Décision n° 126-AT-A-2009
le 31 mars 2009
DEMANDE déposée par Air Canada en vue de faire réviser la décision no 492-AT-A-2006 relativement à une ordonnance de l'Office des transports du Canada exigeant d'Air Canada qu'elle établisse des procédures concernant ses types précis de fauteuils roulants d'aéroport.
Référence no U3570/06-05
CONTEXTE
[1] Dans sa décision no 492-AT-A-2006 (décision de 2006), l'Office des transports du Canada (Office) statuait sur une demande déposée par Lina Di Carlo relativement aux difficultés qu'elle a éprouvées lors d'un voyage avec Air Canada entre Toronto (Ontario) et Victoria (Colombie-Britannique) le 8 février 2006.
[2] L'Office a déterminé que la politique et les procédures d'Air Canada pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience à bord de ses aéronefs, ainsi que l'incapacité d'Air Canada de garantir qu'un fauteuil roulant ayant des appuis-pieds rabattables serait mis à la disposition de Mme Di Carlo lors de sa correspondance à l'aéroport international de Vancouver (aéroport de Vancouver), ont constitué pour elle des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement.
[3] L'Office a ordonné la prise des deux mesures correctives suivantes :
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Réviser la politique et les procédures existantes d'Air Canada et le matériel de formation connexe afin d'évaluer et de confirmer que l'aide à la mobilité d'une personne peut être transportée à bord de l'aéronef du vol réservé, d'exiger clairement et précisément que les agents effectuent la vérification et la confirmation au moment de la réservation et informent le passager immédiatement. Dans le cas du changement d'un aéronef, lorsque le nouvel aéronef ne peut transporter l'aide à la mobilité du passager, s'assurer que le passager est informé immédiatement du fait et que des dispositions de rechange seront prises rapidement. Fournir à l'Office une copie de ces changements et un énoncé quant à la façon dont ils ont été communiqués au personnel pertinent.
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Établir des procédures afin de s'assurer que lorsque les passagers demandent un type précis de fauteuil roulant d'aéroport en raison de leur déficience, ils obtiendront le type précis de fauteuil roulant, lorsqu'il est disponible, à l'aéroport concerné, et exiger clairement et précisément que les agents effectuent la vérification et la confirmation au moment où la demande est effectuée. Fournir à l'Office une copie de ces procédures et un énoncé quant à la façon dont elles ont été communiquées au personnel pertinent.
[4] L'Office a conclu dans la décision no LET-AT-A-39-2007 qu'Air Canada a répondu aux exigences de la première mesure corrective. Toutefois, la deuxième mesure corrective est toujours en suspens puisqu'Air Canada a indiqué qu'elle était incapable de répondre aux exigences de celle-ci.
QUESTION
[5] Y a-t-il eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances de l'affaire depuis que la décision de 2006 a été rendue qui justifieraient la modification par l'Office de la deuxième mesure corrective, énoncée ci-dessus, qui exigeait qu'Air Canada établisse des procédures pour les demandes de leurs types précis de fauteuils roulants d'aéroport et la fourniture de ces derniers?
L'utilisation de fauteuils roulants ayant des appuis-pieds pliants
[6] Mme Di Carlo a offert une explication détaillée quant à son besoin d'un fauteuil roulant ayant des appuis-pieds rabattables pour pouvoir accéder aux toilettes de l'aéroport lors des vols de correspondance.
[7] Air Canada explique que, même si les appuis-pieds rabattables permettent à une personne de placer le fauteuil roulant à trois pouces de la toilette afin de faciliter le transfert du fauteuil roulant à la toilette, les autres types de fauteuils roulants d'aéroport d'Air Canada, qui ont des appuis-pieds pliants, peuvent être placés à environ six à huit pouces de la toilette, en tenant compte de la position des jambes de la personne. Air Canada fait valoir qu'il s'agit d'une solution de rechange raisonnable et que, même si elle comprend que cela n'est pas le type de fauteuil roulant préféré et ni le plus confortable, là n'est pas le test. Air Canada soutient plutôt que le test est de savoir si la solution de rechange fournie est raisonnable. Air Canada indique que ses fauteuils roulants, qui ont des appuis-pieds pliants, sont une solution de rechange raisonnable.
[8] Mme Di Carlo affirme qu'il ne s'agit pas d'une question de confort d'avoir un fauteuil roulant avec des appuis-pieds rabattables et qu'Air Canada banalise sa demande en ne reconnaissant pas les graves répercussions sur sa santé que pourrait occasionner le fait de ne pas pouvoir utiliser les toilettes de l'aéroport lorsqu'elle voyage avec Air Canada.
Préoccupations de nature opérationnelle
[9] Air Canada a soulevé les préoccupations de nature opérationnelle suivantes au sujet de sa capacité de confirmer un type précis de fauteuil roulant au moyen de son système de réservation actuel :
- dotation considérable en personnel nécessaire dans les aéroports pour assurer le contrôle de l'inventaire des fauteuils roulants, la livraison à la bonne personne et le suivi avec les personnes qui utilisent les fauteuils roulants;
- recherche dans l'aéroport pour le type précis de fauteuils roulants, qui pourrait avoir été pris par erreur, puisque les fauteuils roulants sont habituellement laissés dans des aires où les employés et les passagers peuvent prendre n'importe quel fauteuil roulant de type générique;
- impossibilité de permettre aux clients de rester dans un type précis de fauteuil roulant s'il y avait une autre réservation pour le même type précis de fauteuil roulant;
- non-disponibilité parce que le type précis de fauteuil roulant est en train d'être réparé;
- délai potentiel de service de prestation de fauteuil roulant pour les autres passagers lorsqu'une confirmation pour un fauteuil roulant précis pour un passager doit être effectuée;
- dans certains aéroports, non-propriété des fauteuils roulants et association d'Air Canada à d'autres transporteurs pour la prestation de fauteuil roulant; et
- restriction d'Air Canada d'impartir le service d'inventaire de fauteuils roulants et le contrôle en raison des conventions collectives existantes.
Solution de rechange
[10] Air Canada fait valoir qu'elle envisage un changement de politique afin de redonner aux passagers leur fauteuil roulant électrique lors des correspondances lorsqu'il y a suffisamment de temps. Air Canada indique qu'elle évalue quel serait le temps minimum de correspondance sur une base générale, en tenant compte des correspondances internationales potentielles nécessitant des « formalités en temps opportun ». Air Canada fait valoir que pour le moment, cette solution ne semble pas possible pour les correspondances de moins de quatre heures et il existe des risques de correspondances manquées pour le passager ou son aide à la mobilité dans le cas de retard.
[11] Mme Di Carlo indique que le fait de redonner aux passagers leur fauteuil roulant personnel serait la solution optimale. Elle ajoute que la question qui doit être réglée ne vise que les vols avec correspondances qui ont un laps de temps de plus de cinq heures à partir du moment de l'embarquement jusqu'au débarquement à la destination finale.
La nature unique de la situation et de la plainte de Mme Di Carlo
[12] Air Canada soutient que la situation et la plainte de Mme Di Carlo sont uniques. Elle fait valoir que, au mieux de son évaluation, la non-disponibilité d'un type précis de fauteuil roulant dans un aéroport n'a été soulevée dans aucune autre plainte. Par conséquent, Air Canada fait valoir qu'une mesure corrective individuelle est justifiée pour un seul incident. Dans ce cas, elle suggère que la mesure corrective devrait être le remboursement des frais de location payés par Mme Di Carlo pour le fauteuil roulant avec des appuis-pieds rabattables qu'elle a loué pour son utilisation à l'aéroport de Vancouver.
[13] Mme Di Carlo reconnaît que le nombre de personnes ayant une déficience qui sont dans la même situation qu'elle est extrêmement limité. Elle explique qu'il existe une petite minorité comme elle qui tombe entre deux groupes, c'est-à-dire des personnes quadriplégiques qui utilisent des sacs collecteurs d'urine et celles qui sont assez mobiles pour s'adapter facilement à n'importe quel type de fauteuil roulant. En ce qui a trait à la suggestion de remboursement d'Air Canada, Mme Di Carlo indique que le remboursement n'est pas nécessaire puisque l'entreprise lui a fourni le fauteuil roulant gratuitement.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[14] Conformément à l'article 32 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC), l'Office peut réviser, annuler ou modifier ses décisions s'il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances de l'affaire depuis que la décision a été rendue.
[15] L'Office partage l'opinion de Mme Di Carlo que l'accès à un type précis de fauteuil roulant fourni par Air Canada n'est pas une question de confort, mais est plutôt nécessaire pour répondre aux besoins des individus qui requièrent des fauteuils roulants précis pour accéder aux toilettes lors des correspondances. Par conséquent, la fourniture par Air Canada de fauteuils roulants génériques ne répondant pas aux exigences précises de Mme Di Carlo n'offre pas un accommodement raisonnable.
[16] L'Office note les préoccupations de nature opérationnelle soulevées par Air Canada pour la mise en œuvre d'un système qui garantirait qu'un type précis de fauteuil roulant de l'inventaire d'Air Canada, ou qui est à sa disposition dans le cadre d'un accord de partage, soit disponible lorsque requis. De façon plus importante dans le cas présent, l'Office accepte l'affirmation d'Air Canada que la situation et la plainte de Mme Di Carlo sont uniques.
[17] L'Office est convaincu qu'il y a eu des faits nouveaux ou une évolution des circonstances de l'affaire depuis que la décision de 2006 a été rendue, notamment que la mesure corrective qui doit être apportée dans le cas présent est relative à une situation unique. Ce changement est suffisant pour justifier la modification de la mesure corrective en question.
[18] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut qu'une mesure corrective individuelle devrait régler la situation de Mme Di Carlo. Conformément à l'article 32 de la LTC, l'Office modifie la décision no 492-AT-A-2006 en modifiant la mesure corrective en ce qui a trait aux types précis de fauteuils roulants d'aéroport d'Air Canada en la remplaçant par la mesure corrective suivante.
[19] Lors de futures réservations de vols et sur demande de Mme Di Carlo pour un type précis de fauteuil roulant qui répondrait à ses besoins et qui serait à la disposition d'Air Canada soit dans son propre inventaire, soit dans le cadre d'un accord de partage, Air Canada doit explorer les options de vols directs avec Mme Di Carlo. Si aucun vol direct n'est disponible ou qu'un vol direct ne satisfait pas Mme Di Carlo, Air Canada doit explorer avec Mme Di Carlo des options de vols comprenant des correspondances qui sont d'une durée totale ne dépassant pas cinq heures, de l'embarquement initial au débarquement final. Si cette option n'est pas disponible, Air Canada doit fournir à Mme Di Carlo, au moment de la réservation, la garantie qu'Air Canada répondra à ses besoins d'une des façons suivantes :
- le type précis de fauteuil roulant dont Mme Di Carlo a besoin lui sera fourni durant ses correspondances, qu'il provienne de l'inventaire d'Air Canada ou qu'il soit à sa disposition dans le cadre d'un accord de partage;
- lorsque les durées des correspondances le permettent, Mme Di Carlo aura accès à son propre fauteuil roulant; ou
- lorsqu'aucune option susmentionnée ne peut être honorée, Air Canada doit rembourser à Mme Di Carlo les frais qu'elle a engagés pour la location du type précis de fauteuil roulant dont elle a besoin ou prendre les arrangements nécessaires pour la location et la fourniture à Mme Di Carlo d'un tel fauteuil roulant.
Membres
- Geoffrey C. Hare
- John Scott
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