen d'un actif sans risque au cours d'une période déterminée;

ß est la mesure du risque de l'action par rapport au marché dans son ensemble.

[190] Cette équation de base, qui forme ce qu'on appelle le MEDAF classique ou inconditionnel, est intuitivement intéressante; elle laisse entendre que les investisseurs seront disposés à accepter un rendement plus élevé en guise de compensation pour le risque accru que présente un actif. La prime de risque du marché représente la prime qu'offre le marché des actions dans son ensemble par rapport au taux sans risque. Le coefficient ß désigne le risque non diversifiable associé à une action particulière : un coefficient ß élevé fait état d'un risque important et donne lieu à un rendement attendu plus grand. Toutefois, la simplicité et l'intérêt intuitif du modèle classique reposent sur une version idéale et simplifiée des marchés financiers qui est à la base d'un certain nombre d'hypothèses techniques qui ne sont pas toujours le reflet de la réalité. Cette situation introduit des faiblesses techniques dans le MEDAF classique. Pour corriger ces faiblesses, diverses autres options de spécifications existent, mais celles-ci donnent lieu à des formules plus complexes et plus générales qui sont plus difficiles à tester empiriquement et à appliquer. Certaines des hypothèses posant des difficultés et leurs effets sont analysés ci-dessous.

Périodes statiques

[191] Le MEDAF traditionnel ne permet pas aux investisseurs de vendre, d'investir ou de rééquilibrer leur portefeuille à plusieurs reprises au fil du temps en réaction aux fluctuations des taux d'intérêt et à d'autres facteurs. Si l'hypothèse selon laquelle le taux d'intérêt (et, par conséquent, le taux de rendement sans risque) demeure constant est éliminée, une version intertemporelle du MEDAF peut alors être élaborée. Dans cette version, les investisseurs se prémunissent contre le ralentissement potentiel de la consommation ou les changements dans les possibilités d'investissements qui s'offriront à eux dans l'avenir. Les facteurs de risque contre lesquels les investisseurs pourraient se protéger au fil du temps comprennent entre autres les fluctuations du taux d'inflation, les possibilités d'emploi et le rendement futur du marché boursier. Le MEDAF intertemporel généralisé est donc formulé de manière à inclure un investissement principal rattaché au portefeuille de marché de même que d'autres portefeuilles qui servent de protection contre les risques perçus sur le moment. Le modèle peut être représenté par l'équation suivante :

425-R-2011/app-b-eq-191-fr.gif" alt="Équation mathématique - voir la description détaillée pour plus d'information" height="55" width="290" />
Texte alternatif pour la formule

?i (i = 1, 2, ..., n), qu'on appelle facteur de pondération des risques, mesure la sensibilité de l'actif à chacun des risques auxquels les investisseurs accordent de l'importance, et ce coefficient varie d'un actif à l'autre;

(RiRf) correspond aux primes de risque, qui mesurent le rendement attendu que l'investisseur doit réaliser en guise de compensation pour une unité du risque en cause.

Économie fermée

[192] Le MEDAF classique est fondé sur l'hypothèse que les investissements se font dans une économie fermée et que le marché boursier sur lequel reposent les choix de portefeuilles englobe toutes les possibilités d'investissement qui s'offrent aux investisseurs. Si l'hypothèse de l'économie fermée est assouplie, et que l'on suppose que les décisions d'investissement sont prises dans un contexte international où les investisseurs peuvent acquérir des actifs sur n'importe quel marché financier dans le monde, on obtient alors le MEDAF international, représenté par l'équation suivante :

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Texte alternatif pour la formule

Rf,DC désigne le taux de rendement sans risque du marché intérieur;

ßwm correspond à une mesure du risque de l'action par rapport au marché mondial (ou à un marché plus vaste que le marché intérieur);

?DC représente la sensibilité du rendement en monnaie nationale aux fluctuations de la valeur de la devise;

PRMM désigne la prime de risque du marché mondial (ou marché plus vaste que le marché intérieur);

PRC est la prime de risque de change.

[193] Lorsqu'il n'y a qu'une seule devise en cause, et qu'on suppose que la covariance entre le rendement du marché mondial et le risque de change est nulle (hypothèse très peu réaliste), la formule du MEDAF international peut être simplifiée ainsi :

où la prime de risque du marché mondial (PRMM) correspond à la différence entre le rendement du marché mondial et le taux sans risque du marché intérieur, et la prime de risque de change (PRC) correspond à la différence entre le taux sans risque du marché intérieur et le taux sans risque étranger.

[194] On peut affirmer que le MEDAF international est un cas particulier du MEDAF plus général et que si on pose certaines hypothèses restrictives additionnelles (plus précisément si on suppose que la couverture du risque de change est nulle ou négligeable, une autre hypothèse très peu réaliste), le troisième terme de la formule du MEDAF international présentée ci-dessus (la prime de risque de change) disparaît. Dans un tel cas, la formule simplifiée du MEDAF international ne comprend plus que le taux sans risque du marché intérieur, les rendements excédentaires sur le marché mondial intégré et la sensibilité du coefficient bêta de la compagnie aux rendements réalisés sur le marché mondial.

Indice boursier représentant toutes les possibilités d'investissement

[195] Théoriquement, le portefeuille de marché qui permet de déterminer le rendement du marché (Rm) devrait englober tous les types d'actifs qu'une personne peut détenir et qui constituent des investissements, p. ex. les investissements immobiliers et les œuvres d'art. Toutefois, en pratique, un tel portefeuille n'existe pas et un indice boursier fait généralement office de substitut du portefeuille de marché parfait. Il a été observé (d'abord par Richard Roll en 1977) qu'un indice boursier ne constitue pas toujours un substitut parfait de la vaste gamme de possibilités d'investissement existant dans une économie et que cette substitution peut donner lieu à de fausses inférences quant à la validité du MEDAF. Certains ont affirmé que puisqu'il n'est pas possible d'observer un portefeuille de marché parfait, il n'est pas possible de tester parfaitement de manière empirique le MEDAF.

Hypothèse de l'efficience du marché

[196] Selon l'hypothèse de l'efficience du marché, les marchés financiers présentent une « efficience informationnelle », ce qui signifie qu'il est impossible d'obtenir à tout instant un rendement plus élevé que le rendement moyen du marché rajusté en fonction des risques, étant donné les renseignements mis à la disposition du public au moment où est effectué l'investissement. Il s'agit là d'une des hypothèses sur lesquelles repose le MEDAF classique. Toutefois, de nombreux auteurs parviennent à la conclusion que le MEDAF classique n'explique pas bien les variations dans le rendement des actions. Plus précisément, les recherches révèlent que les actions dont le coefficient bêta est faible semblent afficher des rendements supérieurs à ceux que le MEDAF classique avait prévus, ce qui met en doute la validité soit de l'hypothèse de l'efficience du marché, soit de la formule du MEDAF. D'après Fama et French, deux facteurs additionnels devraient être ajoutés dans le MEDAF classique pour tenir compte de l'observation empirique selon laquelle les titres à faible capitalisation offrent un rendement plus élevé que les titres à forte capitalisation, et que les actions de valeur (les titres dont le ratio valeur comptable/cours est élevé) sont associées à des rendements plus importants que les actions de croissance. Il a été démontré que le modèle à trois facteurs de Fama-French explique 90 pour cent du rendement d'un portefeuille diversifié, comparativement à 70 pour cent en moyenne dans le cas du MEDAF classique. La formule est la suivante :

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Texte alternatif pour la formule

SMB (Small Minus Big) est un facteur représentant les rendements excédentaires historiques de deux catégories de titres (répartis selon la capitalisation boursière);

HML (High Minus Low) est un facteur représentant les rendements excédentaires historiques de deux catégories de titres (répartis selon le ratio valeur comptable/cours);

ßFF est analogue mais pas égal au coefficient bêta classique en raison de la présence des deux autres facteurs;

Re, Rf et PRM ont la même signification que dans la formule du MEDAF classique;

bs et bv sont fixés par analyse de régression multiple.

8.2 Positions des parties

[197] CN et le Manitoba, proposent que d'autres versions que la version classique du MEDAF soient prises en considération.

[198] CN affirme que même si le MEDAF classique cadre avec les objectifs de l'Office, des versions internationales du MEDAF pourraient fournir des estimations additionnelles qui serviraient de compléments aux résultats du MEDAF classique, puisque CN livre concurrence sur les marchés mondiaux pour l'obtention de capitaux :

[traduction]

Les difficultés empiriques associées à la mise en œuvre du MEDAF ont été largement étudiées au cours des 40 dernières années, et on observe un fort consensus quant à la façon d'estimer le coût inconditionnel (invariable dans le temps) des capitaux propres. Donc, si le MEDAF inconditionnel est exécuté comme il se doit, il est probable qu'il satisfasse aux trois critères définis par l'Office (méthode raisonnable, méthode fiable, méthode pragmatique).

Nous insistons sur le fait que le MEDAF peut être mis en œuvre sous plusieurs formes. Les compagnies de chemin de fer canadiennes cherchent à obtenir des capitaux auprès des investisseurs canadiens et étrangers évoluant dans un marché financier mondial. Il est sans contredit d'une importance capitale de tenir compte de cette réalité dans un cadre réglementaire visant à offrir des rendements équitables en échange des capitaux nécessaires pour entretenir et améliorer les actifs ferroviaires. Il serait facile de mettre en œuvre des versions du MEDAF qui font appel à un marché nord-américain ou à un marché mondial, et les estimations du coût du capital dérivées de tels modèles fourniraient une information précieuse aux fins du processus de réglementation.

Nous recommandons que le MEDAF inconditionnel soit le premier déterminant du coût du capital et que des versions internationales du modèle soient employées pour établir des taux de rendement complémentaires.

[199] CN fait également valoir que le MEDAF classique représente un cadre statique reposant sur le postulat d'un horizon d'investissement fixe et qui ne reflète pas la nature dynamique du contexte d'investissement dans lequel la compagnie de chemin de fer évolue. Par conséquent, CN est d'avis que la meilleure option est le MEDAF intertemporel, dans lequel le troisième terme (généralement non spécifié) est remplacé par une « prime de terme » dont la valeur peut être estimée en remplaçant le taux sans risque dans le MEDAF classique par un taux sans risque à court terme et un taux sans risque à long terme :

[traduction]

Les modèles d'équilibre des actifs financiers ultramodernes prennent explicitement en considération un horizon d'investissement non spécifié et constituent des variantes plus poussées du MEDAF. Notons entre autres le MEDAF intertemporel élaboré par Robert Merton, qui a été empiriquement mis en œuvre par un certain nombre de chercheurs pour déterminer le rendement attendu des capitaux propres dans un contexte dynamique. Les auteurs Michael Brennan, Ashley Wang et Yihong Xia (« Estimation and Test of a Simple Model of Intertemporal Capital Asset Pricing », Journal of Finance, 2004) montrent que si le modèle est formulé de telle manière que les taux d'intérêt varient au fil du temps, les primes de risque seront fonction non seulement du risque du marché mesuré par le coefficient bêta du MEDAF mais également de la durée des flux monétaires générés par l'investissement. En gros, leur version du MEDAF intertemporel représente ainsi le coût du capital :

[200] Le Manitoba recommande d'utiliser le MEDAF à trois facteurs de Fama-French plutôt que le MEDAF classique :

[traduction]

Outre l'application classique de cette méthode [MEDAF classique], l'Office devrait tenir compte des résultats du modèle à trois facteurs de Fama-French, décrit à l'annexe B (page 137) du rapport Brattle. Ce modèle repose sur les constatations de E. Fama et de K.R. French, à savoir que la taille de la compagnie et le ratio valeur comptable-cours, en plus du coefficient bêta, influent fortement sur le rendement des capitaux propres. Ce modèle constitue une amélioration au MEDAF en ce sens qu'il ignore l'hypothèse implicite selon laquelle le coefficient bêta est l'unique mesure du risque associé au titre d'une compagniepar rapport au marché.

8.3 Pratiques des autres organismes de réglementation

[201] Il semble qu'aucune autre version que la version classique du MEDAF n'a été utilisée dans le cadre de démarches réglementaires. Ainsi qu'il a été mentionné précédemment, il semble que les analyses du MEDAF intertemporel et du MEDAF international se limitent essentiellement à des travaux de recherche universitaires. En ce qui concerne l'utilisation du modèle de Fama-French par les autres organismes de réglementation, le rapport Brattle indique ce qui suit (pages 139-140) :

Le modèle de Fama-French n'est pas utilisé couramment en Amérique du Nord pour réglementer les taux, bien qu'il ait été soumis pour étude dans certains cas. Par exemple, en 2007, la Régie de l'énergie du Québec s'est penchée sur la méthode de Fama-French et a conclu que le modèle ne pouvait servir de base permettant de fixer le taux de rendement d'une société de distribution de gaz naturel, car il n'avait pas été assez examiné à ce jour. En outre, des données obtenues au moyen du modèle de Fama-French ont parfois été présentées dans le cadre de démarches réglementaires aux États-Unis et au Royaume-Uni. Or, à notre connaissance, aucune décision ne reposerait sur le modèle de Fama-French aux États-Unis. Cela dit, la Competition Commission du Royaume-Uni a utilisé le modèle pour déterminer si la prime d'une société de faible capitalisation devrait être comprise dans le coût du capital.

9.0 La pertinence des données du marché

Question : L'Office devrait-il continuer à utiliser des données du Canada ou devrait-il utiliser une combinaison de données du Canada et des États-Unis pour établir les variables à utiliser dans chacune des méthodes de calcul du coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires?

9.1 Contexte et pertinence

[202] La question de savoir s'il est préférable d'utiliser des données canadiennes ou des données américaines se rapporte aux modèles de calcul du coût des capitaux propres. Plus précisément, les données du marché servent à établir les principaux paramètres du MEDAF, soit le taux sans risque, la prime de risque du marché et le coefficient bêta. Dans sa décision rendue en 1997, l'Office a examiné la question et conclu qu'il faut accorder un poids plus grand aux données et études canadiennes.

[203] Toutefois, compte tenu des préoccupations exprimées par CN durant l'examen du coût du capital effectué en 2004 et du contexte d'investissement qui évolue – en particulier dans le cas de CN et de CP, qui sont toutes deux inscrites à la Bourse de New York (NYSE) et qui mobilisent d'importantes quantités de capitaux sur les marchés américains – l'Office a réexaminé en détail sa position à l'égard de l'utilisation de données exclusivement canadiennes dans le calcul du coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. Voici sa conclusion :

En ce qui a trait au point de référence approprié qui doit être utilisé pour la détermination du coût des capitaux propres, l'Office a considéré tous les éléments susmentionnés. Conscient que le principal facteur de détermination de cette question n'est pas la composition des actionnaires, mais plutôt la pertinence et la relativité de l'expérience américaine avec [un] coût des capitaux propres qui a concentré son application sur un segment précis du marché ferroviaire canadien, l'Office détermine que les estimations du coût des capitaux propres devraient continuer à être basées sur des données canadiennes.

[204] Dans les années qui ont suivi la publication de la décision de 2004, CN ou CP ont continué de s'opposer au fait que l'Office recoure uniquement à des données canadiennes.

9.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[205] CP affirme que les deux compagnies de chemin de fer sont inscrites à la Bourse de New York (NYSE), qu'elles exercent une grande part de leurs activités au sud de la frontière et qu'elles sont en concurrence avec les autres compagnies de chemin de fer de catégorie I sur le marché nord-américain pour l'obtention de capitaux propres. Selon CP, on pourrait donc utiliser une combinaison de données du Canada et des États-Unis pour établir les variables nécessaires à l'application des méthodes qu'elle préconise pour calculer le coût des capitaux empruntés et le coût des capitaux propres. CP n'explique cependant pas comment les données combinées pourraient être utilisées dans les calculs.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[206] CN mentionne que les investisseurs canadiens considèrent beaucoup plus les possibilités d'investissement à l'étranger depuis 10 ans. CN affirme que le coût de renonciation pour un investisseur canadien qui détient des parts dans CN dépend des choix qui s'offrent à lui au moment où il constitue son portefeuille. S'il n'y a pas d'obstacles aux investissements étrangers, alors le portefeuille de marché comprend des actifs provenant de partout dans le monde, et le coût de renonciation associé à un titre est établi d'après le risque systématique du titre par rapport au portefeuille mondial, reflétant ainsi les possibilités d'investissement sur le marché mondial (intégré) qui s'offrent à l'investisseur. CN est donc d'avis que les possibilités d'investissement à l'étranger devraient être prises en considération dans l'estimation du coût du capital et que, dans cette optique, la version nord-américaine du MEDAF est celle qui convient le mieux étant donné sa simplicité.

[207] CN reconnaît les obstacles potentiels à la mobilité des capitaux, entre autres les barrières explicites comme les contraintes juridiques, l'imposition discriminatoire et les frais de transaction ainsi que les coûts implicites comme le risque de change. Toutefois, CN fait remarquer que des modifications ont été apportées à la législation depuis 1990 pour améliorer l'accès aux capitaux. On a notamment assoupli les limites imposées pour les placements étrangers des caisses de retraite, et on a adopté le Multi-Jurisdictional Disclosure System (régime d'information multinational) en 1991. CN a présenté des données qui portent à croire que les marchés canadien et américain font l'objet d'une intégration accrue; elle a notamment fait état d'une étude réalisée en 2003[17] dont les résultats témoignent d'une certaine intégration des marchés canadien et américain, et elle a fait mention des changements apportés au cours des 10 dernières années au portefeuille de placements du Régime de pensions du Canada, maintenant dominé par des placements à l'étranger.

[208] CN propose deux méthodes de base pour tenir compte des possibilités d'investissement à l'étranger :

[209] CN souligne que le portefeuille de marché nord-américain qu'elle recommande se rapporte au marché financier des États-Unis. CN soutient que puisque le marché américain est le plus vaste du monde, il s'agit du premier marché à considérer sur le plan international. Selon CN, il serait plus convenable et plus simple d'estimer le MEDAF ordinaire à l'aide d'un portefeuille de marché nord-américain que de recourir au MEDAFI, car le risque de change est généralement négligeable. CN n'offre aucun fondement théorique ou empirique à l'appui de son affirmation.

Western Canadian Shippers' Coalition

[210] La WCSC est d'avis que l'Office devrait continuer d'utiliser exclusivement des données canadiennes pour établir les variables servant au calcul du coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires. Elle évoque plusieurs facteurs à l'appui de sa position.

[211] La WCSC affirme qu'en théorie, le portefeuille de marché englobe tous les actifs risqués que peuvent détenir les investisseurs, et il est donc beaucoup plus vaste que l'indice de rendement global S&P/TSX. Il comprend les actifs provenant de tous les pays, pas seulement du Canada et des États-Unis, et il inclut entre autres les obligations, les sociétés fermées, l'immobilier et le capital humain. La WCSC souligne qu'en pratique, on utilise toujours un indicateur pour mesurer le rendement du marché, généralement l'indice de rendement global S&P/TSX au Canada et le S&P 500 aux États-Unis. Elle insiste sur le fait qu'il existe des différences majeures entre le marché financier canadien et le marché financier américain, sur le plan de l'impôt et du risque de change, et qu'il serait incorrect d'utiliser les données américaines pour une application canadienne sans opérer de rajustement pour tenir compte de ces différences. Par ailleurs, la WCSC ajoute que si l'Office décidait de ne pas utiliser uniquement les données canadiennes, les données de nombreux autres pays devraient également être prises en considération.

[212] La WCSC mentionne également que les raisons d'ordre réglementaire pour lesquelles l'Office fixe le coût du capital sont propres au Canada et que les activités américaines de CN et de CP sont plutôt régies par la STB, laquelle ne recourt pas aux données du marché financier canadien pour estimer le coût du capital des compagnies de chemin de fer qu'elle réglemente. La WCSC soutient que l'Office ne devrait pas utiliser les données américaines pour estimer le coût du capital dans le cas des activités ferroviaires canadiennes qui sont de son ressort.

Canadian Canola Growers Association

[213] Comme l'Office réglemente des compagnies qui sont constituées et qui exercent leurs activités au Canada, la CCGA juge qu'il est approprié que l'Office s'appuie sur des données canadiennes pour calculer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires, et elle fait observer que les marchés financiers canadiens sont suffisamment vastes et liquides pour permettre un arbitrage efficace entre ces marchés et les marchés financiers mondiaux.

Coalition des expéditeurs par rail

[214] La CER est d'avis que le MEDAF international ne convient pas à l'estimation du coût du capital dans le cas des compagnies de chemin de fer canadiennes réglementées, car les marchés canadien et américain ne seraient pas suffisamment intégrés. La CER cite la conclusion d'un rapport rédigé par un de ses spécialistes, selon lequel le marché américain ne permet pas d'expliquer de manière statistiquement significative la portion du rendement des services publics du Canada qui n'est pas attribuable au marché canadien. La CER note également qu'en janvier 2009, la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) des États-Unis a refusé d'inclure une compagnie canadienne dans le groupe de référence qu'elle utilisait pour évaluer le rendement des capitaux propres aux États-Unis, son raisonnement étant que les compagnies de pipeline canadiennes sont assujetties à un cadre réglementaire très différent qui les rend moins comparables aux compagnies de pipeline qui relèvent de la FERC.

Province de l'Alberta

[215] L'Alberta soutient que l'Office devrait utiliser une combinaison de données canadiennes et de données américaines ou encore effectuer des analyses distinctes, parce que les actions des deux compagnies de chemin de fer canadiennes sont négociées à la Bourse de Toronto et à la Bourse de New York et que, par conséquent, le rendement devrait être le reflet des exigences des investisseurs de part et d'autre de la frontière. L'Alberta ne précise pas quelle pondération devrait être attribuée à chacun des marchés.

Province du Manitoba

[216] Le Manitoba affirme que l'Office devrait continuer d'utiliser des données canadiennes parce que les investissements dans le transport du grain auxquels le coût du capital s'applique sont entièrement effectués au Canada.

Province de la Saskatchewan

[217] La Saskatchewan croit que l'Office devrait continuer de recourir au MEDAF pour calculer le coût des capitaux propres, mais elle n'aborde pas précisément la question de l'utilisation exclusive de données canadiennes par l'Office.

9.3 Réponses

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[218] CN note que la WCSC débute ses observations en précisant que l'élément central du MEDAF est le concept du portefeuille de marché composé de tous les actifs offerts aux investisseurs, mais qu'elle poursuit ensuite en affirmant, entre autres choses, que les activités réglementées se déroulent au Canada uniquement. CN soutient que le fait que les activités réglementées se déroulent au Canada est sans rapport avec le fait que les investisseurs aient ou n'aient pas accès à des investissements dans d'autres pays. CN réitère sa position initiale, à savoir que les investisseurs canadiens sont bien présents sur le marché international, et que même si on passe outre le fait que ces derniers sont en mesure d'investir dans d'autres marchés financiers, cette réalité demeure et l'importance des rendements obtenus aux États-Unis n'est pas moins grande pour les investisseurs canadiens. CN conclut que l'élément important à considérer au moment de définir le portefeuille de marché est l'accès qu'ont les investisseurs canadiens aux marchés mondiaux de valeurs mobilières, comme l'indique la théorie du choix de portefeuille établie dans les années 1950, et que le lieu où sont établis les actifs de la compagnie n'est pas un aspect pertinent à cet égard.

Western Canadian Shippers' Coalition

[219] La WCSC fait observer que CP recommande à l'Office d'utiliser des données canadiennes, et que bien que CP mentionne que la méthode pourrait être modifiée pour tenir compte des données américaines, elle n'offre aucune explication quant à la raison pour laquelle il faudrait modifier la méthode et à la manière dont il faudrait procéder.

[220] La WCSC affirme également que CN traite de l'utilisation de données canadiennes, de l'utilisation d'une combinaison de données du Canada et des États-Unis, et de l'utilisation de données internationales à l'aide du MEDAF international (MEDAFI). La WCSC maintient que CN ne parvient pas à une conclusion dans son analyse justificative, malgré qu'elle affirme en résumé qu'elle considère que le MEDAF nord-américain est le meilleur modèle à l'heure actuelle étant donné sa simplicité et le fait que le risque de change omis est généralement négligeable. La WCSC fait valoir que les problèmes perçus par CN à l'égard de l'utilisation du MEDAFI s'appliquent également à l'intégration de données américaines, et que l'argument de la simplicité fait davantage pencher en faveur du maintien de la méthode actuellement utilisée par l'Office, qui consiste à tenir compte exclusivement des données canadiennes.

9.4 Pratiques des autres organismes de réglementation

[221] Dans sa décision de 2009 sur le coût du capital générique[18], l'Alberta Utilities Commission (AUC) parvient à la conclusion que le risque d'ordre réglementaire auquel s'exposent en général les services publics aux États-Unis est considérablement plus grand que le risque réglementaire qui guette les services publics en Alberta. En conséquence, on pourrait s'attendre à ce que les rendements autorisés par les organismes de réglementation américains pour les sociétés américaines de distribution locale tiennent compte de ce risque beaucoup plus élevé, et c'est pourquoi l'AUC a conclu que les rendements autorisés aux États-Unis ne devraient pas être pris en considération dans l'établissement d'un rendement équitable pour l'Alberta.

[222] En octobre 2009, l'Office national de l'énergie (ONE) a rendu une décision dans laquelle il conclut que la formule utilisée pour déterminer le coût du capital générique applicable aux sociétés qu'il réglemente, formule qui est entrée en vigueur au moment de la publication de la décision RH-2-94 en 1995, ne convient plus dans le contexte financier actuel. La décision RH-1-2008 fait suite à la demande d'approbation du coût du capital à utiliser dans le calcul des droits définitifs exigibles présentée par Gazoduc Trans Québec & Maritimes Inc. (TQM). La décision RH-1-2008, qui commande de nombreux changements à la méthode de calcul du coût du capital qui ne sont pas pertinents ici, est la première décision aux fins de laquelle l'ONE prend en considération des données américaines dans son calcul. L'ONE a accepté les justifications de TQM, à savoir que i) les marchés financiers canadien et américain sont intégrés et que, par conséquent, les compagnies de pipeline canadiennes sont en concurrence avec leurs homologues américains pour l'obtention de capitaux; ii) les compagnies de pipeline américaines sont comparables aux compagnies de pipeline canadiennes; iii) les sociétés américaines de distribution locale sont comparables aux compagnies de pipeline canadiennes comme TQM[19].

[223] Dans sa décision visant à déterminer un taux de rendement de référence pour l'ensemble des compagnies de téléphone qui doivent respecter un taux plafond[20], le CRTC affirme que l'intégration accrue des marchés financiers mondiaux peut avoir une incidence sur la prime de risque globale du marché des actions canadien puisqu'en théorie, l'intégration devrait avoir pour effet de ramener la prime de risque du marché canadien à un niveau plus près de celle du marché américain. Le CRTC ajoute que comme les marchés nationaux tendent vers l'intégration, il faut accorder une certaine importance aux données américaines. La décision ne fait pas mention précisément de la pondération à attribuer au marché américain, mais il y est dit qu'il ne conviendrait pas d'accorder une importance égale aux deux marchés.

[224] Dans sa décision à l'égard de l'établissement des prix pour la commercialisation des réseaux nationaux (voies ferrées et aéroports), c'est-à-dire pour fournir à des tiers l'accès aux infrastructures publiques[21], l'Australian Competition & Consumer Commission affirme qu'il faut faire preuve de prudence dans la comparaison des résultats financiers avec ceux d'autres pays en raison des différences inhérentes aux facteurs qui influent sur le risque du marché, comme le régime d'imposition.

9.5 Le rapport Brattle

[225] À l'annexe B du rapport Brattle, on traite de l'importance de sélectionner un indicateur de marché qui se rapproche le plus possible du rendement réel du marché, tout en atténuant les problèmes potentiels liés aux données. Par ailleurs, puisque l'intégration des marchés des capitaux canadien et américain pourrait être de plus en plus forte, les auteurs se questionnent sur la pertinence d'utiliser un indicateur de marché strictement canadien et se demandent s'il ne serait pas préférable de recourir à un portefeuille regroupant des indices canadiens et américains.

[226] D'après le rapport Brattle, pour les compagnies qui exercent une grande part de leurs activités au-delà de la frontière et qui mobilisent des capitaux sur le marché canadien comme sur le marché américain, il pourrait être préférable d'utiliser le rendement du marché fusionné plutôt que le rendement du marché intérieur seulement. Les auteurs du rapport Brattle affirment en annexe qu'il est généralement reconnu que les possibilités d'investissements aux États-Unis et dans le reste du monde ont des répercussions sur la prime de risque du marché au Canada.

10.0 Le taux sans risque

Question : Compte tenu des répercussions au chapitre de la stabilité et de la capacité de réaction, et du fait que l'Office établit annuellement le coût des capitaux propres, l'Office devrait-il établir les taux sans risque en utilisant des obligations à court terme, des obligations à long terme, ou une combinaison des deux? De plus, quel horizon prévisionnel devrait-il utiliser pour chaque type d'obligation?

10.1 Contexte et pertinence

[227] Le taux sans risque, qui fait partie intégrante du MEDAF, s'entend du taux de rendement d'un investissement sans risque auquel les investisseurs ont accès. L'influence du taux sans risque sur le coût des capitaux propres estimé est illustrée dans la formule du MEDAF :

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Texte alternatif pour la formule

(Rt)^ est le taux de rendement estimé des capitaux propres pour l'année courante t;

t)^ est le coefficient bêta estimé à l'aide d'un modèle de régression;

R(m,j) est le taux de rendement composé du marché à l'année historique j;

R(f,t) est le taux de rendement sans risque pour l'année courante t;

R(f,j) est le taux de rendement sans risque à l'année historique j;

T est le période (nombre d'années) sur laquelle la prime de risque du marché est estimée.

[228] L'équation ci-dessus signifie tout simplement qu'à tout moment, le rendement attendu de l'actif correspond au rendement d'un actif sans risque majoré d'un facteur (ß) appliqué à la prime de risque du marché par rapport à l'actif sans risque. Ainsi, la sélection du taux sans risque est une étape cruciale du calcul du coût attendu des capitaux propres. Si, comme c'est généralement le cas, un instrument d'emprunt public (p. ex. obligation d'État ou bon du Trésor) fait office de substitut de l'actif sans risque, la question se complique, car le taux de rendement fourni par l'actif sans risque est alors déterminé par l'échéance de l'instrument d'emprunt.

[229] Dans une conjoncture normale, plus l'échéance d'une obligation est longue, plus le taux d'intérêt (ou le rendement) devra être élevé pour que les investisseurs soient intéressés à acquérir le titre. Deux raisons sont généralement données pour expliquer le phénomène. En premier lieu, il y a les attentes du marché quant à l'inflation et ses effets sur la valeur de l'argent : un taux élevé dédommage en quelque sorte les investisseurs disposés à attendre une plus longue période pour toucher les fonds investis. En deuxième lieu, un taux élevé dédommage également les investisseurs disposés à accepter l'incertitude accrue et le risque d'imprévu qui accompagnent les échéances éloignées et qui pourraient avoir une incidence sur l'investissement. Dans le domaine des finances, la relation positive entre l'échéance et le rendement (plus l'échéance est éloignée, plus le rendement est élevé) est appelée courbe de rendement normale.

[230] En présence de certaines conditions économiques inhabituelles, p. ex. lorsque les investisseurs anticipent une longue période de déflation, c'est tout le contraire qui se produit : les obligations à court terme offrent un rendement plus élevé que les obligations à long terme. Dans le domaine des finances, cette relation négative entre l'échéance et le rendement (plus l'échéance est éloignée, moins le rendement est élevé) est appelée courbe de rendement inversée. Il a été démontré qu'historiquement, les dépressions économiques ont été précédées de courbes de rendement fortement inversées.

[231] À la lumière de l'analyse qui précède, on constate que tant et aussi longtemps que la courbe de rendement courant présente une allure normale, recourir au rendement des obligations à court terme donne lieu à un taux sans risque moins élevé et, par conséquent, à un coût des capitaux propres moindre. L'inverse est aussi vrai : l'utilisation des obligations à long terme donne lieu à un taux sans risque élevé et à un coût des capitaux propres accru. Les courbes de rendement s'ajustent continuellement en fonction de l'évolution du marché des obligations, et comme les taux évoluent généralement dans la même direction, la courbe entière se déplace vers le haut ou vers le bas selon que les taux d'intérêt augmentent ou diminuent. La figure 2 illustre les courbes de rendement des obligations du gouvernement du Canada et du gouvernement des États-Unis, d'après les rendements mensuels annualisés en date d'août 2011.

Figure 2: Courbes de rendement des obligations du gouvernement du Canada et des obligations du gouvernement des États-Unis, août 2011

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Sources : Banque du Canada, Federal Reserve Bank des États-Unis

[232] Dans sa décision de 1985, le CTCF affirme que l'échéance choisie devrait correspondre à l'horizon d'investissement des investisseurs, et que certains investisseurs visent un horizon à long terme tandis que d'autres investissent pour des besoins à court terme. L'Office a déterminé qu'une moyenne entre les rendements à long terme et les rendements à court terme permet de tenir compte des deux types d'investisseurs. Depuis, l'Office utilise les obligations négociables du gouvernement du Canada pour représenter les actifs sans risque, soit les obligations dont l'échéance se situe entre 1 an et 3 ans pour le court terme et les obligations dont l'échéance est de 10 ans ou plus pour le long terme.

10.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[233] CP propose d'utiliser des titres à longue échéance pour établir les taux sans risque car ces titres concordent avec l'horizon d'investissement à long terme de l'industrie ferroviaire. En outre, CP soutient que la combinaison d'échéances courtes et éloignées engendre une sous-estimation du coût des capitaux propres. Pour appuyer sa thèse, CP soumet des calculs visant à mettre en évidence que le fait de choisir une période plus longue pour établir la prime de risque du marché et le taux sans risque donne des résultats plus élevés.

[234] CP mentionne également que si, comme elle le propose, l'Office décidait désormais de consulter Morningstar/Ibbotson pour obtenir la prime de risque du marché (voir la section concernant la prime de risque du marché pour plus de détails), l'Office devrait actualiser son taux de rendement sans risque et utiliser les obligations du Canada à long terme, à l'instar de Morningstar/Ibbotson.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[235] CN analyse la formule classique du MEDAF et fait remarquer que le taux sans risque joue deux rôles potentiellement distincts, comme on peut le constater si on présente l'équation du MEDAF sous la forme suivante :

[236] CN souligne que le terme Rf1 de l'équation du MEDAF fournit le taux de rendement sans risque projeté à appliquer à un actif dont le coefficient bêta est nul, tandis que le terme Rf2 permet de calculer la prime de risque associée à un actif dont le coefficient bêta n'est pas nul. CN s'oppose à la recommandation du rapport Brattle, à savoir que le même instrument d'emprunt devrait être utilisé pour calculer les deux taux sans risque (Rf1 et Rf2). CN est d'avis que le MEDAF classique présente une faiblesse du fait qu'il repose sur l'hypothèse d'un horizon d'investissement fixe unique, alors que des modèles dynamiques d'évaluation des actifs ont été élaborés et mis en œuvre dans le cadre de travaux de recherche universitaires pour assouplir cette hypothèse restrictive. CN mentionne le MEDAF intertemporel de Merton en guise d'exemple. CN cite également une étude réalisée par Brennan, Wang et Xia (2004); elle affirme que cette étude [traduction] « montre que dans un modèle où les taux d'intérêt varient au fil du temps, la prime de risque ne sera pas seulement fonction du risque du marché mesuré par le coefficient bêta du MEDAF mais également de la durée des flux monétaires générés par l'investissement ». CN présente ensuite le MEDAF intertemporel utilisé dans le cadre de cette étude, où le coût des capitaux propres est défini comme suit :

[237] CN note que dans ce modèle dynamique d'évaluation des actifs, le taux sans risque est sans équivoque donné par les investissements à court terme sans risque, lesquels, si on ne tient pas compte de l'inflation, sont représentés par les obligations d'État à court terme. CN cite ensuite des travaux de recherche qui donnent à penser que la prime de terme représente la différence entre le rendement des obligations à court terme et le rendement des obligations à long terme, qui peut être estimée à l'aide de la courbe de rendement. À la lumière de cette conclusion, CN propose que le modèle dynamique d'évaluation des actifs dans le cas de CN soit représenté par l'équation ci-dessus, dans laquelle le terme (Rf1 + prime de terme) aura été remplacé par le rendement d'une obligation à long terme. CN estime en fait que deux taux sans risque pourraient être utilisés de manière simultanée dans le MEDAF classique pour produire le même résultat que dans le MEDAF intertemporel : 1) le taux de rendement d'une obligation à long terme pour représenter le taux sans risque majoré d'une prime de risque liée au facteur temps et 2) le taux de rendement d'une obligation d'État à court terme pour représenter le vrai taux sans risque. CN allègue que cette façon d'appliquer le MEDAF repose sur de solides justifications issues de la théorie économique.

[238] CN explique pourquoi il est possible qu'une corrélation négative existe entre les fluctuations imprévues des taux d'intérêt et les flux monétaires des compagnies de chemin de fer, ce qui aurait pour effet d'accroître la durée des flux monétaires et le coût du capital. CN conclut ainsi :

[traduction]

En résumé, il ne faut pas s'attendre à ce que le MEDAF de court terme et le MEDAF de long terme génèrent un coût du capital approprié dans un contexte où les taux d'intérêt futurs sont incertains. D'après les récents travaux de recherche, les flux monétaires à long terme commandent une prime de risque supérieure à celle prédite par le MEDAF de court terme. Il est justifié d'intégrer une « prime de terme » au MEDAF de court terme. Le MEDAF, dans lequel rf1 est estimé d'après le rendement des obligations d'État à long terme et rf2, d'après le rendement historique des obligations d'État à court terme, peut être mis en œuvre pour calculer le coût du capital tout en tenant compte des risques additionnels associés aux flux monétaires à long terme générés par les activités réglementées et non réglementées de CN.

Western Canadian Shippers' Coalition

[239] La WCSC affirme qu'en théorie, le taux sans risque devrait cadrer avec la période visée par la réglementation, c'est-à-dire que si le coût du capital est établi pour une année, il faudrait recourir aux obligations du gouvernement du Canada à un an. Toutefois, comme le rendement des obligations à court terme est plus instable que celui des obligations à long terme, la WCSC comprend qu'un organisme de réglementation puisse vouloir faire de la stabilité des taux un objectif. La WCSC fait remarquer que l'Office suit de près le rendement des obligations pour évaluer s'il est raisonnable d'utiliser ces valeurs, et elle mentionne que la pratique actuelle de l'Office constitue une méthode raisonnable qui permet d'assurer la stabilité des taux.

[240] La WCSC considère que le recours au modèle intertemporel tel que le propose CN ne constitue pas une pratique acceptable et soutient que dans un contexte réglementaire parfait, le rendement autorisé chaque année est égal au rendement exigé par les investisseurs, peu importe l'horizon d'investissement de l'industrie ferroviaire.

Canadian Canola Growers Association

[241] La CCGA souligne que la politique monétaire actuelle et projetée et les taux d'inflation à court terme peuvent influer sur les taux à court terme, tandis que les taux à long terme sont le reflet des taux d'inflation et de croissance économique projetés. La CCGA croit qu'un taux combiné convient davantage et rend mieux compte des activités de financement des compagnies de chemin de fer et des coûts connexes, et elle juge appropriée la décision de l'Office d'utiliser des titres dont l'échéance varie entre 1 et 3 ans et des titres de 10 ans et plus pour tenir compte à la fois de l'horizon à court terme et de l'horizon à long terme.

Coalition des expéditeurs par rail

[242] La CER conclut que, d'après les résultats des tests empiriques réalisés sur le MEDAF, des problèmes d'exactitude liés à l'efficience de l'allocation se posent. La CER est d'avis que l'utilisation des obligations à long terme du Canada comme substitut de l'actif sans risque permet de remédier à ces problèmes. La CER indique précisément qu'il serait correct de recourir au rendement projeté normalisé des obligations du Canada à 30 ans ou au rendement d'autres titres moins risqués ou sans risque comme variable indicatrice.

Provinces de l'Alberta et du Manitoba

[243] Les provinces de l'Alberta et du Manitoba ont toutes deux affirmé que le rendement des obligations d'État de 1 à 3 ans constitue le meilleur indicateur du taux sans risque. Comme les rendements des titres à plus court terme (p. ex. six mois) rendent compte des fluctuations du niveau de liquidité et qu'ils sont souvent instables, et que l'inflation future pourrait gruger une partie de la valeur des obligations à long terme sous-jacentes, ni les taux à court terme ni les taux à long terme ne sont entièrement sans risque.

Province de la Saskatchewan

[244] La Saskatchewan affirme que l'Office devrait continuer d'utiliser le MEDAF dans sa forme actuelle, mais elle n'a pas commenté en détail la question.

10.3 Réponses

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[245] CP soutient que même si certains participants préconisent l'intégration d'un taux sans risque à court terme dans le MEDAF, le rapport Brattle affirme, à juste titre selon CP, que le taux sans risque à insérer directement dans la formule du MEDAF devrait être le taux à long terme, car on peut dire que les capitaux propres confèrent un droit à long terme sur les actifs de la compagnie et que, par conséquent, l'investissement sans risque qu'il convient d'utiliser en guise de substitut est l'obligation à long terme. CP allègue que le taux sans risque de la formule du MEDAF devrait également viser le même horizon prévisionnel que le taux sans risque servant à calculer la prime de risque du marché et qu'en général, les taux sans risque à moyen et à long terme (échéance de 10 ans ou plus) conviennent bien au calcul de la prime de risque du marché pour l'industrie ferroviaire car les échéances éloignées cadrent avec l'horizon d'investissement à long terme des compagnies de chemin de fer. CP soutient qu'étant donné que la prime de risque du marché du Canada est estimée par Morningstar/Ibbotson par rapport à un taux sans risque à long terme, le fait d'utiliser cette prime de risque du marché élimine toute incertitude quant au taux sans risque qu'il convient d'insérer dans la formule du MEDAF.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[246] CN fait observer que ses investisseurs ont des droits sur les flux monétaires générés par les actifs à long terme – actifs dont la durée de vie s'échelonne sur plus d'une période visée par la réglementation – et que, par conséquent, ces investisseurs sont exposés aux fluctuations de la structure des taux d'intérêt. CN ajoute que, selon la WCSC, le taux sans risque devrait en théorie correspondre à la période visée par la réglementation; par contre, la WCSC n'énonce pas clairement la théorie sur laquelle elle s'appuie, bien qu'elle semble faire référence au MEDAF à une période. CN fait valoir que les chercheurs universitaires reconnaissent depuis longtemps les lacunes de ce modèle, lequel repose sur l'hypothèse que l'investissement dure une période et que le taux sans risque pertinent cadre avec cette période unique, alors qu'en réalité, l'investissement dans les installations ferroviaires se traduit par une longue série d'investissements à court terme et à long terme qui se chevauchent.

[247] CN soutient que même si l'investissement est effectué dans un contexte réglementé où l'organisme de réglementation réévalue les flux monétaires de façon périodique, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'actifs à long terme et que les investisseurs s'exposent à un risque de taux d'intérêt considérable. CN ajoute que les récents travaux de recherche ont permis de mieux comprendre la « prime de terme » exigée par les investisseurs dans le cas des actifs à long terme, et que la durée des flux monétaires, même s'ils sont réglementés, est le premier déterminant de la prime de terme dans le taux sans risque du MEDAF; ce n'est pas la période d'examen réglementaire. CN affirme que, pour cette raison, le rendement des obligations à long terme, qui englobe la prime de terme, devrait faire office de substitut du taux sans risque.

Western Canadian Shippers' Coalition

[248] La WCSC souligne que CN ne propose ni d'utiliser le MEDAF de court terme ni d'utiliser le MEDAF de long terme, mais qu'elle recommande plutôt de substituer le rendement des obligations d'État à long terme au taux sans risque et d'utiliser le rendement des obligations à court terme pour obtenir la prime de risque attendue. La WCSC maintient que même si CN tente de justifier cette recommandation en affirmant que le taux à long terme est en fait un taux à court terme majoré d'une prime de terme, l'effet est le même, c'est-à-dire qu'il y a infraction aux pratiques acceptables. La WCSC mentionne qu'en théorie, le taux sans risque devrait correspondre à la période visée par la réglementation, c'est-à-dire que si le coût du capital est établi pour une période de un an, le rendement des obligations du gouvernement du Canada à un an devrait être utilisé.

[249] La WCSC désapprouve également la recommandation de CP selon laquelle il faudrait adopter la prime de risque du marché à long terme estimée par Morningstar/Ibbotson. La WCSC croit qu'une fois que l'Office a établi la méthode de calcul, il est facile de se procurer les données sur l'indice de rendement global S&P/TSX et les diverses séries d'obligations du gouvernement puis de procéder aux calculs. La WCSC mentionne qu'il n'y a rien dans les services d'approvisionnement en données comme Morningstar/Ibbotson qui relève de la magie et qui place leurs calculs à l'abri de tout doute.

10.4 Pratiques des autres organismes de réglementation

[250] La STB a mentionné que les parties (associations d'expéditeurs et de transporteurs et autres parties concernées) qui ont répondu à son avis de projet de réglementation (Notice of Proposed Rule-Making – NPRM) s'entendaient toutes pour dire que les obligations du Trésor à 20 ans constituent une mesure plus adéquate du taux de rendement sans risque que les obligations du Trésor à 10 ans telles que proposées dans le NPRM. La STB a donc adopté cette mesure, affirmant qu'à son avis, cette modification n'aurait ultimement qu'une incidence mineure sur les calculs[22].

10.5 Le rapport Brattle

[251] Selon le rapport Brattle, même si le rendement des obligations à court terme se rapproche davantage du taux sans risque parfait, d'autres éléments ont été considérés pour justifier la sélection du rendement des obligations à plus long terme. Voici ce que dit le rapport (pages 27-28) :

En général, on utilise un taux d'intérêt à long terme sans risque ou un taux d'intérêt à court terme sans risque lorsqu'on applique le MEDAF. L'utilisation des bons du Trésor à court terme en guise d'actif sans risque semble la manière de procéder la mieux adaptée au MEDAF classique : le taux de rendement des bons du Trésor est ce qui se rapproche le plus d'un taux réellement sans risque, et l'horizon plus court convient bien au MEDAF, qui a deux périodes. Cela dit, il est de plus en plus fréquent au sein de nombreux cadres de réglementation d'appliquer une version à long terme du modèle et d'employer un taux de rendement des obligations à long terme du gouvernement en guise de taux sans risque, ainsi qu'une PRM fondée sur les rendements des obligations à long terme. Les analystes et organismes de réglementation invoquent de nombreuses raisons pour agir ainsi, entre autres le fait que les taux réglementés sont établis périodiquement, ce qui signifie que les estimations actuelles du coût du capital détermineront les taux pour une période potentiellement longue (possiblement des années). Les estimations effectuées doivent donc rester raisonnables (en fonction des attentes) tout au long de la période. En revanche, les taux à court terme font partie des instruments de la politique monétaire et ils sont beaucoup plus sensibles que les taux à long terme aux mesures prises par les banques centrales pour influer sur l'activité économique. Par conséquent, les taux à court terme sont plus instables. Les estimations du coût des capitaux propres qui reposent sur les taux à court terme pourraient donc changer rapidement en quelques mois seulement. La récente crise financière a montré que les taux à court terme peuvent être influencés de façon significative par des considérations économiques à court terme, ce qui met en doute le bien-fondé de leur utilisation dans l'établissement de taux autorisés pour un horizon de cinq ou six ans. Une autre raison invoquée pour appuyer l'utilisation des taux à long terme pour estimer le coût des capitaux propres est que ceux-ci peuvent être considérés comme des droits à long terme sur l'actif d'une entreprise et, donc, l'autre investissement sans risque pertinent est une obligation à long terme.

10.6 Mise en œuvre

[252] À des fins de mise en œuvre, il est important de noter que le taux sans risque figure à deux endroits dans la formule du MEDAF et qu'il sert deux buts différents, comme on peut le constater dans l'équation d'estimation ci-dessous :

[253] Le premier taux sans risque, Rf, désigne un taux sans risque prospectif dans l'économie, tandis que le deuxième, Rf,j, correspond au taux sans risque historique à l'année j durant la période T, et il sert à estimer la prime de risque du marché.

[254] Le rapport Brattle traite des pratiques couramment utilisées au Canada pour sélectionner le taux sans risque (page 23) :

Le choix du taux sans risque est habituellement l'un des éléments les moins controversés du processus de mise en œuvre. L'approche habituelle consiste à utiliser le rendement actuel ou le rendement prévu de l'emprunt public du pays, celui-ci étant généralement considéré comme sans risque, du moins dans les pays comme le Canada où les marchés financiers sont évolués.

[255] Le rapport Brattle ajoute ensuite ce qui suit au sujet de la sélection du taux sans risque (pages 28-29) :

Après avoir décidé s'il convient mieux d'utiliser un taux sans risque à court terme ou à long terme, il faut choisir entre un taux de rendement actuel ou un taux de rendement prévu dans l'application du MEDAF. Que l'on utilise le taux de rendement actuel ou prévu des bons du Trésor ou des obligations d'État à long terme, il faut absolument s'assurer que le taux est significatif et qu'il n'a pas subi outre mesure l'influence d'une journée ou d'une prévision en particulier. Par exemple, si un analyste choisit un taux sans risque actuel, il peut soit utiliser une moyenne sur une courte période (souvent de dix à quinze jours de bourse) ou vérifier si le rendement a fluctué de façon inhabituelle aux environs de la période ou du jour visés. Si son choix se porte plutôt sur un taux prévu, celui-ci doit préférablement être représentatif des attentes de l'ensemble du marché plutôt que d'un seul analyste ou d'une seule entité. En outre, si l'on s'appuie sur une PRM élaborée à partir de données historiques, il est important que le titre utilisé comme référence pour le taux sans risque (par exemple l'obligation d'État à dix ans) s'accompagne d'une série de données historiques cohérente couvrant une période relativement longue aux fins d'analyse. Autrement, il serait impossible d'établir la PRM historique correspondant au taux sans risque utilisé.

11.0 La prime de risque du marché

[256] La prime de risque du marché (PRM) représente une estimation de la prime donnée par les rendements historiques du marché boursier par rapport au taux sans risque.

11.1 Période sur laquelle est établie la moyenne

Question : Sur quelle période l'Office devrait-il se fonder pour établir la prime de risque du marché aux fins de l'estimation du MEDAF?

11.1.1 Contexte et pertinence

[257] La période sur laquelle la PRM est estimée peut avoir une incidence importante sur le résultat de l'estimation et, par conséquent, sur le coût des capitaux propres, ainsi que l'illustre l'équation d'estimation présentée antérieurement et reproduite ci-après :

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Texte alternatif pour la formule

(Rt)^ est le taux de rendement estimé des capitaux propres pour l'année courante t;

t)^ est le coefficient bêta obtenu à l'aide d'un modèle de régression;

R(m,j) est le taux de rendement composé du marché à l'année historique j;

R(f,t) est le taux de rendement sans risque pour l'année courante t;

R(f,j) est le taux de rendement sans risque à l'année historique j;

T est la période (nombre d'années) sur laquelle la PRM est estimée.

[258] Dans sa décision de 1985, le CTCF affirme ce qui suit :

Le Comité estime aussi que la prime de risque du marché n'est pas constante avec le passage du temps, car elle change en fonction des conditions du marché. […] De plus, le Comité a des réserves quant à l'utilisation de primes historiques à très long terme qui ne reflèteraient pas les modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu ou d'autres facteurs.

[259] Dans sa décision de 2004, l'Office réaffirme sa méthode de manière plus précise :

À cet égard, l'Office reconnaît le principe généralement accepté qu'une moyenne basée sur une longue série de données minimise l'effet de distorsion d'une année inhabituelle et incorpore un ensemble de résultats. L'Office note aussi que les moyennes à long terme sur des périodes de 30 ans ou plus ont tendance à produire des résultats stables. Cependant, en se basant sur ses conclusions précédentes, l'Office estime qu'une très longue période de temps est inappropriée puisque cela met l'accent sur les données récentes et du début. L'Office est d'avis qu'en prévoyant l'avenir, le passé distant ne peut être considéré aussi pertinent que le passé récent. L'Office considère que les données du marché reflét[a]nt les pratiques commerciales, le comportement et les attentes des investisseurs, les politiques gouvernementales, les pratiques comptables, les règles sur les régimes fiscaux et les politiques des temps modernes sont de meilleures variables explicatives des rendements futurs raisonnables des capitaux propres. L'Office estime aussi qu'une période de temps mobile permet de s'assurer que ces réflexions restent contemporaines.

[…]

L'Office conclut qu'il continuera à évaluer la prime de risque du marché de façon continue en utilisant une période de temps assez longue pour incorporer plusieurs cycles économiques, périodes de rendement faible et élevé, périodes de volatilité et de stabilité, ainsi que pour refléter l'impact des événements inhabituels et des changements importants qu'a subi le monde moderne. L'Office conclut aussi que la période de temps évaluée en sera une qui permettra à ces facteurs de ne pas être indûment dilués par les données historiques, qui produira des résultats qui sont plutôt stables, année après année, tout en reflétant toutes les tendances de façon réaliste.

[260] Depuis la publication de la décision de 1997, l'Office se fonde sur une période d'analyse historique mobile de 45 ans pour estimer la PRM. À toutes les séances de consultation qui ont suivi, au moins une des deux compagnies de chemins de fer de classe 1 a fait valoir que l'Office devrait utiliser une période d'analyse plus longue.

11.1.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[261] CP estime que la PRM devrait être calculée sur une longue période de temps. À son avis, une PRM à long terme constitue la meilleure estimation du rendement futur car de nombreux types d'événements historiques se reproduisent périodiquement. CP ajoute qu'une PRM à long terme est généralement stable et que la stabilité du coût du capital est essentielle à l'efficacité de la planification et des décisions d'investissement, compte tenu de la durée de vie exceptionnellement longue des actifs matériels des compagnies de chemin de fer.

[262] CP recommande d'utiliser une prime de risque qui tient compte de toutes les données du marché facilement accessibles, affirmant que cette prime renseigne davantage que la prime fondée sur une période de 45 ans actuellement préconisée par l'Office. CP cite la décision de la STB (dans le dossier Ex Parte No. 664) dans laquelle elle affirme que l'utilisation de données remontant jusqu'en 1926 constitue la meilleure méthode et la plus classique.

[263] CP mentionne que si on exclut les épisodes de rendement faible et de rendement élevé qui ne s'inscrivent pas dans la période de 45 ans sur laquelle se fonde actuellement l'Office, le risque non diversifiable auquel s'exposent les investisseurs est alors sous-estimé. CP fait en outre observer qu'on peut se fier sans problème aux données relatives à la période allant de 1926 à aujourd'hui.

[264] À la lumière de ces facteurs et d'autres éléments, CP soutient avec vigueur que l'utilisation d'une source réputée et indépendante comme Morningstar/Ibbotson et ses estimations de la PRM publiées tous les ans (Canadian Risk Premia Over Time Report), qui reposent sur des données remontant jusqu'en 1936, constituerait une méthode raisonnable en raison de sa transparence, fiable car elle produit des résultats cohérents, et pragmatique car elle s'appuie sur un rapport facilement accessible et utilisable. Le point soulevé par CP au sujet de l'utilisation du rendement courant plutôt que le rendement global (aspect abordé plus loin dans la présente annexe) est un autre facteur qui vient appuyer la position de CP sur la question.

[265] CP s'oppose à la proposition de la CER selon laquelle les PRM fondées sur des moyennes historiques devraient être revues à la baisse en raison d'un biais par excès révélé par certains travaux de recherche en économie financière; CP est d'avis qu'il s'agit d'une théorie non prouvée qui est le fruit de travaux de recherche en évolution constante. Selon CP, les estimations tirées du rapport de Morningstar/Ibbotson tombent carrément dans la fourchette des estimations dont font état les études en économie financière.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[266] CN fait valoir que plus les données sont nombreuses, plus on peut se fier à l'estimation de la prime de risque, pourvu que les données ne portent pas sur une période où les déterminants fondamentaux du risque étaient différents de ce qu'ils sont aujourd'hui. D'après CN, rien ne porte à croire que les données fondamentales présentent de telles ruptures structurelles, et toutes les données accessibles devraient être utilisées.

[267] CN affirme par ailleurs que comme les fluctuations à court terme de la prime de risque sont irrégulières, l'utilisation d'une période mobile pourrait donner lieu à des estimations irrégulières et inexactes. CN fait toutefois observer que, d'après les observations de la PRM historique fondée sur les rendements de titres canadiens et américains de 1935 à aujourd'hui, il semble que le rendement du marché par rapport au taux sans risque dans les dernières années est semblable aux rendements enregistrés dans un passé lointain.

Western Canadian Shippers' Coalition

[268] La WCSC soutient que la PRM devrait être calculée sur une longue période pour laquelle on a accès à des données de grande qualité, par souci d'objectivité et pour éviter d'avoir à recourir à une pondération qui risquerait d'être source de subjectivité et de biais.

[269] La WCSC souligne qu'actuellement, pour évaluer la PRM, il est possible d'avoir accès à des données fiables couvrant une période de 54 ans. Plus précisément, les données remontent à 1957 dans le cas de l'indice de rendement global S&P/TSX, à 1936 dans le cas des bons du Trésor à 91 jours, à 1950 dans le cas des obligations du Canada de 1 à 3 ans et à 1951 dans le cas des obligations du Canada à 10 ans ou plus. La WCSC affirme qu'une vaste gamme de conjonctures, de périodes d'inflation à deux chiffres, de périodes de déflation, de chocs pétroliers, de booms, de récessions et de crises financières ont été observés entre 1957 et 2010, et qu'il est raisonnable de croire que des événements de ce genre se reproduiront.

[270] La WCSC allègue qu'il n'apportera rien de plus d'utiliser une plus longue période si la qualité des données est moins bonne. En guise d'exemple, elle mentionne que les données de l'indice de rendement global S&P/TSX datant d'avant 1957 sont des données raccordées de piètre qualité et que les données antérieures à 1950 pour certaines séries d'obligations ne sont pas accessibles ou sont de moins bonne qualité. La WCSC ajoute que les marchés financiers canadiens ont subi d'importants changements avant 1957 – introduction du crédit d'impôt pour dividendes, réformes de la Banque du Canada en 1953-1954, changements structurels sur le marché obligataire – lesquels ont une incidence sur les données relatives à cette période.

Canadian Canola Growers Association

[271] La CCGA estime que la période de 45 ans utilisée actuellement par l'Office pour établir la PRM constitue un échantillon statistiquement valide et que la période est suffisamment longue pour réduire les répercussions associées à une année en particulier. La CCGA affirme qu'il n'est pas clairement établi qu'une période plus longue générerait une mesure de la prime de risque beaucoup plus exacte bien que cela atténuerait davantage les effets d'une année particulière.

Coalition des expéditeurs par rail

[272] La CER considère que la méthode de calcul de la PRM suivant laquelle on mesure les primes de risque historiques réalisées sur une longue période est fondée sur les hypothèses erronées suivantes : 1) les rendements sont distribués de manière indépendante et identique selon une loi normale; 2) sur de longues périodes, il y a efficience d'allocation sur les marchés. La CER soutient que de plus en plus de données portent à croire que cette méthode, même si elle est statistiquement non biaisée, donne lieu à une surestimation et donc, que les résultats devraient être rajustés à la baisse.

[273] La CER prône l'utilisation d'estimations découlant de sondages réalisés auprès de professionnels de l'investissement et d'économistes au sujet des prévisions de rendement du marché. La CER cite deux sources canadiennes qui publient de telles prévisions : Mercer (Selon les gestionnaires) et Towers Watson (Prévisions économiques).

Provinces de l'Alberta et du Manitoba

[274] L'Alberta et le Manitoba ont exprimé des préoccupations à l'égard de l'utilisation d'une approche prospective plutôt qu'historique dans l'établissement de la prime de risque. Toutefois, cette opinion n'a pas été exprimée dans le contexte de l'établissement de la PRM aux fins du MEDAF, mais plutôt dans le contexte de l'utilisation du modèle ERP dans le calcul du coût des capitaux propres. L'Alberta et le Manitoba n'ont pas formulé d'observations particulières sur la méthode de calcul de la prime de risque sur capitaux propres aux fins du MEDAF.

Province de la Saskatchewan

[275] La Saskatchewan affirme que l'Office devrait continuer d'utiliser le MEDAF dans sa forme actuelle, mais elle n'a pas formulé d'observations précises à cet égard.

11.1.3 Réponses

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[276] Selon CP, la PRM désigne, sur le plan conceptuel, le rendement excédentaire par rapport au taux sans risque exigé par les investisseurs qui détiennent un portefeuille bien diversifié et, d'après l'ouvrage très connu de Damodaran, la PRM est le plus souvent fondée sur une très longue série de données historiques. CP note par ailleurs que Morningstar/Ibbotson donne une estimation de la PRM du Canada à long terme fondée sur les rendements courants de la Bourse de Toronto et des obligations du gouvernement du Canada de 1936 à aujourd'hui. CP affirme que le rapport de Morningstar/Ibbotson est mis à la disposition du public et qu'ainsi, l'Office n'a pas besoin de continuellement mettre à jour les données nécessaires aux calculs et d'estimer sa propre version de la PRM.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[277] CN est d'accord avec la WCSC sur le fait qu'utiliser toutes les données accessibles élimine les problèmes de subjectivité et de biais qui pourraient résulter de l'utilisation d'une sous-période. CN note que la WCSC reconnaît également qu'il est possible d'avoir accès à des données remontant aussi loin que 1923 mais pourtant, elle recommande d'utiliser uniquement les données de 1957 à aujourd'hui. CN juge cette conclusion illogique et maintient que, pour les raisons évoquées dans ses observations initiales, il convient d'utiliser le plus de données possible pour estimer la prime de risque.

Western Canadian Shippers' Coalition

[278] La WCSC réitère sa position initiale.

11.1.4 Pratiques des autres organismes de réglementation

[279] La STB estime la PRM à l'aide d'une moyenne historique établie d'après les données de 1926 à aujourd'hui. La STB affirme ce qui suit[23] :

[traduction]

Nous sommes maintenant convaincus que l'utilisation des rendements de 1926 à aujourd'hui pour estimer la prime de risque sur capitaux propres constitue la meilleure approche et la plus classique. Nous sommes au fait des travaux de recherche cités par plusieurs parties qui révèlent que certains spécialistes croient que la projection de la prime de risque sur capitaux propres devrait être rajustée à la baisse afin de tenir compte de l'effet des ratios cours-bénéfice plus élevés. À titre d'exemple, le spécialiste de l'AAR a orienté l'organisme vers une prime de risque sur capitaux propres rajustée publiée par Morningstar/Ibbotson, qui cherche à tenir compte de la tendance à la hausse des ratios cours-bénéfice et qui réduit la projection de la prime de risque sur capitaux propres. Nous avons fait l'acquisition de l'ouvrage sur le coût du capital publié par Morningstar/Ibbotson afin de pouvoir examiner avec soin cette donnée. Si Morningstar/Ibbotson fait bel et bien état de cette donnée, laquelle se situe dans la fourchette de 6 pour cent, l'entreprise elle-même continue de prendre appui sur des rendements remontant jusqu'en 1926 pour ses propres estimations du MEDAF. En outre, la WCTL [Western Coal Traffic League] montre que la plupart des fournisseurs commerciaux de données sur le coût du capital utilisent cette même donnée dans le calcul du MEDAF. Par conséquent, nous suivrons l'approche classique et recourrons à la moyenne historique des données de 1926 à aujourd'hui.

11.1.5 Le rapport Brattle

[280] Voici ce que dit le rapport Brattle (pages 30-31) :

Selon certains, les rendements des périodes récentes constitueraient une meilleure mesure des attentes des investisseurs, car l'économie et les marchés financiers ont connu une évolution considérable au fil du temps. D'autres, en revanche, font valoir que l'utilisation de la moyenne arithmétique historique de ces excédents remontant le plus loin possible fournit des données qui embrassent de multiples et diverses conjonctures économiques et constitue donc la meilleure mesure dans le cas d'une approche inconditionnelle (mais pas nécessairement dans le cas d'une approche conditionnelle). Il s'agit de l'approche employée par Ibbotson Associates pour estimer la PRM historique et de celle adoptée par le Surface Transportation Board des États-Unis dans le dossier STB Ex. Parte 664.

11.2 Méthode de calcul de la moyenne

Question : Les participants aux séances de consultation ont soulevé la question de savoir si la PRM devrait être calculée à l'aide d'une moyenne arithmétique ou géométrique.

11.2.1 Contexte et pertinence

[281] La méthode la plus courante pour estimer la PRM consiste à déterminer les rendements excédentaires historiques du marché boursier par rapport au rendement des obligations, puis à faire la moyenne des résultats. Les chercheurs du domaine des finances ne s'entendent pas sur la moyenne qui convient le mieux au calcul, soit la moyenne arithmétique ou la moyenne géométrique. À l'heure actuelle, l'Office recourt à la moyenne arithmétique.

[282] La moyenne arithmétique d'une série correspond à la somme de toutes les observations que comporte la série divisée par le nombre (n) d'observations. Dans le cas où le rendement du marché est observé sur une base annuelle, la formule est la suivante :

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Texte alternatif pour la formule

Rm,t désigne le rendement du marché observé à l'année t et T correspond au nombre total d'années.

[283] En revanche, la moyenne géométrique de (n) observations correspond à la racine (n)ième du produit des (n) observations. Dans le cas où le rendement du marché est observé sur une base annuelle, la formule est la suivante :

11.2.2 Position de la CER

[284] Une seule partie, la CER, a formulé des observations à l'égard de la méthode de calcul de la moyenne. À son avis, l'argument courant selon lequel le meilleur prédicteur prospectif du rendement du marché n'est pas la moyenne géométrique mais plutôt la moyenne arithmétique est fondé sur l'hypothèse controversée voulant que la distribution des rendements du marché suit une loi normale et demeure stable tout au long de la période visée. Dans les travaux de recherche universitaires, on dit que les données sont alors indépendantes et identiquement distribuées selon une loi normale. La CER affirme que de plus en plus de données portent à croire qu'utiliser la moyenne arithmétique plutôt que la moyenne géométrique peut générer des estimations trompeuses (page 27) :

[traduction]

Le rapport Brattle (page 38) cite Mehra et Prescott (2003), les deux auteurs qui ont pour la première fois relevé le casse-tête de la prime sur capitaux propres. Mehra et Prescott reconnaissent avoir communiqué des moyennes arithmétiques dans leur article initial puisqu'à l'époque, les données les plus fiables indiquaient que les rendements boursiers (pluriannuels) n'étaient pas corrélés dans le temps. Les auteurs admettent maintenant que la moyenne arithmétique peut être source d'estimations trompeuses lorsque les rendements affichent une corrélation sériale et que la moyenne géométrique pourrait être la statistique la plus appropriée. [non souligné dans l'original]

[285] La CER ajoute que les obligations à long terme affichent un rendement moyen de type géométrique plutôt qu'arithmétique si elles sont détenues jusqu'à l'échéance.

11.2.3 Le rapport Brattle

[286] Le rapport Brattle résume ainsi les raisons à l'origine du débat (page 31):

En règle générale, la moyenne géométrique est une mesure de rendement rétrospective, c'est-à-dire qu'elle fournit une mesure de comparaison du rendement passé entre différents titres ou différents portefeuilles. D'un point de vue prospectif axé sur le coût du capital, de nombreux économistes s'entendent pour dire que la moyenne arithmétique est mieux adaptée puisqu'elle indique la valeur prévue des rendements futurs. Plus précisément, le fait d'établir le rendement arithmétique sur un certain nombre de périodes permet d'obtenir le rendement composé prévu pour ces périodes, ce que la moyenne géométrique ne permet pas.

Toutefois, certains économistes financiers ont donné à entendre que ce raisonnement comportait une faille lorsque les rendements avaient tendance à revenir à la moyenne, c'est-à-dire qu'une corrélation négative se dégage entre des périodes consécutives. Dans un tel cas, le rendement prévu peut être différent du rendement historique et la moyenne arithmétique ne fournit plus de mesure précise du rendement prévu. Cette conclusion est fondée sur le fait qu'une corrélation négative introduit un degré de dépendance à l'égard du chemin parcouru, c'est-à-dire que des rendements supérieurs à la moyenne au cours d'une année risquent davantage de faire place à des rendements inférieurs à la moyenne l'année suivante, et inversement.

[287] Le rapport Brattle présente ensuite une méthode standard permettant de rajuster la PRM dans les cas où on observe une corrélation sériale négative entre les rendements (page 32) :

Dans de tels cas, l'utilisation d'une valeur qui se situe entre la moyenne géométrique et la moyenne arithmétique constitue, techniquement parlant, une estimation plus précise de la PRM inconditionnelle. L'importance accordée à la moyenne géométrique dépendra de l'horizon prévisionnel et du degré de corrélation, ou de la mémoire, dans la série de rendements. Blume (1974) a proposé la pondération suivante :

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Texte alternatif pour la formule

H est l'horizon prévisionnel du rendement (selon lequel nous établissons les prévisions du rendement moyen) et T est la taille de l'échantillon utilisé pour calculer une estimation de la moyenne arithmétique (p. ex., pour 1926 à 2009, T = 83).

[288] Si l'horizon de rendement est de 1 an, H = 1 et la PRM rajustée devient alors identique à la moyenne arithmétique, ce qui porte à croire que même dans les cas où il y a corrélation sériale négative, la moyenne arithmétique serait employée si le coût des capitaux propre est établi sur un horizon de rendement de 1 an.

11.3 Taux des obligations : rendement courant ou rendement global?

Question : Une question a été soulevée durant les consultations, à savoir si le taux de rendement sans risque historique servant au calcul de la PRM devrait être le produit du rendement courant ou du rendement global des obligations examinées.

11.3.1 Contexte et pertinence

[289] Même si le document de consultation ne faisait pas explicitement mention de ce point, la méthode de calcul du taux de rendement sans risque historique servant à déterminer la PRM a été abordée par CP dans ses observations.

[290] En théorie, le taux de rendement sans risque requis pour estimer le MEDAF représente le rendement d'un titre qui ne comporte aucun risque. Puisque le taux de rendement sans risque ne peut être observé de manière directe sur le marché, le rendement des titres d'emprunt du gouvernement du Canada peut être considéré comme un substitut valable. Toutes les obligations sont associées à deux types de rendement : un rendement global et un rendement courant. Le rendement global englobe trois sources potentielles de rendement pour le porteur de l'obligation : le taux d'intérêt du coupon, le revenu tiré du réinvestissement du coupon et les gains (ou pertes) en capital. Le rendement courant comprend les flux monétaires versés au porteur, et il inclut uniquement le taux d'intérêt du coupon.

[291] À l'heure actuelle, aux fins du calcul de la PRM, l'Office estime le taux de rendement sans risque des obligations à l'aide de la moyenne arithmétique des rendements historiques globaux des obligations du Canada à court terme (de 1 à 3 ans) et à long terme (10 ans et plus) sur une période de 45 ans.

11.3.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[292] Selon CP, une des deux principales lacunes de la méthode d'estimation de la PRM employée par l'Office est que ce dernier utilise le rendement global plutôt que le rendement courant des obligations (l'autre lacune étant la longueur de la période sur laquelle est établie la moyenne, ainsi qu'il a été mentionné précédemment). CP affirme que l'Office devrait employer le rendement courant, soit la portion du rendement des obligations qui ne comporte réellement aucun risque. CP souligne par ailleurs que Morningstar/Ibbotson recourt au rendement courant. CP est d'avis que l'Office devrait s'en remettre au rapport Canadian Market Risk Premia Over Time publié par Morningstar/Ibbotson pour obtenir la PRM annuelle du Canada. CP explique que le rapport de Morningstar/Ibbotson offre une estimation de la PRM à long terme issue du rendement du TSE et du rendement courant des obligations du gouvernement depuis 1936. CP allègue que si l'Office utilisait le rapport de Morningstar/Ibbotson, il n'aurait plus besoin de continuellement mettre à jour les données requises et d'estimer sa propre version de la PRM.

[293] CP ajoute que Morningstar/Ibbotson recourt au rendement courant des obligations parce que seule la portion du rendement correspondant au coupon peut vraiment être considérée sans risque, et que le fait d'utiliser le rendement courant permet d'éviter une estimation biaisée par excès de la PRM fondée sur les rendements historiques. CP note que la CER explique le biais par excès potentiel dans l'estimation de la PRM historique entre autres par [traduction] « un épisode défavorable majeur (une période prolongée d'inflation non anticipée) qui a touché les porteurs d'obligations ». CP soutient que si le rendement courant était utilisé, une période prolongée d'inflation non anticipée n'aurait pas d'incidence sur la PRM, puisque le rendement courant ne tient pas compte des changements dans le cours de l'obligation.

Western Canadian Shippers' Coalition

[294] La WCSC soutient que la prime de risque [du marché] projetée correspond à la moyenne des écarts entre le rendement réalisé de l'indice boursier et le rendement réalisé des obligations d'État à chaque période, et que le rendement global des obligations à long terme devrait être pris en considération dans le calcul plutôt que le rendement courant uniquement.

11.3.3 Le rapport Brattle

[295] Le rapport Brattle souligne que l'utilisation du rendement courant pour calculer le taux sans risque est une pratique courante dans l'industrie (page 25) :

Les chercheurs universitaires et les spécialistes en évaluation utilisent habituellement le rendement courant (soit le taux d'intérêt du coupon divisé par le cours de l'obligation) des obligations à long terme plutôt que le rendement global, car le rendement global comprend les gains ou les pertes en capital qui ne sont pas sans risque. Toutefois, il s'agit davantage d'une pratique bien ancrée que d'une prescription liée à l'utilisation du MEDAF classique.

[296] Dans leur réponse aux observations présentées par d'autres acteurs de l'industrie, les auteurs du rapport Brattle réaffirment ce qui suit (page 6) :

[L]e SBBI Valuation Yearbook de Morningstar recommande fortement l'utilisation du rendement courant en tant qu'estimation non biaisée du taux sans risque aux fins de l'estimation de la PRM.

12.0 Le coefficient bêta

[297] Le coefficient bêta est une mesure du risque systématique (non diversifiable) associé à un investissement donné par rapport au marché dans l'ensemble. Il représente la pente de la droite tirée d'une régression linéaire simple du rendement de l'investissement par rapport au rendement excédentaire du marché, comme l'illustre l'équation suivante :

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Texte alternatif pour la formule

Re représente les rendements historiques de l'investissement;

Rf désigne les rendements historiques par rapport au taux sans risque;

Rm correspond aux rendements historiques du marché;

a et ß sont les paramètres de régression.

[298] Au sujet de l'estimation du bêta, le rapport Brattle mentionne ce qui suit (page 26) :

La méthode la plus couramment utilisée pour estimer le coefficient bêta est d'utiliser les donnés hebdomadaires ou mensuelles sur le rendement des cinq dernières années, puis de rajuster l'estimation préliminaire en tenant compte de la tendance de l'échantillon à revenir à la moyenne, initialement décelée par le professeur Blume (1971, 1975).

[299] Les questions soulevées à l'égard de l'estimation du coefficient bêta ont trait au type de rendement et à la période sur laquelle ces rendements sont observés, au type de rajustement pour tenir compte de la tendance de l'échantillon à revenir à la moyenne et à l'utilisation des coefficients bêta avec et sans facteur d'endettement.

12.1 Intervalle de rendements et période d'analyse

Question : Pendant l'examen, l'Office s'est penché sur l'intervalle de rendements et la période d'analyse appropriés à utiliser dans l'estimation du coefficient bêta.

12.1.1 Contexte et pertinence

[300] Par intervalle de rendements, on entend l'observation quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle du rendement de l'action et du rendement du marché, tandis que la période d'analyse correspond au nombre d'années sur lesquelles les rendements sont observés. Aucune des parties n'a traité de ces aspects durant la séance de consultation, mais ils sont néanmoins abordés ici, puisqu'il s'agit de deux éléments de la décision qui ont une incidence sur la mise en œuvre du MEDAF.

[301] Dans sa décision de 2004, l'Office a déterminé que la série de données qu'il convenait d'utiliser aux fins du calcul du coefficient bêta devrait couvrir un certain nombre de scénarios économiques différents et englober suffisamment d'observations pour offrir une bonne précision statistique sans introduire de l'information historique non pertinente ou du « bruit » qui pourrait biaiser les résultats de la régression. L'Office a déterminé qu'une période de cinq ans devrait être utilisée dans la mesure du possible, et qu'une période de deux ans constituait le minimum acceptable. Par contre, il convient d'utiliser une période inférieure à cinq ans uniquement dans le cas où les données ne remontent pas aussi loin, à moins que des circonstances particulières propres à la société ou à l'industrie, p. ex. un changement dans l'orientation de la compagnie, ne commandent le recours à une période plus courte. L'Office était également d'avis que les observations devraient être faites sur une base hebdomadaire ou mensuelle, et que le coefficient bêta devrait être rajusté pour tenir compte de la tendance à revenir à la moyenne.

12.1.2 Le rapport Brattle

[302] Le rapport Brattle explique comme suit les répercussions du choix de l'intervalle de rendements et de la période d'analyse sur l'estimation du coefficient bêta (pages 41-42) :

Le choix de l'intervalle pour les données sur le rendement et la longueur de la période d'estimation du bêta supposent un arbitrage entre la possibilité d'obtenir plus d'observations en choisissant un créneau plus long et/ou des données plus fréquentes sur le rendement, et s'assurer qu'aucun changement structurel ne s'est produit au cours de la période d'estimation et que les données sur le rendement sont fondées sur un volume d'activité boursière suffisant. Par exemple, des données mensuelles fournissent moins d'observations à moins de choisir un créneau d'estimation suffisamment long (p. ex., les données mensuelles sur 5 ans représentent seulement 60 points de données; par contre, un horizon hebdomadaire donne 260 observations sur une période de 5 ans). Les données quotidiennes sont des données bruitées et ne comportent peut-être que quelques opérations pour une journée en particulier.

Les changements structurels signifient que le risque de l'actif par rapport au risque du marché pourrait changer au cours de la période d'estimation, de sorte que l'estimation du bêta qui en résulte serait une « composition » du risque de l'actif sur la période d'estimation historique plutôt qu'une représentation du risque prospectif de l'actif. Le choix d'un horizon prévisionnel très long (p. ex., 10 ans) pose peut-être un problème pour l'estimation du bêta. Plus précisément, de nombreux rapports économiques changent fondamentalement sur une période de 10 ans. Le risque de l'actif par rapport au risque du marché ne sera probablement pas stable lors de telles variations; les données sur le rendement du début de la période d'estimation pourraient donc ne plus avoir de rapport pertinent avec le marché du point de vue du risque. En outre, plus la période d'estimation est longue, plus il est probable que des difficultés se présenteront en ce qui a trait aux données. Par exemple, le Canadien Pacifique a des données sur les opérations sur une période de moins de 10 ans.

12.2 Rajustement du coefficient bêta

Question : La question suivante a été soulevée au cours des consultations : Faut-il rajuster les estimations du bêta pour tenir compte de la tendance à revenir à la moyenne?

12.2.1 Contexte et pertinence

[303] Le coefficient bêta issu de l'analyse de régression décrite plus haut n'est pas rajusté alors qu'il devrait l'être pour tenir compte de la tendance à revenir à la moyenne, conformément à la décision de 2004. Dans cette décision, l'Office affirme que les critères de mesure concordent avec les calculs effectués par les fournisseurs commerciaux d'estimations du coefficient bêta. Ainsi, l'Office rajuste les estimations à l'aide de la méthode de Blume pour tenir compte de la tendance à revenir à 1. Il s'agit de la méthode la plus courante pour rajuster le bêta. La formule est la suivante :

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Texte alternatif pour la formule

ßBA correspond au bêta rajusté de Blume;

ßUA désigne le bêta non rajusté.

12.2.2 Position de la CER

[304] Seule la CER a formulé des observations à l'égard du rajustement du bêta. La CER souhaite que l'Office réexamine sa décision de 2004 dans laquelle il affirme que le coefficient bêta devrait être rajusté pour tenir compte de la tendance à revenir à la moyenne. La CER se penche sur le cas où le coefficient bêta d'une société réglementée est estimé d'après un portefeuille ou un échantillon de sociétés réglementées. La CER avance que si des données portent à croire que le coefficient bêta de la société réglementée a tendance à revenir à la moyenne de l'échantillon de sociétés réglementées, alors il faudrait opérer un rajustement de sorte que le bêta tende vers le bêta moyen des sociétés réglementées de l'échantillon, et non vers 1,0. La CER affirme qu'un rapide examen des coefficients bêta consécutifs pour CN et CP ne donne pas vraiment à penser que les coefficients bêta de ces compagnies, qui sont généralement inférieurs à 1, tendent à revenir à la moyenne du bêta du marché, soit 1.

[305] La CER allègue ensuite que les deux grandes raisons évoquées pour justifier le rajustement du coefficient bêta pour tenir compte de la tendance à revenir à la moyenne ne sont pas valables. En premier lieu, d'après la CER, si le risque de taux d'intérêt est un déterminant du rendement, alors la bonne façon de procéder consiste à utiliser un modèle d'équilibre des actifs à deux facteurs, à estimer le coefficient bêta de chacun des facteurs et à mesurer la prime de risque de chacun des facteurs par rapport aux obligations à long terme du Canada.

[306] La CER estime que le deuxième motif évoqué – selon lequel, d'après des études empiriques réalisées en 1971 et en 1975 aux États-Unis, en moyenne les coefficients bêta des sociétés du marché américain reviennent à la moyenne du marché de 1,0 au fil du temps – est également faux. La CER affirme qu'on peut être en droit de se demander si ce résultat est toujours pertinent aujourd'hui ou s'il s'applique à des échantillons stratifiés de sociétés bien précis, puisque ce résultat n'a jamais été vérifié. Par ailleurs, la CER souligne qu'il ne semble pas y avoir eu de tests similaires effectués pour le marché canadien.

[307] Enfin, la CER mentionne que les erreurs dans l'estimation statistique des coefficients bêta prévus est la troisième raison généralement évoquée pour justifier le rajustement du bêta. La CER soutient que dans le cas des erreurs d'estimation statistique, il convient d'utiliser la méthode de rajustement de Vasicek et non une méthode du type de celle de Blume. Selon la CER, la méthode de Vasicek est une moyenne pondérée du bêta type d'une société réglementée de l'échantillon et du bêta type de l'ensemble des sociétés réglementées de l'échantillon, et les poids sont fondés sur les erreurs d'estimation relatives. La CER maintient que, pour CN et CP, les coefficients bêta ne sont pas estimés d'après les bêta combinés des sociétés réglementées de l'échantillon, mais plutôt de manière directe. De fait, dans le cas de la méthode de Vasicek, « membre de l'échantillon » et « échantillon » désignent la même notion, et le facteur de rajustement est ramené à 1,0. Par conséquent, la CER soutient qu'il n'y a pas lieu de procéder à un rajustement du type de celui de Vasicek pour CN et CP.

12.2.3 Réponse du Brattle Group

[308] Le Brattle Group a répondu aux observations présentées par la CER (dans un rapport élaboré par son spécialiste, M. Lawrence Kryzanowski) au sujet de l'estimation du bêta[24] :

M. Kryzanowski soulève par ailleurs une question encore plus importante : Doit-on recourir aux coefficients bêta rajustés ou non? Il s'agit là d'un des nombreux aspects de l'estimation du coût du capital pour lesquels des arguments valables peuvent être avancés d'un côté comme de l'autre. Toutefois, nous tenons à mentionner que la question est beaucoup moins pertinente dans le cas de l'industrie ferroviaire que dans le cas des services publics réglementés. En effet, les coefficients bêta estimés pour les sociétés ferroviaires se rapprochent davantage de 1,0 que ceux des services publics réglementés.

Selon M. Kryzanowski, rien ne porte à croire que les coefficients bêta des sociétés réglementées tendent vers la valeur de 1,0 utilisée aux fins du rajustement du coefficient bêta selon la méthode courante. Nous ne disons pas le contraire. Toutefois, les organismes de réglementation de même que les fournisseurs, p. ex. VL, utilisent fréquemment les coefficients bêta rajustés. La vraie question consiste à savoir si les coefficients bêta rajustés offrent une meilleure estimation du risque relatif des services publics réglementés que les coefficients bêta non rajustés. Les services publics réglementés diffèrent des autres sociétés du fait que leur cadre de réglementation les rend particulièrement sensibles aux fluctuations des taux d'intérêt. D'après les principes fondamentaux et les tests réalisés dans le passé, les services publics sont sensibles aux fluctuations des taux d'intérêt, et ce, de manière statistiquement significative. Les tests effectués plus récemment ne confirment pas cette signification statistique, mais conformément aux principes fondamentaux, la sensibilité aux taux d'intérêt devrait tout de même être bien réelle malgré notre incapacité à la détecter. Les estimations des coefficients bêta associés aux sociétés réglementées (mais pas aux sociétés ferroviaires toutefois) ont énormément fluctué au cours des 10 dernières années; souvent, le coefficient bêta était nul ou inférieur à 0, ce qui signifierait que l'investissement ne comportait pas de risque. Même si les actions des sociétés réglementées sont moins risquées que l'action moyenne, l'investissement n'est pas pour autant sans risque et les coefficients bêta avoisinant 0 sont donc absurdes. De toute manière, la question revêt une importance moindre dans le contexte des sociétés ferroviaires puisque les coefficients bêta de ces dernières se rapprochent davantage de 1,0 que les coefficients bêta de la plupart des sociétés réglementées. Plus un coefficient bêta a une valeur proche de 1,0, moins le fait de recourir aux coefficients bêta rajustés a une incidence marquée.

En résumé, certains analystes, comme ceux du Brattle Group, s'appuient sur les coefficients bêta rajustés dans le cas des sociétés réglementées en raison de la sensibilité de ces dernières aux taux d'intérêt, et non parce que leur coefficient bêta (mesure du risque) tend vers 1,0. D'autres analystes utilisent les coefficients bêta rajustés parce qu'ils croient que les investisseurs prennent appui sur ces valeurs, car ce sont ces coefficients rajustés qui sont généralement communiqués par les fournisseurs. D'autres encore justifient le non-recours aux coefficients bêta rajustés en faisant valoir l'absence de signification des récents tests de sensibilité aux taux d'intérêt et l'absence de données qui permettraient de croire que le risque des actions de sociétés réglementées tend à croître pour se rapprocher du niveau de risque d'une action moyenne sur le marché.

12.3 Coefficient bêta avec neutralisation et réintégration du facteur d'endettement

Question : Une question a été soulevée au cours des consultations, à savoir si l'équation de Hamada était valide pour neutraliser et réintégrer le facteur d'endettement dans l'estimation du bêta.

12.3.1 Contexte et pertinence

[309] Le processus de neutralisation consiste à séparer le risque financier du risque commercial. L'Office recourt à la technique de neutralisation et de réintégration du facteur d'endettement uniquement dans des circonstances exceptionnelles, quand le coefficient bêta d'une compagnie ne peut être calculé directement parce que la compagnie n'est pas cotée en bourse. Par exemple, si une plainte concernant le service ferroviaire voyageurs est déposée à l'Office et que la compagnie de chemin de fer visée n'est pas inscrite à la bourse et, donc, qu'on ne dispose pas des données sur le marché nécessaires au calcul du bêta, l'Office constitue un groupe de compagnies de chemin de fer cotées en bourse comparables, calcule leur coefficient avec facteur d'endettement (bêta du marché) puis sans facteur d'endettement pour dégager un bêta moyen sans facteur d'endettement pour le groupe. Le facteur d'endettement est ensuite réintégré à ce coefficient moyen, d'après le ratio capitaux empruntés-capitaux propres et le taux d'imposition de la compagnie de chemin de fer en question. À cette fin, l'Office recourt à l'équation élaborée par le professeur Hamada. Actuellement, l'Office calcule le coût des capitaux propres de CN et de CP à l'aide du bêta du marché propre à chacune des compagnies. La neutralisation et la réintégration du facteur d'endettement dans l'estimation du bêta est une question qui ne s'applique pas dans le cas de CN et de CP.

12.3.2 Position de la CER

[310] La question a été soulevée par la CER dans ses observations au sujet de l'analyse des coefficients bêta avec facteur d'endettement faite dans le rapport Brattle. La CER affirme que l'équation de Hamada pour neutraliser et réintégrer le facteur d'endettement dans l'estimation du bêta présente de multiples difficultés. D'après la CER, les hypothèses à la base de cette équation impliquent que la valeur de la société avec facteur d'endettement augmente indéfiniment avec le niveau d'endettement si la valeur de la société sans facteur d'endettement demeure constante le long de la courbe du CMPC.

12.3.3 Le rapport Brattle

[311] Le rapport Brattle présente une méthode générale pour calculer un rendement des capitaux propres équitable pour une société réglementée à l'aide d'un échantillon de titres comparables. D'après le Brattle Group, en règle générale, le marché des titres de créance de société n'est pas très liquide et, en conséquence, il n'est pas certain qu'on puisse obtenir des estimations fiables quant au niveau d'endettement d'une société. Une pratique courante consiste à supposer simplement que le coefficient bêta des titres de créance est nul, ce qui implique que le coût des capitaux empruntés devrait correspondre au taux sans risque.

[312] Lorsqu'une décision a été prise à l'égard des coefficients bêta des titres de créance, le coût des capitaux propres peut être calculé pour chaque société de l'échantillon sans facteur d'endettement. On calcule ensuite la moyenne pour estimer le coefficient bêta sans facteur d'endettement de l'industrie. Pour estimer le coût des capitaux propres de la société réglementée, le facteur d'endettement peut ensuite être réintégré au coefficient bêta estimé conformément à la structure de capital de la société réglementée[25].

[313] Selon le rapport Brattle, le fait de sélectionner une série de titres comparables pour estimer le coût des capitaux propres d'une société réglementée est source de problème, car cela ne tient pas compte du fait que, pour chaque société, le risque des actifs sous-jacents est généralement réparti entre les créanciers et les actionnaires. Même si le risque des actifs sous-jacents peut être comparable, si la structure du capital est différente, le risque est alors réparti différemment entre les créanciers et les porteurs d'actions, ce qui fait en sorte que les capitaux propres d'une société sont potentiellement plus risqués que ceux d'une autre société. Plus le niveau d'endettement est grand, plus le risque financier est important[26].

13.0 Les composantes du modÈle DCF

Question : Certains participants aux séances de consultation ont plaidé en faveur de l'utilisation du modèle DCF ou de l'une de ses variantes pour estimer le coût des capitaux propres attribuables aux actionnaires ordinaires.

[314] Le modèle DCF est fondé sur le principe selon lequel le prix payé par les investisseurs pour acquérir une action correspond à la somme de tous les flux monétaires actualisés qui devraient revenir aux investisseurs au fil du temps. Les flux monétaires projetés sont quant à eux fondés sur le profil de croissance prévu de la société dans l'avenir. Ainsi, les principaux éléments du modèle DCF qui ont une influence sur l'estimation du coût des capitaux propres sont le profil de croissance prévu de la société – c'est ce qui détermine si on utilise un modèle à une période ou un modèle à périodes multiples – les taux de croissance présumés dans le profil de croissance, la mesure des flux monétaires projetés et, enfin, le prix observé. Ces éléments sont analysés dans les sections qui suivent.

13.1 Le profil de croissance

13.1.1 Contexte et pertinence

[315] Cet élément du modèle décrit si le taux de croissance de la société est présumé être constant dans un avenir prévisible (modèle à une période) ou s'il fluctue d'une période à l'autre (modèle à périodes multiples).

Modèle DCF à une période ou à taux de croissance constant

[316] Dans ce modèle, il est présumé que le cours de l'action est égal à la somme des flux monétaires futurs, la valeur de chacun des flux étant actualisée en fonction du temps et du niveau de risque pour la période comprise entre le moment présent et celui où le montant d'argent devrait être versé, et le taux de croissance de la société étant présumé perpétuellement constant. Selon le modèle, le coût des capitaux propres est égal au rendement attendu des actions (les dividendes divisés par le cours) suivant un taux de croissance constant, plus le taux de croissance futur des dividendes. La formule mathématique du modèle est la suivante :

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Texte alternatif pour la formule

RE désigne le rendement des capitaux propres;

D0 correspond au dividende de la période courante;

P représente le cours de l'action;

D0/P désigne le rendement courant des actions;

g correspond au taux de croissance des dividendes.

[317] Pour mettre en œuvre le modèle DCF à période unique, il faut estimer le taux de croissance constant et connaître le cours et le dividende de la période courante. Actuellement, l'Office utilise la version du modèle DCF à une période.

Modèle DCF à deux périodes

[318] L'hypothèse selon laquelle la société suivra perpétuellement un taux de croissance constant n'est pas réaliste; il s'agit là du principal point faible de ce modèle. S'il y a des raisons de croire que le taux de croissance variera dans l'avenir, le modèle DCF à une période peut être élargi pour permettre la variation du taux selon le stade de croissance de la société. Le modèle à deux périodes repose sur l'hypothèse que la société croîtra à un taux donné pendant un certain nombre prédéterminé d'années puis à un taux de croissance dit final par la suite (indéfiniment). En règle générale, le taux de croissance final correspond au taux de croissance nominal à long terme du PIB. La formule mathématique du modèle DCF à deux périodes est la suivante :

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Texte alternatif pour la formule

g1 correspond au taux de croissance des dividendes pour les (n) premières années;

g2 désigne le taux de croissance final des dividendes;

Dn représente le dividence à l'année (n);

n correspond au nombre d'années à la période 1;

toutes les autres variables ont la même signification que dans l'équation précédente.

[319] Dans le modèle de croissance à deux périodes, le premier terme représente simplement la valeur actualisée des dividendes durant les (n) premières années où le taux de croissance présumé est g1. Le deuxième terme correspond à la valeur actualisée de tous les dividendes de l'année (n) jusqu'à l'infini.

Modèle DCF à périodes multiples

[320] Le modèle peut aussi être élargi davantage et devenir un modèle DCF à périodes multiples, dans lequel plus de deux périodes de croissance sont considérées. Le nombre d'années que couvre chaque période n'est pas fixe. Le modèle peut compter n'importe quel nombre de périodes de croissance, mais le plus souvent, le modèle DCF à périodes multiples en comporte trois. La première période correspond à la croissance propre de la société, laquelle rejoindra le taux de croissance moyen de l'industrie à un certain point dans l'avenir, puis le taux de croissance moyen de l'économie globale (PIB) pour rester à ce niveau indéfiniment par la suite. La formule mathématique du modèle DCF à trois périodes est la suivante :

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Texte alternatif pour la formule

Dn1 représente le dividende à l'année n1;

Dn2 correspond au dividende à l'année n2;

g2 désigne le taux de croissance des dividendes à la période 2;

g3 représente le taux de croissance final des dividendes;

n1 désigne le nombre d'années à la période 1;

n2 correspond au nombre total d'années aux deux premières périodes de croissance;

toutes les autres variables ont la même signification que dans les équations précédentes.

[321] La mise en œuvre du modèle DCF à périodes multiples commande la formulation d'hypothèses quant au taux de croissance à chaque période et à la longueur de chaque période. Il faut aussi connaître le cours et le dividende pour la période courante.

13.1.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[322] CP propose que l'Office utilise un modèle DCF à périodes multiples fondé sur celui présenté dans l'ouvrage Cost of Capital Yearbook publié par Morningstar/Ibbotson :

[traduction]

La formule financière que nous proposons ici aux fins de la mise en œuvre du modèle DCF à périodes multiples pour calculer le coût des capitaux propres est fondée sur celle donnée dans l'ouvrage Cost of Capital Yearbook publié par Morningstar/Ibbotson. Shannon Pratt, dans son ouvrage très souvent cité sur le coût du capital, parle de l'ouvrage Cost of Capital Yearbook comme d'une « source exhaustive de données financières sur les différentes industries » qui donne « le coût des capitaux propres, le coût du capital, les ratios de structure financière, les taux de croissance, les multiples et d'autres données financières utiles » se rapportant à plus de 300 industries.

[323] CP affirme que la méthode proposée cadre avec la formule énoncée dans la décision rendue par la STB le 23 janvier 2009 (publiée le 28 janvier 2009) dans le cadre du dossier Ex Parte No. 664 (Sub-No.1).

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

[324] CN soutient que l'hypothèse posée aux fins de l'application du modèle DCF à une période selon laquelle les dividendes représentent une proportion constante des bénéfices et qu'en moyenne, ils suivent un taux de croissance constant [traduction] « est probablement fausse pour la plupart des sociétés, y compris CN », et elle ajoute ceci :

[traduction]

Actuellement, d'après Thompson Financial, la prévision moyenne à l'égard du taux de croissance des bénéfices pour l'année à venir (les cinq prochaines années) est de 14,8 pour cent (8,77 pour cent) dans le cas de CN et de 25,90 pour cent (8,25 pour cent) dans le cas de CP (données provenant de Yahoo Finance). Ces prévisions ne sont évidemment pas susceptibles d'être maintenues indéfiniment, et l'utilisation directe d'un taux de croissance couvrant même aussi peu que cinq ans donnera lieu à une surestimation du coût des capitaux propres.

[325] Par ailleurs, CN ajoute que le modèle DCF présente certaines difficultés, mais elle parvient à la conclusion qu'il pourrait s'avérer utile de vérifier la cohérence des estimations issues du MEDAF à l'aide du modèle DCF : un large écart entre les deux estimations pourrait être le signe d'un problème du côté du MEDAF. CN ne s'est pas exprimée sur la question du modèle DCF à une période par rapport au modèle DCF à périodes multiples et n'a pas non plus formulé d'observations au sujet des données à insérer dans le modèle DCF.

Province du Manitoba

[326] Le Manitoba donne les prévisions médianes actuelles à l'égard des taux de croissance des bénéfices pour CN et CP. Selon le Manitoba, ces taux de croissance ne sont pas valables à long terme. Le Manitoba présente ensuite le taux de croissance à long terme du PIB nominal du Canada tel qu'il est prévu par le directeur parlementaire du budget. Le Manitoba conclut ainsi :

[traduction]

Les taux de croissance prévus des bénéfices des compagnies de chemin de fer sont des multiples du taux de croissance prévu du PIB national. La projection de ces taux dans l'avenir impliquerait que les compagnies de chemin de fer absorberaient une part de plus en plus grande de la croissance nationale au fil du temps; cette hypothèse est totalement déraisonnable. Au final, le taux de croissance raisonnable des bénéfices des compagnies de chemin de fer est limité par la croissance de l'économie dans laquelle ces compagnies évoluent.

[327] Le Manitoba affirme que la STB a opté pour le modèle DCF à trois périodes pour remédier à ce problème et que si l'Office utilise ce modèle, il devrait sélectionner le même que celui employé par la STB ou encore une variante similaire.

13.1.3 Pratiques de la STB

[328] Une des deux méthodes employées par la STB pour estimer le coût des capitaux propres des compagnies de chemin de fer américaines est le modèle DCF à trois périodes. Dans sa décision de 2009 (dossier Ex Parte No. 664, Sub-No. 1 de janvier 2009), la STB mentionne que des groupes d'expéditeurs se sont opposés au modèle DCF à une période utilisé dans le passé par la STB pour estimer le coût des capitaux propres des compagnies de chemin de fer pour la raison que l'hypothèse d'un taux de croissance constant était déraisonnable. La STB y va de cette explication (page 3) :

[traduction]

Par conséquent, nous avons entrepris ces démarches réglementaires dans le but d'explorer en profondeur la question du modèle DCF à périodes multiples qu'il conviendrait d'utiliser dans le cadre de notre processus d'établissement du coût des capitaux propres. Dans le préavis de projet de réglementation (Advance Notice of Proposed Rulemaking – ANPRM), nous avons ciblé quatre exigences que le modèle DCF doit satisfaire : 1) il doit s'agir d'un modèle DCF à périodes multiples; 2) le modèle ne doit pas être uniquement axé sur les dividendes versés : d'autres mesures plus vastes des flux monétaires ou des rendements réalisés par les actionnaires doivent être intégrées dans le modèle; 3) le modèle doit se limiter aux compagnies qui répondent aux critères énoncés dans la décision Railroad Cost of Capital – 1984, 1 I.C.C.2d 989 (1985) (Railroad Cost of Capital – 1984); 4) lorsque le modèle est combiné au MEDAF, il doit améliorer la précision des estimations du coût du capital qui en résultent.

[329] La STB conclut en affirmant qu'elle peut améliorer son processus d'établissement du coût du capital en utilisant le modèle DCF à périodes multiples en combinaison avec le MEDAF pour estimer le coût des capitaux propres des compagnies de chemin de fer.

13.2 Mesure des flux monétaires projetés

13.2.1 Contexte et pertinence

[330] La mesure des bénéfices est un des éléments clés du modèle DCF. Ce modèle repose sur l'idée que la valeur actuelle d'une société correspond à la valeur actualisée de ses bénéfices futurs. En règle générale, les bénéfices sont représentés soit par les dividendes, soit par les flux monétaires. Dans les différentes formules du modèle DCF présentées antérieurement, la variable D désigne cette donnée.

13.2.2 Position de CP

[331] CP est la seule partie à avoir proposé une méthode détaillée pour estimer le coût des capitaux propres à l'aide du modèle DCF. Ainsi qu'il a été noté précédemment, CP recommande de recourir au modèle DCF à trois périodes de Morningstar/Ibbotson. Dans la version du modèle proposée par CP, les flux monétaires projetés (FM) correspondent au revenu avant les éléments extraordinaires (RAEE) moins les dépenses en immobilisations (DEPIM) plus l'amortissement (AMO) et l'impôt reporté (IR), autrement dit :

FM = RAEE - DEPIM + AMO + IR.

[332] CP calcule le RAEE en retranchant du revenu net les éléments extraordinaires, puis elle établit les moyennes pondérées sur cinq ans des mesures financières décrites dans l'équation.

13.2.3 Pratiques de la STB

[333] La STB a également adopté le modèle DCF à trois périodes de Morningstar/Ibbotson. Voici comment elle justifie l'utilisation des flux monétaires et comment elle décrit la méthode :

[traduction]

Dans un modèle DCF, le coût des capitaux propres correspond au taux d'actualisation qui égalise la valeur marchande de la compagnie à la valeur actualisée des flux monétaires qui devraient revenir aux investisseurs. On ne présume pas que ces flux monétaires sont versés directement aux investisseurs; on suppose plutôt que ces derniers vont ultimement profiter de ces flux par le truchement de dividendes réguliers plus élevés, de dividendes supplémentaires, de rachats d'actions ou de l'appréciation du cours des actions. L'intégration de ces flux monétaires et la croissance projetée des bénéfices sont au cœur du modèle DCF à périodes multiples que nous adoptons.

Selon le modèle de Morningstar/Ibbotson, aux périodes 1 et 2, les flux monétaires (FM) sont définis comme étant le revenu avant les éléments extraordinaires (RAEE) moins les dépenses en immobilisations (DEPIM) plus l'amortissement (AMO) et l'impôt reporté (IR). L'équation est la suivante :

FM = RAEE - DEPIM + AMO + IR.

Dans le modèle de Morningstar/Ibbotson, le flux monétaire moyen constitue le point de départ de l'analyse. Pour déterminer ce flux monétaire moyen, on se fonde sur la période de cinq ans qui précède l'année visée par l'analyse. Les flux monétaires totaux pour cette période sont divisés par les ventes totales, ce qui détermine le ratio flux monétaire-ventes sur cinq ans. Ce ratio est ensuite multiplié par les ventes totales réalisées dans l'année analysée pour ainsi produire une estimation du flux monétaire moyen pour l'année en question. À la période 3 (la dernière) du modèle DCF à périodes multiples, Morningstar/Ibbotson pose deux hypothèses additionnelles, à savoir que l'amortissement et l'impôt reporté sont nuls. Ainsi, à la période 3, les flux monétaires sont fondés uniquement sur le revenu avant les éléments extraordinaires.

13.3 Taux de croissance

13.3.1 Contexte et pertinence

[334] Peu importe que l'on utilise un modèle à une période ou un modèle à périodes multiples, il faut estimer un taux de croissance pour chacune des périodes. Le taux de croissance projeté est l'élément du modèle DCF qui prête le plus à controverse, car il ne s'agit pas d'une donnée directement observable. Une des méthodes couramment employées consiste à s'en remettre à une moyenne des taux de croissance estimés par les analystes. Actuellement, l'Office, dans son utilisation du modèle DCF à une période, recourt aux estimations moyennes des analystes (fournies par Yahoo Canada Finance) à l'égard des taux de croissance sur cinq ans pour CN et CP. Autrement, les taux de croissance historiques peuvent être estimés pour chaque compagnie en calculant la croissance moyenne de celle-ci sur un certain nombre d'années à l'aide d'une mesure adéquate de la croissance, comme la fluctuation des revenus ou du bénéfice par action, et en supposant que le scénario de croissance futur sera identique au scénario de croissance historique.

13.3.2 Positions des parties

Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

[335] CP prône l'utilisation du modèle DCF à périodes multiples de Morningstar/Ibbotson. La méthode recommandée par CP pour estimer la croissance des bénéfices est la suivante :

[traduction]

La période 1 du modèle DCF à périodes multiples de Morningstar/Ibbotson commence à l'année 1 et se termine à l'année 5 (l'année courante constitue l'année 0). Pour chaque année de la période 1, il est supposé que le taux de croissance annuel des bénéfices de CP correspond à la moyenne des taux de croissance « à long terme » des bénéfices (trois à cinq ans) estimés par les spécialistes des investissements de l'industrie ferroviaire en janvier, février et mars de chaque année civile (ce qui coïncide avec la publication des états financiers de fin d'exercice). Les estimations des analystes sont recueillies dans le système d'estimation des courtiers institutionnels (Institutional Brokers' Estimate System – I/B/E/S) et communiqués par Thomson Financial par le truchement de son service de gestion des investissements Thomson ONE Investment Management.

(…)

La période 2 du modèle DCF à périodes multiples s'étend de l'année 6 à l'année 10. Durant cette période, il est supposé que les flux monétaires suivent un taux de croissance qui correspond à la moyenne des prévisions de croissance à long terme des analyses des investissements au regard de l'industrie ferroviaire (CP et CN).

(…)

La période 3 du modèle DCF à périodes multiples commence à l'année 11 et se poursuit indéfiniment. À partir de l'année 11, il est supposé que le taux de croissance de CP est égal au taux de croissance nominal à long terme de l'économie canadienne. Le taux de croissance nominal à long terme utilisé dans le modèle DCF à périodes multiples pour estimer le coût des capitaux propres pour l'année 2010 est de 5,74 pour cent. Cette donnée représente la somme du taux de croissance historique moyen du produit intérieur brut réel de 1961 à aujourd'hui (3,23 pour cent) et du taux d'inflation à long terme (2,51 pour cent).

Le taux de croissance de la période 3 est appliqué à un flux monétaire dont la valeur est fondée sur deux hypothèses additionnelles au sujet de l'horizon à long terme : i) l'amortissement est égal aux dépenses en immobilisations (autrement dit, l'investissement net est nul); ii) toutes les charges fiscales sont traitées comme des sorties de fonds (autrement dit, aucun changement dans l'impôt reporté). Ainsi, à la période 3, le flux monétaire est fondé uniquement sur le revenu avant les éléments extraordinaires (RAEE), tandis qu'aux périodes 1 et 2, le flux monétaire découle du calcul de l'équation 2 ci-dessus [FM = RAEE - DEPIM + AMO + IR].

Coalition des expéditeurs par rail

[336] Les observations de la CER ont essentiellement trait aux faiblesses qu'elle perçoit dans la méthode prédominante d'estimation du taux de croissance des dividendes. D'abord, la CER affirme que le modèle DCF peut être mis en œuvre à l'aide des dividendes historiques et des taux de croissance des dividendes estimés d'après les données accessibles, mais elle ne formule pas d'autre observation à cet égard. La CER soutient ensuite que les prévisions des analystes financiers au regard des taux de croissance sont également utilisées, et elle explique que cette façon de faire repose sur l'hypothèse explicite selon laquelle ces prévisions ne présentent pas de biais connu. La CER est en désaccord avec le Brattle Group, qui, selon elle, tente de prouver que les prévisions des analystes financiers risquent moins de poser des problèmes dans le contexte des services publics réglementés. La CER note ce qui suit :

[traduction]

Les études révèlent que les estimations des bénéfices faites par les analystes présentent d'importants biais d'optimisme et biais par excès de confiance, que la révision des prévisions des analystes provoque des variations dans le cours des actions et que le fait de recourir à ces estimations sans neutraliser le biais par excès donne lieu à une surestimation de la prime de risque sur capitaux propres et du coût des capitaux propres.

13.3.3 Pratiques de la STB

[337] Dans le dossier Ex Parte No. 664 (Sub-No. 1) (page 6), la STB a adopté la méthode de Morningstar/Ibbotson décrite précédemment dans le contexte de CP :

[traduction]

La croissance des bénéfices est également calculée en trois phases. C'est en raison de ces trois phases de croissance qu'on dit que le modèle de Morningstar/Ibbotson est un modèle « à périodes multiples ». À la période 1 (années 1 à 5), on suppose que le taux de croissance annuel des bénéfices de la compagnie correspond à la valeur médiane des estimations de croissance sur trois à cinq ans pour la compagnie de chemin de fer admissible, estimations provenant des analystes de l'industrie ferroviaire et publiées par l'Institutional Brokers Estimate System (IBES). À la période 2 (années 6 à 10), le taux de croissance représente la moyenne de tous les taux de croissance de la période 1. À la période 3 (année 11 et les suivantes), le taux de croissance est égal au taux de croissance nominal à long terme de l'économie américaine. Ce taux de croissance nominal à long terme est estimé à l'aide des données historiques sur la croissance du PIB réel et du taux d'inflation anticipé à long terme.

13.4 Prix du marché observé

13.4.1 Contexte et pertinence

[338] Le prix du marché fait partie intégrante du modèle DCF. Il représente la valeur actualisée des bénéfices futurs de la compagnie. Le coût du capital est rajusté de manière à égaliser les bénéfices futurs à la valeur actualisée de la compagnie (le prix du marché). Actuellement, pour estimer le modèle DCF, l'Office utilise un cours de clôture – généralement sélectionné aléatoirement à la date ou près de la date de soumission pour l'établissement du coût du capital applicable au transport du grain de l'Ouest – pour les actions ordinaires de chacune des compagnies de chemin de fer.

13.4.2 Position de CP

[339] CP est la seule partie à avoir soumis une méthode détaillée de mise en œuvre du modèle DCF; elle fait notamment une analyse de la question de l'observation du prix du marché. CP est d'avis que le prix observé devrait être le même que dans la méthode de Morningstar/Ibbotson, c'est-à-dire la valeur boursière des capitaux propres de CP. CP utilise la moyenne des valeurs de fin de mois de la capitalisation boursière pour le premier trimestre de chaque année, ce qui coïncide avec la publication des états financiers de fin d'exercice de la compagnie.


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