Décision n° 154-AT-A-2022
Demande présentée par Lui Greco contre Air Canada au titre du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC), concernant ses besoins liés à un handicap
Résumé
[1] Lui Greco a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada le 23 octobre 2017 puisqu’il était incapable de réserver un billet sur le site Web d’Air Canada à l’aide d’un lecteur d’écran.
[2] M. Greco a initialement demandé que la version du site Web d’Air Canada qui était en ligne avant janvier 2017 soit restaurée jusqu’à ce que les problèmes d’accessibilité soient réglés. Comme Air Canada a affirmé à plusieurs reprises qu’une telle restauration est impossible, M. Greco demande maintenant qu’Air Canada soit tenue de lui présenter, ainsi qu’à l’Office, un rapport trimestriel sur l’accessibilité de son site Web pendant une période indéterminée, et qu’il puisse déposer des présentations écrites sur l’accessibilité du site Web d’Air Canada pour les personnes qui utilisent un lecteur d’écran.
[3] Le 5 avril 2019, l’Office a émis la décision CONF-8-2019 (décision sur les obstacles) dans laquelle il a conclu que M. Greco était une personne handicapée en raison d’une déficience visuelle et qu’il rencontrait un obstacle à ses possibilités de déplacement puisqu’il ne pouvait pas accéder au site Web d’Air Canada de façon égale aux personnes non handicapées.
[4] Dans la présente décision, l’Office se penchera sur les questions suivantes :
- Air Canada peut-elle éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive?
- Le cas échéant, quelles mesures correctives l’Office devrait-il ordonner?
[5] Pour les motifs énoncés-ci après, l’Office conclut que l’obstacle rencontré par M. Greco était abusif puisqu’Air Canada a depuis été en mesure de l’éliminer et de permettre à M. Greco d’accéder à son site Web. Comme il a été démontré lors de l’audience, les personnes qui utilisent un lecteur d’écran peuvent désormais faire une réservation de façon indépendante dans un laps de temps similaire aux personnes qui n’utilisent pas de lecteur d’écran.
[6] L’Office souligne que les choses ont beaucoup changé depuis que M. Greco a déposé sa demande. Air Canada a incorporé l’accessibilité au cycle de développement de son site Web et mis en place des mesures pour prévenir les problèmes d’accessibilité et y remédier. En outre, le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapéesNote 1(RTAPH) est depuis entré en vigueur et oblige Air Canada à veiller à ce que son site Web respecte les exigences du niveau AA des Règles pour l’accessibilité des contenus Web (WCAG) 2.1Note 2. À la lumière de ces changements et des efforts déployés par Air Canada afin d’améliorer son site Web et ses processus connexes, l’Office conclut qu’il n’est pas nécessaire d’ordonner des mesures correctives à l’heure actuelle.
[7] L’Office reconnaît que les deux parties se sont réservé le droit de déposer des présentations sur les frais. À ce titre, l’Office examinera les demandes d’adjudication des frais qui seront présentées conformément à ses directives.
Contexte
[8] M. Greco est une personne aveugle et il utilise un lecteur d’écran. Il explique qu’il a souvent dû réserver des billets à l’aide du site Web d’Air Canada dans le cadre de son emploi et qu’il était en mesure de le faire de façon indépendante jusqu’en septembre 2016. Cependant, il affirme qu’il n’est plus en mesure d’utiliser le site Web d’Air Canada depuis que celui-ci a subi d’importantes modifications en janvier 2017. En avril 2017, il a communiqué avec Air Canada au sujet des difficultés qu’il éprouvait avec le site Web. En octobre 2017, puisque le site Web lui était toujours inaccessible, M. Greco a déposé une demande auprès de l’Office donnant plusieurs exemples de problèmes qu’il éprouvait avec le site Web. L’Office a ouvert les actes de procédure relatives à sa demande en janvier 2018.
[9] Après avoir émis des décisions concernant diverses questions de procédure, l’Office a émis la décision sur les obstacles en avril 2019. Dans cette décision, l’Office a conclu que M. Greco était une personne handicapée et qu’il rencontrait un obstacle à ses possibilités de déplacement puisqu’il ne pouvait pas accéder au site Web d’Air Canada de façon égale aux personnes non handicapées. L’Office a conclu que les utilisateurs éprouvaient toujours des problèmes lorsqu’ils consultaient le site Web d’Air Canada à l’aide d’un lecteur d’écran, y compris certains nouveaux problèmes causés par des corrections aux problèmes ciblés dans la demande de M. Greco datant de 2017. L’Office a ensuite ouvert les actes de procédure écrits sur la question de savoir si Air Canada pouvait éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive. L’Office a également avisé les parties qu’il convoquerait une audience pour compléter le dossier quant à la façon dont l’obstacle pouvait être éliminé et à la question de savoir si les mesures à mettre en place pour l’éliminer imposeraient une contrainte excessive à Air Canada.
[10] Entre mai 2019 et février 2020, l’Office a reçu des actes de procédure écrits sur la question de la contrainte excessive et a émis des décisions concernant les deux requêtes de confidentialité d’Air Canada. L’Office a également reçu des présentations concernant la demande d’Air Canada visant le rejet de la demande de M. Greco dans lesquelles elle affirme que l’Office n’a plus compétence pour examiner la demande puisqu’elle avait remédié aux problèmes ciblés. L’Office a suspendu les procédures le 18 mars 2020 en raison de la pandémie de COVID-19 dans l’arrêté 2020-A-32. Le 16 juillet 2020, l’Office a émis la décision LET-AT-A-52-2020 dans laquelle il a déterminé qu’il avait compétence pour poursuivre les procédures et indiqué qu’il avait l’intention de convoquer une audience.
[11] Le 2 novembre 2020, l’Office a fourni ses directives relatives à la portée de l’audience dans la décision LET-AT-A-69-2020 (décision sur la portée). Il y a souligné que les problèmes ciblés dans la décision sur les obstacles étaient des exemples de la façon dont l’obstacle à l’accessibilité se manifestait et qu’ils témoignaient donc de la nature persistante et évolutive des problèmes ciblés dans la demande.
[12] Entre janvier et août 2021, les deux parties ont déposé des rapports d’expert concernant l’accessibilité du site Web d’Air Canada pour les personnes qui utilisent un lecteur d’écran. Le rapport d’expert et le rapport en réponse d’Air Canada ont été rédigés par Derek Featherstone, directeur de l’expérience client chez Level Access, un organisme de logiciels d’accessibilité et de consultation en la matière.
[13] Les rapports d’expert de M. Greco ont été rédigés par :
- Lisa Liskovoi, conceptrice principale en matière d’inclusion et spécialiste en accessibilité numérique au Centre de recherche sur la conception inclusive de l’École universitaire d’art et de design de l’Ontario;
- Abhishek Gupta, responsable des essais d’accessibilité chez Professional Quality Assurance;
- Jonathan Duncan, expert de l’analyse, de la conception et du développement de systèmes d’information.
[14] Après plusieurs requêtes d’ordre procédural et ajournements, une audience a eu lieu du 1er au 3 septembre et du 20 au 21 octobre 2021. En plus des témoins experts énumérés ci‑dessus, l’Office a également entendu le témoignage de M. Greco et des témoins d’Air Canada suivants :
- Conroy Allen, directeur de l’Assurance de la qualité chez Air Canada;
- Carlos Faxas, directeur des Produits numériques chez Air Canada;
- Joe DiNero, instructeur en utilisation de lecteurs d’écran chez Helen Keller Services for the Blind à New York, et chef de l’Équipe responsable de l’accessibilité numérique et utilisateur-testeur chez UsableNet, un organisme de consultation sur l’accessibilité numérique auquel Air Canada a eu recours;
- Michele Lucchini, vice-président de la Prestation et des Opérations d’accessibilité chez UsableNet;
- Mark Nasr, premier vice-président des Produits, du Marketing et du Commerce électronique, et président de la division Grands voyageurs d’Aéroplan chez Air Canada.
[15] Les actes de procédure ont pris fin le 25 avril 2022 à la suite de la réception des relevés de clôture écrits des parties.
Observation préliminaire
[16] Dans son plaidoyer final, M. Greco soutient qu’il jouit du droit constitutionnel à l’égalité d’accès au titre de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertésNote 3 (Charte). Il affirme que l’Office est un tribunal compétent pour l’application de l’article 24 de la Charte et que l’Office peut demeurer saisi de cette affaire pendant une durée indéterminée dans le but d’ordonner à Air Canada de lui fournir, ainsi qu’à M. Greco, des rapports trimestriels sur l’accessibilité de son site de réservation.
[17] Cependant, comme ces arguments ont été soulevés pour la première fois dans la réplique de M. Greco et qu’ils sont sans objet puisque l’Office a décidé de ne pas imposer de mesures correctives à Air Canada, il ne se penchera pas sur ces arguments relatifs à la Charte.
Question 1 : Air Canada peut-elle éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive?
La loi
[18] La demande a été déposée au titre du paragraphe 172(1) de la LTC, qui énonçait ce qui suit au moment où M. Greco a déposé sa demande :
Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[19] Au moment du dépôt de la demande, l’Office utilisait une approche en trois volets pour déterminer si une personne ayant une déficience avait rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. L’Office s’est penché sur le premier et le deuxième volet (déficience et obstacle) dans la décision sur les obstacles. Dans la présente décision, il se penchera sur le troisième volet :
S’il est déterminé que le demandeur est une personne ayant une déficience et qu’il a rencontré un obstacle, l’Office donne à la défenderesse les deux possibilités suivantes :
-
- expliquer comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique ou à la structure physique concernée, ou encore, s’il n’est pas possible d’apporter une telle modification, en mettant en place une mesure d’accommodement;
ou
-
- démontrer qu’il lui est impossible d’éliminer l’obstacle sans subir une contrainte excessive.
Présentations d’Air Canada
[20] Air Canada soutient qu’elle a éliminé l’obstacle rencontré par M. Greco en rendant son site Web accessible aux personnes qui utilisent un lecteur d’écran. Selon elle, si l’Office conclut que l’obstacle existe toujours, il devrait également conclure qu’Air Canada ne peut rien faire de plus pour l’éliminer sans se voir imposer une contrainte excessive puisqu’elle a fait tout ce dont on pourrait raisonnablement s’attendre de sa part pour non seulement éliminer les problèmes lorsqu’ils surviennent, mais également pour les cibler et les prévenir.
Accessibilité du site Web
[21] Air Canada reconnaît que l’Office a conclu dans la décision sur les obstacles que M. Greco rencontrait un obstacle puisqu’il ne pouvait pas accéder au site Web de façon égale aux personnes qui n’utilisent pas de lecteur d’écran. Cependant, Air Canada affirme que son site Web a évolué depuis la décision sur les obstacles et qu’il est notamment devenu plus accessible, et qu’au moment de l’audience, l’obstacle n’existait plus.
[22] Air Canada soutient que l’Office devrait se pencher sur la question de savoir si l’obstacle existe toujours, c’est-à-dire l’Office ne devrait pas se demander si l’obstacle peut être éliminé, mais s’il a été effectivement éliminé. Air Canada affirme que les meilleurs éléments de preuve à cet effet sont les démonstrations réalisées par M. Greco et M. DiNero lors de l’audience, qui ont permis d’établir que les problèmes ciblés dans les décisions antérieures de l’Office (comme les problèmes à la page de paiement, certaines sections de la page de sélection de vol et l’expiration du processus de réservation après 10 minutes) n’existent plus. En outre, elle affirme que ces démonstrations ont révélé qu’il n’y a pas d’obstacle puisque les personnes qui utilisent un lecteur d’écran peuvent faire une réservation.
[23] Air Canada admet que cinq problèmes sont survenus pendant la démonstration d’une réservation à l’aide d’un lecteur d’écran réalisée par M. DiNero lors de l’audience :
- Lorsque M. DiNero n’a pas rempli le champ réservé à la date de naissance, la sélection est revenue à ce champ sans qu’il lui soit lu à voix haute;
- Les boutons d’option n’étaient pas étiquetés correctement et le lecteur d’écran ne lisait à voix haute que « oui ou non » dans la section Aéroplan;
- Le lecteur d’écran a lu la durée des vols en mètres plutôt qu’en minutes;
- Lors de la sélection de sièges, le lecteur d’écran n’a pas lu correctement les titres;
- La page de sélection de sièges n’était pas correctement organisée sous forme de tableau.
[24] Cependant, Air Canada soutient que ces problèmes sont mineurs et qu’ils n’ont pas empêché M. DiNero (qui dépend entièrement de son lecteur d’écran lorsqu’il utilise des outils technologiques) de faire une réservation puisqu’il y avait des solutions de rechange ou qu’il était possible de comprendre quels renseignements il devait fournir grâce au contexte.
[25] De plus, Air Canada a déposé deux documents pour démontrer son engagement continu envers la résolution des problèmes d’accessibilité. Le premier document, fourni conformément à un engagement d’Air Canada, est le rapport intitulé Booking Flow Severe Issues – April 2021 Audit (Issues Resolved Report 1) (Problèmes graves du processus de réservation : Audit d’avril 2021 [Rapport sur les problèmes résolus 1]). Ce rapport comprend une liste des problèmes qui ont été ciblés lors de l’audit du premier trimestre de 2021 d’UsableNet et qui ont été résolus entre le 7 avril 2021 et le 6 octobre 2021. Le deuxième document est un rapport qui comprend une liste des problèmes d’accessibilité liés au processus de réservation qui ont été résolus entre les dates d’audience de septembre et d’octobre (Issues Resolved Report 2 [Rapport sur les problèmes résolus 2]).
[26] Air Canada affirme que la nouvelle portée du terme « obstacle » (le terme étant passé d’obstacle à barrier dans la version anglaise de la LTC) permet de redéfinir l’accessibilité comme la capacité d’une personne à participer dans la société. Air Canada affirme que le critère qui devrait être utilisé pour évaluer son site Web devrait être celui de l’accès égal plutôt que du même accès, c’est-à-dire que les utilisateurs aveugles ou ayant une déficience visuelle soient capables d’utiliser le site Web sans éprouver de problème grave et d’avoir accès aux mêmes services sans nécessairement avoir la même expérience que les personnes voyantes. Autrement dit, l’accessibilité d’un site Web ne dépend pas de la présence de problèmes, mais plutôt de la nature de ces problèmes et de leur gravité. Air Canada affirme que les démonstrations qui ont eu lieu lors de l’audience permettent d’établir qu’il est possible pour les personnes qui ont une déficience visuelle et qui utilisent un lecteur d’écran de faire une réservation à partir de son site Web et, par conséquent, qu’ils y ont accès de façon égale.
[27] Air Canada ne conteste pas le fait que les WCAG sont des lignes directrices importantes permettant d’évaluer l’accessibilité d’un site Web ou de le rendre accessible. Cependant, elle affirme que l’évaluation par l’Office de l’accessibilité de son site Web nécessite un examen de sa convivialité globale par des personnes qui utilisent un lecteur d’écran plutôt qu’une simple conformité aux WCAG.
[28] Enfin, Air Canada affirme que l’absence d’une déclaration d’accessibilité sur son site Web ne le rend pas inaccessible en soi. Son témoin expert, M. Featherstone, a indiqué qu’il était d’avis que ces déclarations d’accessibilité ne sont pas une exigence des WCAG et a souligné que la témoin de M. Greco, Mme Liskovoi, a également affirmé que, selon elle, l’absence d’une déclaration d’accessibilité ne rendait pas un site Web inaccessible.
Contrainte excessive
[29] Air Canada affirme que, si l’Office détermine que son site Web n’est toujours pas accessible, il devra ensuite déterminer si elle peut éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive. Selon Air Canada, pour déterminer si une contrainte excessive lui serait imposée, il faudrait se demander si elle fait tout ce dont on pourrait raisonnablement s’attendre de sa part, à l’heure actuelle et à l’avenir, pour veiller à ce que les obstacles à l’accessibilité de son site Web soient éliminés lorsqu’ils surviennent. Air Canada affirme qu’elle ne peut rien faire de plus pour veiller à ce que l’obstacle soit éliminé puisqu’elle a déjà fait tout en son pouvoir, comme il est expliqué ci-dessous.
[30] Air Canada souligne que la décision sur la portée décrit les éléments de preuve qu’elle pourrait présenter pour déterminer si l’obstacle peut être éliminé sans qu’elle se voie imposer une contrainte excessive, y compris des éléments de preuve concernant les procédures et les mesures de protection, notamment les essais, qu’Air Canada a mis en place pour veiller à l’accessibilité de son site Web. Air Canada soutient qu’elle a mis sur pied un système de pointe robuste pour non seulement remédier aux problèmes lorsqu’ils surviennent, mais également pour les cibler et les prévenir. Elle a fourni, dans ses présentations écrites et par l’entremise de ses témoins lors de l’audience, des renseignements détaillés sur les essais qu’elle réalise et les mesures de protection qu’elle a mises en place pour cibler les problèmes en matière d’accessibilité et y remédier. Air Canada affirme également que l’atteinte de l’objectif d’éliminer et de prévenir les problèmes devrait être mesurée en fonction de la diligence raisonnable et soutient qu’elle a démontré qu’elle fait preuve d’une telle diligence raisonnable en ce qui a trait à l’accessibilité de son site Web.
[31] Air Canada soutient que l’accessibilité numérique est un processus (et non un objectif) qui sous-entend un investissement continu de temps et de ressources, lequel évoluera parallèlement au produit, opinion partagée par plusieurs de ses témoins. Air Canada soutient qu’elle participe activement à ce processus, comme en témoignent les mesures énoncées dans les paragraphes suivants.
Contrat avec UsableNet
[32] Dans le cadre des efforts qu’elle a déployés pour cibler les problèmes d’accessibilité de son site Web externe et y remédier, Air Canada a eu recours, en 2018, aux services de UsableNet, un organisme de consultation sur l’accessibilité numérique, pour obtenir une expertise dans le domaine de l’accessibilité et des commentaires à ce sujet. UsableNet a fourni et continue à fournir plusieurs services à Air Canada pour soutenir son réaménagement et sa gouvernance, comme la rectification, les audits trimestriels, les essais, la formation, et le plan directeur sur l’accessibilité dans lequel était recommandée la création d’un Centre d’excellence.
Centre d’excellence
[33] Pour donner suite à la recommandation d’UsableNet, Air Canada a créé un Centre d’excellence en 2021 qui, selon elle, témoigne de son engagement envers la conception d’un site Web accessible. Ce Centre d’excellence est le centre de contrôle de l’accessibilité de l’organisme, et dicte et surveille la façon dont les équipes d’Air Canada travaillent en vue d’atteindre l’accessibilité. Selon Air Canada, l’objectif du Centre d’excellence n’est pas seulement de régler les problèmes existants, mais également de se tenir au fait des pratiques exemplaires au fur et à mesure que la conception et le développement de sites Web accessibles et les règlements évoluent. Ses activités sont notamment de rédiger un énoncé de politique, de cibler certains aspects qui doivent être examinés et de créer une feuille de route pour les activités à venir. Le Centre d’excellence en était encore au stade embryonnaire au moment de l’audience, mais ses membres ont commencé à se réunir chaque semaine en octobre 2021. Il est composé de représentants de chaque département d’Air Canada ayant trait à ses propriétés numériques, y compris le développement, l’assurance de la qualité, la gestion de projet, le marketing, les services juridiques et les communications, en plus d’experts-conseils d’UsableNet dont certains ont une déficience visuelle. Tous les membres du Centre d’excellence ont suivi une formation sur les lecteurs d’écran.
Formation
[34] Air Canada affirme que tous les employés qui participent au cycle de développement de son site Web suivent une formation mise au point par UsableNet, y compris les concepteurs, les développeurs, les employés de l’assurance de la qualité et les testeurs. Par exemple, les concepteurs apprennent à veiller à ce que le contenu Web qu’ils créent soit accessible, les développeurs, à vérifier l’accessibilité de leur codage, et les employés de l’assurance de la qualité, à cibler les problèmes en matière d’accessibilité lors de l’utilisation de divers outils d’accommodement, comme les lecteurs d’écran, et à en établir l’ordre de priorité.
[35] La formation est divisée en plusieurs séances et totalise environ 12 à 18 heures, dont trois heures de séances de formation approfondie sur les WCAGet d’autres séances sur les techniques et la syntaxe. Une formation est également fournie dans le cadre d’ateliers lors desquels des membres d’équipe d’UsableNet et des membres d’équipe d’Air Canada collaborent afin de résoudre des problèmes précis. Par exemple, un atelier était axé sur un menu déroulant de la page d’accueil, mais l’objectif de l’atelier était de fournir aux employés d’Air Canada les connaissances nécessaires pour régler les problèmes relatifs à tous les menus déroulants de leur site Web.
[36] Air Canada prévoit continuer à créer des formations ainsi qu’un processus d’attestation régulier pour veiller à ce que ses employés demeurent au fait des dernières nouveautés, particulièrement à mesure que l’accessibilité évolue.
Cycle de développement du site Web
[37] Le cycle de développement du site Web est le processus par lequel Air Canada développe son site Web. Il est composé de périodes de développement de neuf semaines (incréments de produit) qui sont divisées en périodes de développement de trois semaines (sprints). Les équipes responsables des sprints sont composées du responsable de produit, de l’équipe de développement et de l’équipe de l’assurance de la qualité, ainsi que de personnes formées en matière d’accessibilité. Air Canada soutient que les membres de ses équipes de développement de produit possèdent des connaissances en matière d’accessibilité puisqu’ils ont suivi une formation sur le sujet, et que l’accessibilité fait partie de leur emploi et qu’ils en discutent de façon hebdomadaire, ou pour plusieurs, quotidienne. Air Canada affirme également que depuis qu’elle a recours aux services d’UsableNet, elle a intégré l’accessibilité à toutes les étapes du cycle de développement de son site Web, y compris l’examen de la conception, le développement, l’assurance de la qualité, les essais intégrés, la production, les essais par les utilisateurs et la résolution des problèmes.
Conformité aux WCAG
[38] M. Lucchini a témoigné qu’UsableNet met à l’essai le site Web d’Air Canada par rapport aux WCAG 2.1 lorsqu’elle réalise des audits. Cependant, plusieurs témoins, y compris la témoin de M. Greco, Mme Liskovoi, ont indiqué qu’il est impossible que le site Web d’Air Canada respecte totalement les WCAGen raison de sa complexité. Air Canada affirme qu’être tenue de respecter parfaitement la norme binaire des WCAGlui imposerait une contrainte excessive.
[39] Air Canada affirme que son site Web est de plus en plus complexe, d’une part pour demeurer compétitif et d’autre part, pour s’adapter aux diverses exigences gouvernementales. Elle affirme que le développement agile d’un site Web doit répondre aux changements et, par conséquent, que des problèmes surviendront probablement toujours lorsqu’il s’agit d’un site Web complexe. Les témoins d’Air Canada reconnaissent donc que son site Web n’est pas parfaitement accessible, mais soutiennent qu’il est d’une accessibilité considérable, ce qui signifie que les utilisateurs peuvent faire une réservation même s’il y a quelques infractions mineures aux WCAG.
Rapport d’expert de Derek Featherstone (Level Access)
[40] Air Canada soutient que les seuls comparatifs justes et rationnels à son site Web sont les sites Web de ses compétiteurs. M. Featherstone souligne que des problèmes surviennent sur tous les sites Web, y compris ceux de compétiteurs qui disposent d’un budget beaucoup plus important pour leurs propriétés numériques. C’est dans cette optique qu’Air Canada a eu recours aux services de Level Access à la fin 2020 pour que l’entreprise réalise une analyse comparative des processus de réservation d’Air Canada et de trois autres transporteurs aériens, dont deux compétiteurs américains et un compétiteur canadien. Air Canada a déposé le rapport créé par Level Acess à la suite de cette analyse (Rapport de décembre 2020) comme élément de preuve démontrant que son site Web avait obtenu de bons résultats lors de cette analyse comparative, particulièrement en tenant compte du fait que les transporteurs aériens américains sont assujettis à des exigences réglementaires en matière d’accessibilité depuis décembre 2015 alors que les transporteurs aériens canadiens ne le sont que depuis décembre 2020.
Paramètres de l’étude
[41] L’analyse comparative réalisée par Level Access a permis d’évaluer la fonctionnalité du site Web d’Air Canada en décembre 2020. Les essais d’utilisation fonctionnelle sont réalisés à l’aide d’utilisateurs handicapés et ont pour objectif de cibler des problèmes qui ne sont pas envisagés dans les WCAG.
[42] M. Featherstone est d’avis qu’une analyse comparative est une façon utile d’évaluer l’accessibilité d’un certain type de technologie (dans le cas présent, un site Web de réservation) tout en tenant compte de la complexité de ce type de technologie. Level Access n’a ni réalisé d’essai automatisé ou manuel du site Web d’Air Canada ni fourni à Air Canada d’analyse ou de rapport technique sur les problèmes.
[43] Level Access a eu recours aux services d’un analyste de l’accessibilité d’expérience, d’un facilitateur (un professionnel de l’expérience client qui facilite les études) et d’un utilisateur-testeur aveugle. L’essai a été réalisé à l’aide de Windows 10, d’un lecteur d’écran JAWS 2020 et du navigateur Web Chrome.
Éléments du site Web de réservation d’un transporteur aérien
[44] M. Featherstone indique que les sites Web de la plupart des transporteurs aériens ont les mêmes suites de tâches et de sous-tâches, qui comprennent notamment :
- la localisation du volet réservation sur la page d’accueil du site Web;
- la détermination des aéroports de départ et d’arrivée;
- la sélection d’un type de voyage (aller simple, aller-retour ou multi-destinations);
- la sélection d’une catégorie de billet (économie, affaires, etc.);
- la détermination du nombre de passagers;
- la détermination des dates de voyage;
- l’examen et la sélection de vols;
- la vérification du résumé du voyage;
- l’inscription des renseignements sur les passagers;
- la sélection d’options de voyage;
- la sélection de sièges;
- l’inscription des renseignements relatifs au paiement;
- la vérification de la confirmation de l’achat.
[45] Level Access a évalué chacun des 12 premiers éléments des sites Web des quatre transporteurs aériens sur une échelle de 1 à 4 pendant que l’utilisateur-testeur réservait un vol de Toronto à San Francisco, un itinéraire complexe choisi pour l’étude parce qu’il offre de nombreuses options de vol, comprend des escales et est plus susceptible de poser problème pour l’utilisateur-testeur. Une note de 1 signifie que l’utilisateur-testeur a pu facilement réaliser la tâche, une note de 2, qu’il a eu besoin de certaines précisions après avoir exprimé une certaine confusion, une note de 3, que le facilitateur a dû intervenir pour accomplir la tâche, et une note de 4, que l’utilisateur-testeur n’a pas pu réaliser la tâche sans que le facilitateur prenne le contrôle.
Résultats
[46] Level Access a donné à Air Canada une note de 1 pour la localisation du volet réservation, la sélection du type de voyage, la détermination des vols de départ et d’arrivée, le résumé du voyage et la confirmation après le paiement.
[47] Level Access a donné à Air Canada une note de 2 pour la sélection d’une catégorie de billet, la détermination du nombre de passagers, la sélection d’options de voyage supplémentaires et la sélection de sièges.
[48] Level Access a donné à Air Canada une note de 3 pour les interfaces et les tâches les plus complexes, soit : la sélection de la plage de dates, l’examen des vols sélectionnés, l’inscription des renseignements sur les passagers et l’inscription des renseignements relatifs au paiement. Le facilitateur a dû expliquer à l’utilisateur-testeur comment réaliser les tâches. M. Featherstone a donné les exemples suivants, tirés du site Web d’Air Canada :
- En utilisant le sélecteur de dates, l’utilisateur-testeur s’attendait à pouvoir inscrire la date, mais ce n’était pas possible. De plus, il était difficile de revenir au sélecteur de dates à l’aide du lecteur d’écran, qui le quittait toujours;
- Sur la page de sélection de vols, beaucoup de renseignements étaient fournis à l’utilisateur-testeur et le facilitateur a dû l’aider à choisir un vol;
- L’utilisateur-testeur était souvent incertain du champ sélectionné lors de l’inscription du sexe ou de la date de naissance dans la section consacrée aux renseignements sur les passagers;
- Enfin, au moment de l’inscription des renseignements relatifs au paiement, l’utilisateur-testeur était incertain de l’option qu’il avait sélectionnée d’après les champs qui étaient lus à voix haute. Par exemple, il pensait avoir choisi de payer par carte de crédit, mais la fenêtre lui permettant de payer par carte de crédit ne s’affichait pas.
[49] Level Access a déterminé qu’il n’y avait pas de tâches complètement hors d’atteinte pour les personnes qui utilisent un lecteur d’écran sur le site Web d’Air Canada; par conséquent, Air Canada n’a reçu aucune note de 4, contrairement à son principal compétiteur canadien.
[50] Air Canada a obtenu une note moyenne de 1,92, soit un peu plus que ses compétiteurs américains (1,73 et 1,75) et beaucoup moins que son compétiteur canadien (2,42).
Réponse de M. Greco aux éléments de preuve d’Air Canada
[51] M. Greco affirme que le témoignage de M. Lucchini selon lequel tous les problèmes ciblés dans l’audit réalisé par UsableNet du site Web d’Air Canada datant d’avril 2021 avaient été réglés est anecdotique et n’a pas été vérifié. Air Canada a mentionné, pendant l’audience, un audit réalisé par UsableNet en avril 2021, mais elle n’a pas déposé cet audit ni tout autre audit ou évaluation auprès de l’Office mis à part le rapport d’utilisation comparative produit par Level Access en décembre 2020.
[52] Dans son plaidoyer final, M. Greco affirme que même si Air Canada a établi que son site Web était techniquement conforme et utilisable, elle a également démontré qu’il était en constante évolution. Par conséquent, selon lui, des modifications éventuelles pourraient entraver l’accessibilité du site Web.
Présentations de M. Greco
[53] M. Greco conteste l’affirmation d’Air Canada selon laquelle il lui incombe de démontrer que l’obstacle existe toujours. Selon lui, la décision sur les obstacles et la décision LET-AT-A-50-2021 obligent Air Canada à démontrer que son site Web est entièrement accessible. Il soutient qu’Air Canada ne s’est pas acquittée de son obligation et que le fait de rendre son site Web accessible ne lui imposerait pas une contrainte excessive.
Accessibilité du site Web
[54] M. Greco reconnaît que plusieurs améliorations importantes ont été apportées au site Web d’Air Canada depuis sa demande initiale. Cependant, il affirme que l’inégalité d’accès mentionnée dans la décision sur les obstacles existe toujours. Pour étayer sa présentation, il a déposé trois fichiers vidéo dans lesquels il utilise le site Web, présenté trois experts qui ont fait des rapports et témoigné lors de l’audience, et fait une démonstration lors de l’audience.
Présentations vidéo de M. Greco dans lesquelles il utilise le site Web d’Air Canada
17 septembre 2020, 17 h 45
[55] Dans la première vidéo qu’il a déposée, M. Greco fait une démonstration de l’utilisation du site Web d’Air Canada à l’aide de la plus récente version de JAWS sur un ordinateur Windows 10. M. Greco n’apparaît pas dans la vidéo, mais on l’entend donner des explications tout au long de la vidéo. On n’entend pas son lecteur d’écran. M. Greco soutient qu’il a rencontré les problèmes suivants pendant qu’il essayait de réserver des billets aller-retour pour un vol de Vancouver (Colombie‑Britannique) à Halifax (Nouvelle-Écosse) pour deux adultes et un enfant :
- Les directives fournies pour sélectionner le nombre de passagers étaient incorrectes;
- Les renseignements donnés sur le nombre de passagers sélectionné étaient incorrects;
- Les commandes n’étaient pas les mêmes dans toutes les sections, dans certaines d’entre elles, il devait utiliser les flèches, mais dans d’autres, la touche de tabulation.
17 septembre 2020, 18 h 05
[56] Dans cette vidéo, M. Greco navigue sur le site Web d’Air Canada et sélectionne un vol de retour de Halifax à Vancouver pour un adulte dont le départ est prévu le 14 novembre 2020 et le retour, le 29 novembre 2020. M. Greco ne décrit pas cette vidéo et ne cible pas les problèmes qu’il pourrait avoir rencontrés. On n’entend pas non plus son lecteur d’écran.
10 janvier 2021
[57] Dans cette vidéo, M. Greco a activé l’audio de son lecteur d’écran. Cependant, il ne décrit pas la vidéo et ne cible pas les problèmes qu’il pourrait avoir rencontrés.
Rapport d’expert de Lisa Liskovoi (Centre de recherche sur la conception inclusive)
Paramètres de l’étude
[58] Mme Liskovoi a évalué si toutes les tâches du processus de réservation sur le site Web d’Air Canada pouvaient être réalisées à l’aide d’un clavier et si toutes les interactions étaient transmises de façon claire et exacte à l’utilisateur-testeur. Mme Liskovoi s’est particulièrement penchée sur les sections du site Web de réservation d’Air Canada consacrées à la recherche et la sélection de sièges, et à l’inscription des détails sur les passagers. Mme Liskovoi a achevé son étude le 11 février 2021. Elle a utilisé Windows 10 Pro, un lecteur d’écran NVDA 2020.4 et le navigateur Web Chrome 88 sur un ThinkPad de Lenovo, et macOS Mojave 10.14.6, le lecteur d’écran VoiceOver et le navigateur Web Safari sur un MacBook Pro d’Apple.
Résultats
[59] Mme Liskovoi a découvert quatre principales catégories de problèmes d’accessibilité pendant ses essais.
Directives incorrectes
[60] Mme Liskovoi affirme qu’à plusieurs reprises, les directives fournies à l’utilisateur n’expliquaient pas clairement ce qu’il devait faire pour accomplir une tâche. Par exemple, lors de l’utilisation de VoiceOver sur un Mac, les directives précisaient de se servir des flèches pour faire une sélection, mais rien ne se produisait après avoir appuyé sur une flèche. Mme Liskovoi soutient que l’utilisateur-testeur a reçu des directives contradictoires lors de l’utilisation de NVDA sur un PC, soit de se servir des flèches pour faire une sélection et d’utiliser la touche de tabulation pour la même tâche.
Caractère imprévisible de certains éléments
[61] Mme Liskovoi soutient qu’Air Canada utilise des commandes qui ne sont pas normalisées et qui réagissent de façon imprévisible. Par exemple, Mme Liskovoi suggère que le sélecteur de dates d’Air Canada aurait pu être plus inclusif en permettant à l’utilisateur-testeur d’inscrire la date au clavier.
Rétroaction incorrecte sur les valeurs inscrites
[62] Mme Liskovoi soutient que l’utilisateur-testeur recevait une rétroaction incorrecte lorsqu’il inscrivait une valeur dans un formulaire. Par exemple, à l’aide de VoiceOver sur un Mac, si l’utilisateur-testeur faisait une sélection dans le champ « De » et passait au champ « À », le lecteur d’écran lui disait que la valeur de ces deux champs était la même bien que le champ « À » était vide. Un problème similaire se produisait avec NVDA sur PC.
Renseignements lus dans le mauvais ordre
[63] Mme Liskovoi soutient que l’ordre de lecture du contenu est crucial puisque lorsqu’un élément est dans le mauvais ordre, la signification du contenu peut changer. Par exemple, en comparant le tarif de base et le tarif standard, les renseignements, présentés visuellement en colonnes, sont lus ligne par ligne, toutes catégories confondues, plutôt que par colonne.
[64] Mme Liskovoi souligne également que le site Web d’Air Canada n’a pas de déclaration d’accessibilité. Elle affirme que les sites Web devraient expliquer aux utilisateurs, par le biais d’une déclaration d’accessibilité, en quoi leurs produits sont accessibles et les étapes suivies par l’organisme pour les rendre accessibles.
Rapport d’expert d’Abhishek Gupta (Professional Quality Assurance)
Paramètres de l’étude
[65] M. Gupta soutient qu’il a évalué le site Web de réservation d’Air Canada en utilisant NVDA sur un ordinateur de bureau, VoiceOver sur un appareil mobile iOS et TalkBack sur un appareil mobile Android. Ses conclusions ont été comparées aux normes de niveau AA des WCAG2.0 afin de recenser tout problème qui empêcherait les personnes qui utilisent un lecteur d’écran de faire une réservation sur le site Web d’Air Canada. L’équipe de M. Gupta a évalué le site Web d’Air Canada pendant un mois, du 17 décembre 2020 au 17 janvier 2021, et trois testeurs et un chef d’équipe ont participé à cette évaluation.
Résultats
[66] Le rapport de M. Gupta est accompagné d’une feuille de calcul qui décrit les problèmes qui surviennent sur le site Web d’Air Canada et les critères de réussite connexes des WCAG. En tout, M. Gupta a recensé 181 problèmes. Dans son rapport, il a regroupé dans les catégories ci-dessous les problèmes qui surviennent sur le site Web de réservation d’Air Canada et que rencontrent, selon lui, les personnes qui utilisent un lecteur d’écran.
Difficulté d’accès à la fenêtre de calendrier à l’aide du clavier
[67] Principalement lors de l’utilisation de VoiceOver, la souris doit se trouver sur le calendrier pour que l’utilisateur puisse sélectionner la date de ses vols. Selon M. Gupta, les personnes qui utilisent un lecteur d’écran devraient pouvoir accéder au calendrier à l’aide de leur clavier. Le lecteur d’écran lit également à voix haute des renseignements impertinents et des dates erronées.
Le lecteur d’écran VoiceOver lit d’un trait tous les résultats
[68] M. Gupta affirme que tous les champs devraient être lus dans un ordre logique et qu’il devrait y avoir une pause après chacun d’entre eux plutôt qu’ils soient tous lus d’un trait.
Les fenêtres contextuelles sont lues dans le mauvais ordre
[69] M. Gupta souligne que lorsqu’une fenêtre comparant les tarifs économique standard et économique confort s’affiche, les renseignements sont divisés en deux boîtes côte-à-côte, et que les renseignements devraient être lus de haut en bas pour chaque colonne, mais qu’ils sont lus de gauche à droite, comme s’ils étaient présentés sous forme de lignes.
Les montants en dollars ne peuvent pas être lus par un lecteur d’écran sur plusieurs pages Web
[70] M. Gupta soutient que les montants en dollars ne sont pas lus à voix haute sur les pages « Résumé », « Options », « Confirmation », « Revoir » et « Paiement ». Il affirme que les personnes qui utilisent un lecteur d’écran ne peuvent pas savoir combien coûte un vol.
Les messages d’erreur ne sont pas lus à voix haute sur la page Web « Passagers »
[71] M. Gupta soutient que sur la page Web « Passagers », si l’utilisateur-testeur ne remplit pas un champ obligatoire, le lecteur d’écran ne lit pas le message d’erreur; par conséquent, l’utilisateur-testeur ne sait pas quel champ est vide.
[72] Enfin, M. Gupta affirme que le site Web d’Air Canada devrait comprendre une déclaration d’accessibilité qui décrit les efforts qu’elle déploie pour respecter les critères de réussite de niveau AA des WCAG 2.0, les problèmes en suspens et les lecteurs d’écran compatibles.
Rapport d’expert de Jonathan Duncan (Professional Quality Assurance)
[73] M. Duncan a utilisé les rapports de M. Gupta et de Mme Liskovoi, et ses 25 ans d’expérience en développement logiciel pour formuler une opinion professionnelle quant à savoir comment et pourquoi ces problèmes surviennent ainsi qu’une solution potentielle pour les régler. M. Duncan indique qu’il n’a pas pu faire d’analyse exhaustive de la cause des problèmes puisqu’il n’a pas examiné la conception initiale ou les détails techniques du site Web d’Air Canada, y compris son architecture ou son codage.
[74] M. Duncan suggère que les scénarios suivants pourraient avoir contribué aux problèmes qui surviennent sur le site Web d’Air Canada et fournit certaines solutions potentielles pour les régler.
Conception
[75] M. Duncan suggère que les concepteurs font souvent le choix de délaisser certains clients pour attirer une plus grande clientèle. Des groupes qui pourraient nécessiter une attention particulière sont souvent oubliés pendant la phase initiale de conception puisque l’entreprise met l’accent sur son but premier d’attirer des clients sur son site Web.
Technologie
[76] M. Duncan suggère que les entreprises font souvent des choix en matière de technologie sans comprendre les exigences du logiciel. Par exemple, M. Duncan émet l’hypothèse, après l’examen du site Web d’Air Canada, que la technologie sous‑jacente à l’interface utilisateur du site Web est Angular. Il souligne qu’Angular comporte certains obstacles à l’accessibilité et qu’il s’agit d’un mauvais choix si l’accessibilité est une exigence. Régler des problèmes d’accessibilité qui surviennent sur un site Web exploité à l’aide d’Angular nécessiterait une certaine reconception et une correction des problèmes plus chirurgicale. Air Canada pourrait également entièrement reconcevoir son site Web et changer de technologies, mais cette solution serait beaucoup moins rentable.
Démonstration réalisée par M. Greco lors de l’audience
[77] Pour sa démonstration, M. Greco s’est servi de JAWS, d’un ordinateur qu’il décrit comme étant un ordinateur portatif normal pour le travail, et du navigateur Web Chrome. Il a indiqué qu’il allait réserver un itinéraire multi-destinations de Saint John (Nouveau-Brunswick) à Winnipeg (Manitoba), puis à Vancouver (Colombie-Britannique), et enfin, de retour à Saint John. Il a affirmé qu’il ferait intentionnellement des erreurs pour démontrer ce que comprend le lecteur d’écran lorsque l’utilisateur commet une erreur.
[78] Il a été en mesure de sélectionner deux passagers de plus de 16 ans et de sélectionner Saint John comme ville de départ. Il a ensuite intentionnellement inscrit le mauvais code pour Winnipeg, mais n’a pas été immédiatement averti par son lecteur d’écran qu’une erreur était survenue. Il a été capable de corriger l’erreur en se fiant aux renseignements fournis en mode révision, mais a affirmé qu’il n’avait utilisé le mode révision que pour recevoir le message d’erreur parce qu’il savait qu’il avait inscrit des renseignements erronés. À ce point de la démonstration, il a affirmé que le site Web était fonctionnel à 90 %.
[79] M. Greco est ensuite passé au sélecteur de dates pour sélectionner la date de son départ. Il a utilisé son clavier pour inscrire les dates dans l’ordre suivant : jour, mois et année. Il a inscrit le 10 novembre 2021 comme date de départ de Saint John et le 11 octobre 2021 comme date de retour. Son lecteur d’écran lui a dit que ce n’était pas possible, mais il a affirmé qu’un message aurait dû s’afficher pour lui indiquer que son erreur était l’ordre dans lequel il avait inscrit les dates.
[80] Il a ensuite découvert qu’il avait inscrit sa date de retour dans le champ où il aurait dû inscrire sa prochaine ville de départ. Son lecteur d’écran lui a dit que son erreur était qu’aucune ville de départ ne correspondait à ce qu’il avait inscrit dans le champ.
[81] M. Greco a tenté de corriger la ville de départ du deuxième segment de son itinéraire en inscrivant les lettres « V », « A » et « N » pour Vancouver et en appuyant sur la touche entrée, mais une erreur s’est produite. Il a affirmé qu’il pensait qu’il avait sélectionné de Saint John à Winnipeg, puis à Vancouver, mais qu’il a réalisé qu’il devait inscrire que son deuxième vol était de Winnipeg à Vancouver, son départ pour le deuxième segment de son itinéraire étant prévu le 14 octobre.
[82] M. Greco est ensuite passé au processus de sélection de vols. Il a sélectionné, dans la liste, un vol de Saint John à Winnipeg avec une escale à Montréal (Québec) pour son chien guide.
[83] Il a affirmé qu’il souhaitait ignorer la sélection de sièges, mais qu’une fenêtre l’obligeait à consulter les sièges. Il n’a pas été capable de sortir de la fenêtre de sélection de sièges et a mis fin à sa démonstration.
Accessibilité fonctionnelle et conformité technique
[84] M. Greco affirme que l’expert d’Air Canada, M. Featherstone, a témoigné que l’accessibilité d’un site Web comporte deux volets, c’est-à-dire l’accessibilité fonctionnelle (facilité d’utilisation ou convivialité) et la conformité technique aux WCAG. M. Greco reconnaît qu’Air Canada a démontré l’accessibilité fonctionnelle de son site Web lors de l’audience, mais soutient que ce n’est pas suffisant. Il affirme que si le site Web d’Air Canada était à la fois accessible d’un point de vue fonctionnel et conforme d’un point de vue technique, Air Canada aurait tout fait pour éliminer l’obstacle jusqu’à ce que la contrainte devienne excessive, mais qu’elle n’a toujours pas démontré sa conformité technique.
[85] M. Greco soutient qu’il est possible de démontrer l’accessibilité d’un site Web en vérifiant s’il est conforme aux WCAG. À titre d’élément de preuve, il mentionne que son experte, Mme Liskovoi, a témoigné qu’un site Web peut respecter les WCAGet tout de même comporter des obstacles pour les utilisateurs, mais qu’une telle situation est beaucoup plus probable lorsqu’il s’agit d’un site Web qui n’est pas conforme aux WCAG. M. Greco reconnaît que Mme Liskovoi a affirmé qu’une conformité totale aux WCAG est peu probable, mais il est en désaccord avec l’affirmation d’Air Canada selon laquelle elle ne peut pas être tenue de respecter les lignes directrices des WCAG puisque selon lui, elles sont le meilleur outil pour mesurer l’accessibilité d’un site Web.
[86] M. Greco a affirmé dans son plaidoyer final qu’Air Canada n’a pas déposé de données sur la conformité technique de son site Web malgré qu’elle détienne ces renseignements. Pour étayer sa position, M. Greco souligne que M. Allen a témoigné qu’UsableNet a réalisé un audit du site Web d’Air Canada à l’aide des WCAG 2.0 AA et 2.1 AA. M. Greco affirme que sans données sur la conformité technique du site Web, l’Office ne peut pas évaluer dans quelle mesure le site Web d’Air Canada est réellement accessible. Selon lui, ces éléments de preuve auraient permis à l’Office d’évaluer la convivialité et la conformité technique du site Web, mais que dans le contexte actuel, l’Office ne dispose pas des éléments de preuve nécessaires pour déterminer si le site Web d’Air Canada est accessible.
Contrainte excessive
[87] M. Greco soutient que le critère de la contrainte excessive est difficile à atteindre. Les transporteurs ne peuvent être dégagés de leur responsabilité d’accommoder les passagers handicapés que s’il est impossible, peu pratique ou déraisonnable d’éliminer l’obstacle.
[88] M. Greco affirme qu’Air Canada n’a pas fourni d’éléments de preuve qui pourraient suggérer qu’elle se verrait imposer une contrainte excessive si elle devait rendre son site Web conforme aux WCAG.
[89] En outre, M. Greco affirme qu’Air Canada n’a pas publié de déclaration d’accessibilité au cours des quatre dernières années malgré qu’il s’agisse d’une pratique exemplaire. Il affirme qu’Air Canada n’a pas fourni d’éléments de preuve qui pourraient suggérer que le fait d’avoir une déclaration d’accessibilité lui imposerait une contrainte excessive. M. Greco reconnaît que les WCAGn’exigent pas de déclaration d’accessibilité, mais il soutient que, selon les témoignages d’experts présentés à l’Office, l’état actuel de l’accessibilité du site Web devrait être communiqué aux utilisateurs et que les déclarations d’accessibilité sont une pratique courante pour ce faire.
[90] Enfin, M. Greco remet en question l’engagement d’Air Canada envers l’accessibilité et souligne que son Centre d’excellence ne compte aucun membre ayant une déficience visuelle mis à part ceux qui sont employés par son organisme de consultation contractuel, UsableNet.
Réponse d’Air Canada aux éléments de preuve de M. Greco
Éléments de preuve déposés avant l’audience
[91] Air Canada affirme que les éléments de preuve déposés par M. Greco avant l’audience sont périmés puisque son site Web a évolué depuis qu’ils ont été présentés. Elle affirme également que les présentations antérieures à l’audience de M. Greco n’ont pas été vérifiées puisqu’Air Canada n’a pas pu lui poser de questions sur ses techniques et la résolution de problèmes comme elle a pu le faire lors de l’audience. Néanmoins, Air Canada soutient que les problèmes ciblés dans la demande de M. Greco ont été réglés tout comme les erreurs en matière d’accessibilité recensées dans les rapports d’audit d’UsableNet, dont celles mentionnées dans sa réponse d’août 2019.
Démonstration réalisée par M. Greco lors de l’audience
[92] Air Canada affirme que la démonstration réalisée par M. Greco d’une réservation faite à l’aide d’un lecteur d’écran lors de l’audience n’est pas un bon exemple de l’accessibilité de son site Web pour les personnes qui utilisent habituellement un lecteur d’écran pour les raisons suivantes :
- Il n’a pas écouté les directives ou les renseignements lus à voix haute, par exemple au moment d’inscrire le nombre de passagers, d’inscrire la date, de sortir de la fenêtre de sélection de sièges ou de consulter les durées des escales;
- Il a fait des suppositions fautives qui n’étaient pas liées à l’accessibilité, par exemple qu’il n’avait pas à inscrire la ville de départ pour le deuxième segment de son itinéraire multi-destinations ou que la durée de l’escale n’était pas clairement indiquée alors qu’elle l’était;
- Il a fait des sélections inhabituelles, comme un itinéraire multi-destinations, ce qui, selon Air Canada, ne représente que 2,4 % des réservations;
- Il a cherché ou commis intentionnellement des erreurs, un exercice qui va au‑delà de l’évaluation d’un site Web pour réserver un billet et ressemble davantage à une mise à l’essai pour l’assurance de la qualité;
- Il n’a pas utilisé de façon méthodique, exhaustive ou uniforme des techniques habituelles de dépannage pour remédier aux problèmes qu’il a rencontrés, comme aller assez loin pour entendre un message d’erreur placé à un endroit prévisible sur l’inscription erronée d’une ville de départ ou ne pas continuer à utiliser le même bouton de navigation sur une même page pour trouver ce qu’il cherchait;
- Il était réticent à admettre ses erreurs non intentionnelles, que tous les utilisateurs, y compris certains témoins d’Air Canada qui travaillent dans le domaine, peuvent faire, comme lorsqu’il a accidentellement appuyé sur la touche Windows sur son clavier, que le menu de démarrage de Windows s’est affiché sur son écran et qu’il a quitté le site Web d’Air Canada.
[93] Air Canada soutient que les problèmes d’accessibilité rencontrés par M. Greco sont mineurs et qu’ils n’ont pas entravé sa capacité à réserver un vol, ce que M. DiNero a confirmé et M. Greco a plus tard reconnu. Air Canada ajoute que les problèmes que M. Greco a rencontrés sur son site Web n’étaient pas tous liés à l’accessibilité, mais plutôt à des suppositions fautives ou à des erreurs de sa part. Enfin, Air Canada souligne que la capacité de M. Greco d’utiliser son site Web s’est améliorée avec le temps.
Rapport en réponse de Derek Featherstone (Level Access)
[94] M. Featherstone a préparé un rapport en réponse dans lequel il examine les rapports d’Abhishek Gupta, de Jonathan Duncan et de Lisa Liskovoi qui ont été déposés par M. Greco pour étayer sa demande. Comme M. Featherstone l’a établi dans son rapport en réponse, il a examiné les méthodologies de mise à l’essai et de production de rapports utilisées par les trois experts de M. Greco. Il soutient que les rapports relevaient de nombreuses incohérences et des problèmes qui n’étaient pas liés à l’accessibilité sur le site Web d’Air Canada.
Rapport d’expert d’Abhishek Gupta (Professional Quality Assurance)
[95] M. Featherstone résume son évaluation du rapport de M. Gupta en affirmant que les essais et le rapport ont été réalisés par des personnes qui n’ont pas d’expérience avec des technologies accessibles. Il affirme que les défauts du rapport de M. Gupta lui font remettre en question la fiabilité et l’exactitude du rapport. Il souligne que les erreurs en matière d’accessibilité dans la feuille de calcul même que M. Gupta a jointe à son rapport démontrent également qu’il comprend mal l’accessibilité des sites Web. Certains problèmes recensés par M. Featherstone en ce qui a trait au rapport de M. Gupta sont indiqués ci-dessous.
Problèmes de doublons
[96] M. Featherstone soutient que le rapport de M. Gupta compte 181 erreurs en matière d’accessibilité, mais qu’une interprétation plus nuancée des renseignements qu’il contient permettrait de réduire ce nombre à 26 erreurs uniques et vérifiables. M. Featherstone croit qu’une des raisons pour lesquelles il n’y a que 26 erreurs uniques est que les essais manuels et automatiques peuvent soulever les mêmes erreurs, mais qu’elles ne devraient être comptées qu’une fois. De plus, si un problème survenu lors d’un essai réalisé à l’aide de VoiceOver sur iOS est également survenu dans le cadre d’un essai réalisé à l’aide de TalkBack sur Android, on pourrait s’attendre à ce que ces problèmes soient comptabilisés comme un seul problème d’accessibilité sur le site Web. M. Gupta a réservé une colonne aux doublons dans sa feuille de calcul, comme on pourrait s’y attendre dans un rapport sur des essais en matière d’accessibilité, mais il n’a relevé aucun problème de doublon parmi les 147 erreurs ciblées lors des essais manuels bien que plusieurs méthodes aient été utilisées.
Problèmes liés au rendement
[97] M. Gupta a recensé sept problèmes liés au rendement, comme une page ne chargeant pas correctement ou assez rapidement. Par exemple, si la page ne se charge pas correctement, on pourrait penser qu’il s’agit d’un problème d’accessibilité pour les personnes qui utilisent un lecteur d’écran puisque certains renseignements sont manquants, mais M. Featherstone affirme qu’il ne s’agit pas d’un problème d’accessibilité puisqu’il touche tous les utilisateurs.
Inexpérience de l’utilisation d’un lecteur d’écran
[98] Selon M. Featherstone, M. Gupta a recensé certains problèmes dans son rapport qui indiquent qu’il ne comprend pas le fonctionnement normal d’un lecteur d’écran. Par exemple, les phrases lues de façon fragmentée, le symbole du dollar canadien (qui s’écrit CA $) prononcé « CA symbole du dollar » et la lecture de l’emplacement du curseur ne sont pas des erreurs en matière d’accessibilité du site Web puisqu’on pourrait s’attendre à un tel comportement de la part d’un lecteur d’écran et que les personnes qui utilisent habituellement un lecteur d’écran ne seraient pas confondues.
[99] M. Featherstone explique également que lorsqu’une personne utilise un lecteur d’écran avec un écran tactile, elle doit appliquer la bonne pression à la bonne vitesse pour naviguer sur une page Web. Si la personne appuie trop fort, l’appareil pourrait croire qu’elle souhaite aller ailleurs sur la page plutôt que de continuer à lire une certaine section. Le rapport de M. Gupta reconnaît que l’un des testeurs a peut-être appuyé trop fort, ce qui l’a amené ailleurs sur l’écran. Les testeurs d’expérience devraient savoir que ces erreurs existent (même les utilisateurs d’expérience appuient parfois trop fort) et ne pas les considérer comme des problèmes d’accessibilité.
[100] Enfin, M. Featherstone souligne que M. Gupta a affirmé que le lecteur d’écran ne met pas dûment l’accent sur les prix dans une certaine capture d’écran. M. Featherstone soutient qu’il s’agit du fonctionnement normal d’un lecteur d’écran. L’utilisateur devrait pouvoir utiliser la touche de tabulation pour passer d’un champ à l’autre lorsqu’il doit y inscrire des données, mais un lecteur d’écran ne devrait pas pouvoir mettre l’accent sur les renseignements présentés sous forme de texte. Autrement dit, les personnes qui utilisent un lecteur d’écran devraient utiliser les flèches (et non la touche de tabulation) pour se rendre à ces renseignements.
Catégorisation erronée des problèmes en matière d’accessibilité
[101] Selon M. Featherstone, l’équipe de M. Gupta a mal catégorisé 49 des 181 problèmes en matière d’accessibilité signalés. Pour fournir des renseignements significatifs à un client, les testeurs de l’accessibilité doivent être en mesure de déterminer à quel critère de réussite des WCAG une erreur correspond. La catégorisation erronée des erreurs, selon M. Featherstone, indique que les testeurs n’ont pas d’expérience.
[102] Pour illustrer ses propos, M. Featherstone souligne que l’une des conclusions principales de M. Gupta et de Mme Liskovoi est que dans une section du site Web d’Air Canada, les renseignements sont organisés sous forme de colonnes, mais que le lecteur d’écran les lit comme s’ils étaient organisés sous forme de lignes, et que, par conséquent, l’utilisateur ne peut pas comprendre le contenu. Cet exemple représente un vrai manquement à un critère de réussite des WCAG (1.3.2 Ordre séquentiel logique). M. Featherstone explique que d’après son expérience, les manquements au critère 1.3.2 sont relativement rares et représentent moins de 0,01 % des erreurs en matière d’accessibilité ciblées par Level Access au cours des 10 dernières années de mise à l’essai de sites Web et d’applications. Cependant, dans le rapport de M. Gupta, le critère de l’ordre séquentiel logique a été utilisé pour catégoriser environ 31,5 % des 181 problèmes qui ont été recensés, ce qui indique que le critère 1.3.2 a probablement été utilisé de façon erronée comme catégorie par défaut lorsque ce que lisait le lecteur d’écran n’avait pas de sens aux yeux des testeurs.
[103] Le contraire est vrai pour le critère de réussite 4.1.2; l’équipe de M. Gupta n’a catégorisé que 2 % des erreurs comme étant des manquements au critère 4.1.2, tandis que l’utilisation moyenne du critère 4.1.2 par l’équipe de M. Featherstone au cours des 10 dernières années est de 29 %.
Fenêtres de calendrier
[104] M. Featherstone souligne que M. Gupta a affirmé que la souris devait être utilisée pour se rendre sur la fenêtre du calendrier, mais que Mme Liskovoi a indiqué que la fenêtre fonctionnait avec les commandes et les flèches. M. Gupta a également affirmé que les lecteurs d’écran lisent à voix haute des renseignements qui ne sont pas pertinents, mais M. Featherstone souligne que ce problème ne fait pas partie des problèmes recensés par les testeurs de lecteur d’écran. Par conséquent, il est difficile de savoir d’où M. Gupta tire ces renseignements.
Messages d’erreur qui ne sont pas lus à voix haute
[105] M. Gupta soutient que les messages d’erreur n’étaient pas lus à voix haute correctement sur la page Renseignements sur les passagers uniquement, tandis que M. Featherstone affirme qu’il y avait des messages d’erreur sur la page. Il émet l’hypothèse que l’équipe de M. Gupta pourrait avoir manqué les messages d’erreur incorporés qui ont été lus comme c’est le cas pour plusieurs personnes qui utilisent un lecteur d’écran s’ils vont trop rapidement.
Pas de déclaration d’accessibilité
[106] Enfin, le rapport de M. Gupta énonce qu’il n’y a pas de déclaration d’accessibilité sur le site Web. M. Featherstone souligne qu’il ne s’agit pas d’une exigence des WCAGet que, selon lui, l’absence d’une déclaration d’accessibilité ne rend pas le site Web inaccessible.
Rapport d’expert de Lisa Liskovoi (Centre de recherche sur la conception inclusive)
[107] M. Featherstone reconnaît que le rapport de Mme Liskovoi témoigne d’une meilleure compréhension des problèmes en matière d’accessibilité que celui de M. Gupta. Cependant, il affirme que le principal enjeu relatif au rapport de Mme Liskovoi est qu’il ne comprend pas de conclusions détaillées, mais seulement un résumé. Mme Liskovoi n’a pas indiqué le nombre, la fréquence et la gravité des problèmes ciblés. Le rapport ne comprend pas suffisamment de détails pour pouvoir reproduire un problème en matière d’accessibilité ou déterminer une marche à suivre.
M. Featherstone souligne que le rapport de Mme Liskovoi fait état de quatre principales erreurs qui, selon lui, sont communes lorsqu’il est question d’un site Web aussi complexe et appartenant à un organisme aussi grand qu’Air Canada :
- Les utilisateurs ont reçu des directives erronées sur les éléments de fonctionnement;
- Les éléments ont eu un fonctionnement inattendu;
- Des renseignements erronés ont été fournis sur les valeurs inscrites;
- Les balises sémantiques ne sont pas apparues dans le bon ordre.
[108] En revanche, M. Featherstone affirme que Mme Liskovoi n’a pas recensé certains problèmes qui surviennent souvent sur des sites Web complexes et de grande envergure, comme l’accès au processus de réservation à l’aide du clavier, les champs du formulaire non étiquetés, le texte de remplacement des images et les balises sémantiques en général. Autrement dit, ces erreurs ne sont pas survenues sur le site Web d’Air Canada. M. Featherstone affirme que cela signifie qu’Air Canada chemine vers l’accessibilité, même depuis le moment où Level Access a examiné le site Web pour le rapport de décembre 2020 de M. Featherstone.
[109] M. Featherstone souligne que Mme Liskovoi et M. Gupta ont tous deux indiqué qu’ils avaient utilisé le sélecteur de dates avec un clavier plutôt qu’avec un lecteur d’écran. M. Featherstone affirme que cette façon de faire n’est pas représentative de l’expérience des personnes qui utilisent un lecteur d’écran puisque, par exemple, M. Greco a inscrit la date plutôt que d’utiliser le sélecteur de dates lors de sa démonstration. Selon M. Featherstone, un aspect important de la conception accessible est que l’utilisateur ait plusieurs options pour fournir les renseignements demandés. M. Featherstone soutient que le fait de pouvoir inscrire la date manuellement, particulièrement lorsque le format de la date est fourni par le site Web et lu à voix haute par le lecteur d’écran, est une forme acceptable d’inscription accessible de données.
Rapport d’expert de Jonathan Duncan (Professional Quality Assurance), analyse des causes fondamentales possibles
[110] M. Featherstone affirme que le rapport de M. Duncan sur les causes fondamentales de l’inaccessibilité du site Web d’Air Canada est composé en grande partie de conjectures et d’hypothèses. Il souligne que M. Duncan reconnaît qu’il ne connaît pas les pratiques d’Air Canada en matière de conception, de développement ou de mise à l’essai et qu’il ne disposait pas des renseignements minimaux pour pouvoir réaliser une analyse des causes fondamentales.
[111] M. Featherstone affirme également que le rapport de M. Duncan n’est pas fiable puisqu’il n’est fondé que sur les rapports de M. Gupta et de Mme Liskovoi. Il soutient que le premier problème de ce fondement est qu’il n’a pas été clairement établi que M. Gupta et Mme Liskovoi avaient le même mandat, ce qui rend difficile la formulation de conclusions fondées sur ces deux rapports. M. Featherstone suggère également que M. Duncan n’a pas vérifié les renseignements fournis par M. Gupta puisqu’il n’a pas mentionné les erreurs et les incohérences recensées par M. Featherstone dans son rapport. M. Featherstone croit que si M. Duncan avait reçu un rapport de M. Gupta comportant 26 erreurs (le nombre d’erreurs vérifiables et uniques selon M. Featherstone) plutôt que les 181 recensées par M. Gupta, il serait parvenu à une conclusion différente.
[112] Enfin, M. Featherstone affirme que M. Duncan compte 25 ans d’expérience du développement de sites Web, son curriculum vitae n’indique aucune expérience de l’accessibilité ou des WCAG. M. Featherstone demeure incertain de l’expérience sur laquelle M. Duncan se fonde pour formuler des affirmations sur l’accessibilité du site Web d’Air Canada.
Analyse
[113] L’Office a conclu dans la décision sur les obstacles que M. Greco a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement en raison d’un accès inégal au site Web d’Air Canada. À ce point de l’instance, il incombe à Air Canada de démontrer la façon dont elle peut éliminer l’obstacle d’accès inégal à son site Web ou son impossibilité de le faire sans se voir imposer une contrainte excessive. Dans la décision sur la portée, l’Office a précisé qu’à la lumière de la nature continue et évolutive de l’obstacle et du fait que les problèmes d’accessibilité ciblés au cours de l’instance sont des manifestations de l’obstacle plutôt que l’obstacle en soit, l’accessibilité du site Web d’Air Canada au moment de l’audience est la plus pertinente aux fins d’analyse par l’Office. Par conséquent, l’Office détermine que l’élimination de l’obstacle correspond à un accès égal au site Web d’Air Canada entre les personnes qui utilisent un lecteur d’écran et celles qui n’en utilisent pas au moment de l’audience.
[114] Comme il est expliqué ci-après, l’Office conclut que les éléments de preuve présentés pendant l’audience et dans les rapports d’expert démontrent que les personnes qui utilisent un lecteur d’écran sont maintenant capables de faire une réservation de façon autonome dans un laps de temps similaire aux personnes qui n’en utilisent pas. L’Office conclut que la question de savoir si Air Canada est techniquement en conformité n’est pas déterminante à l’égard de l’accès égal de M. Greco au site Web d’Air Canada. À la lumière des complexités techniques d’un site Web de réservation, l’Office reconnaît que la présence de problèmes mineurs pour les personnes qui utilisent un lecteur d’écran et l’absence d’une déclaration d’accessibilité ne suffisent pas pour établir que l’accès est inégal.
Démonstrations lors de l’audience
[115] Les démonstrations réalisées lors de l’audience indiquent que les problèmes en matière d’accessibilité qui avaient plus tôt été recensés ont été réglés et que le site Web d’Air Canada comporte toujours certains problèmes mineurs, mais qu’aucun d’entre eux n’empêcherait les personnes qui utilisent un lecteur d’écran de faire une réservation de façon autonome. Il est possible de comprendre les renseignements du site Web à l’aide du contexte et de réaliser les tâches en prenant quelques détours.
Démonstrations de réservation réalisées par M. Greco
[116] M. Greco a tenté de faire trois réservations lors de l’audience. Sa première démonstration a eu lieu pendant son interrogatoire principal et sa deuxième, pendant son contre-interrogatoire, M. Greco ayant répété sa première démonstration tout en étant interrogé par Air Canada. Il a fait sa troisième réservation entre les dates de la deuxième et de la troisième audience, mais elle a été versée au dossier par témoignage.
[117] Lors de sa première démonstration, M. Greco a été capable d’inscrire la date dans le champ sans avoir à utiliser le sélecteur de dates, qui, selon le rapport de décembre 2020 de M. Featherstone, représentait un problème d’accessibilité. M. Greco a inscrit la date dans le mauvais format, mais l’Office souligne qu’il a parcouru de façon hâtive les directives fournies par son lecteur d’écran. L’Office reconnaît que les personnes qui utilisent un lecteur d’écran doivent occasionnellement passer les renseignements prévisibles pour gagner du temps, mais que cela ne signifie pas que les directives n’existent pas. De plus, l’Office souligne, en tenant compte de la présentation de M. Greco selon laquelle le site Web d’Air Canada devrait comporter des messages d’erreur informant l’utilisateur de son erreur, qu’un message d’erreur a informé M. Greco que la deuxième date qu’il a inscrite n’était pas compatible avec la première et qu’il a ensuite été en mesure de corriger son erreur.
[118] M. Greco a également rencontré des problèmes parce qu’il a supposé à tort qu’il n’était pas nécessaire de préciser la ville de départ de la deuxième partie de son itinéraire multi-destinations. Ce problème a été causé par la propre supposition fautive de M. Greco et n’avait pas trait à l’accessibilité du site Web d’Air Canada. M. Greco a ensuite été capable de faire des déductions et de régler le problème lui-même.
[119] En ce qui a trait à la sélection de villes, M. Greco a inscrit les lettres « V », « A » et « N » dans le champ consacré à la ville de départ du deuxième segment de son itinéraire et a sélectionné la première option puisqu’il supposait à tort qu’il s’agissait de Vancouver. L’Office accepte la présentation de M. Greco selon laquelle les personnes qui utilisent un lecteur d’écran commettent des erreurs lorsqu’ils inscrivent leurs renseignements, comme tout autre utilisateur, mais que tous les utilisateurs sont dans une certaine mesure responsables de vérifier qu’ils ont bien inscrit les renseignements. L’Office s’attend à ce que les personnes qui utilisent un lecteur d’écran y procèdent en écoutant les renseignements qui leur sont transmis. Lors de son contre-interrogatoire par Air Canada, on a demandé à M. Greco de laisser le lecteur d’écran lire les directives à voix haute et, après avoir navigué un peu sur la page, son lecteur d’écran lui a annoncé que sa recherche « VAN » avait donné comme résultat six destinations différentes. Il a ensuite été capable de choisir « YVR Vancouver » parmi la liste, ce qui démontre que les renseignements lui ont été fournis. De plus, les renseignements fournis par Air Canada dans le Rapport sur les problèmes résolus 2 indiquent que les données inscrites par les personnes qui utilisent un lecteur d’écran leur sont maintenant lues sans qu’elles aient besoin de naviguer sur la page. Par conséquent, l’Office conclut que la sélection de villes ne représente pas un problème d’accessibilité.
[120] Le rapport de décembre 2020 de M. Featherstone indique que la sélection de vols était une tâche pour laquelle l’utilisateur a eu besoin de l’aide du facilitateur. Cependant, lors de sa démonstration, M. Greco a été capable de choisir des vols qui lui convenaient à partir d’une liste de vols disponibles, et ce, pendant son interrogatoire principal et son contre-interrogatoire.
[121] Au moment de l’audience, la limite de temps pour faire une réservation ne représentait pas non plus un problème d’accessibilité puisque M. Greco a été capable de prolonger le délai lors de ses démonstrations sans problème. L’Office accepte l’explication d’Air Canada selon laquelle les limites de temps pour faire une réservation sont nécessaires pour des raisons techniques et qu’elles sont imposées à tous les utilisateurs.
[122] Les présentations antérieures, y compris le rapport de décembre 2020 de M. Featherstone, indiquent que l’inscription des renseignements sur les passagers était une tâche qui posait problème pour les personnes qui utilisent un lecteur d’écran. Lors de sa démonstration, M. Greco a témoigné que les champs n’étaient pas convenablement étiquetés avant qu’il n’appuie sur les flèches vers le haut ou vers le bas pour naviguer dans la liste. C’est ainsi qu’il a pu comprendre qu’il devait inscrire une date de naissance, mais il a dû utiliser la touche de tabulation pour passer d’un passager à l’autre et déterminer la date de naissance de quel passager il fallait inscrire sur la page Web. Des problèmes similaires sont survenus lorsqu’il est arrivé au champ consacré au pays. Les éléments de preuve fournis par Air Canada dans le Rapport sur les problèmes résolus 1 confirment que ce problème a été réglé.
[123] M. Greco a ouvert la fenêtre de sélection de sièges pendant sa première démonstration et n’a pas été en mesure d’en sortir, ce qui a mis un terme à sa démonstration de réservation, mais cette fenêtre n’a pas posé problème lors de sa deuxième démonstration pendant son contre-interrogatoire. M. Greco n’a pas été capable de finir sa réservation lors de son contre-interrogatoire, mais ce ne fut qu’en raison des contraintes de temps liées aux autres témoins devant témoigner. M. Greco a témoigné que le seul élément de preuve supplémentaire à recueillir était le document de confirmation en format PDF qui serait envoyé par courriel et il a proposé de réaliser une troisième réservation entre la deuxième et la troisième date de l’audience, ce qu’ont accepté Air Canada et l’Office. En raison de cette pause, M. Greco a dû recommencer le processus de réservation une troisième fois pour obtenir un courriel de confirmation. M. Greco a fini sa troisième réservation en 34 minutes, soit seulement une minute de plus que le temps nécessaire moyen pour effectuer une réservation auprès d’Air Canada. Cet élément de preuve indique que la capacité de M. Greco à faire une réservation s’est améliorée avec le temps, ce qui, selon Air Canada, est le cas pour tous les utilisateurs.
[124] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les démonstrations de M. Greco indiquent qu’il est capable de faire une réservation dans un laps de temps similaire à un utilisateur moyen. M. Greco a lui-même reconnu que les problèmes qu’il a rencontrés ne l’ont pas empêché de faire sa réservation.
Démonstration de réservation réalisée par M. DiNero
[125] L’Office accepte l’argument d’Air Canada selon lequel les problèmes d’accessibilité rencontrés par M. DiNero lors de sa démonstration étaient mineurs et qu’ils ne l’ont pas empêché de faire une réservation puisqu’il pouvait les contourner ou comprendre les renseignements à l’aide du contexte. Par exemple, M. DiNero a rencontré le même problème que M. Greco : en utilisant la touche de tabulation pour se rendre dans le champ consacré à la date de naissance, le lecteur d’écran n’indiquait pas les renseignements que le site Web demandait. Grâce au contexte entourant les menus déroulants, M. DiNero a pu déduire les renseignements qu’il devait y inscrire et, comme mentionné précédemment, ce problème a depuis été réglé par Air Canada. De plus, l’abréviation « m » était lue comme « mètres » plutôt que « minutes », mais ce problème a depuis été réglé comme en témoigne le Rapport sur les problèmes résolus 2, tout comme le problème relatif à l’ordre de lecture des renseignements contenus dans le tableau de sélection de sièges.
Éléments de preuve des experts
[126] L’Office a déterminé dans la décision sur la portée que son rôle dans les présentes procédures est de déterminer, en se fondant sur les éléments de preuve dont il dispose, si Air Canada peut éliminer l’obstacle ou si elle avait éliminé l’obstacle au moment de l’audience. Par conséquent, l’Office accorde une plus grande importance aux éléments de preuve lui étant présentés pendant l’audience, mais il reconnaît que les rapports d’experts sont particulièrement utiles pour cibler des enjeux potentiels.
[127] L’Office conclut que les rapports de M. Gupta et de Mme Liskovoi ne sont pas entièrement fiables et qu’ils n’ont pas de valeur probante permettant d’évaluer l’accessibilité du site Web d’Air Canada pour les personnes qui utilisent un lecteur d’écran. L’Office reconnaît la présentation d’Air Canada formulée par son expert, M. Featherstone, selon laquelle le rapport de M. Gupta compte 181 erreurs, mais qu’une analyse plus contextuelle des renseignements auxquels M. Gupta s’est fié permettrait de réduire ce nombre à 26 erreurs uniques et vérifiables. Il ne s’agit que d’un exemple permettant de souligner que M. Gupta et son équipe manquaient d’expérience en matière d’essais d’accessibilité. L’Office note également, comme l’a souligné M. Featherstone, que le rapport de Mme Liskovoi ne comporte pas les données auxquelles elle s’est fiée. Par conséquent, le rapport témoigne d’une compréhension de l’accessibilité, mais il est difficile pour l’Office d’en évaluer l’exactitude. Les rapports permettent à l’Office de cibler des enjeux potentiels en matière d’accessibilité; cependant, il n’accorde pas beaucoup d’importance à leurs conclusions puisque les experts n’ont pas d’expérience significative en matière d’essais d’accessibilité.
[128] En comparaison, l’Office conclut que les rapports de M. Featherstone ont une plus grande fiabilité et valeur probante puisque M. Featherstone compte plus de 20 ans d’expérience de la conception accessible de sites Web et d’essais d’accessibilité. Le rapport initial comporte une analyse du site Web réalisée environ neuf à dix mois avant l’audience. Le rapport n’indique aucun blocage, mais il cible trois tâches pour lesquelles l’utilisateur a eu besoin de l’aide d’un facilitateur. L’Office note que tous ces problèmes ont depuis été réglés. Par exemple, M. Greco a été en mesure d’inscrire les dates de ses vols plutôt que d’utiliser le sélecteur de dates et n’a pas eu de difficulté à choisir un vol correspondant à ses critères. M. DiNero et lui ont tous deux été capables de comprendre les renseignements qu’ils devaient inscrire dans les champs qui n’étaient pas étiquetés, et ce problème a depuis été réglé. Enfin, les éléments de preuve présentés par Air Canada dans le Rapport sur les problèmes résolus 1 indiquent que le problème lié à l’utilisation de boutons d’option pour le choix de mode de paiement avait été réglé en date d’avril 2021. L’Office souligne également qu’il n’a pas vu M. Greco inscrire les renseignements sur le paiement, mais qu’il n’a soulevé aucun problème concernant cette page.
Conformité technique
[129] Bien qu’Air Canada affirme que les WCAGne sont que des lignes directrices et qu’elles ne devraient pas être utilisées comme outil d’évaluation, les WCAG comportent à la fois des lignes directrices et des critères de réussite qui peuvent être utilisés pour vérifier si le contenu numérique respecte chacune des lignes directrices. De plus, au titre de l’article 9 du Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapéesNote 4(RTAPH), le site Web d’Air Canada doit être conforme au niveau AA prévu par les WCAG depuis le 31 décembre 2020Note 5.
[130] Néanmoins, l’Office conclut que la conformité technique n’est pas déterminante quant à savoir si Air Canada peut éliminer ou a éliminé l’obstacle puisque l’obstacle n’a pas été défini à l’aide de la conformité technique. La demande de M. Greco a défini le problème comme étant un problème de convivialité fonctionnelle en mettant exclusivement l’accent sur son incapacité à utiliser le site Web d’Air Canada avec un lecteur d’écran. Les présentations de M. Greco autres que ses rapports d’experts ont suivi ce fil conducteur tout au long des procédures. Ce n’est que dans son plaidoyer final que M. Greco a bifurqué de l’accessibilité du site Web à la convivialité fonctionnelle et à la conformité technique, et affirmé qu’Air Canada n’en avait pas fait la démonstration.
[131] L’Office souligne que M. Greco ne conteste pas qu’Air Canada a démontré la convivialité fonctionnelle de son site Web lors de l’audience et que des témoins des deux parties, dont M. Lucchini, Mme Liskovoi et M. Featherstone, ont témoigné qu’un site Web pouvait être pratiquement accessible même s’il n’était pas techniquement conforme.
Déclaration d’accessibilité
[132] L’Office conclut que la déclaration d’accessibilité n’est pas un élément essentiel d’un site Web accessible et que son absence ne signifie pas que l’accès au site Web est inégal. L’Office reconnaît les témoignages des deux parties selon lesquels une déclaration d’accessibilité peut fournir des renseignements utiles en matière d’accessibilité aux personnes qui utilisent un lecteur d’écran et aux autres personnes ayant une déficience, mais sa présence ou son absence ne permet pas de déterminer s’il y a toujours un obstacle ou si l’obstacle pourrait être éliminé sans qu’une contrainte excessive soit imposée.
Détermination
[133] L’Office a conclu dans la décision sur les obstacles que M. Greco a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement en raison d’un accès inégal au site Web d’Air Canada. L’Office conclut que l’obstacle était excessif puisqu’Air Canada a depuis été capable de rendre son site Web accessible à M. Greco et que M. Greco et les autres personnes qui utilisent un lecteur d’écran peuvent maintenant faire une réservation de façon indépendante dans un laps de temps similaire aux personnes qui n’utilisent pas de lecteur d’écran. À la lumière des complexités technologiques des sites Web de réservation, l’Office accepte que la présence de problèmes mineurs pour les personnes qui utilisent un lecteur d’écran ne suffit pas pour établir que l’accès est toujours inégal.
Question 2 : Le cas échéant, quelles mesures correctives l’Office devrait-il ordonner?
La loi
[134] Le paragraphe 172(3) de la LTC, au moment du dépôt de la demande, énonçait ce qui suit :
En cas de décision positive, l’Office peut exiger la prise de mesures correctives indiquées ou le versement d’une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l’obstacle en cause, ou les deux.
Position d’Air Canada
[135] Air Canada soutient qu’elle a éliminé l’obstacle en rendant son site Web plus accessible et en intégrant l’accessibilité à son cycle de développement de site Web pour prévenir les problèmes, et qu’elle ne peut pas en faire plus sans se voir imposer une contrainte excessive. Elle affirme que si l’Office détermine qu’elle peut en faire davantage pour éliminer l’obstacle, elle devrait avoir l’occasion de commenter les mesures correctives qu’il propose. Air Canada affirme que M. Greco n’a formulé aucune proposition ou suggestion quant à la façon dont l’obstacle peut, pourrait ou devrait être éliminé mis à part sa proposition de remettre en ligne la version du site Web datant d’avant janvier 2017, ce qui, selon elle, est impossible puisque le code ayant généré cette version du site Web n’existe plus. De plus, l’interface actuelle (l’apparence du site Web) est la même que l’interface en vigueur au moment du lancement de la version de 2017 du site Web, mais une grande partie de l’architecture ou de la plateforme sous-jacente a depuis changé et le site Web actuel respecte des normes réglementaires qui sont entrées en vigueur depuis 2017.
Position de M. Greco
[136] M. Greco a initialement demandé que la version du site Web d’Air Canada d’avant janvier 2017 soit remise en ligne, mais dans son plaidoyer final, il a plutôt demandé qu’Air Canada doive lui présenter, ainsi qu’à l’Office, un rapport trimestriel sur la convivialité et la conformité technique de son site Web pour une période indéterminée. Il a également demandé de pouvoir faire des présentations écrites à l’Office dans l’année civile suivant la présentation des rapports trimestriels d’Air Canada concernant l’accessibilité du site Web d’Air Canada pour les personnes qui utilisent un lecteur d’écran pour une période indéterminée. Comme susmentionné, M. Greco affirme que l’Office peut demeurer saisi de cette affaire pendant une durée indéterminée pour l’application de la présente ordonnance au sens de l’article 24 de la Charte.
Analyse
[137] Ayant conclu que M. Greco a rencontré un obstacle abusif, l’Office examinera maintenant s’il doit ordonner des mesures correctives. Il ne tiendra pas compte des réparations au titre de la Charte, comme indiqué dans l’observation préliminaire.
[138] Dans la décision sur la portée, l’Office a indiqué que les éléments de preuve concernant les procédures et les mesures de protection, y compris les essais, qu’Air Canada a mis en place pour rendre son site Web accessible pourraient orienter la formulation de toute mesure corrective ordonnée par l’Office. Par conséquent, l’Office tiendra compte des mesures mises en œuvre par Air Canada ainsi que des exigences réglementaires qui sont entrées en vigueur depuis le moment du dépôt de la demande pour décider s’il ordonnera des mesures correctives.
Mesures mises en œuvre par Air Canada pour éliminer l’obstacle
[139] Air Canada a éliminé l’obstacle en intégrant l’accessibilité au cycle de développement de son site Web et en mettant en œuvre des mesures pour prévenir les problèmes d’accessibilité et y remédier lorsqu’ils surviennent. L’Office est convaincu que ces mesures continueront à aider Air Canada à garder son site Web accessible.
[140] Néanmoins, il est important de souligner que la demande de M. Greco a contribué au cheminement d’Air Canada vers un site Web accessible. En 2017, M. Greco était incapable de faire une réservation sur le site Web d’Air Canada à l’aide d’un lecteur d’écran. Les éléments de preuve présentés lors de l’audience suggèrent qu’Air Canada a fait des choix en matière de conception de site Web lors de sa reconception au début de l’année 2017 qui ont eu une incidence négative sur l’accessibilité.
[141] Par exemple, Air Canada n’a fait appel aux services d’experts indépendants en matière de conception accessible de sites Web que bien après le lancement de la nouvelle version de son site Web, en 2017. De plus, Air Canada a choisi Angular comme cadriciel pour son nouveau site Web en 2017, ce qui selon des témoins des deux parties (notamment M. Duncan et M. Faxas) ne convenait pas particulièrement au codage accessible à l’origine. Des témoins des deux parties, soit M. Featherstone et M. Duncan, ont également témoigné que les organismes sélectionnent souvent une technologie en fonction de son utilité pour l’organisme et que l’accessibilité peut ne pas en faire partie. L’Office note la position d’Air Canada selon laquelle le rapport de M. Duncan sur les causes fondamentales de l’inaccessibilité du site Web d’Air Canada est composé en grande partie de conjectures et d’hypothèses, ce que M. Duncan a lui‑même pris soin de reconnaître, mais l’Office conclut que l’expertise de M. Duncan sur ce point est indéniable et note que le témoignage de M. Featherstone correspond à plusieurs égards à celui de M. Duncan. Ces témoins ont également indiqué qu’il peut prendre beaucoup plus de temps et d’efforts pour rendre un site Web accessible lorsqu’une technologie inopportune a été choisie. Par conséquent, l’Office conclut qu’Air Canada n’a pas fait de l’accessibilité une priorité lors de la refonte de son site Web en 2017.
[142] Depuis, cependant, peut-être partiellement en raison de la présente demande et des exigences réglementaires qui sont entrées en vigueur en 2020, Air Canada a considérablement changé ses pratiques. Elle a intégré l’accessibilité au cycle de développement de son site Web et mis en œuvre des mesures pour prévenir les problèmes d’accessibilité et y remédier lorsqu’ils surviennent, comme la prestation d’une formation aux employés et l’établissement d’un système permettant de cibler, de trier et de régler ces problèmes. L’Office est convaincu qu’Air Canada a incorporé l’accessibilité à ses processus dans une mesure telle qu’une ordonnance l’obligeant à le faire serait inutile.
[143] Air Canada a également fourni des éléments de preuve détaillés sur le processus compliqué de développement et de tenue à jour de son site Web. L’Office reconnaît que le site Web d’Air Canada doit être assez souple pour répondre aux technologies émergentes, aux pratiques commerciales et aux exigences réglementaires, ce qui, selon M. Featherstone, rend difficile de vérifier que le site Web reflète des pratiques exemplaires en matière d’accessibilité.
[144] Pour remédier à cette difficulté, Air Canada a créé son Centre d’excellence pour se tenir au fait des pratiques exemplaires émergentes en matière d’accessibilité. Les éléments de preuve soutiennent l’allégation de M. Greco selon laquelle le Centre d’excellence n’est pas encore bien établi, mais l’Office conclut qu’Air Canada a réussi à établir le Centre d’excellence à un point tel qu’une ordonnance obligeant son existence serait superflu. En ce qui a trait au point de M. Greco selon lequel le Centre d’excellence ne compte aucun membre ayant une déficience visuelle autre que les employés d’UsableNet, qu’il s’agisse d’employés d’UsableNet ou d’Air Canada, le simple fait que des personnes ayant une déficience visuelle participent aux processus d’Air Canada est suffisant.
Nouvelles exigences réglementaires concernant l’accessibilité des sites Web
[145] Nonobstant l’affirmation répétée d’Air Canada selon laquelle un respect total des WCAGest impossible, l’article 9 des RTAPH oblige tous les grands transporteurs, dont Air Canada, à veiller à ce que tous les sites Web dont ils sont les propriétaires, qu’ils exploitent ou qui sont sous leur contrôle qu’ils mettent à la disposition du public soient conformes au niveau AA prévu par les Règles pour l’accessibilité des contenus Web 2.1.
[146] En outre, comme l’énonce la partie 4 de la Loi canadienne sur l’accessibilitéNote 6et le précise le Règlement sur l’établissement des plans et des rapports en matière de transports accessiblesNote 7, les fournisseurs de services de transport comme Air Canada ont maintenant certaines obligations en matière de planification, de rapports et de rétroaction dans certains domaines prioritaires, dont les technologies de communication.
[147] Aucune de ces exigences n’était en vigueur au moment où M. Greco a déposé sa demande, et l’Office est convaincu que leur respect contribuera à l’accessibilité du site Web à un point tel qu’aucune mesure corrective n’est nécessaire à l’heure actuelle. L’Office a également conclu dans d’autres décisions que l’entrée en vigueur d’une disposition conçue pour éliminer l’obstacle ciblé dans la présente instance peut rendre inutile l’ordonnance de mesures correctives. Dans la décision 32-AT-A-2021, par exemple, le RTAPH est cité aux paragraphes 46 et 47 comme l’une des raisons de l’examen et de l’annulation des mesures correctives ordonnées dans une série de décisions antérieures (décisions sur les allergies). L’Office y explique :
Le processus motivé par une plainte dont il est question à l’article 172 s’intéresse souvent aux circonstances dans lesquelles une personne handicapée a déjà rencontré un obstacle et se concentre sur la réparation appropriée qui devrait être accordée à la suite de l’incident. À l’inverse, la réglementation vise à éliminer les obstacles avant qu’ils surviennent, plutôt qu’après. En tant que moyen d’établir des normes sectorielles uniformes pour la réduction, l’élimination ou la prévention des obstacles pour les personnes handicapées, les règlements sont plus appropriés que l’arbitrage au cas par cas, qui concerne seulement des demandeurs individuels et un nombre limité de transporteurs.
[148] L’Office note que la conformité à ces règlements est surveillée par la Direction générale du règlement des différends de l’Office au titre de sa Politique de conformité et d’application de la loi.
Détermination
[149] L’Office n’ordonnera pas à Air Canada de mettre en œuvre des mesures correctives puisqu’elle a rendu son site Web accessible à M. Greco et aux autres personnes qui utilisent un lecteur d’écran en incorporant l’accessibilité au cycle de développement de son site Web ainsi qu’en mettant en œuvre des mesures pour prévenir les problèmes d’accessibilité et y remédier lorsqu’ils surviennent. L’Office est convaincu que ces pratiques, combinées à une conformité aux exigences réglementaires qui sont entrées en vigueur depuis le moment où M. Greco a déposé sa demande, garantiront un accès égal au site Web. Dans ce contexte, l’Office conclut que des mesures correctives supplémentaires seraient inutiles et refuse d’en ordonner.
Conclusion
[150] L’Office conclut que l’obstacle rencontré par M. Greco était abusif puisqu’Air Canada a été en mesure depuis lors de l’éliminer et de rendre son site Web accessible à M. Greco et aux personnes qui utilisent un lecteur d’écran. Cependant, l’Office n’ordonnera aucune mesure corrective puisqu’Air Canada a éliminé l’obstacle, a mis en place des mesures qui devraient prévenir sa récurrence et est assujettie à de nouvelles exigences réglementaires concernant l’accessibilité de son site Web.
Directive
[151] Au titre du paragraphe 25.1(1) de la LTC, l’Office dispose des mêmes pouvoirs que la Cour fédérale pour adjuger les frais dans toute instance portée devant lui. Les parties ont jusqu’à 17 h, heure de Gatineau, le 11 janvier 2023 pour déposer leurs demandes d’adjudication des frais auprès du Secrétariat de l’Office et en transmettre une copie à l’autre partie. Les parties doivent garder en tête les principes dont l’Office pourrait tenir compte lors de l’adjudication des frais, qui sont énoncés dans la décision 58-AT-R-2018 (Murphy et Anderson c VIA Rail).
[152] Si une partie dépose une demande d’adjudication des frais, l’autre partie disposera de cinq jours ouvrables pour déposer sa réponse. Si aucune demande d’adjudication des frais ou de report du délai pour déposer une telle demande n’est reçue avant 17 h, heure de Gatineau, le 11 janvier 2023, l’Office fermera le dossier.
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