Décision n° 335-AT-A-2007

le 29 juin 2007

le 29 juin 2007

DEMANDE présentée par Dre Terri E. Weinberg au nom de sa fille, Lauren Weinberg, en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, relativement au refus d'Air Canada de prêter assistance à Lauren Weinberg dans l'aérogare de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto et aux difficultés éprouvées relativement aux arrangements de repas à servir à sa fille en raison de son intolérance au soja lors d'un voyage avec Air Canada entre Toronto (Ontario), au Canada, et Los Angeles, Californie, aux États-Unis d'Amérique.

Référence no U3570/01-43


DEMANDE

[1] Le 8 août 2000, Dre Terri E. Weinberg, au nom de sa fille, Lauren Weinberg, a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé. Air Canada a déposé sa réponse le 9 août 2002 et Dre Weinberg y a répliqué les 14 et 20 août 2002. D'autres mémoires ont été soumis par Dre Weinberg et Air Canada entre le 6 janvier 2005 et le 29 janvier 2007.

[2] Comme Air Canada a mis en doute la compétence de l'Office en contestant que les allergies sont une déficience aux fins de l'application de la partie V de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC) dans le cadre de deux plaintes relatives aux allergies, l'Office a décidé de trancher cette question de compétence avant de procéder au traitement de la présente demande et d'autres. Dans sa décision no 243-AT-A-2002 du 10 mai 2002, l'Office a conclu que les allergies ne sont pas en soi une déficience au sens de la partie V de la LTC. Néanmoins, l'Office a fait valoir que certains membres de la population des personnes allergiques ont peut-être une déficience, attribuable à leurs allergies, aux fins de l'application de la partie V de la LTC. C'est pourquoi l'Office a indiqué qu'il allait déterminer au cas par cas si la personne allergique est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions de la LTC en matière d'accessibilité et qu'il ferait donc cet examen dans le cadre de la demande de Dre Weinberg.

[3] Par voie de la décision no LET-AT-A-27-2003 du 4 février 2003, l'Office a ajourné l'affaire de Dre Weinberg jusqu'à ce que la Cour d'appel fédérale se penche sur l'appel de la décision de l'Office no 567-AT-A-2002 du 23 octobre 2002 relativement à une demande déposée par Linda McKay-Panos contre Air Canada (ci-après la décision McKay-Panos), puisqu'il y est question de l'examen qu'effectue l'Office pour déterminer si la personne a une déficience.

[4] Par la suite, plus précisément du 1er avril 2003 au 30 septembre 2004, toutes les mesures prises contre Air Canada ont été, par un jugement homologué par la Cour supérieure de justice de l'Ontario, suspendues jusqu'à sa sortie de la protection contre ses créanciers en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C., 1985, ch. C-36.

[5] Le 13 janvier 2006, la Cour d'appel fédérale a rendu sa décision concernant l'appel de la décision McKay-Panos dans laquelle elle a accepté la façon adoptée par l'Office pour déterminer si la personne a une déficience, et ce, comme elle est définie dans la décision no 243-AT-A-2002.

[6] Par voie de la décision no LET-AT-A-207-2006 du 21 juillet 2006, l'Office a avisé qu'il poursuivait maintenant son enquête portant sur la demande de Dre Weinberg. L'Office a reconnu que les questions relatives à la présence d'allergènes à bord des aéronefs sont complexes et, ainsi, l'Office a déterminé qu'un processus en deux volets était tout indiqué pour procéder à l'examen des demandes relatives aux allergies. L'Office a donc fait part de son intention de rendre deux décisions à l'égard de telles demandes. Dans une première décision, l'Office déterminera si la personne a une déficience et si elle a fait face à un obstacle à ses possibilités de déplacement; dans une deuxième décision, il se penchera sur le caractère abusif de l'obstacle, le cas échéant. Dans le cas en l'espèce, si l'Office déterminait que Lauren est une personne ayant une déficience et qu'elle a fait face à un ou des obstacle(s) à ses possibilités de déplacement, Air Canada serait alors tenue de se prononcer sur le caractère abusif de tout obstacle auquel l'Office aurait conclu. Ainsi, dans la présente décision, l'Office se limitera à déterminer si Lauren Weinberg a une déficience et si elle s'est heurtée à des obstacles à ses possibilités de déplacement.

[7] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.

QUESTION

[8] L'Office doit déterminer si le défaut d'Air Canada de satisfaire aux besoins liés à la déficience de Lauren Weinberg en refusant de lui prêter assistance dans l'aérogare de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (ci-après l'aéroport de Toronto) et en refusant de lui servir un repas exempt de soja lors de son voyage avec Air Canada entre Toronto et Los Angeles ont constitué des obstacles à ses possibilités de déplacement.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[9] Air Canada fait valoir qu'elle subit un préjudice du fait qu'elle doive répondre à une demande qui a été déposée auprès de l'Office deux ans suivant la survenance de l'incident dont il est question, soit en 1998. Air Canada ajoute que, comme le traitement de la demande a été retardé d'au moins cinq ans, l'Office devrait rejeter la demande sous prétexte qu'elle est tardive, que sa date est périmée et que la limite de temps est dépassée. Dre Weinberg précise que l'incident s'est produit en 1999 et qu'elle a déposé sa demande auprès de l'Office dans des délais raisonnables. Elle souligne qu'elle n'est nullement responsable des longs délais dans le traitement de sa demande et que ceux-ci ne peuvent lui être imputés pour des motifs d'inaction de sa part. Bien que l'Office reconnaisse que de longs délais sont survenus pour diverses raisons dans le traitement de cette affaire, la LTC ne comporte pas de limite de temps pour déposer une demande et, par conséquent, l'Office ne rejettera pas la demande.

[10] Bien que Dre Weinberg croyait que sa demande faisait mention de deux vols (exploités respectivement par Air Canada et Air Canada exerçant également son activité sous le nom d'Air Canada Tango By Air Canada) et non à un seul, l'Office note que la mention du deuxième vol à bord duquel les Weinberg ont éprouvé des difficultés à Vancouver est apparue une première fois dans une lettre du 26 mai 2002, puis une seconde fois dans une lettre du 17 août 2002. L'Office souligne que ces mentions du deuxième vol sont vagues, qu'elles ne fournissent pas suffisamment de détails pour permettre au transporteur d'y répondre, et qu'elles ne figuraient pas dans la demande. Ainsi, l'Office ne traitera que du vol cité par Dre Weinberg dans la demande.

FAITS

[11] Lauren Weinberg a une hypersensibilité aux composés organiques volatils (ci-après les COV) en suspension dans l'air et, de ce fait, elle peut avoir besoin d'aide pour qu'on lui assure un accès approprié dans les lieux publics où des COV ont été utilisés récemment. Dre Weinberg a déposé auprès de l'Office une lettre du médecin de Lauren en date du 10 juillet 2001 indiquant que Lauren éprouve des malaises (seizure disorder) lorsqu'elle est exposée à de la peinture fraîche au latex, à l'huile ou acrylique de même qu'à d'autres COV, y compris les produits solvants, scellants et tout autre produit dégageant de fortes émanations, et qu'elle doit donc éviter d'y être exposée.

[12] Avant son voyage de Toronto à Los Angeles, Dre Weinberg a communiqué avec Air Canada pour savoir si des travaux de peinture auraient lieu dans l'aérogare et, le cas échéant, pour prendre des arrangements pour que Lauren puisse être accompagnée dans l'aérogare et suivre la route la plus sûre possible. Après s'être entretenue avec Air Canada, Dre Weinberg, sur avis d'Air Canada, a communiqué avec l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (ci-après l'AAGT) qui l'a informée des importants travaux de rénovation qui auraient lieu dans l'aérogare pendant la période visée de son voyage. Air Canada a refusé de prêter assistance pour accompagner Lauren dans l'aérogare; un représentant de l'AAGT lui a éventuellement fourni cette assistance après que Dre Weinberg ait expliqué la situation à l'AAGT.

[13] De plus, au moment de son voyage, Lauren Weinberg était intolérante aux aliments à base de soja. Dre Weinberg a déposé une lettre du médecin de Lauren confirmant, par un historique, la sévérité de l'intolérance de Lauren aux aliments à base de soja.

[14] Dre Weinberg a demandé qu'on serve à sa fille un repas exempt de soja au moment du service des repas en vol. Lorsqu'Air Canada a informé Dre Weinberg qu'elle était dans l'impossibilité de fournir un repas exempt de soja à Lauren, Dre Weinberg a communiqué directement avec les pourvoyeurs d'Air Canada afin de prendre des arrangements pour obtenir des repas exempts de soja pour sa fille.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[15] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

[16] Aux termes de l'article 172 de la LTC, l'Office a le mandat d'enquêter sur certaines questions pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. En cas de décision positive, l'Office peut exiger la prise de mesures correctives indiquées. À cet égard, l'Office se penche sur les faits dont les parties l'ont saisi pour déterminer si la demanderesse est une personne ayant une déficience.

Lauren Weinberg est-elle une personne ayant une déficience?

[17] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Dans la décision no 243-AT-A-2002 du 10 mai 2002, l'Office a décidé de se fonder sur les concepts relatifs à la détermination d'une déficience qu'il a présentés dans sa décision no 646-AT-A-2001 du 12 décembre 2001 (demande déposée par Linda McKay-Panos contre Air Canada) pour déterminer si les personnes ayant des allergies sont des personnes ayant une déficience aux fins de la partie V de la LTC. L'Office a reconnu que la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé de l'Organisation mondiale de la Santé (2001) (ci-après la CIF) pourrait être utile dans son analyse des questions de déficience et a conclu que la CIF constitue un modèle approprié pour déterminer si une personne allergique est une personne ayant une déficience aux fins de la partie V de la LTC.

[18] L'analyse du modèle de déficience de la CIF contient une classification complète des fonctions organiques et des structures anatomiques et établit trois dimensions de déficience, à savoir l'invalidité, la limitation d'activités et la restriction de participation. Ces concepts sont décrits plus en profondeur dans la décision no 646-AT-A-2001.

[19] Dans la décision no 243-AT-A-2002, l'Office a indiqué ce qui suit :

  1. il faut qu'il y ait invalidité pour qu'il y ait une déficience pour l'application de la partie V de la LTC.
  2. une invalidité ne suffit pas à elle seule à conclure qu'un état de santé est une déficience pour l'application de la partie V de la LTC.
  3. pour déterminer qu'une personne a une déficience pour l'application de la LTC, il est nécessaire de démontrer que la personne se heurte à des limitations d'activités ou à des restrictions de participation dans le cadre du réseau fédéral de transport.

[20] Dans cette décision, l'Office a aussi conclu que « pour trancher la question de savoir si une personne allergique fait face à des limitations d'activités et/ou à des restrictions de participation dans le cadre du réseau fédéral de transport dans un contexte particulier, il faut analyser chaque cas selon son bien-fondé. » À cet égard, l'Office a déterminé « qu'il faut une preuve factuelle de l'existence de limitations d'activités et/ou de restrictions de participation [...] pour conclure qu'une personne allergique est une personne ayant une déficience pour l'application de la partie V de la LTC. »

[21] À la lumière de ce qui précède, l'analyse suivante de l'Office sur la question de savoir si Lauren Weinberg est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC repose sur le modèle de déficience de la CIF qui est élaboré dans la décision no 646-AT-A-2006.

Invalidité

[22] Comme en rend compte la décision no 243-AT-A-2002, l'hypersensibilité et les allergies sont reconnues comme une invalidité au sens de la CIF.

[23] En ce qui a trait à l'hypersensibilité aux COV de Lauren, Dre Weinberg a déposé une attestation médicale provenant du médecin de Lauren en date du 10 juillet 2001 qui indique qu'elle éprouve des malaises lorsqu'elle est exposée à des COV. En se fondant sur la preuve médicale au dossier, l'Office estime que l'hypersensibilité aux COV de Lauren Weinberg constitue une invalidité.

[24] De plus, Dre Weinberg a déposé une attestation médicale du médecin de Lauren indiquant qu'au moment de faire son voyage Lauren était très intolérante aux aliments à base de soja, bien que cette intolérance se soit dissipée lorsque Lauren a atteint l'âge de 7 ans, approximativement. Dre Weinberg ajoute que cette intolérance est connue sous le nom spécifique de « gastroentéropathie allergique », une forme d'allergie pédiatrique. Bien que l'Office note la position d'Air Canada qu'une intolérance temporaire aux aliments à base de soja ne constitue pas une invalidité, l'Office tient compte de l'état médical d'une personne au moment de l'incident et accepte depuis fort longtemps que certaines invalidités temporaires constituent un fondement admissible pour déterminer qu'une personne a une déficience au sens de la Partie V de la LTC. À la lumière de la preuve médicale au dossier, Lauren avait une allergie, une sévère intolérance aux aliments à base de soja, lorsque l'incident s'est produit, et, par conséquent l'Office estime que l'intolérance de Lauren Weinberg aux aliments à base de soja constituait une invalidité.

Limitations d'activités et/ou restrictions de participation dans le cadre du réseau fédéral de transport

[25] Le modèle de déficience de la CIF définit les limitations d'activités comme étant des difficultés qu'une personne peut éprouver lorsqu'elle s'adonne à une activité. Le modèle précise qu'une limitation d'activités peut varier selon l'écart, léger ou sérieux, dans la capacité d'exercer l'activité de la manière et dans la mesure escomptées de la part des gens n'ayant pas ce problème de santé peut être plus ou moins grand, tant en qualité qu'en quantité. Bien que l'Office note qu'une limitation d'activités peut être légère en soi, il est d'avis que pour les besoins de son analyse, une limitation doit être assez importante pour être assimilée à une difficulté à s'adonner à une tâche ou à un mouvement.

[26] Les restrictions de participation sont définies dans le modèle de déficience de la CIF comme étant des problèmes éprouvés dans la participation effective à des situations de la vie. La présence d'une restriction de participation se détermine en comparant la participation d'un individu à celle qu'on attend, dans telle culture ou telle société, d'un individu qui n'a pas de déficience. Par conséquent, si une personne, en raison de ses limitations d'activités, éprouve plus de difficulté à voyager qu'une personne qui n'en a pas, on peut dire que cette personne éprouve des restrictions de participation.

[27] Dans sa décision no 243-AT-A-2002, l'Office a déterminé qu'il faut une preuve factuelle de l'existence de limitations d'activités et/ou de restrictions de participation dans le réseau de transport fédéral pour conclure qu'une personne ayant une allergie est une personne ayant une déficience aux fins de l'application de la Partie V de la LTC.

Hypersensibilité aux COV

[28] L'Office note que le médecin de Lauren Weinberg a déclaré que lorsqu'elle est exposée à des COV, y compris à de la peinture fraîche au latex, à l'huile ou acrylique, de même qu'aux solvants, scellants ou autres produits dégageant de fortes émanations, elle peut éprouver des malaises. Son médecin a ajouté qu'elle doit donc éviter d'être exposée à de tels produits. De plus, dans le rapport consultatif sur l'écho-diagnostic du 28 octobre 1997 de Lauren, il est noté l'apparition récente de malaises complexes de type partiel. Dre Weinberg ajoute que l'image par résonance magnétique (IRM) obtenue rend un diagnostic de sclérose temporale mésiale que Dre Weinberg explique comme étant essentiellement une lésion permanente du cerveau causant des malaises. Dre Weinberg indique que lorsqu'elle entre dans des endroits où l'on a récemment utilisé de la peinture ou des COV, et même dans les endroits pourvus d'un système de ventilation commun, Lauren éprouve de multiples malaises.

[29] Dre Weinberg ajoute qu'à cause de l'hypersensibilité de Lauren aux COV, il se peut qu'elle ait besoin de services qui ne sont pas généralement offerts aux autres passagers, y compris de l'aide pour lui faire suivre un trajet qui l'éloigne des endroits où l'on effectue des rénovations dans l'aérogare, la prise d'arrangements pour qu'elle puisse attendre l'embarquement de son vol dans un salon qui n'est pas touché par des rénovations, de même que la prise de tous les arrangements nécessaires pour assurer l'assistance du personnel au sol lors de ses déplacements entre les divers endroits désignés dans l'aérogare et pour la raccompagner, au moment opportun, à la porte d'embarquement de son vol.

[30] Dre Weinberg affirme que le simple fait de faire suivre à Lauren un autre trajet réduit le risque qu'elle subisse des malaises. Dre Weinberg ajoute qu'à moins qu'on soit en mesure de fournir à Lauren l'assistance requise, il lui est impossible d'accéder à des endroits près desquels des COV ont été récemment utilisés. Comme Lauren ne peut entrer dans les endroits où des COV ont été récemment utilisés, Dre Weinberg indique que cela représente pour elle une restriction de participation.

[31] À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office est convaincu que Lauren Weinberg a des malaises lorsqu'elle est exposée à des COV, et que cette invalidité la limite considérablement dans ses activités. De plus, le fait que l'on doive faire suivre à Lauren un trajet plus sûr et différent de celui qu'emprunte normalement le public en général dans un aérogare où des travaux de rénovation et/ou de peinture sont en cours constitue une preuve que cela représente pour elle une restriction de participation dans le contexte du réseau fédéral de transport.

Intolérance aux aliments à base de soja

[32] Le médecin de Lauren a expliqué que celle-ci avait à plusieurs reprises démontré une sévère intolérance aux aliments à base de soja. Dre Weinberg indique qu'après avoir ingéré ne serait-ce qu'une infime quantité de soja, Lauren a simultanément des douleurs abdominales, des vomissements et la diarrhée, ce qui compromet de façon importante sa santé et sa capacité de fonctionner et ce qui la contraindrait à passer la quasi-totalité du vol dans les toilettes de l'aéronef.

[33] Bien qu'Air Canada fasse valoir qu'une intolérance à certains produits destinés à la consommation ou que l'impossibilité de consommer la nourriture normalement offerte par le transporteur ne constitue pas une déficience au sens de la Partie V de la LTC et qu'aucune limitation d'activité ni restriction de participation n'a été démontrée, l'Office détermine, d'après la preuve au dossier, que Lauren a éprouvé des limitations d'activité puisqu'elle ne pouvait ingérer de soja sans se rendre malade.

[34] Au moment de l'incident, Air Canada offrait un service de repas à ses passagers et, contrairement à ceux-ci, Lauren n'a pu en profiter en raison de son intolérance aux aliments à base de soja puisqu'Air Canada n'offrait pas de repas exempt de soja. De plus, contrairement aux autres passagers, les préparatifs du voyage de Lauren auraient dû comprendre des arrangements pour s'assurer que Lauren aurait accès à un repas qui ne minerait pas sa santé. L'Office détermine donc qu'étant donné que les autres passagers d'Air Canada se sont vu offrir un repas et elle pas, on a fait subir à Lauren Weinberg une restriction de participation dans le réseau de transport fédéral en raison de son intolérance au soja.

[35] Parce qu'il a conclu que Lauren Weinberg a des invalidités qui constituent des restrictions importantes de participation dans le réseau de transport fédéral, l'Office estime que Lauren Weinberg est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions de la LTC en matière d'accessibilité.

[36] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit dans en premier lieu déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à cette question, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.

Démarche de l'Office pour conclure en la présence ou non d'un obstacle

[37] Le mandat que confère la partie V de la LTC à l'Office consiste à veiller à l'élimination des obstacles abusifs que les personnes ayant une déficience rencontrent lorsqu'elles se déplacent dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « obstacle » n'est pas défini dans la LTC, mais il se prête à une interprétation libérale, car il s'entend généralement de ce qui s'oppose au passage, à l'action, à l'obtention d'un résultat ou qui gêne le mouvement. Par exemple, les difficultés ou les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience peuvent survenir dans les installations des fournisseurs de services de transport; ou découler de la conception du matériel ou de l'application de politiques, de procédures et de pratiques; ou résulter du fait que les fournisseurs de services de transport ne se conforment pas à ces dernières, ou encore qu'ils n'ont pas su prendre des mesures positives afin d'assurer leur respect, y compris le fait de ne pas avoir assuré la formation adéquate des employés et des agents contractuels.

[38] Lorsqu'il se penche sur la question de savoir si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, l'Office examine généralement l'incident relaté dans la demande afin de déterminer si la personne qui l'a présentée a établi (prima facea) :

  • qu'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience a été le résultat d'une distinction, d'une exclusion ou d'une préférence;
  • que l'obstacle était lié à la déficience de cette personne;
  • que l'obstacle est discriminatoire du fait qu'il a imposé un fardeau pour la personne ou l'a privée d'un avantage.

[39] Il n'est pas nécessaire d'avoir connu des difficultés lors d'un voyage pour présenter une demande à l'Office en vertu de la partie V de la LTC. Ainsi, la conception d'installations ou de matériel, ou l'éventuelle mise en œuvre d'une politique est suffisante pour permettre à l'Office d'exercer sa compétence.

[40] L'Office a conclu dans des cas antérieurs qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas les personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité après leur retour parce que celles-ci avaient été endommagées pendant le transport. De plus, dans certains cas l'Office a conclu en la présence d'obstacles lorsque les personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais où les circonstances entourant l'expérience ont fait en sorte que les personnes ont été lésées dans leur sentiment de confiance et de sécurité, et dans leur dignité. L'Office a reconnu que de tels sentiments pouvaient faire en sorte que ces personnes seraient peu enclines à vouloir faire d'autres voyages et, par conséquent, avoir un effet négatif sur leurs déplacements.

Le cas présent

Défaut d'Air Canada de satisfaire aux besoins liés à la déficience de Lauren Weinberg en refusant de lui prêter assistance dans l'aérogare de l'aéroport de Toronto

[41] Avant le voyage, Dre Weinberg a communiqué avec les représentants du service à la clientèle d'Air Canada afin de prendre les arrangements nécessaires pour s'assurer que, si des travaux de peinture devaient avoir lieu le jour de son voyage, l'on accompagne sa fille dans l'aérogare en lui faisant suivre un trajet sûr afin d'éviter qu'elle soit exposée aux émanations dégagées par la peinture. Dre Weinberg indique qu'on lui a répondu lors de ses trois premières tentatives que ses appels ne lui seraient pas retournés puisqu'Air Canada n'était pas tenue d'accompagner sa fille pour se rendre à son vol dans l'aérogare à moins que celle-ci ne soit en fauteuil roulant ou qu'elle ne soit un animal de compagnie. Dre Weinberg ajoute que, par la suite, après avoir fourni un document du médecin de Lauren expliquant son état de santé, un représentant du Bureau du président d'Air Canada, qui avait initialement refusé de lui offrir de l'aide, avait finalement accepté de le faire en prenant l'engagement qui suit : advenant que Dre Weinberg fasse elle-même les arrangements avec l'AAGT et obtienne un itinéraire convenable des déplacements dans l'aérogare, le personnel d'Air Canada s'engageait à les accompagner dans leurs déplacements depuis le comptoir d'enregistrement en suivant l'itinéraire obtenu et, au besoin, de les raccompagner depuis le salon d'embarquement désigné jusqu'à l'aéronef. Dre Weinberg fait valoir qu'elle a acheté ses billets en se fondant sur ces arrangements.

[42] Au cours de la semaine avant le départ, l'AAGT a informé Dre Weinberg que des travaux majeurs de peinture et de rénovation auraient lieu dans plusieurs endroits de l'aérogare d'Air Canada au moment de son voyage, mais que l'AAGT pouvait prendre des arrangements pour réduire les risques pour Lauren. L'AAGT a avisé Dre Weinberg qu'elle serait en mesure de tracer un itinéraire sûr qui les conduirait même dans une autre aire d'attente avant le départ de leur vol. Dre Weinberg déclare qu'elle a transmis ces renseignements au représentant du Bureau du président d'Air Canada, qui lui a indiqué que, contrairement à ce qu'elle avait précédemment compris, ses agents accompagneraient sa fille s'ils n'étaient pas trop occupés, et qu'il anticipait déjà qu'ils seraient trop occupés pour lui prêter assistance. Selon Dre Weinberg, au lieu de tenter d'éliminer un obstacle abusif en matière d'accès, Air Canada a plutôt choisi de bloquer l'accès au vol en refusant de prêter l'assistance nécessaire.

[43] À cet égard, Air Canada déclare que Dre Weinberg souhaitait obtenir une garantie de la part du transporteur que Lauren ne serait pas exposée aux émanations provenant de la peinture dans l'aérogare et elle a demandé au personnel du transporteur de les accompagner dans l'aérogare. Air Canada fait valoir qu'elle était incapable de garantir qu'autant l'aéronef que l'aéroport seraient exempts d'allergènes. Air Canada précise que son directeur de l'exploitation à Toronto avait collaboré avec l'AAGT pour trouver la solution la plus viable pour Lauren, mais le directeur a avisé Dre Weinberg que le transporteur ne pouvait l'aider dans ce cas, mais qu'il autoriserait le voyage si l'AAGT fournissait le service d'accompagnement. Air Canada nie avoir garanti que ses agents fourniraient le service d'accompagnement puisque de tels arrangements ne sont ni disponibles ni possibles. Air Canada déclare que ses passagers doivent se soumettre à divers contrôles et que cela est d'autant plus notable depuis la mise en œuvre des nouvelles mesures de sécurité en raison des événements du 11 septembre 2001. Air Canada fait remarquer que son refus ou le défaut de permettre à la fille de Dre Weinberg d'emprunter un trajet différent de celui qu'empruntent les autres passagers pour accéder à l'aéronef ne constitue pas un obstacle à ses possibilités de déplacement.

[44] Dre Weinberg indique que le jour avant le voyage, l'AAGT l'a informée qu'Air Canada refusait maintenant de collaborer. Dre Weinberg affirme qu'Air Canada l'a appelée le jour du vol et qu'elle l'a « bombardée » de questions pendant environ 20 minutes dans le but de les dissuader de voyager, elle et sa fille, et ce même après qu'elle ait reçu un certificat de santé de la part du neurologue de sa fille. Finalement, c'est l'AAGT qui a désigné un préposé pour accompagner les Weinberg dans l'aérogare, afin d'éviter les endroits fraîchement peints, jusqu'à un salon d'embarquement situé dans une aire de ventilation indépendante, et pour les raccompagner, au moment opportun, à la porte d'embarquement de leur vol. L'Office note la déclaration de Dre Weinberg selon laquelle, n'eût été de l'intervention in extremis de l'AAGT, il est peu probable qu'elles auraient réussi à surmonter les obstacles à leurs possibilités de déplacement créés par Air Canada de par son refus de leur prêter assistance.

[45] Bien qu'il y ait des divergences entre les déclarations des parties en ce qui a trait au niveau d'assistance que le transporteur a accepté de fournir à Lauren Weinberg, il est évident que le personnel d'Air Canada n'a pas prêté assistance à Lauren pour se déplacer dans l'aérogare depuis son enregistrement jusqu'à l'embarquement de son vol.

[46] L'Office est d'avis que pour que le réseau de transport fédéral soit jugé accessible, chacune des étapes du cycle de transport, qui englobe plusieurs éléments essentiels, doit être accessible et permettre à une personne ayant une déficience de voyager du point A au point B sans rencontrer d'obstacle abusif. L'Office est depuis longtemps d'avis qu'il incombe aux transporteurs d'offrir l'assistance nécessaire aux personnes ayant une déficience pour se déplacer du comptoir d'enregistrement jusqu'à la porte d'embarquement de leur vol et à bord de l'aéronef. Le fait que les personnes ayant une déficience n'aient pas tous les mêmes besoins en matière d'assistance ne modifie en rien cette responsabilité du transporteur à l'égard de ses passagers.

[47] Il incombe également aux transporteurs aériens de communiquer avec les exploitants d'aérogare, plus précisément lorsque les services sont provisoirement perturbés par, entre autres choses, des travaux de construction, afin d'assurer que le niveau approprié de services est offert par chaque transporteur aérien à ses passagers ayant une déficience. Cette responsabilité est énoncée dans la Partie VII du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA) qui fait état des conditions qui s'appliquent au transport intérieur des personnes ayant une déficience et qui oblige les transporteurs aériens à fournir, entre autres choses, tout service qui y est visé, y compris l'assistance pour se rendre à l'aire d'embarquement, à toute personne ayant une déficience qui en fait la demande au moins 48 heures avant le vol. Le RTA oblige également les transporteurs aériens à déployer des efforts raisonnables pour fournir tout service qui est demandé moins de 48 heures avant le départ du vol et, à cet égard, l'Office observe que les politiques d'Air Canada l'énoncent. Bien que ces règles ne s'appliquent pas dans le cas en l'espèce, puisqu'il y est question de services transfrontaliers d'Air Canada, l'Office estime raisonnable que la responsabilité d'Air Canada d'offrir des services d'assistance s'étende également à ses services transfrontaliers.

[48] Bien que les exploitants d'aérogare aient des renseignements journaliers quant aux travaux effectués dans l'aérogare, la responsabilité de diriger les passagers du comptoir d'enregistrement jusqu'à la porte d'embarquement est celle du transporteur, qui peut devoir communiquer avec les autorités de l'aérogare pour savoir de quelle façon il pourra répondre de façon optimale aux besoins des passagers ayant une déficience. Le cas en l'espèce ne revêt donc pas un aspect différent; Lauren Weinberg avait seulement besoin qu'on lui fasse emprunter un trajet différent pour se rendre du comptoir d'enregistrement au salon d'embarquement. Air Canada n'a soumis aucune preuve pour justifier son incapacité de répondre aux besoins particuliers de Lauren Weinberg en raison de sa déficience et la simple déclaration du transporteur que Lauren a pu accéder à l'aéronef par un autre trajet n'est pas raisonnable en soi.

[49] L'Office est d'avis que Dre Weinberg a fait tout ce qui lui était possible de faire; elle a, entre autres choses, joint le transporteur par téléphone à plusieurs reprises et communiqué avec l'AAGT afin de savoir si des travaux de peinture seraient effectués dans l'aérogare au moment de leur voyage pour s'assurer que Lauren puisse se déplacer dans l'aérogare de façon sûre et sans être exposée à des COV. Malgré tous ces efforts, à la toute dernière minute, Dre Weinberg a été informée par le transporteur qu'il ne serait pas en mesure de lui prêter l'assistance demandée et ce n'est qu'après qu'elle se soit entretenue avec l'AAGT qu'elle a pu faire des arrangements pour obtenir l'assistance requise, sans quoi Lauren n'aurait pu voyager. L'Office ne considère pas raisonnable pour Dre Weinberg qu'elle ait dû faire plusieurs appels pour obtenir l'information dont elle avait besoin et pour le transporteur de ne pas la rappeler puisque de l'avis du personnel d'Air Canada, cette dernière n'avait aucune obligation de prêter assistance à Lauren.

[50] L'Office est d'avis qu'une autre lacune s'est produite dans le cycle de transport lorsque le directeur d'opérations d'Air Canada à Toronto a refusé de collaborer avec Dre Weinberg et l'AAGT pour offrir l'assistance dont avait besoin Lauren. Lorsque Dre Weinberg a communiqué avec Air Canada pour demander l'assistance dont sa fille avait besoin, le transporteur aurait dû prendre les arrangements nécessaires pour que son personnel fournisse l'assistance requise. Selon l'Office, Air Canada aurait dû, entre autres choses, communiquer avec l'AAGT pour lui demander si des travaux de rénovation ou de peinture devaient avoir lieu au moment du voyage des Weinberg et, le cas échéant, pour s'assurer qu'un trajet sûr soit établi pour leurs déplacements dans l'aérogare. Bien que Lauren ait finalement reçu l'assistance dont elle avait besoin de la part de l'AAGT, grâce aux efforts déployés par Dre Weinberg, y compris les nombreuses communications téléphoniques avec l'AAGT, l'Office estime que la responsabilité de prendre de tels arrangements ne devrait pas rejaillir sur les voyageurs. Selon l'Office, cette responsabilité est plutôt celle des transporteurs aériens car il leur incombe de prendre les arrangements nécessaires pour s'assurer qu'un niveau adéquat de services soit fourni aux passagers ayant une déficience.

[51] À la lumière de ce qui précède, l'Office détermine que le défaut d'Air Canada de répondre aux besoins de Lauren Weinberg en raison de sa déficience en refusant de l'accompagner dans l'aérogare a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

Difficultés éprouvées relativement aux arrangements de repas à servir à Lauren Weinberg, en raison de son intolérance au soja, lors de son voyage avec Air Canada entre Toronto et Los Angeles

[52] Dre Weinberg a été incapable de commander d'Air Canada un repas exempt de soja pour Lauren et lorsqu'elle a tenté de le commander directement du pourvoyeur, Air Canada a déclaré qu'elle annulerait ces arrangements.

[53] Dre Weinberg fait valoir qu'Air Canada n'a pas voulu discuter avec elle du choix de repas à offrir à Lauren en raison de son intolérance au soja, pas plus qu'elle n'a voulu lui fournir le nom de ses pourvoyeurs. Dre Weinberg déclare qu'on l'a plutôt avisée qu'elle devrait prévoir d'apporter des aliments qui conviennent à Lauren à bord de ses vols. Lorsque Dre Weinberg a appelé les pourvoyeurs d'Air Canada pour ses vols d'aller et de retour, on lui a indiqué qu'ils n'utilisaient pas d'huile de soja dans la préparation des repas et qu'ils pourraient aisément satisfaire aux besoins diététiques de sa fille avec quelques modifications mineures au repas conventionnel, si elle obtenait l'autorisation d'Air Canada. Dre Weinberg fait remarquer que les seuls changements nécessaires dans le cas de sa fille seraient de remplacer la margarine et la pâtisserie de son plateau par du beurre et des fruits et que ces changements éviteraient à une jeune enfant d'avoir des vomissements, une diarrhée et des douleurs abdominales simultanément pendant les cinq heures de vol. Dre Weinberg affirme que le représentant d'Air Canada l'a avisée que puisqu'elle avait fait elle-même ses arrangements en appelant le pourvoyeur, le repas exempt de soja qu'elle avait commandé serait retiré de l'aéronef. Elle indique que ce fait semble être un effort conscient de la part d'Air Canada pour restreindre l'accès à un service, c'est-à-dire un repas, uniquement en raison de la sévérité de l'intolérance de sa fille, service qui était disponible à tous les autres passagers à bord qui avaient payé le même tarif.

[54] Air Canada déclare que les passagers sont avisés qu'elle ne peut garantir que ses repas offerts aux passagers sont exempts de certaines composantes. Cette indication est aussi énoncée dans son site Web. Air Canada indique que son directeur d'opérations à Toronto a avisé Dre Weinberg avant le voyage que les repas servis par le transporteur pouvaient contenir des allergènes. Air Canada ajoute que même si elle offre une gamme de repas spéciaux qui répondent à la plupart des restrictions, les repas exempts de soja ne font pas partie de ces types de repas spéciaux; les passagers ont toutefois le choix d'apporter leur propre repas si le choix de « repas spéciaux » ne satisfait pas à leurs restrictions diététiques. Air Canada fait valoir que le plateau de fruits qu'on a offert dans le cas de Dre Weinberg, qui fait partie des repas spéciaux offerts, aurait satisfait aux exigences diététiques de Lauren. Air Canada déclare qu'elle ne peut être obligée de préparer des repas faits sur mesure pour satisfaire aux préférences alimentaires ni même aux restrictions diététiques de chacun des passagers.

[55] Le 17 décembre 2006, Air Canada a déposé un extrait de son Manuel destiné aux agents de bord qui traite des allergies et qui prévoit, en partie, ce qui suit :

  • Air Canada ne peut pas garantir et par conséquent ne garantit pas à un client qu'un aliment précis de son menu est exempt d'un allergène spécifique
  • Air Canada ne peut pas garantir et par conséquent ne garantit pas qu'un aliment précis de son menu n'a pas été en contact avec des aliments ou des huiles allergisants
  • Air Canada ne peut pas garantir et par conséquent ne garantit pas qu'un aliment précis de son menu n'est pas présent à bord de l'aéronef. [traduction libre]

[56] Air Canada ajoute qu'elle n'a pas modifié sa pratique d'inviter les gens qui ont une certaine intolérance alimentaire à apporter leur propre repas, en respectant certaines contraintes de sécurité qui limitent la quantité de liquides ou de gels qu'un passager peut transporter.

[57] Air Canada a indiqué que le fait de ne pas avoir accès à un repas à bord d'un vol ne constitue pas un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, comme l'a soutenu la Cour d'appel fédérale dans la décision qu'elle a rendue en réponse à un appel de la décision no 115-AT-R-2005 de l'Office du 3 mars 2005 relativement à une demande déposée par Meenu Sikand contre Via Rail Canada Inc. (ci-après la décision Sikand). Toutefois, l'Office est d'avis que le cas de Mme Sikand se distingue du cas présent puisque les préférences quant au repas de Mme Sikand n'étaient pas liées à une déficience. Bien que la Cour ait statué dans la décision Sikand que : « la plainte dans le cas présent en est une de service à la clientèle et une question de service à la clientèle ne devient pas une question d'accès ou d'obstacle aux possibilités de déplacement simplement parce que la plainte est logée par une personne ayant une déficience ».[traduction libre] Dans le cas de Lauren Weinberg, ses exigences diététiques sont réellement dictées par sa déficience, c'est-à-dire son intolérance aux aliments à base de soja.

[58] Bien qu'au moment du voyage de Lauren Weinberg Air Canada offrait une gamme de « repas spéciaux », l'Office est d'avis qu'il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce qu'Air Canada ait des repas faits sur mesure pour satisfaire aux préférences alimentaires et aux restrictions diététiques de chacun des passagers (même celles qui sont dictées par une déficience), pas plus qu'il n'est raisonnable de penser que les passagers soient eux-mêmes responsables de prendre leurs propres arrangements avec les pourvoyeurs d'Air Canada qui diffèrent des arrangements pris entre le transporteur et son pourvoyeur. De plus, l'Office estime qu'il est raisonnable qu'Air Canada ait avisé Dre Weinberg bien avant la date de son voyage que le transporteur n'offrait pas de repas qui satisferait aux exigences diététiques de Lauren Weinberg et qu'il acceptait que Lauren apporte elle-même son repas à bord de l'aéronef. De cette façon, Dre Weinberg pouvait s'assurer que les besoins diététiques de sa fille était comblés en faisant elle-même ses arrangements et l'Office ajoute que, pour le vol en question, il semble que Lauren Weinberg ait pu voyager sans incident.

[59] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que les difficultés éprouvées par Dre Weinberg en ce qui a trait aux arrangements de repas à servir à sa fille en raison de son intolérance au soja lors de son voyage avec Air Canada entre Toronto et Los Angeles n'ont pas constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Lauren Weinberg.

CONCLUSION

[60] L'Office conclut ce qui suit :

  1. que Lauren Weinberg est une personne ayant une déficience;
  2. que le défaut d'Air Canada de satisfaire aux besoins liés à la déficience de Lauren Weinberg en refusant de lui prêter assistance dans l'aérogare de l'aéroport de Toronto a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Lauren Weinberg;
  3. que les difficultés auxquelles s'est heurtée Dre Weinberg relativement aux arrangements de repas à servir à sa fille en raison de son intolérance au soja lors de leur voyage avec Air Canada entre Toronto et Los Angeles n'ont pas constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Lauren Weinberg.

[61] Comme l'Office a déterminé la présence d'un obstacle aux possibilités de déplacement de Lauren Weinberg, il devra maintenant déterminer si l'obstacle est abusif et, le cas échéant, si des mesures correctives s'imposent. Comme il est énoncé dans la décision no LET-AT-A-207-2006, Air Canada devra maintenant aborder la question de savoir si cet obstacle est abusif. À cet égard, les directives seront communiquées aux parties dans une décision qui suivra sous peu.

Membres

  • Gilles Dufault
  • Guy Delisle
  • Beaton Tulk
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