Décision n° 371-AT-R-2016

le 16 décembre 2016
DEMANDE présentée par Louise Bark contre VIA Rail Canada Inc. (VIA) en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch.10, modifiée (LTC).
Numéro de cas : 
16-50017

RÉSUMÉ

[1] L’Office des transports du Canada (Office) s’est penché sur la question de savoir si Louise Bark est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC, et le cas échéant, si les aspects suivants constituent des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement :

  • l’absence d’une politique officielle de VIA pour fournir un accommodement aux personnes sensibles à des produits parfumés;
  • l’impossibilité alléguée de Mme Bark d’utiliser les appareils de levage à la gare de VIA à Kingston;
  • la conception des toilettes dans les nouvelles voitures LRC de VIA;
  • l’absence d’un bouton d’appel dans la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants dans les voitures de voyageurs de VIA.

[2] Pour les raisons énoncées dans la présente décision, l’Office conclut que les aspects suivants constituent des obstacles abusifs dans le cas présent :

  • l’absence d’une politique de VIA visant à fournir un accommodement aux personnes sensibles à des produits parfumés et à des produits chimiques;
  • l’impossibilité pour Mme Bark d’utiliser l’appareil de levage pour embarquer à bord du train à partir de la voie no 2 à la gare de Kingston.

INTRODUCTION

[3] Mme Bark a déposé une demande auprès de lʼOffice en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC contre VIA concernant des difficultés quʼelle allègue avoir rencontrées lors de ses voyages en train.

QUESTIONS

[4] LʼOffice se penchera sur les questions suivantes :

  1. Mme Bark est-elle une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC?
  2. L’absence d’une politique officielle de VIA pour fournir un accommodement aux personnes sensibles à des produits parfumés constitue-t-elle un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Bark et d’autres personnes ayant une déficience? Le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises?
  3. L’impossibilité alléguée pour Mme Bark d’utiliser les appareils de levage à la gare de Kingston constitue-t-elle un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Bark et à celles d’autres personnes ayant une déficience? Le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises?
  4. La conception des toilettes dans les nouvelles voitures LRC constitue-t-elle un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Bark et d’autres personnes ayant une déficience? Le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises?
  5. L’absence d’un bouton d’appel dans la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants dans les voitures de voyageurs constitue-t-elle un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Bark et d’autres personnes ayant une déficience? Le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises?

LA LOI

[5] Lorsqu’il doit statuer sur une demande en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office applique une procédure particulière en trois temps pour déterminer s’il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience. L’Office doit déterminer :

  1. si la personne qui est l’auteur de la demande a une déficience aux fins de la LTC;
  2. si la personne a rencontré un obstacle du fait qu’on ne lui a pas fourni un accommodement approprié pour répondre aux besoins liés à sa déficience;
  3. si l’obstacle est « abusif ». Un obstacle est abusif à moins que le fournisseur de services de transport puisse prouver qu’il y a des contraintes qui rendraient l’élimination de l’obstacle déraisonnable, peu pratique ou impossible, de sorte qu’il ne peut pas fournir l’accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive.

QUESTION 1 : MME BARK EST-ELLE UNE PERSONNE AYANT UNE DÉFICIENCE AU SENS DE LA PARTIE V DE LA LTC?

Démarche de lʼOffice pour conclure à lʼexistance dʼune déficience

[6] Bien qu’il existe des cas où la déficience est évidente (p. ex. une personne qui se déplace en fauteuil roulant), il y en a d’autres où des éléments de preuve supplémentaires sont nécessaires pour établir à la fois l’existence d’une déficience et le besoin d’accommodement. Dans pareils cas, l’Office peut avoir recours à la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un instrument mondialement reconnu de classification normalisée du fonctionnement et des handicaps en lien avec des problèmes de santé, à d’autres publications de l’OMS, ou à de la documentation médicale.

[7] Pour être considérée comme une personne ayant une déficience, il incombe à la demanderesse de démontrer qu’elle a une invalidité qui entraîne une limitation d’activité et qu’elle fait face à une restriction de participation dans le cadre du réseau de transport fédéral.

Le cas présent

[8] Mme Bark utilise un fauteuil roulant électrique et voyage avec un chien aidant. Mme Bark fait valoir qu’elle fait des crises d’asthme lorsqu’elle est exposée à des odeurs et à des parfums, et elle doit être assise loin des passagers qui portent des produits parfumés. Mme Bark indique qu’une crise cesse seulement lorsque la source de l’irritant (c.-à-d. l’odeur) est éliminée.

[9] Le médecin de Mme Bark indique qu’elle est asthmatique et que ses symptômes empirent en présence de certaines odeurs. Selon lui, les symptômes et les limitations fonctionnelles de Mme Bark sont une toux accentuée et une dyspnée (difficulté à respirer). Mme Bark utilise du Ventolin au besoin, et son état de santé est géré à lʼaide dʼun inhalateur.

[10] VIA affirme que Mme Bark n’a pas fourni de renseignements concernant la gravité et la durée de ses symptômes. Mme Bark explique qu’on l’a informée qu’il faudrait qu’elle consulte un allergologue et passe de nouveaux tests pour fournir ces renseignements, mais qu’elle serait incapable d’obtenir les résultats de ces tests en temps voulu pour les besoins de la présente demande.

[11] VIA convient que « l’allergie de Mme Bark aux odeurs fortes » pourrait constituer une déficience au sens de la partie V de la LTC, et a accepté de lui fournir un accommodement en conséquence.

Analyse et constatations

[12] Comme Mme Bark utilise un fauteuil roulant et un chien aidant, sa mobilité réduite constitue de toute évidence une déficience.

[13] En ce qui a trait à la sensibilité de Mme Bark à des produits parfumés, l’Office a demandé des preuves supplémentaires pour évaluer et établir l’existence d’une déficience et le besoin d’accommodement. La partie suivante rend compte de l’examen par l’Office de la preuve à cet égard.

Invalidité

[14] La CIF définit l’invalidité comme une perte ou une anomalie d’une partie du corps (c.-à-d. d’une structure), ou une perte ou un écart d’une fonction de l’organisme (c.-à-d. d’une fonction physiologique). Selon la CIF, le terme « anomalie » est strictement un écart important par rapport aux normes statistiques établies. L’existence d’une invalidité peut être temporaire ou permanente.

[15] L’asthme figure dans la CIM-10 de la Classification internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, dans le chapitre « Maladies de l’appareil respiratoire », comme étant une maladie chronique des voies respiratoires inférieures. Par conséquent, l’Office accepte que l’asthme constitue une invalidité et conclut que Mme Bark a une invalidité.

Limitation d’activité

[16] Le modèle de déficience de la CIF définit la limitation d’activité comme une difficulté qu’une personne peut éprouver dans l’exécution d’une activité. La limitation d’activité qui se rattache à une invalidité a donc trait à la présence de symptômes et à des difficultés qui en découlent, quel que soit le contexte.

[17] Selon la CIF, une limitation d’activité peut se traduire par un écart plus ou moins grand, tant en qualité qu’en quantité, dans la capacité d’exécuter l’activité de la manière et dans la mesure escomptée de la part de gens n’ayant pas une invalidité.

[18] Il n’est pas nécessaire qu’une limitation d’activité se situe à l’extrémité de l’éventail, quoique, aux fins de la détermination de l’Office concernant la déficience, la limitation d’activité doit être suffisamment importante pour entraîner une difficulté inhérente à accomplir une tâche ou une action.

[19] En se fondant sur la preuve médicale et sur les présentations de Mme Bark, l’Office conclut que Mme Bark se heurte à des limitations d’activités se manifestant sous la forme de crises d’asthme qu’elle éprouve lorsqu’elle est exposée à des produits parfumés, réactions suffisamment importantes pour entraîner une difficulté inhérente à exécuter une tâche ou une action.

Restriction de participation

[20] La restriction de participation est définie par la CIF comme étant un problème qu’une personne peut éprouver dans des situations de vie réelles.

[21] Contrairement à une limitation d’activité, une restriction de participation dépend du contexte, dans ce cas, le réseau de transport fédéral. L’Office détermine alors l’existence d’une restriction de participation en comparant l’accès d’une personne au réseau de transport fédéral avec celui d’une personne qui ne se heurte pas à une limitation d’activité.

[22] Les réactions asthmatiques de Mme Bark lorsqu’elle est exposée à des produits parfumés constituent des restrictions de participation dans le contexte de ses déplacements.

[23] L’Office conclut donc que le besoin de Mme Bark d’éviter d’être exposée à des produits parfumés crée une restriction de participation du fait qu’elle ne peut pas se déplacer de la même façon que les autres passagers, c.-à-d. qu’elle doit éviter les odeurs fortes et ne pourrait pas voyager si elle devait être assise près d’un autre passager qui porte des produits parfumés.

Conclusion

[24] L’Office conclut que Mme Bark a une invalidité et se heurte à une limitation d’activité et à une restriction de participation dans le contexte de voyage dans le réseau de transport fédéral.

[25] L’Office conclut donc que Mme Bark est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC en conséquence de sa sensibilité aux produits parfumés.

Démarche de lʼOffice pour conclure à lʼexistence dʼun obstacle

[26] Les fournisseurs de services ont l’obligation d’offrir un accommodement aux personnes ayant une déficience. Une personne ayant une déficience rencontre un obstacle à ses possibilités de déplacement si elle démontre qu’elle avait besoin d’un accommodement qu’on ne lui a pas fourni, ce qui revient à la priver de l’égalité d’accès aux services accessibles aux autres voyageurs dans le réseau de transport fédéral.

[27] Un service ou une mesure dont le but est de répondre aux besoins liés à la déficience d’une personne est défini comme étant un « accommodement approprié ». S’il est déterminé que la personne a bénéficié d’un accommodement qui a répondu à ses besoins liés à sa déficience, il est alors impossible de prétendre qu’elle a rencontré un obstacle.

Démarche de lʼOffice pour conclure à lʼexistence dʼun obstacle abusif

[28] Le critère que doit respecter un fournisseur de services pour justifier l’existence d’un obstacle comporte trois éléments. Le fournisseur de services doit prouver :

  1. que la source de l’obstacle est rationnellement liée à la fourniture des services de transport;
  2. que la source de l’obstacle a été adoptée selon la conviction honnête et de bonne foi qu’elle était nécessaire pour fournir les services de transport;
  3. qu’il ne peut fournir aucun accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive.

QUESTION 2 : L’ABSENCE DʼUNE POLITIQUE OFFICIELLE DE VIA POUR FOURNIR UN ACCOMMODEMENT AUX PERSONNES SENSIBLES À DES PRODUITS PARFUMÉS CONSTITUE-T-ELLE UN OBSTACLE ABUSIF AUX POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT DE MME BARK ET D’AUTRES PERSONNES AYANT UNE DÉFICIENCE? LE CAS ÉCHÉANT, QUELLES MESURES CORRECTIVES DEVRAIENT ÊTRE PRISES?

Faits, éléments de preuve et présentations

Positions des parties

Mme Bark

[29] Mme Bark affirme que VIA demandera habituellement aux passagers qui portent des produits parfumés de changer de siège si elle est affectée par des odeurs. Mme Bark affirme que cette solution temporaire a fonctionné pour des voyages antérieurs, c.-à-d. que les passagers à qui on a demandé de changer de siège l’ont fait volontiers. Elle est toutefois préoccupée du fait que cette procédure ne figure dans aucune politique et que si un passager refuse de changer de siège si le personnel de VIA le lui demande, elle n’a aucune autre solution étant donné qu’elle est confinée à la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants.

[30] Mme Bark affirme qu’elle ne demande pas un espace séparé à bord du train, non plus que les autres passagers soient contrôlés avant de s’asseoir près d’elle. Elle demande plutôt que le personnel de VIA ait le pouvoir de demander à un passager qui porte un produit parfumé de changer de siège si l’odeur affecte Mme Bark. Mme Bark estime qu’il est raisonnable de demander aux passagers qui portent des produits parfumés de changer de siège pour l’accommoder en raison de son état de santé, particulièrement lorsque la personne qui a cette réaction ne peut pas changer de siège et doit rester dans un endroit précis, comme la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants.

VIA

[31] VIA affirme que Mme Bark a demandé seulement deux fois depuis 2014 l’assistance du personnel de VIA dans des situations où elle a été affectée par les odeurs. VIA affirme que ces deux fois, le personnel est intervenu rapidement pour corriger la situation en déplaçant les passagers de siège. VIA affirme que Mme Bark a reconnu que les employés de VIA étaient formidables et proactifs dans ces situations.

[32] Le 7 mai 2014, VIA a ajouté au profil de préférences VIA de Mme Bark l’information concernant son allergie aux odeurs fortes. Son profil de préférences indique plus particulièrement que les odeurs fortes peuvent déclencher une crise d’asthme, et que VIA demandera aux passagers qui portent des parfums dont l’odeur est très prononcée de prendre un autre siège pour accommoder Mme Bark.

[33] VIA a publié, à l’intention de son personnel, un bulletin intitulé « Passagers ayant une déficience », qui traite de la « Sensibilité aux odeurs et aux produits chimiques ». Il est indiqué dans le bulletin qu’une zone tampon sera créée si une personne dans la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants est sensible à des odeurs ou à des produits chimiques. L’employé de VIA consultera le passager dans cette zone ainsi que le passager assis à proximité de la zone munie de dispositifs de retenue pour pouvoir prendre les dispositions appropriées, par exemple [traduction] « un changement de siège pourra être effectué en demandant au passager qui est assis en face la zone munie de dispositifs de retenue d’occuper un autre siège ».

[34] VIA fait valoir qu’elle gère correctement cette question et que Mme Bark a reçu un accommodement approprié. VIA affirme que Mme Bark demande à l’Office d’intervenir pour dissiper ses inquiétudes et son anxiété, ce qui, selon VIA, ne peut être considéré comme étant un obstacle.

[35] VIA ajoute que le fait de contrôler les passagers pour vérifier s’ils portent du parfum et d’exiger qu’ils changent de siège constituerait une ingérence inutile dans leur vie privée et une contrainte excessive. VIA fait valoir que l’approche appropriée et raisonnable est de demander la coopération et un accommodement volontaire de la part des passagers. VIA est d’avis que de procéder autrement se traduirait par des accusations selon lesquelles VIA accorderait un traitement différent et discriminatoire envers les passagers qui portent des produits parfumés. VIA fait valoir que cette mesure lui imposerait une contrainte excessive fondée sur le risque commercial et d’atteinte à la réputation.

Analyse et constatations

[36] Les parties conviennent que Mme Bark a été accommodée par le personnel de VIA à deux reprises lorsqu’elle a été affectée par des produits parfumés que portaient d’autres passagers. Par conséquent, en ce qui a trait à ces incidents précis, l’Office conclut que Mme Bark n’a pas rencontré d’obstacle à ses possibilités de déplacement, puisque VIA a répondu à ses besoins.

[37] Mme Bark est d’avis qu’une politique officielle exigeant que des passagers portant des produits parfumés changent de siège donnerait l’assurance, à elle et à d’autres personnes ayant une déficience qui sont tenues de rester dans la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants, qu’elles recevront l’accommodement si elles sont affectées par des odeurs. LʼOffice a conclu, dans la décision no 4-AT-A-2010, que lʼabsence dʼune politique officielle visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, et lʼincertitude ainsi créée, constituent un obstacle aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. Dans le présent cas, la politique existante est à l’intention du personnel de VIA, qui reçoit l’instruction de demander que des passagers changent de siège, et non pas à l’intention des passagers, qui pourraient être tenus de changer de siège. Cette situation crée de l’incertitude à savoir si la mesure d’accommodement dont a besoin la personne affectée par des odeurs lui sera accordée, en raison du refus possible des passagers qui portent des produits parfumés de changer de siège.

[38] De plus, la politique actuelle de VIA ne porte que sur les besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur sensibilité à des produits parfumés ou à des produits chimiques qui sont assises dans la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants, et ne confirme pas une mesure d’accommodement équivalente pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux odeurs qui sont assises ailleurs dans le train.

[39] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que la politique actuelle de VIA concernant l’accommodement relativement à la sensibilité à des produits parfumés ou à des produits chimiques constitue un obstacle pour Mme Bark et pour d’autres personnes ayant une déficience.

[40] L’Office n’est pas convaincu que VIA se verrait imposer une contrainte excessive si elle devait mettre en œuvre une politique exigeant que des passagers qui portent des produits parfumés, lesquels font déclencher des symptômes chez d’autres passagers, changent de siège. Cette mesure ne constituerait pas plus une ingérence dans la vie des autres passagers qu’une demande voulant qu’ils changent volontairement de siège. Il est aussi improbable qu’une politique conçue pour protéger les passagers ayant des sensibilités nuise à la réputation de VIA. LʼOffice détermine donc que lʼobstacle est abusif.

QUESTION 3 : L’IMPOSSIBILITÉ ALLÉGUÉE POUR MME BARK D’UTILISER LES APPAREILS DE LEVAGE À LA GARE DE KINGSTON CONSTITUE-T-ELLE UN OBSTACLE ABUSIF AUX POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT DE MME BARK ET À CELLES D’AUTRES PERSONNES AYANT UNE DÉFICIENCE? LE CAS ÉCHÉANT, QUELLES MESURES CORRECTIVES DEVRAIENT ÊTRE PRISES?

Faits, éléments de preuve et présentations

Positions des parties

Mme Bark

[41] Mme Bark s’oppose au fait qu’elle ne puisse pas utiliser l’appareil de levage pour embarquer à bord du train à partir de la voie no 1 à la gare de Kingston, puisque la limite de poids est de 495 livres. Mme Bark est d’avis que l’appareil de levage devrait être remplacé. À cet égard, elle a suggéré un ascenseur ou encore une passerelle qui permettrait de traverser au-dessus des voies.

VIA

[42] VIA affirme que lors de certains de ses déplacements, Mme Bark a voulu utiliser le monte-escaliers Garaventa pour embarquer à bord du train à partir de la voie no 2 à la gare de Kingston. Mais il n’a pas toujours fonctionné correctement parce que, selon VIA, le poids combiné de Mme Bark et de ses aides à la mobilité est supérieur à 600 livres, notamment le fauteuil roulant qui pèse à lui seul 405 livres.

[43] La politique interne de VIA établit le poids maximal pour un usage sécuritaire de l’appareil de levage Garaventa entre 450 et 495 livres. VIA affirme que la conformité avec cette politique est obligatoire pour assurer la santé et la sécurité des passagers et du personnel de VIA. VIA affirme que ces exigences et limites cadrent avec les pratiques communes du marché actuel et répondent, lorsque nécessaire, aux objectifs de santé et de sécurité.

[44] À la lumière de ce qui précède, VIA suggère que Mme Bark embarque à bord du train à partir de la voie la plus près de la gare de Kingston, c.-à-d. à la voie no 1, où se trouve une plateforme élévatrice manuelle pouvant soulever des charges jusqu’à 600 livres. VIA affirme qu’afin de respecter la limite de poids, elle a trouvé une solution, à savoir que le chien aidant, la poignée de transfert de fauteuil roulant et les bagages de Mme Bark soient déplacés séparément sur la plateforme élévatrice manuelle, après quoi Mme Bark pourrait embarquer à bord du train en restant assise dans son fauteuil roulant. Avec cette méthode, Mme Bark est séparée de son chien aidant pendant 30 à 60 secondes. VIA affirme que Mme Bark et d’autres passagers ayant une déficience ont souvent eu recours à cette procédure à la gare de Kingston, et ajoute que son personnel connaît bien la procédure et peut la suivre en toute sécurité.

[45] VIA fait valoir qu’elle continue de faire tous les efforts possibles afin de toujours faire embarquer Mme Bark à bord du train à partir de la voie no 1. Si elle veut se prévaloir de l’accommodement à la voie no 1, Mme Bark doit aviser VIA 48 heures avant le départ prévu du train. Après que sa réservation est faite et que l’accommodement dont elle a besoin a été demandé, une demande de services spéciaux (DSS) apparaîtra dans le dossier de Mme Bark. Lors de la séance d’information préalable au voyage, le directeur des services passe en revue la liste des DSS et prend les dispositions nécessaires auprès de son centre de contrôle des opérations. Plus particulièrement, un bulletin publié par VIA en 2014 à l’intention de ses directeurs des services et des employés de la gare de Kingston indique que les DSS doivent être vérifiées suffisamment d’avance pour prendre les dispositions nécessaires auprès du centre de contrôle des opérations afin que le train soit déplacé à la voie no 1.

[46] En cas de changement de dernière minute, la pratique de VIA consiste à communiquer avec le bureau de contrôle de la circulation ferroviaire pour expliquer la situation de Mme Bark. VIA affirme que le bureau de contrôle de la circulation ferroviaire peut habituellement déplacer de nouveau le train à la voie no 1, avec un retard possible. VIA fait toutefois valoir qu’aucun retard n’a eu lieu en raison de changements de dernière minute de la voie no 2 à la voie no 1 au cours de la dernière année, mais qu’à deux reprises au cours de la même période, il a été impossible pour le bureau de contrôle de la circulation ferroviaire de déplacer de nouveau le train à la voie no 1. VIA explique que lorsque la voie no 1 n’est pas accessible à Kingston, comme l’exige une DSS, le personnel de la gare de Kingston communiquera avec le service de transport adapté qui a été réservé pour embarquer ou débarquer le passager. Le passager sera ainsi conduit par la voie de service de CN jusqu’à la voie no 2. Si le véhicule du service de transport adapté accuse un retard exceptionnellement long, le personnel de la gare de Kingston communiquera avec un service de taxi adapté pour conduire le passager par la voie de service de CN jusqu’à la voie no 2. VIA assumera le coût du service de taxi adapté de la voie no 2 jusqu’à la destination du passager à Kingston.

[47] Selon les dossiers de VIA, il n’y a eu qu’un seul incident depuis mai 2014 où le train est arrivé sur la mauvaise voie. Pour corriger la situation, VIA a offert de nombreuses options possibles à Mme Bark, comme le transport gratuit jusqu’à la voie no 2.

[48] VIA ajoute qu’elle étudie en ce moment l’installation de nouveaux appareils de levage qui permettraient à Mme Bark d’avoir accès à la plateforme de la voie no 2. Les nouveaux appareils de levage auraient une capacité de 650 livres et seraient identiques à ceux installés à la gare de Dorval. Il faudrait entre quatre et six mois pour les installer.

[49] À la lumière de ce qui précède, VIA estime offrir un accommodement raisonnable à Mme Bark, comme ce qui a été imposé dans la 312-AT-R-2013">décision no 312-AT-R-2013 :

… les mesures requises pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience, y compris Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir, comprennent les mesures suivantes :

    • monte-escaliers pour fauteuil roulant;
    • passages au niveau du sol, s’ils sont sécuritaires;
    • ascenseurs pour les voyageurs;
    • rampes pour les voyageurs.

[50] VIA fait valoir qu’il n’est pas possible pour le moment de se procurer des appareils de levage qui pourraient supporter des charges plus élevées, et que dans la 82-AT-R-2005">décision no 82-AT-R-2005, l’Office a reconnu que VIA l’embarquement et le débarquement des personnes ayant une déficience devrait être assujettis à des limites de taille et de poids des personnes ayant une déficience et de leurs aides à la mobilité. VIA affirme que les monte-escaliers Garaventa sont conçus de manière à monter ou à descendre la plupart des dispositifs communs qu’utilisent des passagers à mobilité réduite, et qu’il serait déraisonnable de lui imposer un changement d’équipement chaque fois qu’un passager souhaite apporter plus d’une aide à la mobilité à la fois dans l’appareil de levage Garaventa. Le fait que le poids combiné des articles de la personne ayant une déficience soit supérieur au poids maximum admis par l’équipement ne signifie pas que l’équipement est inférieur aux normes et qu’il doit être remplacé. VIA affirme que l’achat et l’installation d’appareils de levage représentent une dépense considérable et que cela représenterait une dépense prohibitive de modifier l’infrastructure en place à la gare de Kingston.

[51] VIA fait valoir que la preuve démontre qu’elle a offert à Mme Bark des mesures d’accommodement lui permettant de profiter du même niveau de services et des mêmes privilèges de transport que les autres passagers.

Analyse et constatations

[52] Mme Bark ne peut pas avoir accès au train à partir de la voie no 2 parce que la capacité de charge de l’appareil de levage qui y a été installé pour avoir accès à cette voie est insuffisante pour accueillir Mme Bark et son fauteuil roulant. Bien que VIA a pris des dispositions qui permettent à Mme Bark d’avoir accès à un train par la voie no 1, la capacité de charge de l’appareil de levage à la voie no 2 constitue un obstacle.

[53] VIA fait valoir qu’elle fournit un accommodement raisonnable à Mme Bark en lui permettant d’embarquer à partir de la voie no 1. Toutefois, Mme Bark voudrait que l’appareil de levage actuel à la voie no 2 soit remplacé par un mécanisme ayant une capacité suffisante pour accommoder elle‑même et ses aides à la mobilité.

[54] Lorsque l’Office a demandé ce qu’il faudrait faire pour améliorer l’appareil de levage et ainsi permettre à Mme Bark d’embarquer à bord du train à partir de la voie no 2, VIA a répondu qu’elle étudiait en ce moment la possibilité d’installer un nouvel appareil de levage à la voie no 2. VIA a aussi indiqué que ces appareils de levage auraient une capacité de 650 livres, qu’ils seraient identiques à ceux de la gare de Dorval et qu’ils permettraient à Mme Bark d’avoir accès à la voie no 2 dans son fauteuil roulant. Donc, sans invoquer une contrainte excessive, VIA indique qu’elle examine en ce moment la possibilité de remplacer l’appareil de levage existant par un autre qui accommoderait Mme Bark. VIA indique également que ces appareils de levage sont en service à une autre gare, et qu’elle peut fournir ces types d’appareils de levage à d’autres endroits sans se voir imposer une contrainte excessive.

[55] L’Office convient que les appareils de levage auront invariablement des limites de charge et qu’ils ne peuvent pas être adaptés à la situation unique de chaque passager et avoir une capacité de charge illimitée. Toutefois, comme VIA se penche déjà sur l’amélioration de l’appareil de levage en remplaçant celui existant par un autre de capacité de charge supérieure et qu’un tel appareil de levage est déjà en fonction à une autre gare, cela indique que les limites de charge inférieures des appareils de levage pourraient représenter un problème pour un certain nombre de personnes ayant une déficience, et que VIA est à même d’apporter les modifications pour corriger la situation.

[56] L’Office est convaincu que l’installation d’un nouvel appareil de levage est un accommodement raisonnable dans les circonstances. L’installation d’un nouvel appareil de levage élimine les difficultés associées à l’actuelle solution de rechange mise en place par VIA, à savoir de demander à Mme Bark d’accéder au train seulement par la voie no 1. Grâce à l’amélioration de l’appareil de levage à la voie no 2, il n’y aurait pas de retards possibles causés par le réacheminement du train vers la voie n1, et il ne serait pas nécessaire d’utiliser un véhicule du service de transport adapté pour amener Mme Bark à la voie no 2 si la voie no 1 devait ne pas être disponible. L’amélioration de l’appareil de levage de la voie no 2 donnera à Mme Bark et à d’autres passagers ayant une déficience liée à leur déplacement un accès aux installations très semblable aux autres voyageurs. Il s’agit de la meilleure solution; VIA semble déjà l’étudier et en a déjà installé un à au moins un autre endroit. Bien que Mme Bark mentionne la possibilité d’un ascenseur ou d’une passerelle qu permettrait de traverser au-dessus des voies, elle ne suggère pas comment ces options seraient plus appropriées que de remplacer l’appareil de levage existant. Ces autres options pourraient également soulever des préoccupations de sécurité ou être moins rentables. Dans ces circonstances, et en l’absence de contrainte excessive, l’amélioration de l’appareil de levage à la voie no 2 constitue un accommodement raisonnable.

QUESTION 4 : LA CONCEPTION DES TOILETTES DANS LES NOUVELLES VOITURES LRC CONSTITUE-T-ELLE UN OBSTACLE ABUSIF AUX POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT DE MME BARK ET D’AUTRES PERSONNES AYANT UNE DÉFICIENCE? LE CAS ÉCHÉANT, QUELLES MESURES CORRECTIVES DEVRAIENT ÊTRE PRISES?

Faits, éléments de preuve et présentations

Positions des parties

Mme Bark

[57] Mme Bark fait valoir que la conception des toilettes dans les nouvelles voitures LRC les rend moins accessibles que les toilettes dans les anciennes voitures LRC. Mme Bark explique que dans les nouvelles voitures LRC, l’évier a été déplacé et bloque maintenant l’accoudoir de son fauteuil roulant, l’empêchant de se rapprocher suffisamment de la toilette pour l’utiliser.

[58] Dans la décision no LET-AT-R-42-2016, Mme Bark a été invitée à fournir une description claire de ce qui l’empêche d’atteindre la toilette dans les nouvelles voitures LRC de VIA. On lui a également demandé de décrire clairement comment elle effectue ses transferts au quotidien, notamment lorsqu’elle utilise les toilettes.

[59] En réponse, Mme Bark a présenté des photos illustrant la façon dont l’évier dans les toilettes des nouvelles voitures LRC fait saillie devant la toilette, ce qui bloque son fauteuil roulant à quelques pouces de la toilette. Selon les photos, il semble que le fauteuil roulant de Mme Bark, au niveau de ses pieds, s’arrête à environ quatre à six pouces de la toilette. Mme Bark n’a pas expliqué en quoi cette distance entre son fauteuil roulant et la toilette l’empêche d’effectuer le transfert, comparativement à la façon dont elle avait l’habitude d’effectuer le transfert à la toilette dans les anciennes voitures LRC. Mme Bark n’a pas non plus indiqué comment elle effectue les transferts au quotidien ni pourquoi elle ne peut pas le reproduire dans les nouvelles voitures LRC de VIA.

VIA

[60] VIA affirme qu’elle se conforme aux exigences énoncées dans la section 1.3.3 intitulée « Toilettes » du document Accessibilité des voitures de chemin de fer et conditions de transport ferroviaire des personnes ayant une déficience (Code ferroviaire) :

La voiture-coach munie d’un dispositif de retenue pour fauteuil roulant devrait avoir au moins une toilette accessible aux fauteuils roulants. La toilette devrait donc répondre aux critères spécifiés dans l’Annexe C, c’est-à-dire qu’elle devrait posséder des caractéristiques la rendant accessible aux personnes ayant une déficience, notamment des caractéristiques d’espace et des critères sur l’emplacement des installations pour qu’elles soient utilisables par une personne dans un fauteuil roulant personnel. L’Office encourage les transporteurs à étudier la possibilité de rendre cette toilette suffisamment spacieuse pour accueillir une personne dans un fauteuil roulant et son accompagnateur.

Si, à cause des limites imposées par la construction, la voiture-coach actuelle ne peut pas avoir une toilette qui est accessible aux personnes dans un fauteuil roulant personnel, elle devrait au moins être accessible aux personnes dans un fauteuil roulant de bord.

[61] VIA affirme que les toilettes dans les nouvelles voitures LRC sont accessibles à la majorité des passagers se déplaçant dans un fauteuil roulant personnel. Comme la conception des toilettes semble ne pas permettre le passage du fauteuil roulant personnel de Mme Bark, VIA lui a offert d’utiliser l’un des fauteuils roulants manuels de bord de VIA, ce qu’elle a refusé en raison de ses épaules qui ne sont pas assez fortes pour s’en servir.

[62] VIA explique que durant la remise à neuf des voitures LRC commencée en 2009, l’évier a été déplacé au centre du comptoir, de 8 à 10 pouces de la toilette, et des barres d’appui supplémentaires ont été ajoutées pour aider les passagers ayant une déficience. VIA suppose que ces barres d’appui sont ce qui empêche Mme Bark de s’approcher suffisamment de la toilette pour l’utiliser.

[63] VIA ajoute que ses toilettes accessibles sont équipées de sièges de glissement qui permettent à la personne de passer de son fauteuil roulant au siège de glissement, puis à la toilette.

[64] VIA fait valoir qu’en l’absence de détails plus précis concernant les besoins particuliers de Mme Bark sur l’utilisation des toilettes, on ne peut pas s’attendre à ce que VIA fournisse davantage d’accommodements. VIA ajoute qu’il serait déraisonnable de faire déplacer l’évier des toilettes, étant donné qu’elle prévoit acquérir de nouvelles voitures. VIA affirme en outre que le problème d’accommodement fait actuellement l’objet d’une analyse en profondeur.

Analyse et constatations

[65] Il incombe à Mme Bark de démontrer que la conception des toilettes dans les nouvelles voitures LRC crée un obstacle à ses possibilités de déplacement.

[66] Pour étayer ses affirmations, Mme Bark a présenté des photos et plus de détails à propos des changements apportés aux nouvelles voitures LRC. Elle n’a toutefois pas expliqué comment la distance entre son fauteuil roulant et la toilette l’empêche d’effectuer un transfert comparativement à la façon dont elle le faisait dans les anciennes voitures LRC. Outre une photo de l’accoudoir de son fauteuil roulant arrêté par le comptoir, Mme Bark ne fournit aucune preuve pour illustrer comment la façon dont les toilettes ont été conçues dans les nouvelles voitures LRC nuit à sa capacité de les utiliser.

[67] Mme Bark n’a pas réussi à démontrer qu’elle a besoin que la conception des toilettes dans les nouvelles voitures LRC soit modifiée pour lui assurer un accès égal au réseau de transport. Plus particulièrement, l’Office conclut que Mme Bark n’a pas établi que la conception des toilettes dans les nouvelles voitures LRC représente un obstacle à ses possibilités de déplacement. Comme il n’a pas conclu à l’existence d’un obstacle, l’Office n’a pas à déterminer s’il est abusif.

QUESTION 5 : L’ABSENCE D’UN BOUTON D’APPEL DANS LA ZONE MUNIE DE DISPOSITIFS DE RETENUE POUR FAUTEUILS ROULANTS DANS LES VOITURES DE VOYAGEURS CONSTITUE-T-ELLE UN OBSTACLE ABUSIF AUX POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT DE MME BARK ET D’AUTRES PERSONNES AYANT UNE DÉFICIENCE? LE CAS ÉCHÉANT, QUELLES MESURES CORRECTIVES DEVRAIENT ÊTRE PRISES?

Faits, éléments de preuve et présentations

Positions des parties

Mme Bark

[68] Mme Bark a demandé qu’un bouton d’appel ou un autre type d’avertisseur discret soit installé près de la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants pour lui permettre de demander de l’assistance au personnel de VIA lorsque, par exemple, elle doit aller aux toilettes ou qu’elle renverse quelque chose.

[69] Mme Bark trouve inappropriée la solution de rechange au bouton d’appel proposée par VIA (c.‑à‑d. de communiquer avec le coordonnateur de train par message texte), car selon elle, il n’y a pas toujours de réception pour les téléphones cellulaires à bord des trains. Elle fait également valoir que le personnel de VIA oublie parfois de s’enquérir périodiquement de ses besoins.

VIA

[70] VIA fait référence à la section 2.2.6 intitulée « Services de bord pour lesquels un préavis est requis » du Code ferroviaire, qui indique ce qui suit :

Si une personne ayant une déficience le lui demande à lʼavance, le transporteur ferroviaire devrait fournir les services suivants à bord du train :

(…)

3. assistance pour permettre à la personne de se rendre à la toilette de la voiture et d’en revenir ― sauf lʼaction de porter cette personne ― y compris lʼassistance pour utiliser un fauteuil roulant de bord;

(…)

7. soin de sʼenquérir périodiquement, durant le voyage, des besoins de la personne et dʼy répondre sʼil sʼagit de services que le transporteur fournit habituellement.

[71] VIA fait valoir que rien dans ces règles de pratique ne prévoit que le fournisseur de services de transport mette des boutons d’urgence ou autres dispositifs à la disposition des personnes ayant une déficience qui leur permettraient de [traduction] « demander de l’aide au personnel à tout bout de champ ». VIA a plutôt mis en place une pratique visant à demander aux préposés de faire des vérifications périodiques auprès des passagers pendant toute la durée du voyage, ce qui, selon VIA, est conforme au Code ferroviaire. VIA ajoute qu’il y a de nombreuses interactions entre les passagers et les employés de bord durant un voyage, et dresse la liste des services fournis à Mme Bark durant ses déplacements (p. ex., aide avec les bagages, assistance en temps opportun pour les passagers à mobilité réduite, consignes de sécurité, les services de boissons et de serviettes chaudes, le service de repas, et le service d’eau toutes les 30 minutes, etc.).

[72] VIA a proposé une solution de rechange à Mme Bark qui a été consignée dans son profil de préférences VIA en mars 2016, à savoir de lui fournir le nom et le numéro de téléphone du coordonnateur de train afin qu’elle puisse communiquer avec lui par message texte quand elle a besoin d’assistance. Lorsque le coordonnateur de train reçoit le message, il donne des instructions au personnel afin qu’il réponde le plus rapidement possible aux besoins de Mme Bark. Selon le bulletin de VIA intitulé « Passagers ayant une déficience », le directeur des services est tenu de répondre à tout message texte de passagers qui demandent une assistance ou encore de confier l’affaire à un préposé principal aux services. VIA note que, dans une situation semblable où Mme Bark demanderait de l’assistance au moyen d’un bouton d’appel, son personnel pourrait ne pas être en mesure de répondre immédiatement et en tout temps aux demandes d’assistance de Mme Bark. En ce qui a trait à la réception pour les téléphones cellulaires, VIA explique que la réception est essentiellement disponible dans tout le corridor entre Montréal et Toronto et qu’exceptionnellement, la période la plus longue durant laquelle la réception pour les téléphones cellulaires pourrait ne pas être disponible est inférieure à cinq minutes.

[73] VIA a évalué diverses solutions et estime qu’en comptant le matériel, les travaux d’ingénierie et la main-d’œuvre, il lui en coûterait 350 000 $ pour l’ensemble des voitures équipées de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants. VIA fait valoir qu’il serait déraisonnable de lui demander de modifier ses anciennes voitures pour ajouter un bouton d’appel, car cela représenterait un fardeau financier et opérationnel excessif, surtout en sachant qu’elle prévoit acquérir de nouvelles voitures. VIA affirme que son parc devrait être remplacé dans environ cinq ans, et que dans les plans de conception actuels du nouveau parc, des boutons d’appel sont prévus dans toutes les zones munies de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants.

Analyse et constatations

[74] Mme Bark a besoin d’assistance pendant ses déplacements, mais aussi d’un moyen quelconque de demander cette assistance lorsqu’elle est dans la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants. Après s’être penché sur la question, l’Office conclut que les mesures mises en œuvre par VIA pour répondre aux besoins de Mme Bark représentent un accommodement raisonnable.

[75] Prise en contexte, la capacité de Mme Bark de communiquer avec le personnel par message texte est un moyen raisonnable lui permettant de demander de l’assistance. Outre ce mécanisme, la preuve indique que le personnel peut s’enquérir périodiquement des besoins de Mme Bark et y répondre, au besoin. Cette mesure s’ajoute aux interactions normales que le personnel aurait avec elle durant son voyage. Même si la réception pour les téléphones cellulaires pourrait ne pas être totalement fiable, les interruptions ne semblent pas être très longues, et rien ne prouve que cela ait été un problème dans le passé. L’Office conclut que ces mesures représentent des moyens raisonnables pour permettre à Mme Bark de demander de l’assistance, au besoin.

[76] La notion dʼaccommodement raisonnable reconnaît que les personnes ayant une déficience ont le même droit dʼaccès que celles n’ayant pas de déficience, et impose à autrui lʼobligation de faire tout ce qui est raisonnablement possible pour tenir compte de ce droit (Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., [2007] 1 R.C.S. 650, au paragraphe 121). À cet égard, Mme Bark demande un accommodement prévoyant l’installation de boutons d’appel. Toutefois, l’Office conclut que les mesures mises en œuvre par VIA répondent tout aussi bien aux besoins de Mme Bark et lui permettent de communiquer efficacement avec le personnel pour recevoir de l’assistance.

[77] Ayant conclu que Mme Bark a obtenu un accommodement raisonnable, l’Office conclut que l’absence d’un bouton d’appel dans la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants ne constitue pas un obstacle abusif.

ORDONNANCE

[78] L’Office conclut que les aspects suivants constituent des obstacles abusifs dans le cas présent :

  • l’absence d’une politique de VIA visant à fournir un accommodement aux personnes sensibles à des produits parfumés et à des produits chimiques;
  • l’impossibilité pour Mme Bark d’utiliser l’appareil de levage pour embarquer à bord du train à partir de la voie no 2 à la gare de Kingston.

[79] Par conséquent, l’Office ordonne à VIA de prendre les mesures suivantes :

  • mettre en œuvre une politique officielle exigeant que les passagers qui portent des produits parfumés changent de siège si un autre passager ayant une sensibilité à des produits parfumés, qu’il soit assis n’importe où dans le train (et non seulement dans la zone munie de dispositifs de retenue pour fauteuils roulants), a une réaction;
  • améliorer l’appareil de levage à la gare de Kingston pour qu’il ait au moins une capacité de charge de 650 livres et ainsi permettre à Mme Bark d’embarquer à bord du train à partir de la voie no 2. Dans l’intervalle, VIA utilisera le dispositif de levage manuel à la voie no 1 pour faire embarquer Mme Bark à bord du train.

[80] L’Office ordonne à VIA de déposer auprès de l’Office une copie de la politique susmentionnée, des procédures et des documents de formation connexes; de mettre son site Web à jour pour qu’il reflète la politique; et de déposer l’échéancier qu’elle propose pour terminer l’amélioration de l’appareil de levage à la gare de Kingston, aux fins d’examen et d’approbation par l’Office. VIA a jusqu’au 15 mars 2017 pour se conformer à la présente ordonnance.

Membre(s)

Scott Streiner
Sam Barone
Stephen Campbell
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