Décision n° 211-W-2006
Un erratum a été émis le 19 juin 2006
le 31 mars 2006
RELATIVE au projet de tarif des droits de pilotage publié par l'Administration de pilotage des Laurentides le 5 novembre 2005; aux avis d'opposition déposés par La Fédération maritime du Canada et l'Association des armateurs canadiens/la Chambre de commerce maritime; et à l'intervention déposée par la Corporation des Pilotes du Saint-Laurent Central Inc.
Référence no W9250-3-10
INTRODUCTION
Aux termes de la Loi sur le pilotage, L.R.C. (1985), ch. P-14, l'Administration de pilotage des Laurentides (ci-après l'Administration) a le mandat de fournir un service de pilotage dans les eaux canadiennes sises dans la province de Québec et les eaux limitrophes, au nord de l'entrée septentrionale de l'écluse de Saint-Lambert, à l'exception des eaux de la baie des Chaleurs. Le pilotage est obligatoire depuis l'écluse de Saint-Lambert jusqu'aux Escoumins, y compris la rivière Saguenay. Il n'est toutefois pas obligatoire à l'est des Escoumins. L'Administration a créé, à des fins administratives, trois districts de pilotage obligatoire : la circonscription 1-1, soit les eaux du port de Montréal; la circonscription 1, de Montréal à Québec; et la circonscription 2, de Québec aux Escoumins (y compris la rivière Saguenay).
En vertu du paragraphe 34(1) de la Loi sur le pilotage, l'Administration a publié un projet de modifications tarifaires dans la partie I du Règlement sur les tarifs de pilotage des Laurentides de la Gazette du Canada du 5 novembre 2005.
Aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur le pilotage, tout intéressé qui a des raisons de croire qu'un droit figurant dans un projet de tarif des droits de pilotage nuit à l'intérêt public peut déposer un avis d'opposition auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office).
Conformément à cette disposition, des avis d'opposition au projet de tarif ont été déposés le 2 décembre 2005 par La Fédération maritime du Canada et le 5 décembre 2005 par l'Association des armateurs canadiens/la Chambre de commerce maritime. Le 20 décembre 2005, la Corporation des Pilotes du Saint-Laurent Central Inc. a déposé une intervention à l'appui du projet tarifaire de l'Administration.
En vertu du paragraphe 34(4) de la Loi sur le pilotage, l'Office doit faire enquête relativement aux modifications tarifaires projetées. L'article 35 de la Loi sur le pilotage prévoit que l'Office doit faire à ce sujet une recommandation à l'Administration, qui est obligée d'en tenir compte.
Par suite de l'examen des renseignements qu'il a reçus au cours des plaidoiries, l'Office a déterminé qu'il disposait de renseignements suffisants pour effectuer son enquête sans avoir recours à une audience.
RECOMMANDATION
L'Office a examiné attentivement tous les éléments de preuve soumis par les parties.
L'Office conclut que le projet de modifications tarifaires publié le 5 novembre 2005 par l'Administration de pilotage des Laurentides ne nuit pas à l'intérêt public et peut être mis en œuvre.
Motifs détaillés de la présente décision à suivre.
Membres
- Gilles Dufault
- Mary-Jane Bennett
- Guy Delisle
MOTIFS DE LA DÉCISION No 211-W-2006&lang=fra">211-W-2006
le 6 avril 2006
RELATIVE au projet de tarif des droits de pilotage publié par l'Administration de pilotage des Laurentides le 5 novembre 2005; aux avis d'opposition déposés par La Fédération maritime du Canada, l'Association des armateurs canadiens/la Chambre de commerce maritime; et à l'intervention déposée par la Corporation des Pilotes du Saint-Laurent Central.
Référence no W9250-3-10
INTRODUCTION
[1] Aux termes de la Loi sur le pilotage, L.R.C. (1985), ch. P-14, l'Administration de pilotage des Laurentides (ci-après l'Administration) a le mandat de fournir un service de pilotage dans les eaux canadiennes sises dans la province de Québec et les eaux limitrophes, au nord de l'entrée septentrionale de l'écluse de Saint-Lambert, à l'exception des eaux de la baie des Chaleurs. Le pilotage est obligatoire depuis l'écluse de Saint-Lambert jusqu'à la limite est du port de Montréal (circonscription 1-1); de Montréal à Québec (circonscription 1); et depuis Québec jusqu'aux Escoumins, y compris la rivière Saguenay (circonscription 2). Il n'est toutefois pas obligatoire dans les eaux au-delà des Escoumins (circonscription 3).
[2] En vertu du paragraphe 34(1) de la Loi sur le pilotage, l'Administration a fait publier un projet de modifications tarifaires présentant des augmentations des droits de pilotage comme modification au Règlement sur les tarifs de pilotage des Laurentides dans la partie I de la Gazette du Canada du 5 novembre 2005.
[3] L'augmentation tarifaire proposée consiste en une augmentation générale de 4,5 pour cent des droits de pilotage dans les trois circonscriptions où le pilotage est obligatoire. L'Administration estime à la hausse les projections du trafic maritime, ce qui aura pour effet d'accroître les paiements d'honoraires à la Corporation des Pilotes du Saint-Laurent Central (ci-après la CPSLC) en 2006. L'Administration estime également que des sommes importantes devront être défrayées pour l'embauche d'apprentis pilotes.
[4] Aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur le pilotage, tout intéressé qui a des raisons de croire qu'un droit figurant dans un projet de tarif des droits de pilotage nuit à l'intérêt public peut déposer un avis d'opposition auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office).
[5] Des avis d'opposition au projet de tarif ont été déposés le 2 décembre 2005 par La Fédération maritime du Canada (ci-après la FMC) et le 5 décembre 2005 par l'Association des armateurs canadiens/la Chambre de commerce maritime (ci-après l'AAC/CCM).
[6] En vertu du paragraphe 34(4) de la Loi sur le pilotage, l'Office doit mener une enquête relativement au projet de modifications tarifaires. L'article 35 de la Loi sur le pilotage prévoit que l'Office doit faire à ce sujet une recommandation à l'Administration, qui est obligée d'en tenir compte.
CONTEXTE
[7] À la suite du dépôt des avis d'opposition, l'Office a mené une enquête conformément aux pouvoirs que lui confère la Loi sur le pilotage.
[8] Le 14 décembre 2005, l'Administration a demandé une prolongation du délai pour répondre aux avis d'opposition. Dans la décision no LET-W-324-2005, l'Office a accordé à l'Administration jusqu'au 20 janvier 2006 pour déposer sa réponse.
[9] Le 20 décembre 2005, la CPSLC a déposé une intervention à l'appui du projet tarifaire de l'Administration. Dans la décision no LET-W-9-2006 du 16 janvier 2006, l'Office a accordé le statut d'intervenante à la CPSLC.
[10] Le 17 janvier 2006, l'Administration a fait valoir que certains éléments de réponse devaient être discutés devant son conseil d'administration et a demandé de nouveau une prolongation du délai pour répondre aux avis d'opposition. Dans la décision no LET-W-19-2006 du 20 janvier 2006, l'Office a accordé à l'Administration jusqu'au 27 janvier 2006 pour déposer sa réponse.
[11] Le 20 janvier 2006, l'Office a, dans l'arrêté no 2006-W-31, ordonné à l'Administration de produire et de déposer auprès de l'Office, au plus tard le 3 février 2006, certains renseignements, certaines précisions et certains documents portant sur les activités et la gestion de l'entreprise. L'Administration devait également fournir copie des renseignements, des précisions et des documents sur demande des parties au dossier.
[12] Le 27 janvier 2006, l'Administration a déposé sa réponse aux avis d'opposition et le 3 février 2006, elle a déposé sa réponse à l'arrêté no 2006-W-31.
[13] Les 6 et 7 février 2006, la FMC et l'AAC/CCM ont respectivement demandé une prolongation du délai pour répliquer à la réponse de l'Administration. Le 8 février 2006, l'Office a accordé à la FMC et à l'AAC/CCM jusqu'au 10 février 2006 pour déposer leur réplique.
[14] Le 10 février 2006, la FMC et l'AAC/CCM ont déposé leur réplique à la réponse de l'Administration du 27 janvier 2006.
[15] Le 17 février 2006, l'Administration a informé l'Office qu'elle désirait déposer une étude portant sur les projections d'embauches des apprentis pilotes (ci-après l'Étude). Le 23 février 2006, l'Office a accordé à l'Administration jusqu'au 3 mars suivant pour déposer l'Étude et a accordé cinq jours ouvrables à la FMC, à l'AAC/CCM et à la CPSLC pour déposer des commentaires. Le 3 mars 2006, l'administration a déposé l'Étude. La FMC, l'AAC/CCM et la CPSLC n'ont pas commenté l'Étude déposée par l'Administration.
[16] Par suite de l'examen des renseignements qu'il a reçus en réponse à l'ordonnance de production et au cours des plaidoiries, l'Office a déterminé qu'il disposait de renseignements suffisants pour mener son enquête sans avoir recours à une audience.
QUESTION
[17] En vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur le pilotage, l'Office doit déterminer si le projet de modifications tarifaires des droits de pilotage publié par l'Administration le 5 novembre 2005 nuit à l'intérêt public.
POSITIONS DES PARTIES
L'Administration
[18] L'Administration affirme que depuis la dernière décision de l'Office, sa situation financière n'a pas évolué. À cet égard, l'Administration indique que depuis la décision no 618-W-2005, trois facteurs ont une incidence sur cette dernière. Le premier est la hausse du nombre d'affectations durant l'année 2005, laquelle s'élève à 8,6 pour cent. Le deuxième, qui est une conséquence directe du premier, lorsque conjugué à un hiver hâtif, entraîne des paiements de productivité plus importants que prévus à la CPSLC. Le troisième facteur est la tenue des élections, qui a eu pour effet de retarder la publication du tarif proposé pour 2006 dans la partie II de la Gazette du Canada de sorte que ce tarif ne pourra entrer en vigueur avant le 1er avril 2006. L'Administration estime que ce délai dans l'application du tarif proposé entraînera une perte des revenus prévus de l'ordre de 444 000 $.
[19] L'Administration rappelle que les délais découlant d'une pénurie de pilotes et associés à la navigation hivernale sont deux lacunes que l'Office a soulevées dans sa décision no 618-W-2005. L'Administration ajoute que sa situation financière précaire et les délais dans l'exécution des services sont liés au nombre insuffisant de pilotes, ce qui soulève un manque de disponibilité des pilotes et entraîne des paiements de productivité plus élevés.
[20] En ce qui concerne la clause de productivité, l'Administration reconnaît la nécessité de réduire l'incidence financière de cette clause ou même d'obtenir son retrait. L'Administration ajoute que l'embauche d'apprentis visant à réduire la moyenne des affectations par pilote dans la circonscription 1 est un moyen graduel de pallier le problème.
[21] L'Administration reconnaît cependant que la solution est lourde à administrer dans un contexte où le trafic maritime s'accroît de façon importante et parce qu'elle doit payer le salaire des apprentis pendant les deux ans de leur formation, ce qui représente pour l'année 2006 des dépenses de 1 194 000 $, soit 2 pour cent de ses revenus de pilotage.
[22] L'Administration estime donc qu'il est nécessaire, pour réduire les paiements de productivité et améliorer les services, d'investir des sommes importantes dans la formation d'apprentis pilotes.
[23] L'Administration fait valoir que l'augmentation de ses dépenses pour l'année 2006 aurait été inférieure à l'indice des prix à la consommation (ci-après l'IPC), n'eut été des paiements de productivité ou des frais de formation des apprentis pilotes.
[24] L'Administration indique que pour l'année 2006, ses seules dépenses payées par les droits de pilotage, et dont l'augmentation sera supérieure à l'IPC de 2,5 pour cent, sont :
- la formation des apprentis-pilotes;
- les paiements de productivité que ces dépenses visent à réduire;
- la compensation versée à la Corporation des Pilotes du Bas Saint-Laurent (ci-après la CPBSL) pour la valeur du plafond de longueur tarifaire prévu à son contrat.
[25] L'Administration a donc l'intention d'augmenter ses tarifs de 4,5 pour cent dans le but de redresser sa situation financière et opérationnelle.
[26] L'Administration indique qu'une vaste consultation s'échelonnant sur plusieurs mois a été entreprise afin de présenter ces mesures à l'industrie maritime. L'Administration déclare que de façon générale, les mesures de redressement proposées par l'Administration pour 2006-2008 n'ont pas reçu de réactions négatives, mais les usagers ont exprimé leurs inquiétudes face aux délais de service durant la période pré-hivernale.
[27] En ce qui concerne les services en période pré-hivernale, l'Administration souligne que les usagers sont préoccupés des délais de service avant la fermeture de la voie maritime. L'Administration reconnaît qu'elle doit s'attaquer aux délais de service causés par une pénurie de pilotes, particulièrement dans la circonscription 1.
[28] L'Administration estime qu'il serait impossible de conserver toute l'année des effectifs de pilotes qui seraient justifiés seulement par la circulation maritime de la période pré-hivernale. L'Administration demande plutôt aux deux corporations de pilotes de faire un effort important pour assurer une disponibilité accrue et adéquate durant cette période. L'Administration explique ensuite que la circulation maritime ne peut se faire sans contrainte durant la période hivernale et que les règles d'affectation ne sont pas les mêmes qu'en d'autres temps.
[29] L'Administration constate que les mesures mises en place et la collaboration des pilotes des trois circonscriptions et de ses employés répartiteurs ont permis d'améliorer la qualité des services de pilotage durant le mois de décembre dernier et ce, malgré la forte hausse du trafic maritime.
[30] À cet égard, l'Administration indique que dans la circonscription 1, le nombre d'affectations est passé de 1 506 en décembre 2004 à 1 914 en décembre 2005, soit une augmentation de 27 pour cent. Or, l'Administration déclare que contrairement à ce qui été vécu en 2004, les délais de service ont été réduits durant la dernière semaine de décembre 2005 malgré une hausse du trafic.
[31] L'Administration soumet que les usagers ont fait part de leur satisfaction et rapporté des délais plus courts durant la période pré-hivernale. L'Administration ajoute que des représentants des principaux usagers ont déclaré, en janvier 2006, au premier dirigeant de l'Administration que la période pré-hivernale s'était bien déroulée.
[32] L'Administration souligne que ces meilleurs services ont été rendus possibles notamment par la plus grande disponibilité des pilotes, particulièrement durant la dernière semaine de décembre.
[33] L'Administration soumet que le redressement de sa situation financière et opérationnelle passe par une augmentation de la productivité de ses employés et de ses pilotes contractuels. À cet égard, l'Administration indique qu'elle a obtenu que soient augmentée de 139,5 à 161 jours la disponibilité de chaque pilote de la circonscription 1-1, ce qui a permis de réduire leur nombre de 9 à 8. L'Administration ajoute que la signature récente d'une nouvelle convention collective entre elle et l'Alliance de la fonction publique du Canada a permis de réduire à 12 le nombre d'employés minimum requis à son centre d'affectations. Conséquemment, les effectifs du centre d'affectations pour l'année 2006 seront de 14 employés/année, alors que 16 répartiteurs permanents et 1 employé à temps partiel y travaillaient en 2005. L'Administration soumet que bien que le tarif proposé augmente les droits de pilotage de 4,5 pour cent, il ne s'appliquera que sur une période de neuf mois puisqu'il ne pourra être en vigueur avant le début du mois d'avril 2006. L'Administration ajoute que bien que supérieure à la variation de l'IPC, l'augmentation tarifaire proposée a un impact réduit sur l'environnement concurrentiel dans lequel évoluent les usagers.
[34] D'après l'Administration, l'augmentation très élevée du trafic maritime durant l'année 2005 est révélatrice de la forte compétitivité de ce moyen de transport et du réseau Saint-Laurent Grands Lacs.
[35] L'Administration soutient que si la hausse tarifaire proposée ne prenait pas effet, il y aurait un manque à gagner annuel et récurrent de 2 305 000 $ et il n'y aurait pas de diminution équivalente des dépenses, car elles ne sont pas directement liées à une éventuelle augmentation tarifaire.
La FMC
[36] La FMC indique qu'elle est constituée par une loi du Parlement du Canada afin de représenter les armateurs, opérateurs et agents de navires effectuant du commerce international en provenance ou à destination des ports canadiens. La FMC indique que ses membres comptent pour 90 pour cent du commerce outremer dans l'Est canadien et plus particulièrement pour 75 pour cent du trafic sur la voie maritime du Saint-Laurent et génère donc une partie substantielle des revenus de l'Administration.
[37] La FMC soumet que le service dans la circonscription 1 ne s'est pas amélioré depuis la dernière audience tenue les 27 et 28 septembre 2005 et que cette demande d'augmentation de 4,5 pour cent des tarifs des droits de pilotage aura pour effet d'augmenter les frais aux usagers sans avoir adressé les problèmes liés au service.
[38] La FMC ajoute que l'Administration tente de recouvrer les coûts de services de pilotage efficaces et inefficaces ainsi que des coûts qui sont excessifs considérant les besoins des usagers et l'intérêt public, tel que le coût des primes de productivité payées dans la circonscription 1.
[39] À cet égard, la FMC renvoie au paragraphe 58 de la décision no 709-W-2004, où l'Office indique :
(...)
Ce n'est donc pas de tous les coûts engagés qu'une administration de pilotage se verra indemniser, mais bien des seuls coûts qui sont justes et raisonnables. De plus, l'indemnisation à laquelle une administration de pilotage a droit est fonction des services qu'elle est tenue de mettre à la disposition du public. En d'autres termes, une administration de pilotage ne saurait être indemnisée des coûts des services qui ne répondent pas directement aux besoins du public, en l'occurrence des usagers.
[40] La FMC fait valoir que tant que l'Administration et la CPSLC ne s'engageront pas à travailler ensemble, comme le recommande l'Office au paragraphe 169 de la décision no 618-W-2005, l'augmentation tarifaire ne peut être dans l'intérêt public. La FMC est d'avis que cette demande d'augmentation des tarifs n'est pas dans l'intérêt public.
[41] La FMC indique que bien que le trafic ait augmenté de 8,6 pour cent en 2005, le coût supporté par l'industrie a augmenté de plus de 11 pour cent globalement et de 17 pour cent dans la circonscription 1 seulement, ce qui signifie que pour toute augmentation de trafic de un pour cent, le coût que supporte l'industrie peut s'élever à deux pour cent de plus. La FMC réitère la nécessité de bénéficier d'un service constant.
[42] La FMC est heureuse de constater que l'Administration procédera à l'embauche d'apprentis pilotes pour pallier le manque de personnel dans le futur. Elle note toutefois que bien qu'il y ait eu une hausse du nombre d'affectations en 2005, il y a eu moins de retards qu'en 2004 et ce, bien que le nombre de pilotes soit demeuré essentiellement inchangé, ce qui s'explique par le fait que les pilotes ont accepté de changer leur horaire de vacance. En d'autres termes, le service peut être offert si la main d'œuvre est bien gérée.
[43] En ce qui a trait aux commentaires de l'Administration indiquant que les représentants de l'industrie « ne tarissaient pas d'éloges » sur la qualité des services rendus dans la période pré-hivernale de 2005, la FMC indique qu'elle n'a jamais questionné l'habileté des pilotes de la région des Laurentides mais que selon elle, la livraison des services était retournée au niveau existant en 1999.
[44] Eu égard aux commentaires de l'Administration indiquant que les coûts de pilotage représentent une faible partie du coût d'exploitation d'un navire sur le Saint-Laurent, la FMC soumet que ces « faibles coûts » prennent des proportions démesurées lorsque les navires subissent des retards en raison d'une pénurie de pilotes et supportent des coûts d'exploitation s'élevant à plus de 30 000 $ par jour. La FMC ajoute que ces coûts ne sont pas nécessairement dans le tarif mais dans l'efficacité (ou l'absence d'efficacité) lors de la fourniture des services.
[45] La FMC conclut en soutenant que depuis plusieurs années, l'Administration et ses clients discutent des façons d'améliorer le service dans la région des Laurentides. La FMC est d'avis que des démarches positives ont été entreprises mais que l'Administration continue de démontrer que son centre d'intérêt est de balancer les livres par l'entremise d'augmentations tarifaires et les usagers continuent de demander en échange une fourniture de services améliorée.
[46] Pour tous ces motifs, la FMC demande que la proposition tarifaire ne soit pas mise en œuvre puisqu'elle n'est ni juste ni raisonnable et qu'elle nuit à l'intérêt public.
L'AAC/CCM
[47] L'AAC/CCM sont d'avis que la hausse tarifaire proposée nuit à l'intérêt public et ne fournit aucune amélioration à un système qui est sans aucun doute déficient.
[48] L'AAC/CCM soulignent que l'Office a été saisi de trois demandes d'augmentation de tarif au cours des 18 derniers mois et que l'augmentation cumulative du taux proposé au cours de ces 18 derniers mois était de 19 pour cent (y compris l'augmentation de 9,9 pour cent appliquée uniquement à la circonscription 1). Elles font valoir que pour cette même période, et plus particulièrement depuis septembre 2005, aucune amélioration notable n'a été apportée aux services fournis aux usagers du fleuve Saint-Laurent qui justifierait l'augmentation proposée du tarif qui excèderait l'IPC.
[49] Le plan d'activités de l'Administration démontre que l'IPC en 2005 et 2006 est prévu à 2,25 pour cent et que l'augmentation proposée de 4,5 pour cent excède de 2,25 pour cent l'IPC pour la même période. L'AAC/CCM ajoutent que depuis 1996, l'Administration a essayé d'augmenter les droits de pilotage d'un montant supérieur à l'IPC à chaque année.
[50] L'AAC/CCM croient que l'augmentation proposée de 4,5 pour cent découle des augmentations des paiements faits aux pilotes, lesquels excédaient l'IPC et elles croient que les augmentations excessives des paiements aux pilotes ne devraient pas être récupérées auprès des usagers en invoquant le fait que l'Administration doit parvenir à l'autonomie financière.
[51] L'AAC/CCM font observer que selon le plan d'activités de l'Administration, les paiements de productivité, à eux seuls, représentaient les coûts prévus pour l'exercice 2006 de 1 934 000 $, ou 83,9 pour cent, du montant de 2 300 000 $ des revenus que l'augmentation proposée du tarif fournirait à l'Administration.
[52] L'AAC/CCM précisent que la clause de productivité enfreint les objectifs établis dans l'article 5 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), afin de promouvoir la viabilité économique de chaque mode de transport ainsi que l'obligation de l'Administration de parvenir à l'autonomie financière.
[53] L'AAC/CCM soutiennent qu'une augmentation tarifaire qui est attribuable presque exclusivement à la clause de productivité ne peut être considérée comme étant dans l'intérêt public, puisqu'elle ne correspond pas à une amélioration du service pour les usagers du fleuve Saint-Laurent.
[54] L'AAC/CCM soutiennent que même après avoir reçu une augmentation de 4 pour cent en 2004, soit bien au-delà de l'IPC, l'Administration n'a pas pu corriger sa situation financière. De plus, même si le refus d'accorder l'augmentation proposée de tarif avait un impact préjudiciable important sur l'Administration, cela ne serait pas un motif valable pour justifier l'augmentation de tarif en l'absence d'une amélioration du service pour les usagers.
[55] Malgré les garanties données par l'Administration, l'AAC/CCM croient qu'il est peu probable que la mise en œuvre de l'augmentation de tarif de 4,5 pour cent ait un impact important sur la viabilité financière à long terme de l'Administration.
[56] L'AAC/CCM reconnaissent qu'il y a eu moins de retards au cours du mois de décembre 2005 qu'au cours de la même période en 2004. Toutefois, cela indique plutôt que l'Administration a finalement atteint les niveaux de service auxquels les usagers auraient normalement droit dans le cadre d'un réseau de pilotage exploité efficacement, plutôt qu'une amélioration réelle et importante du service. De plus, l'amélioration de la navigation pré-hivernale découle des changements apportés dans les règles liées à l'assignation des pilotes.
[57] L'AAC/CMC croient qu'il est évident que ces changements ne nécessitaient pas un investissement de la part de l'Administration qui justifierait une augmentation tarifaire correspondante. Ce sont plutôt les usagers qui doivent faire les dépenses de capital pour leurs bâtiments afin de s'assurer qu'ils sont équipés de radars et de systèmes électroniques de visualisation des cartes marines conformes afin de profiter des nouvelles règles pour la navigation pré-hivernale.
[58] En ce qui concerne l'argument de l'Administration voulant que l'augmentation de tarif représente un coût négligeable pour chaque usager, l'AAC/CCM soutiennent que cette augmentation est contraire à l'alinéa 5c) de la LTC parce que toute augmentation des dépenses de l'industrie de la navigation excédant l'IPC désavantage ce mode de transport en ce qui a trait à la concurrence par rapport à d'autres modes de transport.
La CPSLC
[59] La CPSLC est d'avis que la proposition tarifaire ne préjudicie pas l'intérêt public puisque les tarifs facturés reflètent les coûts de l'exploitation d'un réseau sécuritaire conformément à la politique nationale des transports et sont essentiels à la réalisation d'un réseau national conforme aux normes de sécurité les plus élevées possible dans la pratique.
[60] Eu égard aux commentaires de l'AAC/CCM concernant le paragraphe 33(3) de la Loi sur le Pilotage qui prévoit que toute augmentation des tarifs des droits de pilotage doit être dans le but de permettre à l'Administration le financement autonome de ses opérations et être équitable et raisonnable, la CPSLC soutient que les honoraires dus reflètent les coûts réels d'exploitation et que puisque le contrat de service a été imposé par un arbitre, il doit en être conclu que ces coûts sont équitables et raisonnables et que les augmentations requises afin de rencontrer les obligations de l'Administration envers la CPSLC sont nécessairement raisonnables.
[61] La CPSLC souligne que bien que depuis 1996, l'Administration ait proposé des augmentations de tarifs dépassant l'augmentation de l'IPC, et que l'augmentation de 4,5 pour cent visée actuellement dépasse aussi l'IPC, il n'en demeure pas moins que ces augmentations n'ont pas toutes été autorisées par l'Office.
[62] La CPSLC soumet qu'afin de déterminer si les tarifs sont équitables et raisonnables il ne faut pas considérer que les augmentations de l'IPC puisqu'une grande partie des dépenses de l'Administration provient des honoraires payés, soit des frais réellement encourus, et non pas des produits et services qui figurent à l'IPC. La CPSLC soutient que le fait que la proposition tarifaire dépasse l'IPC pour 2006 ne justifie pas en soi son rejet puisque cette proposition a comme objectif d'atteindre et de maintenir l'autofinancement à la suite de quelques années déficitaires.
[63] La CPSLC soumet que l'AAC/CCM tentent d'introduire un faux critère d'évaluation de proposition tarifaire qui n'existe pas dans les lois pertinentes, soit la nécessité d'améliorer les services de pilotage pour justifier des augmentations et ajoute que la présomption que la proposition tarifaire est liée à la clause de productivité est fausse puisque l'Administration indique que celle-ci vise à combler les déficits déjà accumulés.
[64] En ce qui concerne la clause de productivité, la CPSLC indique qu'elle a diminué le nombre de pilotes exerçant dans le District 1 conformément aux décisions de l'Office confirmant des demandes formulées par les armateurs depuis 1991 et que cette exigence de l'Office contribue de façon importante aux coûts présentement payés en vertu de la clause de productivité car le trafic actuel dépasse les prévisions faites à l'époque où cette obligation fut imposée.
[65] La CPSLC indique qu'elle a convenu d'inclure la clause de productivité dans le contrat intervenu entre l'Administration et elle en 1993 en contrepartie d'une demande de l'Administration de prévoir au contrat une liste de pilotes disponibles pendant leur période de repos qui seraient payés en utilisant un facteur de productivité. Les pilotes en vacance ou autres congés pourraient donc être appelés à travailler lorsque les besoins le nécessitaient sans frais supplémentaires, plutôt que de payer les pilotes à la pièce, dans le but d'établir un équilibre entre l'efficacité du service aux usagers et la charge supplémentaire requise des pilotes.
[66] La CPSLC soumet que les sommes payées en vertu de cette clause doivent être analysées à la lumière des économies qui en découlent. La CPSLC indique que depuis 2003, les coûts de productivité ont largement dépassé le coût de la formation de 10 apprentis-pilotes, qui s'élève à 104 000 $ chacun, et qui aurait été nécessaire afin d'en arriver à une charge de travail normale éliminant ainsi la nécessité de payer des primes de productivité. La CPSLC ajoute que depuis 1993, cette clause a coûté moins cher qu'une clause de primes de "call-back" (rappel) et qu'en conséquence, et ce malgré les énoncés antérieurs de l'Office, cette clause est financièrement plus avantageuse qu'une clause usuelle du type que l'on retrouve généralement dans les contrats avec les corporations canadiennes de pilotes.
[67] La CPSLC mentionne que tous les contrats intervenus entre les diverses autorités de pilotage au Canada et les corporations ou syndicats de pilotes prévoient soit des primes en cas de "call-back" (rappel), soit une clause de productivité, à l'exception de la CPBSL, et qu'il s'agit donc d'un élément contractuel normal dans le système de pilotage canadien. La CPSLC soumet qu'il est normal que des honoraires additionnels soient exigés lorsqu'un client ou une industrie, dans quelque activité économique que ce soit, demande des services qui dépassent les standards.
[68] La CPSLC déclare que cette clause est essentielle pour établir et stabiliser le fardeau de travail des pilotes et s'inscrit dans une démarche ordonnée et logique de planification des effectifs.
[69] La CPSLC soumet aussi que l'AAC/CCM utilise un autre faux critère d'évaluation de proposition tarifaire non énoncé aux lois et décisions applicables en exigeant que les augmentations de tarif ne soient approuvées que lorsqu'absolument nécessaires et qu'elles soient uniquement reliées aux services complètement efficaces. La CPSLC demande à l'Office de prendre connaissance de ses efforts de collaboration avec les autres parties pour améliorer les services rendus, notamment à l'égard de la navigation de nuit pendant l'hiver et de l'usage des cartes électroniques.
[70] La CPSLC indique que sa collaboration génère couramment des augmentations d'efficacité tout en assurant le respect de son obligation première qui consiste à assurer la sécurité des transits et qu'en conséquence, les usagers du système de pilotage des Laurentides devraient payer leur part.
[71] En réponse aux allégations de l'AAC/CCM voulant que les modifications proposées soient préjudiciables à l'intérêt public et ne fournissent pas une amélioration à un système qui est de toute évidence imparfait dans sa fourniture de services, la CPSLC renvoie les opposants devant le Parlement du Canada et indique que l'Office doit respecter le cadre législatif énoncé aux lois pertinentes et analyser les oppositions selon le cadre énoncé dans ses décisions précédentes.
[72] Pour toutes ces raisons, la CPSLC soumet que la proposition tarifaire respecte l'intérêt public en ce qu'elle assure envers la société et les intérêts maritimes de tout ordre le maintien d'un service de pilotage sécuritaire et efficace.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Le mandat de l'Office
[73] L'Office n'entend pas reprendre ici ce qu'il a déjà exposé dans sa décision no 618-W-2005 (laquelle renvoie aux décisions no 709-W-2004 et no 94-W-2001) sur l'étendue de son mandat. L'Office adopte de nouveau les propos qu'il a tenus alors sur l'intérêt public, les droits et obligations des parties et les principes qui doivent guider son analyse comme s'ils étaient reproduits ici intégralement.
La situation financière de l'Administration
[74] L'Office estime qu'il n'est pas nécessaire de reprendre en détail l'analyse de la situation financière de l'Administration pour traiter la présente demande. Dans sa décision no 618-W-2005, l'Office a conclu après analyse de la preuve que l'autonomie financière de l'Administration était précaire et fort aléatoire. La situation n'a pas changé six mois plus tard et l'Administration le reconnaît elle-même.
[75] L'Office tient cependant à souligner que l'Administration a réussi à limiter la hausse de ses coûts administratifs et opérationnels. À ce titre, la signature récente d'une nouvelle convention collective entre elle et l'Alliance de la fonction publique du Canada a permis de réduire à 12 le nombre d'employés minimum requis à son centre d'affectations. Cette mesure permet à l'Administration de porter à 14 employés/année l'effectif de son centre d'affectations pour l'année 2006 alors que 16 répartiteurs permanents et 1 employé à temps partiel y travaillaient en 2005. Il en résulte une réduction des dépenses en coût de personnel.
[76] L'Administration a indiqué que l'augmentation tarifaire lui permettra entre autres de faire face à des paiements de productivité plus élevés que prévus, de procéder à l'embauche d'apprentis pilotes et de verser une compensation pour l'utilisation de la notion de la longueur tarifaire des navires prévue au contrat de la CPBSL.
[77] Il convient d'analyser la présente demande d'augmentation tarifaire de l'Administration en fonction de la preuve déposée. À cet égard, l'Office entend traiter des arguments de l'Administration sur les paiements de productivité et l'embauche d'apprentis pilotes d'une part et la question de la navigation hivernale d'autre part.
Les paiements de productivité et l'embauche d'apprentis pilotes
[78] En 2005, l'Administration a dû verser 1 989 000 $ à la CPSLC en guise de paiements de productivité. Selon les prévisions déposées, la clause de productivité entraînera des paiements supplémentaires de 1 934 000 $ en 2006, 1 517 000 $ en 2007 et 671 000 $ en 2008. La preuve démontre bien l'impact qu'a la clause de productivité sur les coûts opérationnels de l'Administration. Pour l'année 2005, les paiements de productivité ont représenté 10 pour cent des honoraires versés à la CPSCL et pour l'année 2006, ils sont estimés à 7 pour cent.
[79] Dans toutes ses décisions depuis 2001, l'Office a constamment réitéré que la clause sur les primes de productivité représente un fardeau pour les usagers et l'Administration, qu'elle ne présente aucun avantage additionnel pour les usagers en contrepartie des paiements supplémentaires qu'elle leur impose et qu'elle devrait être supprimée du contrat.
[80] L'Office réitère ses propos antérieurs sur l'impact négatif que cette clause a tant sur l'obligation d'autonomie financière de l'Administration que sur l'intérêt public. Cette clause nuit à l'autonomie financière de l'Administration. Il suffit de constater l'importance des paiements supplémentaires qu'elle entraîne pour l'Administration pour s'en convaincre. De plus, elle n'apporte rien aux usagers en termes de valeur ajoutée ou de services améliorés. Ce sont cependant ces derniers qui doivent les acquitter.
[81] L'Office, ainsi que le Vérificateur général du Canada, ont souligné par le passé que les primes de productivité désavantagent l'Administration et risquent de rendre sa santé financière plus précaire. De plus, l'Office réitère que les primes de productivité nuisent à l'intérêt public.
[82] Intimement liée à cette question des paiements de productivité est celle de l'embauche des apprentis pilotes. La CPSLC laisse entendre que c'est conformément aux décisions de l'Office qu'elle a diminué le nombre d'apprentis pilotes dans la région du District 1 et que l'Office est donc en quelque sorte responsable des coûts liés à la clause de productivité. L'Office renvoie la CPSLC à la décision no 645-W-2002, dans laquelle l'Administration n'a pas été en mesure de justifier le nombre d'apprentis pilotes qu'elle prévoyait embaucher. Aucune preuve n'a été produite pour justifier la demande de l'Administration. L'Office a conclu en ces termes:
L'Office considère que l'Administration n'a pas pu justifier la projection du nombre d'apprentis pilotes nécessaires et n'a pas démontré qu'elle a élaboré un plan de relève et d'attrition des pilotes, en collaboration avec les pilotes et l'industrie.
[83] L'Office a reconnu l'importance du recrutement au paragraphe 95 de sa décision no 709-W-2004, lequel se lit ainsi:
Le report du recrutement d'apprentis-pilotes se fait ressentir à moyen terme. À titre de comparaison, l'Administration prévoit recruter 10 apprentis-pilotes dans la circonscription 1 en 2005, une mesure qui coûterait environ 525 000 $. Advenant qu'elle ne puisse effectuer ce recrutement, l'Administration estime qu'en 2008, elle sera toujours tenue de débourser des primes de productivité qui lui coûteront la même somme qu'en 2005 et 2006 (800 000 $). Dans le cadre de l'Examen des questions de pilotage de 1999, le Comité d'examen a fait remarquer que le paiement de primes de productivité peut avoir un impact sur la situation financière de l'Administration et qu'il n'est pas évident que ces paiements servent les intérêts des utilisateurs du service. À cette époque, le Comité d'examen avait été avisé que l'application de primes de productivité faisait l'objet de négociations entre l'Administration et les pilotes des circonscriptions 1 et 1-1. Cette clause de productivité fait toujours partie de la convention collective des pilotes de la circonscription 1-1 et du contrat de services des pilotes de la circonscription 1. L'Office tient à réitérer que la clause sur les primes de productivité qui figure dans le contrat de services de la circonscription 1 et dans la convention collective de la circonscription 1-1 représente un fardeau pour les usagers et l'Administration, qu'elle ne présente aucun avantage additionnel pour les usagers en contre-partie des paiements supplémentaires, et qu'elle devrait être supprimée du contrat. Cela dit, l'Office estime légitime de procéder au recrutement d'apprentis-pilotes pour répondre aux besoins en main-d'œuvre lorsqu'on prévoit une augmentation de trafic et pour atténuer les effets de la clause portant sur les primes de productivité à l'avenir.
[84] Les prétentions de la CPSLC sont donc mal fondées lorsqu'elle affirme que l'Office est responsable du non-recrutement des apprentis pilotes et par conséquent des coûts liés à la clause de productivité.
[85] Dans le cas présent, l'Administration a déposé un rapport intitulé « Étude des besoins en apprentis pilotes ». Cette étude, préparé par les Consultants Robert G. Friend inc., fait état des prévisions de trafic au cours des prochaines années et évalue le nombre d'apprentis pilotes qu'il conviendrait d'embaucher. L'étude ainsi que la preuve déposée par l'Administration indiquent clairement la nécessité d'embaucher des apprentis pilotes.
[86] L'Administration entend procéder à l'embauche d'apprentis pilotes dans les circonscriptions 1 et 2. L'Administration prévoit l'embauche de 20 apprentis pilotes pour l'année 2006, soit 12 pour la circonscription 1 et 8 pour la circonscription 2. Le contrat de service conclu avec la CPSLC prévoit que les coûts de formation des apprentis pilotes sont au frais de l'Administration. Pour l'année 2006, l'Administration prévoit des dépenses supplémentaires de 1 194 000 $ en frais de formation pour les 12 apprentis pilotes de la circonscription 1. Quant aux apprentis pilotes affectés à la circonscription 2, ils ne représentent pas une dépense supplémentaire pour l'Administration puisque le contrat de service conclu avec la CPBSL prévoit, en toute logique, que les coûts de formation des apprentis sont à la charge de la CPBSL, ces frais étant inclus dans l'augmentation annuelle des honoraires.
[87] Il est clair que l'embauche d'apprentis pilotes aura pour effet de mitiger l'impact négatif de la clause de productivité parce que cette embauche aura pour effet de réduire le nombre moyen d'assignations par pilote par année pour qu'il ne dépasse pas la norme actuelle de 120 affectations annuelles. L'Office comprend que cet effet ne pourra se faire sentir qu'à moyen terme, c'est-à-dire environ deux ans après leur embauche. L'Office est cependant convaincu que l'embauche d'apprentis pilotes est nécessaire non seulement pour réduire l'impact de la clause de productivité, mais également pour faire face aux départs à la retraite des pilotes. L'Étude déposée par l'Administration à l'appui de ses prétentions le démontre clairement. La mesure est aussi à l'avantage des usagers qui risquent moins de subir de retards faute de personnel. L'Office considère que l'embauche d'apprentis pilotes ne nuit pas à l'intérêt public.
Les services aux usagers
[88] Dans la décision no 618-W-2005, l'Office a constaté des lacunes dans les services aux usagers. La preuve a démontré qu'il y a eu de nombreux délais, notamment durant la période pré-hivernale. Or, la preuve démontre qu'il y a eu amélioration des services depuis.
[89] Dans la circonscription 1, le nombre de missions de pilotage est passé de 612 en décembre 2004 à 733 en décembre 2005, soit une augmentation de 20 pour cent. Malgré cette augmentation du trafic maritime, l'AAC/CCM a concédé qu'il y avait eu moins de retards durant le mois de décembre 2005 comparé à la même période pour 2004. Quant à la FMC, elle a mentionné que la livraison des services était revenue au niveau existant en 1999.
[90] L'Office note que cette amélioration des services a été possible grâce à la collaboration des pilotes de la CPSLC qui ont fait preuve d'une plus grande disponibilité durant la période pré-hivernale. En effet, la preuve déposée par l'Administration laisse clairement voir qu'entre les 8 et 29 décembre 2005, à l'exception du 17 décembre 2005, les pilotes ont été disponibles en nombre plus grand qu'au cours de la même période en 2004. Plus particulièrement, les 25, 28 et 29 décembre 2005, période cruciale pour les usagers, 19, 14 et 15 pilotes de plus qu'en 2004 ont offert leurs services. Cet effort des pilotes pour assurer un service efficace et sécuritaire est notable.
[91] La preuve indique en outre que durant la période du 24 au 29 décembre, 29 missions de pilotage avaient été retardées en raison de pénuries de pilotes en 2004 comparativement à 12 en 2005. C'est donc dire que pour cette période de l'année particulièrement achalandée, 17 retards ont été évités grâce à une disponibilité accrue des pilotes de la circonscription 1.
[92] L'Office note aussi que pour éviter que ne se reproduise la même situation qu'en 2004 où de nombreux retards avaient été constatés, l'Administration a considéré la possibilité de dispenser du pilotage obligatoire certains navires, sous réserve de certaines conditions, durant la période d'affluence entre Noël et le Jour de l'An. Elle n'a cependant pas eu recours à cette mesure puisque les pilotes ont augmenté volontairement leur disponibilité pour réduire les délais.
[93] L'Office note que les armateurs canadiens et étrangers ont investi d'importantes sommes pour équiper leurs navires afin de se conformer aux règles de navigation hivernale la nuit et que ceux-ci s'attendent en retour à un service efficace. L'Office est d'avis que l'expérience de l'année 2005 démontre qu'une collaboration étroite entre les corporations de pilotes et l'Administration ainsi que les efforts fournis par les armateurs pour équiper leurs navires peuvent mener à une augmentation des services de pilotage aux usagers, répondant ainsi à leurs besoins.
Conclusion sur l'examen de la proposition tarifaire et l'intérêt public
[94] L'Office rappelle qu'aux termes de la Loi sur le pilotage, l'Administration a l'obligation d'être financièrement autonome. À ce titre, elle est autorisée à percevoir des droits d'utilisation qui lui permettent le financement autonome de ses opérations. Les droits qu'elle perçoit doivent cependant être équitables et raisonnables et donc correspondre à un service économique et efficace. À cet égard, l'amélioration des services constitue un élément à considérer. Ce n'est cependant pas le seul qui puisse justifier une augmentation tarifaire. Il peut y avoir des situations où une augmentation est nécessaire et justifiable sans entraîner nécessairement une amélioration immédiate des services. En l'espèce, l'Office constate que la proposition tarifaire de l'Administration vise à embaucher des apprentis pilotes et ce, dans le but de réduire les coûts associés à la clause de productivité, atténuant ainsi ses effets néfastes, et d'améliorer les services aux usagers.
[95] À ce titre, l'Office reconnaît la nécessité d'embaucher des apprentis pilotes. Les opposants sont d'avis qu'une augmentation tarifaire reliée à l'IPC (2,25 pour cent) serait juste et raisonnable. Or, une telle augmentation ne ferait que couvrir les dépenses inhérentes de l'Administration comme les honoraires des pilotes et ses dépenses administratives et ne permettrait pas à l'Administration de générer les revenus nécessaires pour couvrir les dépenses reliées à l'embauche d'apprentis pilotes.
[96] L'Office est d'avis que l'Administration lui a démontré qu'en plus de viser l'objectif d'autonomie financière, l'augmentation de 4,5 pour cent est justifiée dans la mesure où elle vise à assurer que des services de pilotage efficaces soient rendus aux usagers dans l'avenir. Sans cette augmentation, l'Administration serait en sérieuse difficulté pour assurer un service de pilotage efficace et sécuritaire sur le Saint-Laurent puisqu'il lui serait impossible d'augmenter l'effectif des pilotes à moyen terme. Compte tenu de la preuve, l'Office détermine que l'augmentation tarifaire proposée ne nuit pas à l'intérêt public et recommande sa mise en œuvre.
RECOMMANDATION
[97] L'Office conclut que l'augmentation proposée de 4,5 pour cent prévue au tarif publié le 5 novembre 2005 par l'Administration de pilotage des Laurentides ne nuit pas à l'intérêt public et recommande sa mise en œuvre.
Membres
- Gilles Dufault
- Mary-Jane Bennett
- Guy Delisle
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