Décision n° 4-AT-A-2010

le 6 janvier 2010

DEMANDES présentées par Sophia Huyer et Rhonda Nugent, au nom de sa fille Melanie Nugent, contre Air Canada.

No de référence : 
U3570-15

Introduction

[1] Sophia Huyer et Rhonda Nugent, au nom de sa fille Melanie Nugent, ont déposé des demandes auprès de l'Office des transports du Canada (Office) en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, S.C., L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) portant sur des difficultés qu'elles ont connues relativement à des allergies aux arachides et aux noix lorsqu'elles ont voyagé avec Air Canada.

[2] Dans la décision no LET-AT-A-177-2008, l'Office a indiqué qu'il procéderait en deux étapes pour rendre une décision sur les cas d'allergie susmentionnés. À la première étape, l'Office déterminera si les demandes ont été déposées par des personnes ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC, ou en leur nom, et si tel est le cas, si les demandeurs, ou les personnes pour qui les demandes ont été déposées, ont fait face à des obstacles à leurs possibilités de déplacement. Pour déterminer s'il y a eu obstacle, l'Office doit déterminer quel est le service requis pour répondre aux besoins liés à leur déficience, c'est-à-dire l'accommodement approprié, et ensuite déterminer si ce service a été fourni. Si l'Office détermine qu'il existe un obstacle, il ouvrira les plaidoiries pour déterminer si l'obstacle est abusif.

Questions

[3] Les demandes soulèvent les questions suivantes :

  • La question de savoir si Mme Huyer est une personne ayant une déficience et, si tel est le cas, si elle a fait face à un obstacle relativement à la réponse d'Air Canada à sa demande d'accommodement lors de deux vols qu'elle a pris en 2006.
  • La question de savoir si Melanie Nugent est une personne ayant une déficience et, si tel est le cas, si elle a fait face à un obstacle relativement à la réponse d'Air Canada à la demande d'accommodement des Nugent lors d'un vol qu'ils ont pris en 2006.

[4] Les demandes soulèvent également la question plus large de déterminer si l'absence d'une politique officielle visant à répondre aux besoins des personnes allergiques aux arachides ou aux noix constitue un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Huyer, de Melanie Nugent, et des personnes pour qui l'allergie aux arachides ou aux noix constitue une déficience au sens de la partie V de la LTC.

Cadre législatif

[5] Le mandat législatif de l'Office en ce qui concerne les personnes ayant une déficience est énoncé à la partie V de la LTC, laquelle confère le pouvoir de prendre des règlements [paragraphe 170(1)] et un pouvoir d'arbitrer les plaintes [paragraphe 172(1)], dans le but exprès d'éliminer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sein du réseau de transport fédéral. La portée de la compétence de l'Office pour éliminer les obstacles abusifs tant par la réglementation que par le traitement de plaintes est définie en partie par une liste inclusive de questions présentées au paragraphe 170(1), laquelle est incorporée par renvoi au paragraphe 172(1).

[6] La Cour suprême du Canada, dans sa décision sur la cause Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 SAC 15, a fourni d'importantes directives à l'Office relativement à l'exécution de son mandat, notamment la confirmation que la partie V de la LTC est un texte législatif sur les droits de la personne. Ces directives comportent l'identification et l'élimination des obstacles abusifs pour les personnes ayant une déficience dans un contexte de transport d'une façon conforme à l'approche utilisée pour identifier et éliminer la discrimination en vertu des lois sur les droits de la personne. Plus particulièrement, la Cour suprême a précisé que lorsqu'un demandeur a établi dans sa demande l'existence d'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, il incombe alors au fournisseur de services de transport intimé de faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que cet obstacle n'est pas abusif en démontrant que des mesures raisonnables d'accommodement ont été prises, c'est-à-dire dans la mesure où il n'en résulte pas une contrainte excessive.

Experts

[7] Compte tenu de la nature complexe des questions en cause et de leur importance, tant pour l'industrie aérienne que pour les personnes qui éprouvent de la difficulté à voyager par avion lorsque des allergènes sont présents dans la cabine de l'aéronef, l'Office a décidé d'obtenir des preuves d'experts sur les allergies.

[8] À cette fin, l'Office a fait appel à Dr Gordon Sussman, un médecin spécialisé en immunologie clinique et en allergies, à titre d'expert sur les allergies. Il est professeur au département de médecine de l'Université de Toronto et, en plus d'avoir sa pratique privée, il est médecin membre du personnel à l'hôpital St. Michael de Toronto. Dr Sussman a publié des articles sur les allergies et les questions connexes. L'Office a retenu ses services pour qu'il produise un rapport sur diverses questions touchant les allergies. Les qualifications de Dr Sussman ont été communiquées aux parties, qui n'ont pas soulevé d'objection à la désignation de cet expert. Les parties ont également eu la possibilité de commenter le mandat confié à Dr Sussman par l'Office.

[9] Le rapport de Dr Sussman présenté à l'Office et intitulé Report to the Canadian Transportation Agency, November 22, 2007 traite notamment de la nature des allergies et de leur effet sur les personnes, des moyens de gérer l'exposition et la réaction aux allergènes, et présente des commentaires sur un rapport subséquent déposé par un expert sur les allergies retenu par Air Canada et sur l'efficacité de mesures d'accommodement dans la cabine d'un aéronef.

[10] Air Canada a retenu les services de Dr Peter Vadas en tant qu'expert. Dr Vadas dirige le service des allergies, de l'asthme et de l'immunologie clinique de l'hôpital St. Michael à Toronto. Les demanderesses n'ont pas contesté les qualifications de Dr Vadas et l'Office accepte Dr Vadas à titre d'expert sur les allergies. Dr Vadas a préparé un rapport intitulé CTA Proceedings: Allergies, October 15, 2007, qu'Air Canada a déposé auprès de l'Office.

[11] Le 20 novembre 2008, à la demande d'Air Canada, les demanderesses et Air Canada ont eu la possibilité de contre-interroger Dr Sussman à propos de son rapport. Les demanderesses ont également eu la possibilité de contre-interroger Dr Vadas, mais elles ne l'ont pas fait. Bien que les demanderesses n'aient pas participé au contre-interrogatoire de Dr Sussman, elles ont obtenu des copies des transcriptions, et ont eu la possibilité de déposer des commentaires. Les demanderesses n'ont cependant soumis aucune autre plaidoirie relativement au contre-interrogatoire.

Faits et mémoires

[12] Air Canada indique qu'elle ne sert pas d'arachides ou de collations aux arachides à bord de ses vols, mais qu'elle sert d'autres noix et collations de type noix (« nut type »). Air Canada indique également qu'elle sert des amandes fumées en classe affaires et, à bord de ses vols internationaux long-courrier, elle sert des noix mélangées en classe affaires. En classe économique, les passagers peuvent acheter des amandes et des cajous du Café en vol. Air Canada a remplacé ses autres collations préemballées par des produits sans arachides dans la mesure du possible.

[13] Air Canada affirme ne pas pouvoir garantir que les repas ne comportent pas d'arachides, de produits dérivés de l'arachide ou tout autre aliment auquel une personne pourrait être allergique, puisque le grand nombre de traiteurs, de leurs fournisseurs et des sous-traitants qui fournissent les aliments pour les vols d'Air Canada rend impossible la gestion d'un tel contrôle. Air Canada soutient qu'elle ne peut être tenue responsable ni des passagers qui peuvent embarquer à bord avec des arachides ou autres produits, ni de quelconques résidus susceptibles de demeurer à bord. Air Canada fait valoir qu'elle ne mettra pas fin au service prévu d'aliments auxquels un passager peut être allergique, car cela serait inéquitable pour les autres passagers. Air Canada ajoute que si un passager est allergique ou sensible à des produits qui peuvent se trouver dans la cabine de l'aéronef, c'est au passager qu'il revient d'avoir avec lui les médicaments appropriés et de se doter d'une protection appropriée.

Voyage de Mme Huyer

[14] Le 1er avril 2006, Mme Huyer a voyagé à bord du vol AC848 entre Toronto (Ontario) et Londres, en Angleterre. Le dossier passager (DP) de Mme Huyer, un registre informatique qui contient les données de réservation des passagers, notamment les besoins liés à une déficience, n'indique pas qu'elle ait informé Air Canada de son allergie aux noix avant le voyage. Une fois à bord, Mme Huyer a informé le personnel du transporteur de son allergie aux noix et a demandé que le transporteur s'abstienne d'en servir. Le chef de cabine a soumis la question au personnel de coordination des opérations d'escale (STOC) et de la porte d'embarquement. Air Canada a décidé de ne pas supprimer le service de noix parce qu'elles étaient déjà chargées à bord et qu'il était trop tard pour y substituer une autre collation. Air Canada a donné à Mme Huyer le choix de rester à bord ou de débarquer. Mme Huyer hésitait à prendre une décision et le STOC d'Air Canada a alors décidé de faire débarquer Mme Huyer de l'aéronef. Air Canada lui a réservé un siège à bord du vol suivant, qui partait environ deux heures et demie plus tard, et a veillé à ce que toutes les noix soient retirées de ce vol pour être remplacées par une autre collation. Air Canada a également fait une annonce à tous les passagers, leur demandant de s'abstenir de consommer des produits contenant des noix ou des arachides.

[15] Le 20 mai 2006, Mme Huyer a voyagé à bord du vol AC873 entre Francfort, en Allemagne et Toronto. Le DP de Mme Huyer indique qu'elle a informé Air Canada de son allergie aux noix le 9 mai 2009. Une fois à bord, Mme Huyer a rappelé son allergie aux membres du personnel de bord et leur a demandé de s'abstenir de servir des noix. Le personnel d'Air Canada a indiqué Mme Huyer que le service de noix ne serait pas supprimé et lui a donné le choix de rester à bord de l'aéronef ou de débarquer. Mme Huyer a choisi de rester à bord, mais le capitaine a décidé qu'à titre de condition pour prendre le vol, Mme Huyer devait signer une dispense se lisant comme suit :

Je suis consciente que des noix et des produits des noix seront consommés à bord de cet aéronef, le vol 873/20. Je libère par la présente Air Canada, le capitaine et tout son équipage de toute responsabilité liée à mon état médical existant, plus précisément ma réaction allergique extrême aux noix et aux produits des noix. [traduction]

[16] Le personnel d'Air Canada a offert à Mme Huyer un siège dans la dernière rangée de l'aéronef, mais Mme Huyer a refusé cette offre et a choisi de s'enfermer dans une des toilettes de l'aéronef pendant environ quarante minutes, période au cours de laquelle on servait des noix.

Voyage de Melanie Nugent

[17] Le 21 avril 2006, Melanie Nugent a voyagé avec sa famille de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) à Orlando, en Floride via Toronto, pour revenir ensuite d'Orlando à St. John's via Montréal (Québec) le 2 mai 2006. Pour chaque segment de vol, Mme Nugent a informé le personnel du transporteur au comptoir d'enregistrement de la grave allergie de Melanie aux arachides, et on lui a indiqué de parler au chef de cabine afin que des annonces soient faites à bord de l'aéronef. Les Nugent n'ont éprouvé aucune difficulté pour les deux segments de leur vol de départ et la première étape du vol de retour et ont été satisfaits de l'accommodement fourni.

[18] À la dernière étape du voyage des Nugent, de Montréal à St. John's, le personnel de bord du transporteur a informé Mme Nugent qu'il n'y aurait pas d'annonce et que des cajous seraient servis lors du vol. Le personnel du transporteur a offert d'accommoder les Nugent en leur assignant des sièges à l'arrière de l'aéronef, où ils auraient été séparés de l'ensemble des passagers par six rangées et de la cabine de la classe affaires, où on servait des cajous, par douze rangées. Cette offre d'accommodement a toutefois été refusée. Mme Nugent a demandé de parler au capitaine, ce qui lui a été refusé, après quoi elle s'est tout de même dirigée vers le poste de pilotage. Pendant ce temps, M. Nugent s'est levé pour annoncer l'allergie de Melanie aux passagers, en leur demandant de s'abstenir de manger des arachides.

Analyse et déterminations

Démarche de l'Office pour déterminer la présence d'une déficience

[19] Pour déterminer s'il existe un obstacle aux possibilités de déplacement de personnes ayant une déficience, aux termes du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord établir si la demande a été présentée par une personne ayant une déficience, ou au nom d'une telle personne.

[20] Dans la décision no 243-AT-A-2002 (décision en matière de compétence), l'Office a conclu qu'une allergie n'est pas en soi une déficience au sens de la partie V de la LTC. Cependant, l'Office a conclu que certaines personnes allergiques ont peut-être une déficience attribuable à leurs allergies aux termes de la partie V de la LTC. Par conséquent, l'Office a décidé d'examiner, en fonction de chaque cas pris individuellement, si la personne allergique est une personne ayant une déficience pour l'application des dispositions de la LTC relatives au transport accessible.

[21] Dans la décision en matière de compétence, pour déterminer si des personnes allergiques sont des personnes ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC, l'Office a également conclu qu'il allait se fonder sur les concepts relatifs à la détermination d'une déficience présentés dans la décision no 646-AT-A-2001. Dans cette décision, l'Office a conclu que la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, Organisation mondiale de la santé, 2001 (CIF) pourrait être utile pour son analyse des questions liées aux déficiences. L'analyse du modèle de déficience de la CIF contient une classification complète des fonctions organiques et des structures anatomiques et définit trois dimensions de déficience, à savoir l'invalidité, la limitation d'activités et la restriction de participation.

[22] Comme le démontre la décision no 335-AT-A-2007, l'Office est d'avis que le modèle de déficience de la CIF est approprié pour déterminer si une personne allergique est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. La décision en matière de compétence reflète aussi la position de l'Office voulant :

  1. qu'il faut qu'il y ait invalidité pour qu'il y ait déficience aux termes de la partie V de la LTC;
  2. qu'une invalidité à elle seule ne suffit pas à conclure qu'un problème de santé est une déficience aux termes de la partie V de la LTC;
  3. que pour déterminer qu'une personne a une déficience aux termes de la LTC, il est nécessaire de démontrer que la personne se heurte à des limitations d'activité ou à des restrictions de participation dans le cadre du réseau de transport fédéral.

i. Invalidité

[23] Le modèle de déficience de la CIF définit l'invalidité comme étant une perte ou une anomalie d'une partie du corps (c.-à-d. d'une structure) ou d'une fonction de l'organisme (c.-à-d. d'une fonction physiologique). Dans ce contexte, le terme d'anomalie est strictement utilisé pour désigner un écart important par rapport à des normes statistiques établies (c.-à-d. un écart par rapport à la moyenne de la population dans le cadre de normes mesurées).

[24] Dans la décision en matière de compétence, l'Office a noté que la catégorie des « réactions d'hypersensibilité », incluse dans les fonctions des systèmes hématopoïétique et immunitaire de la CIF, englobe les « fonctions de la réaction de l'organisme après sensibilisation accrue à des substances étrangères comme dans les sensibilités à divers antigènes. » L'Office a également noté que cette catégorie inclut explicitement les allergies et a donc conclu qu'une allergie est une invalidité.

ii. Limitations d'activité et/ou restrictions de participation dans le cadre du réseau de transport fédéral

[25] Le modèle de déficience de la CIF définit les limitations d'activité comme les difficultés qu'une personne peut éprouver pour mener une activité. Selon le modèle, les limitations d'activité peuvent se traduire par un écart plus ou moins grand, tant en qualité qu'en quantité, dans la capacité d'exercer l'activité de la manière et dans la mesure escomptées de la part de gens n'ayant pas ce problème de santé.

[26] Les restrictions de participation sont définies dans le modèle de déficience de la CIF comme étant des problèmes qui peuvent se poser à une personne lorsqu'elle s'implique dans des situations de la vie. La présence d'une restriction de la participation se détermine en comparant la participation d'une personne à celle qu'on attend, dans telle culture ou telle société, d'une personne sans limitation d'activité.

[27] L'Office note que les limitations d'activité peuvent être légères. Toutefois, l'Office estime que, aux fins de son analyse, une limitation doit être suffisamment importante pour entraîner une difficulté inhérente à exécuter une tâche ou une action. Dans la décision en matière de compétence, l'Office a conclu qu'une preuve factuelle de l'existence de limitations d'activité et/ou de restrictions de participation est nécessaire pour conclure qu'une personne allergique est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC.

Mme Huyer est-elle une personne avec une déficience?

Invalidité

[28] Une lettre du médecin de Mme Huyer indique qu'on a diagnostiqué chez elle une allergie grave aux noix et que lorsqu'elle est exposée à un quelconque environnement dans lequel se trouvent des arachides, elle a des symptômes comme des réactions cutanées, une enflure de la langue, « etc. » La lettre indique également que Mme Huyer possède des injecteurs EpiPen et garde toujours avec elle des antihistaminiques appropriés. Son médecin ajoute que l'environnement fermé d'une cabine d'aéronef où l'air est recyclé pourrait être particulièrement dangereux. Une lettre de son médecin-naturopathe indique qu'elle est extrêmement sensible aux noix et aux produits qui en contiennent. Il explique que la sensibilité de Mme Huyer aux noix et aux produits qui en contiennent atteint un degré tellement extrême qu'il n'est pas nécessaire qu'elle ingère ces produits; leur seule présence dans son environnement immédiat est source de préoccupation. Mme Huyer fait valoir qu'elle est également asthmatique et qu'elle a une réaction directe et immédiate aux allergènes qui l'atteignent tant par les voies respiratoires que par ingestion.

[29] Air Canada fait valoir que les rapports du médecin de Mme Huyer et de son médecin-naturopathe ne confirment pas qu'elle est allergique à d'autres produits que les arachides. Air Canada fait également valoir que Mme Huyer n'a pas prouvé qu'elle est allergique aux noix, et plus particulièrement qu'elle est allergique aux amandes. En réponse, Mme Huyer a fourni des précisions de la part de son médecin, qui indique qu'elle affiche des symptômes lorsqu'elle est exposée aux noix, ce qui englobe toutes les noix et les arachides. Le médecin-naturopathe de Mme Huyer a également précisé que la mention des noix et des produits contenant des noix dans sa lettre précédente englobe, sans s'y limiter, toutes les noix et arachides, les cacahuètes, les cajous, les amandes, les avelines, les noix du Brésil, les pacanes et l'ensemble des autres noix et de leurs produits.

[30] En se fondant sur la preuve médicale déposée, Mme Huyer est allergique aux noix et aux arachides et, par conséquent, l'Office conclut que Mme Huyer a une invalidité.

Limitation d'activités/restriction de participation

[31] La preuve médicale de Mme Huyer démontre qu'elle risque d'avoir une réaction allergique grave, et possiblement une réaction anaphylactique, si elle est exposée à des noix ou à des arachides. En conséquence de son allergie grave, Mme Huyer doit prendre des mesures pour s'assurer de pouvoir voyager en sécurité.

[32] En ce qui a trait au besoin de telles mesures, lors de son contre-interrogatoire, Dr Sussman a indiqué que l'exposition accidentelle à un allergène, p. ex. manger une quantité trace de l'aliment en cause, utiliser des ustensiles contaminés, ou transférer l'allergène présent sur les mains et les vêtements, constitue la cause la plus courante d'anaphylaxie.

[33] Dr Sussman fait valoir qu'il faut reconnaître le fait que toutes les personnes ayant une allergie aux arachides ou autre allergie alimentaire grave peuvent présenter des réactions critiques et constituant un danger de mort. Il indique que ces personnes se doivent de craindre une exposition accidentelle et qu'actuellement, éviter l'aliment allergène représente le seul traitement préventif disponible. Dr Sussman indique également que les personnes ayant une allergie grave vivent avec une peur extrême d'une réaction allergique grave, en particulier lorsqu'elles sont confinées dans un environnement susceptible de contenir des allergènes.

[34] Dr Vadas indique que certaines personnes deviendront de plus en plus sensibles à l'exposition accidentelle à un allergène, ce qui mène à des réactions progressivement plus graves. Il fait valoir que lorsqu'une personne devient allergique, elle présentera une réaction à chaque exposition, sans exception.

[35] Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que Mme Huyer connaît à la fois une limitation d'activités, du fait de ses réactions allergiques possibles, et une restriction de participation, du fait de son besoin de prendre des mesures ou des précautions spéciales pour voyager par avion de manière sécuritaire.

Conclusion de l'Office

[36] Comme il est mentionné plus haut, l'Office conclut que Mme Huyer a une invalidité et connaît une limitation d'activités et une restriction de participation lorsqu'elle est exposée à des arachides ou à des noix quand elle voyage par avion.

[37] L'Office conclut donc que Mme Huyer est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC, en raison de son allergie aux arachides ou aux noix.

Melanie Nugent est-elle une personne ayant une déficience?

Invalidité

[38] Des lettres du médecin de Melanie Nugent indiquent qu'on a diagnostiqué chez elle une allergie aux arachides. Les tests d'allergie révèlent qu'elle a une forte réaction allergique aux arachides, ce qui pourrait causer une réaction anaphylactique. Son médecin souligne qu'il est possible qu'une réaction anaphylactique devienne mortelle en l'absence de traitement approprié. On a conseillé à Melanie de porter un bracelet Medic-Alert, d'éviter d'ingérer des arachides et de garder avec elle un injecteur EpiPen. Son médecin fait savoir que si Melanie entrait en contact, par ingestion ou par inhalation, avec des arachides ou tout aliment contenant des traces d'arachides, elle aurait probablement une réaction allergique, qui se manifesterait entre autres par une détresse respiratoire, une respiration sifflante et une enflure de la langue et de la bouche et qui exigerait une injection immédiate d'adrénaline (p. ex. l'utilisation d'un injecteur EpiPen), qui pourrait devoir être répétée aux cinq minutes jusqu'à ce que les symptômes se résorbent. Son médecin ajoute que si une réaction allergique survenait, Melanie devrait probablement être transportée à la clinique d'urgence la plus près pour observation ou contrôle plus définitif, en particulier si plus d'une dose d'adrénaline était nécessaire.

[39] Mme Nugent a ajouté que les médecins de Melanie recommandent que cette dernière évite toute forme de noix, y compris les cajous, en raison de la gravité de son allergie aux arachides.

[40] Dans son rapport, Dr Vadas traite des associations alimentaires. Par exemple, une personne allergique aux arachides court un risque accru de développer une allergie aux noix ou aux graines.

[41] Dr Sussman aborde également les associations alimentaires dans son rapport. Il souligne la réactivité croisée de certains aliments, et explique qu'une personne qui réagit à un allergène peut réagir à d'autres allergènes comportant des épitopes similaires (région localisée de la surface d'un antigène capable de provoquer une réaction immunitaire et de se combiner avec un anticorps monoclonal pour contrer cette réaction). Dr Sussman déclare qu'environ 50 pour cent des personnes allergiques aux arachides sont également allergiques aux noix, par exemple les pacanes, les noix du Brésil et les noisettes. En contre-interrogatoire, Dr Sussman a expliqué que les cajous ne sont pas proprement à parler des noix. Ils font partie de la famille de la mangue, qui comprend également la mangue et la pistache. Une personne allergique aux cajous aura souvent aussi une réaction aux pistaches, mais non aux mangues, et parfois non plus aux noix. Dr Sussman explique également que, toujours à proprement parler, l'amande fait partie de la famille de la prune. L'amande a une réactivité croisée avec la prune, la nectarine et la pêche et elle n'est pas classée comme une noix.

[42] Comme il est mentionné précédemment, les médecins de Melanie ont indiqué à Mme Nugent que Melanie doit éviter toutes les noix en raison de la sévérité de son allergie aux arachides. Bien qu'Air Canada ait remis en question la possibilité que Melanie Nugent soit allergique aux noix, la preuve des experts démontre l'existence d'une réactivité croisée entre différents allergènes. Les opinions peuvent différer sur l'appartenance des amandes ou des cajous à la catégorie des noix proprement dites, mais l'Office note que les recommandations précises des médecins de Melanie, fournies par Mme Nugent, sont qu'elle évite toute forme de noix, et non les seules noix proprement dites. Compte tenu de cette recommandation précise, et de la preuve des experts sur la réactivité croisée entre allergènes, l'Office conclut que Melanie doit éviter toutes les noix, y compris les amandes et les cajous.

[43] En se fondant sur les éléments de preuve déposés, l'Office conclut que Melanie Nugent est allergique aux arachides et qu'elle doit éviter les noix et, par conséquent, l'Office conclut que Melanie Nugent a une invalidité.

Limitation d'activités/restriction de participation

[44] La preuve médicale de Melanie Nugent démontre qu'elle risque d'avoir une réaction allergique grave si elle est exposée à des arachides et, comme il est indiqué plus haut, l'Office a convenu qu'elle doit également éviter les noix. En conséquence de son allergie, Melanie doit prendre des mesures pour s'assurer de pouvoir voyager en sécurité. L'Office note également le témoignage des experts, énoncé aux paragraphes 32 à 34 qui précèdent, faisant état de la possibilité et des conséquences d'une exposition accidentelle à un allergène. Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que Melanie Nugent connaît à la fois une limitation d'activités, du fait de ses réactions allergiques, et une restriction de participation, du fait de son besoin de prendre des mesures ou des précautions spéciales.

Conclusion de l'Office

[45] Comme il a été mentionné plus haut, l'Office conclut que Melanie Nugent a une invalidité et connaît une limitation d'activités et une restriction de participation lorsqu'elle est exposée à des arachides ou à des noix.

[46] L'Office conclut donc que Melanie Nugent est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC, en raison de son allergie aux arachides et de son besoin d'éviter les noix.

Démarche de l'Office pour conclure en la présence ou non d'un obstacle

[47] Pour déterminer si une personne a fait face à un obstacle à ses possibilités de déplacement, il faut déterminer si les besoins liés à sa déficience ont été satisfaits. Pour établir si les besoins d'une personne liés à sa déficience ont été satisfaits, l'Office doit d'abord déterminer quel service est nécessaire pour satisfaire les besoins en question. Un service qui répond aux besoins d'une personne liés à sa déficience est appelé un « accommodement approprié ». Il ne s'agit toutefois pas nécessairement de l'accommodement que pourrait préférer une personne, et parfois, l'accommodement que sollicite un demandeur va au-delà de l'obligation du fournisseur de service de transport d'offrir un accommodement.

[48] C'est l'Office qui détermine ce qui constitue l'« accommodement approprié », et cette question est distincte de celle de déterminer si l'accommodement créerait une « contrainte excessive » pour le fournisseur du service de transport. Pour déterminer ce qui constitue l'accommodement approprié, le critère principal est celui de l'efficacité.

[49] Le fournisseur de service s'acquittera de son obligation d'offrir un accommodement si l'accommodement fourni accorde la personne ayant une déficience une chance égale d'obtenir le même niveau de services et les mêmes privilèges de transport conférés à d'autres personnes dans le réseau de transport fédéral. Il importe de souligner qu'au moment de déterminer si l'accommodement approprié a été fourni en se fondant sur les faits du cas devant lui, l'Office ne prend pas en compte la capacité du fournisseur de service de fournir l'accommodement. Toute contrainte susceptible d'affecter la capacité du fournisseur de service de fournir le service ne sera évaluée qu'au moment d'évaluer le caractère abusif, ce qui survient uniquement lorsque l'Office a conclu qu'une personne a fait face à un obstacle. S'il est déterminé que la personne a obtenu un accommodement approprié, on ne peut conclure qu'elle a fait face à un obstacle.

[50] Lorsqu'il se penche sur la question de savoir si une situation a constitué un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas précis, l'Office examine généralement l'incident relaté dans la demande afin de déterminer si la personne qui l'a présentée a établi à première vue :

  • qu'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience a été le résultat d'une distinction, d'une exclusion ou d'une préférence;
  • que l'obstacle était lié à la déficience de cette personne;
  • que l'obstacle est discriminatoire du fait qu'il a imposé un fardeau à la personne ou l'a privée d'un avantage.

Détermination de l'accommodement approprié

[51] Dans le cas présent, l'Office doit déterminer quels services constituent l'accommodement approprié pour répondre aux besoins liés à la déficience de personnes, notamment Mme Huyer et Melanie Nugent, pour qui l'allergie aux arachides ou aux noix constitue une déficience au sens de la partie V de la LTC. À cette fin, l'Office prendra en compte les positions de Mme Huyer et de Melanie Nugent, ainsi que la preuve produite par l'expert de l'Office, Dr Sussman, par l'expert d'Air Canada, Dr Vadas, et par Air Canada elle-même.

[52] Mme Huyer allègue que c'est un danger pour elle de se trouver à bord d'un aéronef où on sert des noix, et elle demande à Air Canada de ne servir des noix à aucun passager lors de son service de collation quand elle voyage. Tout au long de son argument, Mme Huyer a présenté diverses suggestions pour traiter cette question, notamment :

  1. interdire les noix à bord de tous les aéronefs d'Air Canada;
  2. continuer de servir des noix à bord, mais si un passager signale une allergie grave aux noix, suspendre immédiatement le service des noix, sans autre forme de discussion, ou remettre aux passagers ayant une allergie grave aux noix une lettre officielle d'Air Canada, qu'ils pourront utiliser pour indiquer clairement à l'équipage de bord qu'il n'y aura pas de service de noix à bord;
  3. instituer une politique sur l'anaphylaxie imposant une formation au personnel d'Air Canada et énonçant des procédures d'urgence appropriées.

[53] Pour ce qui est des noix apportées à bord par les passagers, Mme Huyer soutient qu'Air Canada devrait faire une annonce afin de demander à tous les passagers de s'abstenir de consommer des produits contenant des noix ou des arachides.

[54] Mme Nugent indique que pour que Melanie puisse voyager en sécurité, il faudrait qu'Air Canada fasse une annonce pour demander à tous les passagers à bord de s'abstenir de manger des arachides ou des collations qui en contiennent. Mme Nugent soutient également qu'aucune noix, y compris les cajous, ne devrait être servie aux passagers en classe affaires.

Preuve des experts

Types de réactions allergiques

[55] Dr Sussman explique qu'il existe plusieurs types de réactions allergiques aux manifestations et conséquences différentes, la plus grave étant le décès. Dr Sussman explique que les multiples symptômes d'anaphylaxie incluent des démangeaisons et des éruptions cutanées, généralement appelées urticaire, des crampes de l'estomac ou de l'utérus, de l'œdème de la peau ou des membranes muqueuses (angioneurose cutanée), et une insuffisance cardiaque à débit élevé ou un choc anaphylactique. Les chocs anaphylactiques incluent, sur le plan clinique, des faiblesses, des étourdissements, une chute de la pression artérielle et une perte de conscience. Dr Sussman indique que, en général, l'anaphylaxie est définie comme l'apparition soudaine d'une réaction allergique pouvant constituer un danger de mort. Dr Sussman ajoute qu'en l'absence d'un marqueur d'anaphylaxie et d'un test ayant pour but de déterminer quels individus sont prédisposés à l'anaphylaxie, y compris les réactions anaphylactiques potentiellement mortelles, tous les individus qui ont des allergies à des allergènes pouvant provoquer l'anaphylaxie doivent être considérés comme ayant potentiellement des allergies graves.

[56] Dr Vadas énonce également des symptômes de réaction allergique qui comprennent, sans s'y limiter, des éruptions cutanées, des éternuements, des démangeaisons, des vomissements, des réactions systémiques, des atteintes cardiaques, et une constriction de la gorge pouvant aboutir à l'asphyxie. En ce qui a trait à l'ingestion d'allergènes, Dr Vadas explique que lorsque des allergènes sont absorbés dans la circulation sanguine depuis l'estomac, une réaction systémique peut affecter la peau, le système cardiovasculaire, les voies respiratoires, le tractus gastro-intestinal ou l'appareil génito-urinaire. Il décrit les manifestations cutanées, pouvant notamment comprendre des démangeaisons, l'urticaire et un gonflement des yeux, de la langue, et de la gorge. Dr Vadas explique que l'atteinte des voies respiratoires peut se circonscrire à des symptômes d'obstruction des voies supérieures, ou affecter les voies inférieures de symptômes asthmatiques. L'atteinte gastro-intestinale peut provoquer des nausées, des vomissements, des crampes et des diarrhées. L'atteinte cardiovasculaire comporte plusieurs manifestations parfois graves. La pression artérielle peut chuter, créant une sensation d'étourdissement ou de vertige. Une chute plus marquée de la pression artérielle rend la personne inconsciente, en raison d'un apport inadéquat d'oxygène au cerveau. Une faible pression artérielle compromet également l'apport d'oxygène au muscle cardiaque, ce qui peut provoquer de l'angine, une crise cardiaque, ou une arythmie cardiaque. Dr Vadas explique que ces effets peuvent être mortels, tout comme les atteintes aux voies respiratoires supérieures et inférieures, et qu'on considère habituellement qu'une atteinte au système respiratoire ou cardiovasculaire peut constituer un danger de mort.

Allergènes alimentaires

[57] Dr Vadas fait valoir que l'Agence canadienne d'inspection des aliments a identifié neuf aliments comme étant à l'origine de la grande majorité des réactions allergiques provoquées par des aliments. « Ces aliments sont les arachides, les noix, le poisson, les mollusques et crustacés, le blé, le soya, le lait, les oeufs et les graines de sésame. De ces neufs aliments, la réaction aux arachides, aux noix et aux mollusques et crustacés est la cause de la plupart des réactions anaphylactiques quasi-mortelles ou mortelles. » [Traduction]

[58] Dr Sussman rapporte la même liste d'allergènes communs reconnus. Il indique que même si n'importe quel aliment peut causer une réaction anaphylactique, les arachides et les noix sont la cause de 94 pour cent des réactions anaphylactiques mortelles.

Déclencheurs des réactions allergiques

[59] Dr Sussman fait valoir que les catégories générales d'exposition aux allergènes sont l'ingestion, l'injection ou l'inhalation. Il explique qu'une quantité minuscule d'allergène ou une brève période d'exposition suffit à provoquer un incident immunologique majeur.

[60] Dr Vadas indique que des réactions allergiques peuvent être déclenchées par diverses voies d'exposition, comme la voie topique, par les muqueuses, ou par injection. Dr Vadas précise que les voies d'exposition peuvent être mixtes, donnant comme exemple un banal contact cutané qui présente la possibilité d'un transfert d'un allergène alimentaire de la peau à la bouche, se traduisant par une ingestion susceptible de provoquer une réaction systémique. Comme Dr Sussman, il explique qu'un allergène alimentaire puissant peut provoquer une grave réaction chez les personnes sensibles à partir de seulement une exposition minuscule.

[61] Pour ce qui est des allergies par inhalation, Dr Sussman explique que les allergènes doivent être en aérosol ou transportés par une particule comme la poussière, le pollen ou une poudre pour atteindre la personne sensible, et ensuite être inhalés par cette dernière pour provoquer une réaction allergique. De même, Dr Vadas indique que les protéines alimentaires ne sont habituellement pas volatiles, mais que dans certaines situations, des allergènes alimentaires peuvent être transportés par voie aérienne lorsqu'ils ont la forme d'une fine poussière ou qu'ils sont transportés dans l'air par la vapeur. Dr Vadas explique qu'il est parfaitement normal de développer une aversion à l'odeur d'un aliment auquel on est allergique. Il ajoute qu'il s'agit d'un mécanisme normal de défense, avertissant la personne de se tenir à l'écart d'une possible exposition accidentelle à cet aliment. Il signale toutefois qu'il est important de ne pas confondre l'aversion à une odeur et le potentiel de réaction allergène à des protéines alimentaires transportées par voie aérienne. L'arôme ou l'odeur d'un aliment provient habituellement d'esters aromatiques volatils qui ne sont pas des composés allergènes. Néanmoins, Dr Vadas précise que les allergies sont provoquées par des protéines alimentaires.

[62] Dr Vadas indique que des réactions respiratoires ont été associées à des aliments transportés en aérosol et cite l'exemple des protéines de poisson dans son rapport. Il indique également que les seuils critiques au-dessus desquels des symptômes pourraient se manifester pour des aéroallergènes restent encore à définir pour certains allergènes alimentaires, comme les arachides, les noix, le poisson, etc. Dr Sussman fait valoir qu'on manque de données sur les schémas de dispersion d'allergènes alimentaires précis. Il précise que les schémas de dispersion dépendent de la dose d'exposition à l'allergène alimentaire et qu'ils varieraient en fonction de l'aliment.

[63] Dr Sussman indique ne connaître aucun cas documenté de décès anaphylactique à la suite d'une exposition par inhalation, bien qu'il y ait des exposés de cas de réactions graves à l'inhalation de vapeurs de mollusques et crustacés et d'autres allergènes alimentaires. Il explique que ces réactions sont une réaction asthmatique, et non un choc anaphylactique. En contre-interrogatoire, Dr Sussman a aussi expliqué qu'on estime généralement que les allergènes alimentaires causent une réaction après avoir été ingérés par une personne. Selon lui, il manque de données sur les allergènes alimentaires inhalés. Dr Sussman précise toutefois que cela ne signifie pas qu'il n'existe pas d'exposés de cas de personnes qui ont inhalé des allergènes alimentaires et eu des réactions très graves; il s'agit plutôt de comptes rendus anecdotiques mal documentés. Dr Vadas fait cependant valoir qu'il existe quelques exemples bien documentés de personnes qui ont eu une réaction anaphylactique grave et mortelle à des protéines alimentaires transmises par voie aérienne, en particulier des vapeurs de cuisson de mollusques et crustacés. Dr Sussman indique que le risque de réactions graves à des arachides et des noix transmises par voie aérienne n'est pas connu, mais qu'il est probablement fonction de la dose et de l'endroit de l'exposition. Il estime que des personnes allergiques à proximité immédiate de l'allergène courraient le plus grand risque de réaction allergique grave aux arachides ou aux noix si elles mangent des aliments contaminés, ou utilisent des ustensiles portant des quantités traces de l'allergène.

[64] En contre-interrogatoire, Dr Sussman s'est dit d'avis qu'il est très peu probable que des allergènes transmis par voie aérienne provoquent ou déclenchent une réaction anaphylactique grave. Il précise cependant que cela ne signifie pas qu'il n'y a aucun risque à partir de l'inhalation ou du contact. Dr Sussman estime que la contamination accidentelle est plus préoccupante. Il indique que l'exposition accidentelle à un allergène, p. ex. manger une quantité trace de l'aliment en cause, utiliser des ustensiles contaminés ou transférer l'allergène depuis les mains ou les vêtements, représente la cause la plus courante de l'anaphylaxie.

Conséquences de l'exposition à des allergènes

[65] Comme il a été mentionné précédemment, Dr Vadas fait valoir que certaines personnes deviendront de plus en plus sensibles à des expositions accidentelles à un allergène, causant des réactions de plus en plus graves. Il indique qu'une fois qu'une personne devient allergique, elle réagit ensuite à chaque exposition, sans exception.

[66] Comme il a également été mentionné précédemment, Dr Sussman soutient qu'il faut reconnaître le fait que toutes les personnes ayant une allergie aux arachides ou autre allergie alimentaire grave peuvent présenter des réactions critiques et constituant un danger de mort. Pour ces personnes, craindre une exposition accidentelle constitue un état de nécessité, et actuellement, éviter l'aliment allergène représente le seul traitement préventif disponible. Dr Sussman fait valoir que bien que le risque exact d'une allergie grave dans une cabine d'aéronef ne soit pas connu, les personnes ayant une allergie grave vivent avec une peur extrême d'une réaction allergique grave, en particulier lorsqu'elles sont confinées dans un environnement susceptible de contenir des allergènes. Il souligne qu'il n'existe pas d'indicateur clinique complet et concluant pour confirmer une réaction anaphylactique, et qu'il faut donc présumer que toute personne allergique à des allergènes pouvant provoquer l'anaphylaxie a une allergie potentiellement grave. Dr Sussman explique comment cette absence d'un indicateur plus exact d'anaphylaxie en laboratoire crée un climat de peur chez les personnes ayant ce type d'allergie.

Recommandations des experts sur les allergies

[67] Dans son rapport, Dr Sussman se dit d'avis qu'il n'est pas nécessaire de servir des arachides aux passagers dans un aéronef, et que s'abstenir d'en servir réduit le risque d'une exposition par voie aérienne, d'ingestion accidentelle et de contamination. Il indique qu'il n'est pas non plus nécessaire de servir tout autre aliment susceptible de provoquer des réactions, tout en estimant qu'il serait impossible d'instituer un environnement exempt d'allergènes. Il fait valoir que même avec une ligne directrice en ce sens, certaines personnes allergiques seraient néanmoins à risque d'un incident allergique, par exemple à cause d'autres passagers qui apportent par inadvertance à bord des produits contenant des arachides, des noix ou autres allergènes.

[68] Dr Sussman recommande qu'on offre aux personnes allergiques des places dans une zone à l'abri des allergènes, où les autres passagers à proximité immédiate n'auront pas d'aliments auxquels ces personnes sont allergiques. Dr Vadas indique qu'une telle zone d'exclusion ne garantit pas qu'une personne allergique ne viendra pas en contact avec des protéines alimentaires en aérosol, mais une zone d'exclusion atteindrait le double objectif d'assurer qu'une personne ayant une allergie alimentaire soit probablement assujettie à un niveau inférieur d'exposition par voie aérienne à des allergènes alimentaires, du fait de la distance de séparation, et de réduire grandement le risque de contact cutané ou topique. Il ajoute cependant qu'une telle mesure ne tiendrait pas compte des voies d'exposition autres qu'aéroallergènes, comme l'exposition topique à une surface contaminée ou l'ingestion de quantités traces d'allergènes dans les aliments. Dr Vadas précise que pour envisager l'opportunité d'une zone d'exclusion, il va de soi qu'il serait très préoccupant au plan de la sécurité de permettre à des passagers voisins d'un passager allergique aux arachides (ou à d'autres aliments) de consommer des produits contenant des produits des arachides (ou autres allergènes alimentaires affectant le passager allergique).

[69] Dr Sussman recommande également qu'on fasse une annonce générale pour informer les passagers qu'il y a une personne allergique à bord de l'aéronef.

[70] Enfin, Dr Sussman recommande que tout le personnel des transporteurs aériens reçoive une éducation et une formation sur la façon adéquate d'utiliser un injecteur EpiPen.

Filtration et circulation de l'air

[71] Dr Vadas indique que la concentration d'allergènes alimentaires sera supérieure dans un milieu clos avec recirculation d'air. Il fait valoir qu'on a décelé des protéines d'arachide dans le système de filtration de l'air de lignes aériennes commerciales, ce qui démontre que la protéine d'arachide se déplace par aérosol en cours de vol et reste en suspension dans l'air de la cabine assez longtemps pour être captée par le système de filtration.

[72] En réponse à une question de l'Office, plus précisément à une demande de complément d'information sur l'efficacité des systèmes de filtration pour éliminer les allergènes dans l'air de la cabine des aéronefs d'Air Canada, cette dernière a indiqué qu'elle utilise des filtres à haute efficacité pour les particules de l'air (HEPA) dans ses aéronefs. Air Canada explique que les filtres HEPA sont des unités autonomes qui ne peuvent être révisées ou réutilisées. Elles sont remplacées avant la fin de leur durée de vie utile, qui est de 3 000 à 5 000 heures, selon les recommandations des manufacturiers de l'aéronef et des filtres pour chaque type précis. Air Canada explique que les filtres HEPA sont les filtres les plus efficaces disponibles sur le marché. Air Canada a produit un document intitulé HEPA Filtration Facts, qui indique que les filtres HEPA interceptent un minimum de 99,97 pour cent des contaminants d'une taille de 0,3 micron. Le document prévoit que la valeur de référence de 0,3 micron a été choisie pour les cotes d'efficience parce qu'elle correspond approximativement à la taille de particule la plus difficile à intercepter pour un filtre. Un filtre HEPA est « encore plus efficace pour capter les particules d'une taille supérieure ou inférieure 0,3 micron ». [traduction]

[73] Air Canada indique également, en réponse à cette même question, qu'il existe plusieurs idées fausses répandues sur la qualité de l'air dans la cabine, dont traitent deux publications produites par Air Canada, soit The Airplane Cabin Environment : Issues Pertaining to Flight Attendant Comfort, de Elwood H. Hunt et David R. Space, et Cabin Air Comfort, de David Carlile. Air Canada explique qu'une des idées fausses abordées est que l'air d'une cabine présenterait un niveau supérieur de contamination par les particules. Elle soutient que des tests ont démontré que la concentration moyenne de particules dans l'air d'une cabine est égale ou inférieure à cette concentration dans l'air extérieur. Air Canada soutient aussi qu'il a été démontré que le niveau de contamination par les particules est inférieur à celui du milieu de travail moyen. Air Canada explique que le faible niveau de contamination par les particules dans un aéronef découle de divers facteurs, notamment le contrôle direct de l'emplacement des passagers par rapport au système de ventilation, l'efficacité du système de filtration, et la proportion beaucoup plus élevée de débit d'air extérieur par volume cubique que dans la plupart des autres environnements.

[74] Comme il a été mentionné précédemment, en réponse à une requête de l'Office pour qu'elle fournisse plus de renseignements sur l'efficacité des systèmes de filtration dans les aéronefs d'Air Canada à éliminer les allergènes de l'air de la cabine, Air Canada fait valoir qu'une autre idée fausse est que le syst me de ventilation d'un aéronef propage facilement des maladies. Air Canada explique que les filtres de recirculation dans un aéronef sont similaires à ceux employés dans les unités de soins intensifs des hôpitaux et dans les salles blanches industrielles. Le document susmentionné Airplane Cabin Environment soumis par Air Canada cite les unités des soins aux brûlés et de greffes d'organes comme des exemples d'unités des soins intensifs dans les hôpitaux. Air Canada soutient que des mesures ont permis de constater que la concentration de germes par mètre cube dans une cabine d'aéronef était inférieure au seuil recommandé pour les salles d'opération, les pouponnières et les unités des soins intensifs des hôpitaux. Air Canada explique qu'en revanche, les systèmes d'un immeuble typique sont incapables d'éliminer de l'air recirculé les contaminants microbiens, y compris les bactéries et les virus.

[75] Dans le document Airplane Cabin Environment, on explique que l'apport d'air extérieur à la cabine d'un aéronef Boeing 767 provient de compresseurs de moteur, est refroidi par des groupes de conditionnement d'air et mélangé en proportions égales avec de l'air filtré et recirculé. On explique également qu'il s'agit d'un système typique dans les aéronefs modernes. Le système fait circuler environ 20 pieds cubes par minute (pi3/min) d'air par passager, dont la moitié d'air filtré et recirculé, et la moitié d'air frais, ce qui représente un changement d'air complet dans la cabine à toutes les deux ou trois minutes.

[76] On explique aussi dans ce document comment on en arrive à de faibles niveaux de contaminants dans la cabine, grâce au contrôle rigoureux du dégazage des composantes employées dans le mobilier de l'aéronef, au contrôle direct de l'emplacement des passagers par rapport aux entrées et sorties d'air, à l'efficacité du système de recirculation pour extraire presque totalement les particules et éléments microbiens de l'air recirculé, à l'approvisionnement en air extérieur sec, stérile et sans poussière en cours de vol, et à l'apport d'une quantité d'air extérieur par volume cubique de beaucoup supérieure à celle de la plupart des environnements.

[77] Le document décrit comment l'air pénètre dans la cabine des passagers à partir de sorties de distribution au plafond, conçues pour créer un débit d'air circulaire soigneusement contrôlé dans la cabine. L'air de sortie quitte la cabine par des grilles de retour situées dans les parois latérales, près du plancher. Le système de ventilation de cabine est conçu et équilibré de manière à ce que l'air fourni à une rangée de siège reparte approximativement au niveau de cette même rangée, réduisant au minimum la circulation d'air dans l'axe avant-arrière. En contrôlant la circulation d'air avant-arrière, on réduit au minimum le potentiel de propagation de contaminants provenant des passagers.

[78] Enfin, les auteurs traitent de perceptions qui circulent à propos de l'environnement de cabine, notamment que des contaminants s'accumulent dans la cabine. On indique qu'une perception persiste qu'il y a accumulation de contaminants dans la cabine des modèles plus récents d'aéronefs à cause de l'intégration de systèmes de recirculation et d'une réduction subséquente d'apport d'air extérieur. Les auteurs indiquent cependant que les résultats d'études d'organisations indépendantes crédibles (dont le Department of Transportation des É.-U.) démontrent que le système de filtration à haute efficience et l'apport d'une grande quantité d'air extérieur dans la cabine permettent de maintenir de faibles niveaux de particules dans la cabine.

Analyse et conclusion de l'Office sur un accommodement approprié

[79] Dr Vadas et Dr Sussman indiquent tous deux qu'il est impossible de créer un environnement exempt d'allergènes dans la cabine d'un aéronef. Par conséquent, dans le contexte particulier des demandes en cause, l'accommodement approprié que doit déterminer l'Office sera le service requis pour atténuer le risque d'exposition à un allergène.

[80] Les deux experts conviennent qu'une exposition si minime soit-elle à un allergène suffit à provoquer une réaction allergique. Les deux experts indiquent également que pour qu'une personne ait une réaction allergique à un allergène alimentaire en étant exposée par inhalation, l'allergène doit être en aérosol, transporté par une particule comme la poussière, le pollen ou une poudre, ou transporté dans l'air par la vapeur. Bien que les experts divergent d'opinion sur l'existence de cas documentés de réaction anaphylactique mortelle à l'inhalation d'allergènes alimentaires, ils conviennent que le risque le plus grand provient de l'ingestion accidentelle de l'allergène. Dr Vadas est d'avis que les personnes allergiques qui sont à proximité immédiate de l'allergène courraient le plus grand risque de réaction. Dr Sussman estime qu'il y a très peu de risque que des allergènes transmis par voie aérienne provoquent une réaction anaphylactique grave.

[81] Dr Vadas fait valoir que la concentration d'allergènes alimentaires sera plus élevée dans un environnement clos avec de l'air recirculé. La preuve indique cependant que dans un aéronef moderne, il y a un changement d'air complet dans la cabine à toutes les deux ou trois minutes, avec en égales proportions de l'air filtré recirculé et de l'air extérieur. On a également présenté une preuve indiquant que les systèmes de ventilation des aéronefs modernes, plus particulièrement les aéronefs Boeing, sont conçus pour que l'air soit extrait de la cabine approximativement à la même rangée où il est entré.

[82] La preuve indique que l'air recirculé passe par des filtres HEPA, qui sont de qualité similaire à celle des filtres utilisés dans les unités des soins intensifs des hôpitaux et dans les salles blanches industrielles, et qui interceptent un minimum de 99,97 pour cent des contaminants d'une taille de 0,3 micron, la taille de particule la plus difficile à intercepter pour un filtre.

[83] Compte tenu de la preuve présentée, l'Office conclut que le risque d'une réaction allergique par inhalation de particules d'arachides ou de noix à bord d'un aéronef est considérablement réduit à bord des aéronefs modernes, grâce aux systèmes de filtration et de circulation de l'air de l'aéronef. L'Office accepte la preuve des experts selon laquelle le plus grand risque de réaction allergique grave provient de l'ingestion après une exposition accidentelle.

[84] Bien que Mme Huyer et Melanie Nugent aient toutes deux des allergies très graves aux arachides ou aux noix, et que la preuve des experts se concentre sur les types les plus graves de réaction allergique, notamment les réactions anaphylactiques et asthmatiques, l'Office ne limite pas son examen de la question à cette partie du spectre des réactions allergiques. Toutefois, en se fondant sur la preuve des experts et sur la preuve sur la filtration et la recirculation de l'air, en plus du témoignage des demanderesses, l'accommodement que l'Office déterminera approprié englobera nécessairement un large éventail de réactions allergiques, allant des réactions moins graves à celles qui constituent un danger de mort.

[85] Mme Huyer soutient que des noix ne devraient pas être servies ou vendues à bord de tout aéronef dans lequel elle voyage. Mme Nugent indique que pour que Melanie puisse voyager en sécurité, il faudrait qu'Air Canada fasse une annonce générale pour demander à tous les passagers à bord de l'aéronef de s'abstenir de manger des arachides ou des collations contenant des arachides. Bien que l'une des recommandations de Dr Sussman soit de ne pas servir de noix, il reconnaît qu'il est impossible de créer un environnement exempt d'allergènes. De plus, une interdiction pourrait donner aux passagers ayant des allergies aux noix un faux sentiment de sécurité, car il serait impossible de garantir que d'autres passagers n'apporteront pas à bord des noix ou des produits qui en contiennent. Dans leur quotidien, les personnes ayant des allergies doivent composer avec le risque d'une exposition à des allergènes et prendre des mesures pour atténuer les réactions allergiques, comme l'a démontré Mme Nugent. Elle explique que ce ne sont pas tous les gens qui commencent leur journée comme le font les Nugent, soit en envoyant Melanie à l'école avec un goûter sans arachides, en veillant à ce que Melanie ait avec elle un injecteur EpiPen en plus de celui gardé à l'école, en veillant à ce qu'il y ait des serviettes humides jetables dans son sac contenant l'EpiPen, en fournissant un désinfectant à mains et en lui rappelant de ne pas porter ses mains à sa bouche ou près de ses yeux.

[86] L'Office reconnaît que les personnes qui ont des allergies, qu'elles soient graves ou moins graves, doivent prendre des mesures dans leur quotidien pour atténuer les risques d'exposition accidentelle aux allergènes, mais il reconnaît également que les voyages par avion créent des difficultés à cet égard. Une personne au sol peut habituellement prendre des mesures pour éviter l'exposition à un allergène, mais une personne qui se déplace par avion est plus captive de son environnement, ce qui amplifie le risque d'exposition.

[87] Dans le cas d'allergies plus graves, y compris celles qui présentent un danger de mort, les personnes qui ont une réaction allergique à bord d'un aéronef n'auront pas les mêmes possibilités de rechercher les soins médicaux requis qu'une personne au sol. La preuve démontre également que bien que n'importe quel aliment puisse causer une réaction allergique, les arachides et les noix sont parmi ceux qui provoquent la grande majorité des réactions allergiques causées par des aliments, y compris les réactions mortelles et quasi-mortelles. L'Office est donc d'avis que les personnes dont l'allergie aux arachides ou aux noix constitue une déficience au sens de la partie V de la LTC ont besoin d'un accommodement pour voyager par avion.

[88] Compte tenu de ce qui précède et de la preuve déposée, l'Office conclut que le service nécessaire pour atténuer le risque d'exposition aux allergènes des arachides ou des noix, c'est-à-dire l'accommodement approprié, consiste à séparer les personnes allergiques aux arachides ou aux noix des autres passagers qui peuvent manger des arachides, des noix ou des produits qui en contiennent. Plus précisément, l'Office conclut que l'accommodement approprié est l'institution d'une zone tampon ou d'exclusion, dans laquelle les passagers seront informés qu'ils peuvent seulement manger des aliments ne contenant pas d'arachides ou de noix et que dans le cadre du service de collation ou de repas d'Air Canada, on leur offrira seulement des aliments qui ne contiennent pas d'arachides ou de noix. La présence de cette zone tampon, en plus des systèmes de filtration et de circulation d'air de l'aéronef, préviendrait également tout risque de réaction allergique découlant d'une exposition par inhalation.

[89] L'Office conclut que lorsqu'un préavis est donné, l'accommodement approprié pour les passagers ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix consiste à leur assigner des sièges dans une zone tampon. Toutefois, l'Office reconnaît que pour des raisons opérationnelles, il pourrait ne pas toujours être possible d'instituer une zone tampon lorsqu'un passager n'a pas donné de préavis. Par exemple, le transporteur pourra devoir réévaluer l'assignation des sièges pour le vol et prévoir une collation de remplacement dans cette zone tampon. Par conséquent, l'Office conclut qu'en l'absence de préavis, l'accommodement approprié consiste à ce que le transporteur fasse de son mieux pour instituer une zone tampon, et s'il n'est pas en mesure de le faire, à ce qu'il place le passager à bord du prochain vol qu'il est raisonnablement possible de prendre, et y institue alors une zone tampon.

[90] L'Office note que dans les cas de Mme Huyer et de Melanie Nugent, Air Canada a proposé d'assigner d'autres sièges aux passagers, en les éloignant d'une certaine distance des zones où des noix étaient servies ou vendues. Cette initiative indique qu'Air Canada reconnaît d'elle-même la séparation comme une mesure appropriée pour répondre aux besoins des personnes allergiques aux arachides ou aux noix.

[91] De plus, puisque l'Office a déjà déterminé qu'une zone tampon constitue l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, et qu'il faut informer les passagers dans cette zone de l'allergie et leur demander de s'abstenir de manger des arachides, des noix ou des produits qui en contiennent, l'Office conclut qu'il n'est pas nécessaire de faire une annonce générale à tous les passagers, comme le recommande Dr Sussman.

[92] Enfin, Dr Sussman recommande que tout le personnel des transporteurs aériens reçoive une éducation et une formation sur la façon adéquate d'utiliser un injecteur EpiPen. Air Canada a produit un extrait de son manuel destiné aux agents de bord, qui explique des réactions possibles des personnes ayant de « véritables » allergies alimentaires lorsqu'elles mangent le mauvais aliment; pour certaines, une bouchée du mauvais aliment peut entraîner une maladie grave, ou même la mort. On y indique également que c'est l'une des raisons pour lesquelles certains passagers apportent à bord leurs propres aliments et leurs propres boissons. Le manuel indique qu'Air Canada ne peut pas garantir et ne garantit pas qu'un aliment particulier est exempt d'un allergène particulier, qu'il n'a pas été en contact avec des aliments ou des huiles allergènes, et que l'aliment particulier n'est pas présent à bord. Le manuel réfère cependant les agents de bord là a section connexe sur les premiers soins en cas de choc anaphylactique, si un passager présente une réaction allergique à un aliment, bien qu'il ne soit pas indiqué clairement quelles mesures précises ils pourraient prendre en présence d'une telle situation.

[93] L'Office a déterminé qu'une zone tampon constitue l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix. Ces personnes ont besoin dans leur quotidien de prendre automatiquement toutes les mesures qu'elles peuvent prendre pour traiter une réaction allergique, y compris garder à portée de main un ou plusieurs injecteurs EpiPen et autres médicaments. Par conséquent, l'Office estime qu'il n'est pas nécessaire d'exiger que le personnel d'Air Canada reçoive une éducation et une formation sur la façon adéquate d'utiliser un injecteur EpiPen. L'Office conclut que la responsabilité première de l'utilisation de médicaments pour traiter des réactions allergiques relève des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix.

Réponse d'Air Canada aux demandes d'accommodement de Mme Huyer pour le vol AC848 entre Toronto et Londres, le 1er avril 2006

[94] Comme il est indiqué dans la section portant sur les faits et mémoires, Mme Huyer, une fois à bord de l'aéronef, a informé le personnel du transporteur de son allergie aux noix et demandé que le transporteur s'abstienne d'en servir. Air Canada a décidé de servir des noix et a donné à Mme Huyer le choix de rester à bord ou de débarquer. Mme Huyer a hésité à prendre une décision et le personnel de coordination des opérations d'escale d'Air Canada a alors décidé de faire débarquer Mme Huyer de l'aéronef et lui a confirmé une place à bord d'un aéronef partant environ deux heures et demie plus tard. À bord de ce vol, les noix qu'on avait prévu servir ont été remplacées par une autre collation et on a fait une annonce à tous les passagers, leur demandant de s'abstenir de consommer des produits contenant des noix ou des arachides.

[95] Mme Huyer indique qu'il était incorrect de la part d'Air Canada de l'exclure d'un vol en raison d'une « situation de santé » [traduction] qui, selon elle, est facile à traiter.

[96] Air Canada fait valoir que Mme Huyer a eu un comportement déraisonnable. Le transporteur indique qu'il peut être possible dans certains cas de remplacer certaines collations pouvant contenir des noix, mais que cette démarche entraîne des coûts et exige une planification. Air Canada allègue que lors du vol de Mme Huyer le 1er avril, les amandes étaient à bord depuis plus d'une heure lorsque Mme Huyer a fait part de son allergie au personnel de bord.

[97] Pour ce qui est du vol ultérieur qu'a pris Mme Huyer, qui est parti environ deux heures et demie après le vol AC848, Air Canada indique que par hasard, le traiteur avait à sa disposition d'autres collations qu'on a utilisées pour remplacer le service d'amandes en classe affaires, mais que cette mesure avait entraîné des coûts pour Air Canada et déçu beaucoup de ses clients qui justement aiment la collation d'amandes. Le transporteur a servi des collations emballées de moindre qualité. Air Canada ajoute que pour faire preuve de bonne volonté, une annonce a été faite à tous les passagers pour leur demander de s'abstenir de consommer des produits contenant des arachides ou des noix. Dans ce dernier cas, Mme Huyer dit avoir apprécié le geste et n'attend pas d'Air Canada des mesures plus poussées à l'égard de noix que des passagers apportent à bord.

[98] En ce qui a trait à la fourniture d'un préavis, Mme Huyer soutient qu'on lui demande constamment de faire inscrire son allergie aux noix à son dossier, mais que ce n'est pas toujours possible en faisant une réservation par Internet ou par l'entremise du service à la clientèle. Elle allègue que la seule possibilité pour elle de s'assurer de la consignation des renseignements sur son allergie à son dossier est lorsqu'elle s'enregistre avant son vol. Mme Huyer ajoute qu'au fil des années, elle a tenté à maintes reprises d'informer Air Canada de son état de santé avant les vols, et avant la journée du vol. Elle explique qu'elle a fait inclure l'information dans sa réservation par des agents de voyages, qu'elle a téléphoné au service à la clientèle d'Air Canada pour que l'information soit portée à son dossier, et qu'elle a téléphoné à l'agent médical d'Air Canada pour que l'information soit portée à son dossier. Selon son expérience, lorsqu'elle parle au chef de cabine ou au commissaire de bord à bord de l'aéronef, on lui dit ne pas avoir d'information relativement à son allergie, ce qui l'a menée à abandonner ses tentatives répétées de faire consigner cette information dans son dossier. Mme Huyer soutient également qu'avant son vol du 1er avril 2006, elle avait écrit une lettre à Air Canada en date du 5 décembre 2005, et qu'Air Canada était au courant de l'existence de son allergie.

[99] Mme Huyer fait valoir qu'à titre de membre Air Canada Élite du programme Aéroplan, elle fait partie des premiers passagers embarqués à bord de l'aéronef, ce qui signifie qu'en plus de l'information sur son allergie aux noix que devrait déjà posséder Air Canada, les membres de l'équipage d'un vol international devraient habituellement avoir au moins une heure pour s'occuper de sa situation. En pratique toutefois, Mme Huyer soutient que lorsque qu'elle embarque dans l'aéronef et informe l'équipage de son allergie, on lui demande de se rendre à son siège en attendant que le commissaire de bord puisse lui parler, ce qui survient généralement juste avant la fermeture des portes de la cabine. Mme Huyer indique que toute responsabilité pour ce qui serait de retarder un vol est imputable au personnel ou à l'équipage d'Air Canada. Mme Huyer indique également que le fait qu'Air Canada ait pu accommoder sa situation en éliminant toutes les noix de son vol du 6 avril indique que sa demande n'était pas déraisonnable.

[100] Il est clair que Mme Huyer a déjà informé Air Canada de son allergie, mais chaque réservation est consignée à un nouveau dossier, et aucun élément de preuve n'indique qu'elle a informé à l'avance Air Canada de son allergie pour ce qui est de son vol du 1er avril. L'Office conclut donc que Mme Huyer n'a pas donné de préavis de son allergie aux noix dans le contexte de son vol du 1er avril.

[101] L'Office a déterminé que l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, en l'absence de préavis, consiste à ce que le transporteur fasse de son mieux pour instituer une zone tampon, et s'il n'est pas en mesure de le faire, à ce qu'il place le passager à bord du prochain vol qu'il est raisonnablement possible de prendre, et y institue alors une zone tampon. Dans le cas du vol du 1er avril de Mme Huyer, l'Office a déterminé qu'elle n'avait pas donné de préavis. Comme les amandes faisant partie du service de collation étaient déjà à bord, Air Canada a décidé de confirmer une place pour Mme Huyer à bord du vol suivant, qui partait environ deux heures et demie plus tard et à bord duquel les noix qu'on avait prévu servir ont été remplacées par une autre collation et une annonce a été faite à tous les passagers, leur demandant de s'abstenir de consommer des produits contenant des noix ou des arachides.

[102] L'Office conclut que Mme Huyer a obtenu un accommodement approprié. En l'absence de préavis pour le vol en question, pour lequel le service de traiteur avait déjà été fourni, Air Canada a confirmé une place pour Mme Huyer sur un vol subséquent, à bord duquel aucune noix n'a été servie ou vendue et une annonce a été faite aux passagers, leur demandant de s'abstenir de consommer des noix. L'Office conclut donc que Mme Huyer n'a pas fait face à un obstacle à ses possibilités de déplacement relativement à la réponse d'Air Canada à sa demande d'accommodement pour le vol AC848 entre Toronto et Londres le 1er avril 2006.

Réponse d'Air Canada aux demandes d'accommodement de Mme Huyer pour le vol AC873 entre Francfort et Toronto, le 20 mai 2006

[103] Le DP de Mme Huyer indique qu'elle a informé Air Canada de son allergie aux noix le 9 mai 2006. Une fois à bord, Mme Huyer a rappelé son allergie au personnel du transporteur et demandé que ce dernier s'abstienne de servir des amandes à ses passagers en classe affaires. Air Canada soutient que le défaut répété de Mme Huyer de donner un préavis en temps opportun au transporteur à l'égard de son allergie fait en sorte qu'Air Canada n'avait pas de collation de remplacement à servir ses passagers en classe affaires, et qu'elle ne pouvait donc pas accommoder la demande de Mme Huyer de s'abstenir de servir la collation d'amandes en classe affaires. Air Canada soutient que le chef de cabine a discuté de la situation avec le capitaine, et qu'il a été convenu qu'on continuerait de servir des amandes en classes affaires parce qu'il n'y avait pas de collation de remplacement. Air Canada a informé Mme Huyer que le transporteur n'accommoderait pas sa demande, et lui a donné le choix de rester à bord de l'aéronef ou de débarquer. Mme Huyer a choisi de rester à bord de l'aéronef, mais par ordre du capitaine, elle a dû signer une dispense.

[104] Air Canada fait valoir qu'à la suite de la décision de Mme Huyer de rester à bord de l'aéronef, on lui a proposé de lui assigner un siège dans la dernière rangée de l'aéronef, pour qu'elle soit le plus loin possible des amandes qui seraient servies en classe affaires. Mme Huyer a refusé l'offre et a passé une quarantaine de minutes dans une des toilettes de l'aéronef, pendant qu'on servait des noix aux passagers. Mme Huyer indique qu'en raison de la nature de la circulation de l'air dans l'aéronef, l'assignation à un autre siège ne peut pas être considérée comme une mesure préventive utile. Mme Huyer est d'avis que la poussière des noix peut atteindre l'arrière de la cabine de l'aéronef par la circulation de l'air.

[105] Air Canada indique que le comportement de Mme Huyer était déraisonnable. Le transporteur fait valoir qu'il peut être possible dans certains cas de remplacer certaines collations qui peuvent contenir des noix, mais que cette mesure comporte des coûts et exige une planification. Air Canada est d'avis que Mme Huyer a choisi d'attendre au moment de l'embarquement pour divulguer son allergie d'une façon qui alarmerait l'équipage et perturberait son vol du 20 mai.

[106] Mme Huyer indique qu'elle n'a pas eu un comportement perturbateur, et que le retard de l'aéronef n'était pas non plus attribuable à son comportement. Elle explique qu'elle a informé le personnel de bord de son allergie dès qu'elle est embarquée à bord de l'aéronef, mais qu'il ne lui a parlé de la situation que 20 ou 30 minutes plus tard, après la fermeture des portes de l'aéronef. Mme Huyer affirme qu'il y a eu une discussion animée, de part et d'autre, qui a duré une dizaine de minutes. Selon elle, il ne s'agit pas d'une perturbation ou d'une cause de retard du vol.

[107] Air Canada fait valoir que Mme Huyer a attendu l'embarquement avant de divulguer son allergie, mais l'Office conclut, à partir de la preuve contenu dans son DP, que Mme Huyer a informé Air Canada de son allergie le 9 mai 2006, soit plusieurs jours à l'avance de son voyage du 20 mai 2006.

[108] Lorsque Mme Huyer a informé le personnel de bord du transporteur de son allergie et demandé qu'on ne serve pas d'amandes en classe affaires, Air Canada a donné à Mme Huyer le choix de rester à bord de l'aéronef ou de débarquer. Lorsque Mme Huyer a décidé de rester à bord, le capitaine a exigé qu'elle signe une dispense libérant Air Canada, le capitaine et son équipage complet de toute responsabilité relativement à son état médical, plus précisément sa réaction allergique extrême aux noix et aux produits contenant des noix. L'Office conclut que cette exigence était inopportune, puisqu'il n'existe pas d'élément de politique étayant la décision ponctuelle du capitaine et qu'Air Canada ne l'a pas justifiée. Mme Huyer était extrêmement préoccupée par son bien-être, et l'exigence qu'elle signe une dispense n'aurait pu qu'exacerber cette préoccupation. De plus, en lui imposant de renoncer à ses recours juridiques contre le transporteur, Air Canada la plaçait en situation désavantageuse par rapport aux autres passagers.

[109] Quoi qu'il en soit, l'Office a conclu que lorsqu'un préavis est donné, l'accommodement approprié pour les passagers ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix consiste à les asseoir dans une zone tampon. À la suite de la décision de Mme Huyer de rester à bord de l'aéronef, Air Canada a proposé de lui assigner un siège dans la dernière rangée de l'aéronef, pour la séparer de la cabine de la classe affaires où on servirait des amandes. Mme Huyer a refusé l'offre et s'est dite d'avis qu'en raison de la nature de la circulation de l'air dans l'aéronef, l'assignation à un autre siège ne peut pas être considérée comme une mesure préventive utile, et que la poussière des noix peut atteindre l'arrière de la cabine de l'aéronef par la circulation de l'air.

[110] L'opinion de Mme Huyer sur la nature de la circulation de l'air dans la cabine de l'aéronef est contraire à la preuve qui a été déposée devant l'Office, relativement à la façon dont on fait circuler l'air dans la cabine, à l'efficacité du système de circulation dans un aéronef moderne et à l'efficacité de la filtration HEPA dans les aéronefs. De plus, la preuve des experts indique que le risque d'exposition par inhalation d'un allergène qui se déplacerait en forme aérosol, dans la mesure où un tel risque existe, est encore plus atténué en fournissant l'accommodement approprié, soit une zone tampon.

[111] Dans le cas présent, Mme Huyer a refusé l'offre d'occuper un siège dans la dernière rangée de l'aéronef, à l'écart de l'allergène. L'Office conclut donc que Mme Huyer n'a pas fait face à un obstacle à ses possibilités de déplacement relativement à la réponse d'Air Canada à sa demande d'accommodement pour le vol AC873 entre Francfort et Toronto le 20 mai 2006.

Réponse d'Air Canada à la demande d'accommodement de Mme Nugent pour le vol AC626 entre Montréal et St. John's le 2 mai 2006

[112] Mme Nugent indique qu'elle a informé le personnel de bord de la grave allergie aux arachides de Melanie, et demandé qu'Air Canada fasse une annonce pour demander aux passagers de s'abstenir de manger des arachides ou des collations contenant des arachides. Mme Nugent ajoute qu'on lui a indiqué qu'il n'y aurait pas d'annonce et que le personnel de transporteur était tenu d'offrir des cajous à ses passagers. Les Nugent se sont rendus à l'avant de l'appareil pour tenter, sans succès, de parler au capitaine, et M. Nugent a pris la parole à haute voix pour annoncer l'allergie de Melanie aux passagers à bord du vol.

[113] Air Canada fait valoir que Mme Nugent n'a pas demandé seulement une annonce, mais aussi qu'on ne serve pas de cajous aux passagers en classe affaires. Air Canada ajoute qu'à son arrivée à bord de l'aéronef, Mme Nugent a indiqué au personnel de bord qu'il devait annoncer qu'il n'y aurait pas de service de noix à bord de ce vol. Air Canada explique avoir offert aux Nugent de les asseoir à l'arrière de l'aéronef, où ils seraient séparés du reste des passagers par six rangées de sièges vides, et de la classe affaires, où on servait des cajous, par une distance de douze rangées, mais cette offre de transfert de sièges a été refusée. Air Canada a fait valoir que son personnel de bord a indiqué qu'il n'annoncerait pas la disponibilité de cajous dans le cadre de son service d'achat à bord, mais que si un passager en demandait, le personnel ne pouvait pas refuser d'en vendre. Air Canada indique que lors de ce vol particulier, personne n'a acheté de cajous, mais les passagers de la classe affaires ont effectivement mangé des cajous.

[114] Air Canada explique que le système de communication à bord de ses aéronefs doit être utilisé pour des annonces de sécurité nécessaires aux opérations de l'aéronef et à la sécurité de tous les passagers. Air Canada indique que ce système n'a pas à être utilisé pour annoncer toutes les intolérances et allergies de chacun des passagers qui arrive et en fait la demande. Air Canada soutient que puisque l'élément auquel Melanie Nugent est allergique, soit les arachides, n'allait pas être servi, son personnel avait raison de refuser de faire une annonce publique.

[115] En ce qui a trait à l'utilisation du système de communication pour la sécurité de tous les passagers, Mme Nugent indique qu'à titre de passagers à bord de l'aéronef, sa famille devrait être réputée faire partie de « tous ».

[116] L'Office a déterminé que l'accommodement approprié pour les passagers ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, lorsqu'un préavis est donné, consiste à les asseoir dans une zone tampon, avec une annonce aux autres passagers dans cette zone. En l'absence de préavis, le transporteur doit faire de son mieux pour instituer une zone tampon, et s'il n'est pas en mesure de le faire, placer le passager à bord du prochain vol qu'il est raisonnablement possible de prendre, et y instituer alors une zone tampon et faire une annonce dans cette zone. Dans le cas présent, Air Canada a proposé de déplacer les Nugent à l'arrière de l'aéronef, où ils seraient séparés du reste des passagers par six rangées de sièges vides, et de la classe affaires, où on servait des cajous, par une distance de douze rangées. Par conséquent, bien que les Nugent aient refusé l'offre d'Air Canada, l'Office conclut qu'on a proposé aux Nugent un accommodement approprié. L'Office conclut donc que Melanie Nugent n'a pas fait face à un obstacle à ses possibilités de déplacement relativement à la réponse d'Air Canada à sa demande d'accommodement pour le vol AC626 entre Montréal et St. John's.

La question de savoir si l'absence d'une politique officielle d'accommodement relativement aux arachides ou aux noix constitue un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Huyer, de Melanie Nugent et des personnes dont l'allergie aux arachides ou aux noix constitue une déficience au sens de la partie V de la LTC

[117] Bien que les demanderesses soient préoccupées de la possibilité que le service de noix à l'intérieur de la cabine de l'aéronef augmente le risque d'avoir une réaction allergique, la preuve mène à conclure qu'une zone tampon ou d'exclusion, dans laquelle les passagers seront informés qu'ils peuvent seulement consommer des aliments ne contenant pas d'arachides ou de noix, et qu'on leur offrira seulement des aliments ne contenant pas d'arachides ou de noix dans le cadre du service de collation ou de repas d'Air Canada, constitue l'accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix. Par conséquent, il n'est pas nécessaire qu'Air Canada modifie sa politique ou sa pratique de vendre ou d'offrir des noix, en autant qu'Air Canada fournisse cet accommodement approprié.

[118] Bien que l'Office ait déterminé que l'accommodement approprié a été fourni ou offert dans les cas particuliers de Mme Huyer et de Melanie Nugent, l'accommodement a été fourni de façon ponctuelle, et ne découlait pas d'une politique clairement énoncée visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix.

[119] L'Office est préoccupé par l'absence d'une politique officielle visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix. L'Office estime que lorsqu'elle font leurs plans de voyage, les personnes ayant une déficience ont droit au même degré de certitude que les autres quant à leur capacité de voyager comme prévu. Pour la plupart des gens, cette certitude est assurée par leur réservation. Les personnes ayant une déficience doivent aussi avoir l'assurance que le transporteur répondra à leurs besoins liés à leur déficience lors d'un voyage. L'expérience de Mme Huyer et de Melanie Nugent souligne le fait que l'absence d'une politique officielle d'Air Canada visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix ne leur fournit pas cette assurance ou cette certitude, créant des situations où des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix doivent soit voyager malgré une appréhension considérable à l'endroit de leur santé et de leur bien- être, soit changer leurs plans de voyage.

[120] Mme Huyer fait valoir qu'Air Canada n'a pas de politique ou de stratégie clairement définie pour répondre aux besoins de personnes allergiques aux noix, et explique qu'il existe une probabilité d'environ 50 pour cent qu'elle ait affaire à du personnel du transporteur qui accommodera ce qu'elle appelle sa « situation ». Mme Huyer affirme que dans de nombreux cas, le personnel a très bien agi, tant pour ce qui est de la compréhension du sérieux de la situation que de la fourniture d'un accommodement. Elle indique cependant qu'il y a aussi une probabilité de 50 pour cent que le personnel du transporteur n'offre pas d'accommodement pour sa situation. Mme Huyer souligne que selon son expérience, il semble qu'il revient entièrement aux membre de l'équipage de décider si on s'abstiendra ou non de servir des collations aux noix en réponse à la demande d'une personne ayant une allergie grave aux noix.

[121] Dans une lettre à Air Canada, Mme Huyer a cherché à obtenir une quelconque assurance qu'Air Canada traitait la situation de façon proactive, et elle aimerait aussi qu'on lui assure que lors de son prochain voyage, sa situation sera traitée avec professionnalisme.

[122] Mme Huyer indique que le fait d'avoir une allergie susceptible de causer la mort à une collation alimentaire donnée, un état de plus en plus courant, ne devrait pas empêcher quiconque de voyager par avion, et que cette personne ne devrait pas avoir à quitter l'aéronef ou à limiter radicalement sa carrière, dont les voyages constituent un élément important, à cause d'une condition physique facile à accommoder.

[123] Mme Nugent souligne également le manque de certitude découlant de l'absence d'une politique. Elle fait valoir que sur trois des quatre vols ayant fait partie du voyage des Nugent en Floride, le personnel du transporteur leur a permis de faire un voyage aussi sécuritaire que ce à quoi ils pouvaient s'attendre et n'a pas hésité à faire une annonce à l'ensemble des passagers concernant l'allergie de Melanie. Les Nugent ont toutefois eu affaire à une réaction différente de la part du personnel du transporteur pour leur quatrième vol.

[124] Même si les deux experts ont convenu qu'il serait impossible de créer un environnement totalement exempt d'allergènes, ils ont abordé les risques d'exposition accidentelle à un allergène. Dr Sussman a expliqué que pour les personnes ayant une allergie grave, craindre une exposition accidentelle constitue un état de nécessité et actuellement, éviter l'aliment allergène représente le seul traitement préventif disponible. Les deux experts défendent également les avantages d'une zone tampon.

[125] Il ressort clairement de la preuve qu'il existe un besoin d'une politique officielle visant a répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix. Une telle politique éliminerait l'incertitude que connaît une personne à chacun de ses voyages, atténuant le risque qu'elle soit exposée à un allergène susceptible d'entraîner de graves conséquences. La création d'une zone tampon ou d'exclusion, dans laquelle les passagers seraient informés qu'ils peuvent seulement manger des aliments ne contenant pas d'arachides ou de noix et que dans le cadre du service de collation ou de repas d'Air Canada, on leur offrira seulement des aliments qui ne contiennent pas d'arachides ou de noix, traiterait également de la question du risque que d'autres passagers mangent des arachides ou des noix.

[126] Par conséquent, l'Office conclut que l'absence d'une politique officielle d'Air Canada visant a répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, et l'incertitude ainsi créée, constituent un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Huyer, de Melanie Nugent et des personnes dont l'allergie aux arachides ou aux noix constitue une déficience au sens de la partie V de la LTC.

Conclusion

[127] Pour ce qui est des incidents particuliers ayant abouti aux demandes déposées par Rhonda Nugent, au nom de sa fille Melanie, et par Mme Huyer, l'Office a déterminé que Melanie Nugent et Mme Huyer n'ont pas fait face à des obstacles à leurs possibilités de déplacement puisqu'Air Canada a répondu à leurs besoins, bien que de façon ponctuelle.

[128] Cependant, l'Office a aussi conclu que l'absence d'une politique officielle visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux arachides ou aux noix, et l'incertitude ainsi créée, constituent un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Huyer, de Melanie Nugent et des personnes dont l'allergie aux arachides ou aux noix constitue une déficience au sens de la partie V de la LTC.

[129] L'Office a déterminé que la création d'une zone tampon, avec une annonce à l'intérieur de cette zone, constitue l'accommodement approprié pour une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux arachides ou aux noix. En ce qui a trait à la zone tampon, l'Office enjoint à Air Canada de fournir un mémoire, étayé par une justification, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, sur les points suivants :

  • ce qui constitue un préavis adéquat du besoin d'accommodement d'une personne sous forme de zone tampon, en raison de son allergie aux arachides ou aux noix;
  • la taille recommandée et disponible de la zone tampon pour chacun de ses types d'aéronef.

[130] Lorsqu'Air Canada aura déposé son mémoire, Mme Huyer et Mme Nugent auront 10 jours pour déposer leurs commentaires sur le mémoire, à la suite de quoi l'Office finalisera sa détermination à l'égard de l'accommodement approprié. Si Air Canada accepte d'assurer l'accommodement approprié comme il a été déterminé, elle devra soumettre une politique officielle à l'office aux fins d'examen et d'approbation. Cette politique comprendra une description claire du processus qu'Air Canada mettrait en œuvre afin d'assurer un accommodement approprié aux personnes qui ont une déficience en raison de leur allergie aux arachides et aux noix. Si Air Canada n'accepte pas d'assurer l'accommodement approprié, elle aura l'occasion de déposer ses arguments sur l'existence d'une contrainte excessive. L'Office déterminera le délai lié au dépôt de ces arguments lorsqu'il aura finalisé sa détermination sur l'accommodement raisonnable.

Membre(s)

John Scott
Raymon J. Kaduck
J. Mark MacKeigan
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