Décision n° 106-AT-A-2017

le 6 décembre 2017

DEMANDE présentée par Bahig Wanas contre WestJet.

Numéro de cas : 
17-02141

RÉSUMÉ

[1] Bahig Wanas a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) contre WestJet concernant son refus de lui fournir un accommodement, c’est-à-dire un siège avec de l’espace supplémentaire pour les jambes, pour répondre à ses besoins liés à sa déficience.

[2] L’Office se penchera sur les questions suivantes :

  1. M. Wanas a-t-il rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement?
  2. Si M. Wanas a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement, l’obstacle peut-il être éliminé sans causer une contrainte excessive à WestJet?

[3] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que M. Wanas n’a pas établi qu’il a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement. À la lumière de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que l’Office se penche sur la question de savoir si l’obstacle allégué pourrait être éliminé sans causer une contrainte excessive à WestJet.

CONTEXTE

[4] M. Wanas a déposé une demande auprès de WestJet pour adhérer à son programme d’attribution de sièges spéciaux pour raison médicale (demande d’adhésion), afin d’obtenir un siège offrant de l’espace supplémentaire pour les jambes, du fait qu’il porte une prothèse à la jambe gauche. WestJet a rejeté sa demande d’adhésion puisque selon elle, il y a suffisamment d’espace à tous les sièges à bord de ses aéronefs pour l’accommoder.

[5] Dans la décision n° LET-AT-A-50-2017 (lettre-décision), l’Office a conclu que M. Wanas est une personne ayant une déficience. L’Office a toutefois conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de renseignements au dossier de l’instance pour déterminer si M. Wanas a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement. M. Wanas a donc été tenu d’expliquer pourquoi l’espace pour ses jambes à son siège en classe économique de WestJet ne répondrait pas à ses besoins liés à sa déficience. M. Wanas a déposé des commentaires comme on le lui avait demandé dans la lettre‑décision; WestJet n’a pas déposé de réponse.

LA LOI

[6] La demande a été déposée en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, qui prévoit ce qui suit :

Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[7] L’Office applique une démarche en trois volets pour déterminer s’il y a un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[8] D’abord, l’Office considère si le demandeur est une personne ayant une déficience aux fins de la partie V de la LTC.

[9] Deuxièmement, l’Office détermine s’il y a un obstacle. Un obstacle est une règle, une politique, une pratique ou une structure physique ayant pour effet de priver la personne ayant une déficience de l’égalité d’accès aux services qui sont normalement accessibles aux autres utilisateurs du réseau de transport fédéral.

[10] Troisièmement, l’Office détermine si l’obstacle peut être éliminé grâce à une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique ou à la structure physique, ou, si la modification n’est pas possible, à une mesure d’accommodement personnalisée, sans causer une contrainte excessive au fournisseur de services de transport.

[11] Cette démarche en trois volets se fait en deux étapes. Au cours de la première, on considère les volets un et deux. S’il est déterminé que le demandeur est une personne ayant une déficience et qu’il a rencontré un obstacle, l’Office étudie ensuite le troisième volet : déterminer si l’obstacle peut être éliminé sans causer une contrainte excessive au fournisseur de services de transport.

QUESTION 1 : M. WANAS A-T-IL RENCONTRÉ UN OBSTACLE À SES POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT?

Positions des parties

Position de M. Wanas

[12] M. Wanas affirme que parce que sa jambe gauche a été amputée, il doit être assis confortablement (c.-à-d. à un siège offrant de l’espace supplémentaire pour les jambes). Le médecin de M. Wanas confirme que M. Wanas a besoin de plus d’espace en raison de la nature de la prothèse à sa jambe gauche.

Position de WestJet

[13] WestJet fait valoir que, dans sa demande d’adhésion, M. Wanas demandait un siège dans la section des sièges Plus de l’aéronef, qui fournissent un espace supplémentaire de quatre pouces pour les jambes par rapport aux sièges dans la classe économique.

[14] WestJet fait valoir que, selon son évaluation, les renseignements contenus dans la demande d’adhésion de M. Wanas, et sa connaissance de l’espace à bord de ses aéronefs, l’espace pour les jambes aux sièges de la classe économique répondra entièrement aux besoins de M. Wanas. WestJet affirme que l’accommodement à la section des sièges Plus est habituellement approuvé pour les personnes qui ne peuvent plier les jambes, qui ont des spasmes aux membres ou d’autres conditions justifiant de l’espace supplémentaire pour les jambes afin de permettre à ces passagers de voyager à bord des aéronefs de WestJet.

[15] WestJet explique que les critères de son programme d’attribution de sièges spéciaux pour raison médicale sont en partie fondés sur l’article 382.38 des règles du département des Transports des É.-U., intitulé Nondiscrimination on the Basis of Disability in Air Travel (titre 14, partie 382 du CFR), qui porte sur l’attribution de sièges. Selon WestJet, cette règle prévoit que pour les personnes s’étant identifiées comme ayant une déficience, le transporteur doit fournir, entre autres choses, pour les personnes qui ne peuvent plier les jambes ou dont les jambes sont immobilisées, un siège près d’une cloison ou un siège semblable. WestJet indique qu’il n’y a pas de référence à des prothèses dans ces règles.

[16] WestJet fait également valoir que, selon les règles américaines sur l’attribution de sièges, les transporteurs ont la responsabilité d’attribuer des sièges dans la classe de sièges ou de services pour laquelle la personne a acheté un billet, mais ils ne sont pas tenus de fournir un siège dans une classe de service supérieure pour la seule raison qu’un passager ayant une déficience bénéficierait de plus de confort et d’avantages.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

[17] Dans la décision n° 371-AT-R-2016, l’Office s’est penché sur la question de savoir si la conception des toilettes dans les voitures LRC de VIA Rail constituait un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de la demanderesse et d’autres personnes ayant une déficience. Dans cette décision, l’Office a déclaré qu’il revenait à la demanderesse de démontrer que la conception des toilettes créait un obstacle à ses possibilités de déplacement. De la même manière, dans la présente affaire, il revient à M. Wanas de démontrer que la façon dont WestJet a appliqué la politique de son programme de sièges spéciaux pour raison médicale crée un obstacle à ses possibilités de déplacement.

[18] M. Wanas affirme avoir besoin de plus d’espace pour ses jambes parce qu’il porte une prothèse à la jambe gauche. WestJet fait toutefois valoir que l’espace pour les jambes aux sièges de la classe économique et la distance qui sépare les sièges répondront tout à fait aux besoins de M. Wanas.

[19] À la lumière des présentations de WestJet sur le sujet, l’Office a donné l’occasion à M. Wanas de déposer d’autres commentaires à propos de l’obstacle auquel il est confronté en conséquence de la façon dont WestJet applique la politique de son programme de sièges spéciaux pour raison médicale. Bien que M. Wanas ait effectivement déposé des commentaires, il n’a pas abordé directement la question de savoir pourquoi l’espace pour les jambes aux sièges de la classe économique dans les aéronefs de WestJet ne répondrait pas à ses besoins liés à sa déficience. M. Wanas n’a pas indiqué les dimensions de l’espace dont il a besoin pour l’accommoder, ni expliqué en quoi la nature de sa prothèse fait en sorte qu’un siège de la classe économique ne répondrait pas convenablement à ses besoins. De plus, M. Wanas n’a pas donné de détail concernant les symptômes potentiels qu’il pourrait avoir s’il devait voyager en prenant place dans un siège de la classe économique.

[20] En fonction de ce qui précède, l’Office conclut que M. Wanas n’a pas réussi à prouver que l’espace pour les jambes aux sièges de la classe économique ne répondrait pas à ses besoins liés à sa déficience. Plus particulièrement, M. Wanas n’a pas démontré que le programme d’attribution de sièges spéciaux pour raison médicale de WestJet constitue un obstacle à ses possibilités de déplacement. N’ayant pas conclu à l’existence d’un obstacle, il n’est pas nécessaire que l’Office se penche sur la question de savoir si l’obstacle allégué pourrait être éliminé sans causer une contrainte excessive à WestJet.

CONCLUSION

[21] L’Office rejette la demande de M. Wanas.

Membre(s)

Scott Streiner
Sam Barone
Stephen Campbell
Date de modification :