Décision n° 25-C-A-2023

le 9 mars 2023

Demande présentée par Christopher Browne contre Air Canada concernant un retard

Numéro de cas : 
21-50072

[1] Christopher Browne devait prendre un vol de Philadelphie (Pennsylvanie) à Calgary (Alberta), via Montréal (Québec), le 28 février 2020. Comme le départ du vol AC8033 de M. Browne de Philadelphie à Montréal a été retardé, M. Browne a manqué son vol de correspondance de Montréal à Calgary. Air Canada l’a réacheminé sur un vol partant le lendemain, le 29 février 2020. M. Browne est arrivé à Calgary environ 20 heures plus tard que prévu.

[2] M. Browne réclame une indemnité pour inconvénients de 1 000 CAD, au titre du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA).

[3] Dans la présente décision, le rôle de l’Office des transports du Canada (Office) consiste à déterminer si Air Canada a correctement appliqué les conditions de son tarif applicables au billet que M. Browne a acheté.

[4] Si l’Office conclut qu’Air Canada n’a pas correctement appliqué son tarif, il peut lui ordonner de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées, ou de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses supportées en raison de la non-application de son tarif.

[5] M. Browne fait valoir que le vol a été retardé en raison de maintenance sur l’aéronef et d’un problème d’équipage, deux situations attribuables au transporteur. M. Browne a déposé des captures d’écran de l’application mobile d’Air Canada qui montrent que des contraintes de maintenance ont retardé l’arrivée à Philadelphie de l’aéronef affecté au vol AC8033.

[6] Air Canada, pour sa part, fait valoir que le vol AC8033 a été retardé d’une heure et 48 minutes pour plusieurs raisons, la principale étant un effet domino causé par le mauvais temps, une situation indépendante de sa volonté, plus tôt cette journée‑là à St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador). Air Canada soutient plus précisément que l’équipage affecté au vol AC8033 de Philadelphie à Montréal avait d’abord été affecté au vol AC8030 de Montréal à Philadelphie. Toutefois, le vol AC8030 a été retardé à Montréal, car il fallait attendre l’équipage qui était à bord du vol de correspondance AC8783, qui avait également été retardé en raison d’une tempête de neige à St. John’s ce matin‑là. Plus particulièrement, l’équipage affecté au vol AC8783 a aussi effectué les vols suivants, lesquels ont tous été retardés en raison du mauvais temps à St. John’s : le vol AC8015 (de St. John’s à Montréal), le vol AC8784 (de Montréal à Halifax) et finalement, le vol AC8783 (de Halifax à Montréal).

[7] Air Canada soutient également que, lorsque le vol AC8783 est arrivé à Montréal, l’équipage devait passer la douane pour être autorisé à effectuer les vols AC8030 et AC8033, ce qui a pris 46 minutes de plus. Le départ du vol AC8030 de Montréal à Philadelphie a aussi été retardé en raison d’une contrainte de main‑d’œuvre sur la piste, ce qui a causé un retard de 8 minutes, selon Air Canada.

[8] Air Canada affirme qu’elle a épuisé toutes les mesures à sa disposition pour atténuer les conséquences du retard causé par le mauvais temps à St. John’s, et qu’elle a ainsi récupéré en tout 69 minutes sur le retard initial de 2 heures et 45 minutes. Air Canada affirme qu’elle et Jazz Aviation LP — qui a effectué les vols AC8030 et AC8033 d’Air Canada — ont peu d’activités aux aéroports américains et qu’il aurait été plus long d’obtenir un autre équipage à Philadelphie que d’attendre l’arrivée du vol AC8030.

[9] En somme, Air Canada fait valoir que les difficultés liées à l’équipage qui ont retardé le vol de M. Browne étaient directement attribuables à un retard survenu plus tôt à St. John’s en raison du mauvais temps, une situation indépendante de sa volonté. Elle fait également valoir qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard survenu plus tôt, de sorte que le retard subi par M. Browne était aussi attribuable à une situation indépendante de sa volonté.

[10] Dans la décision 122-C-A-2021 (décision d’interprétation du RPPA), l’Office a indiqué que, pour déterminer si un transporteur a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard d’un vol précédent, il faut tenir compte des circonstances entourant l’effet domino, dont : la durée de l’effet domino; l’éloignement de l’endroit et la question de savoir si la perturbation s’est produite dans un pays étranger; la disponibilité d’un autre aéronef ou équipage; et les conséquences de la cause du retard de vol sur les activités du transporteur.

[11] Dans la décision d’interprétation du RPPA, l’Office a également indiqué que, pour catégoriser une perturbation de vol causée par une pénurie de membres d’équipage, il faut tenir compte des circonstances entourant cette pénurie, notamment des facteurs comme la catégorisation des événements ayant causé la pénurie, et à savoir si le transporteur a dressé et mis en place des plans de continuité raisonnables. Dans la décision 89-C-A-2022 (Lareau c WestJet), l’Office a précisé que le seuil pour établir qu’une pénurie de membres d’équipage n’est pas attribuable au transporteur est élevé, et que le transporteur doit démontrer que l’annulation n’était pas attribuable à ses propres actions ou à son inaction.

[12] Pour les motifs énoncés ci‑après, l’Office conclut que la position d’Air Canada n’est soutenue par aucune preuve.

[13] Air Canada soutient que de nombreux retards ont été causés par l’effet domino attribuable au mauvais temps à St. John’s et qu’elle n’a eu d’autre choix que d’attendre l’équipage affecté à ces vols pour effectuer le vol de M. Browne. Toutefois, la question de savoir s’il y avait un autre équipage que celui ayant été retardé en raison des vols retardés plus tôt à cause du mauvais temps repose uniquement sur des déclarations et n’est pas corroborée par des éléments de preuve convaincants. Par exemple, Air Canada n’a pas précisé quels membres de l’équipage devaient être affectés aux vols AC8030 et AC8033. Elle a fourni un document intitulé « CRJ YUL Reserve » indiquant « Required both CA and FO », mais les renseignements qu’il renferme ne sont pas clairs et cohérents : les acronymes ne sont pas précisés, il n’y a aucune date, et il est seulement indiqué que l’équipage était affecté, sans préciser où ni jusqu’à quand.

[14] Par ailleurs, selon la preuve déposée par Air Canada, le départ réel du vol AC8015 a eu lieu plus de 10 heures avant l’heure prévue du vol AC8033 de M. Browne. Le fait que le retard se soit produit plus tôt durant la journée donne à penser qu’Air Canada aurait pu réorganiser ses activités, car elle savait que l’équipage pris dans les retards causés par le mauvais temps était à l’horaire pour effectuer d’autres vols plus tard. Toutefois, Air Canada n’a pas démontré s’il y avait un plan de continuité en vigueur pour éviter une pénurie d’équipage provoquée par cet effet domino.

[15] En outre, l’Office reconnaît que Philadelphie est dans un pays étranger où Air Canada n’a pas d’équipage ni d’aéronef de réserve. Toutefois, la preuve d’Air Canada montre que les nombreux vols de l’effet domino cette journée‑là ont transité par Montréal qui, selon ce qu’Air Canada a indiqué, est l’un de ses principaux centres d’activités.

[16] Finalement, Air Canada n’explique pas sa décision de remplacer l’aéronef FIN 133, qui devait effectuer les vols AC8030 et AC8033, par l’aéronef FIN 164 le 28 février 2020, peu après 8 h 58, HNE. Elle ne démontre pas non plus, preuve à l’appui, pourquoi l’équipage affecté au FIN 164 ne pouvait pas continuer à bord de cet aéronef pour les vols AC8030 et AC8033 après avoir effectué les vols AC8788 et AC8789 entre Montréal et Saint John (Nouveau‑Brunswick) plus tôt cette journée‑là, au lieu d’attendre que l’équipage arrive de Halifax à bord de l’aéronef FIN 711 effectuant le vol AC8783. De plus, Air Canada n’explique pas ni ne démontre pourquoi l’équipage affecté au FIN 133 ne pouvait pas travailler à bord du FIN 164 après que le FIN 133 a été changé pour le FIN 164 afin d’effectuer les vols AC8030 et AC8033.

[17] En conséquence, l’Office conclut qu’Air Canada n’a pas démontré que le vol de M. Browne a directement été retardé en raison d’un retard précédent, ni que le retard de son vol attribuable à une pénurie d’équipage n’était pas le résultat de ses propres actions ou de son inaction. En conséquence, l’Office conclut que le retard du vol de M. Browne était attribuable au transporteur, et que M. Browne a droit à une indemnité de 1 000 CAD pour les inconvénients subis en raison du retard.

Ordonnance

[18] À la lumière de ce qui précède, l’Office ordonne à Air Canada de verser à M. Browne une indemnité de 1 000 CAD le plus tôt possible, mais au plus tard le 24 avril 2023.

Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Règlement sur les transports aériens (DORS/88-58) 110(4); 113.1(1)
Règlement sur la protection des passagers aériens (DORS/2019-150) 12(1); 12(2)(d); 19(1)(a)(iii)
International Passenger Rules and Fares Tariff AC2 containing Local Rules, Fares & Charges on behalf of Air Canada Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage between points in Canada/USA and points in Areas 1/2/3 and between the USA and Canada, CTA 458 80(B)(3)(d)

Membre(s)

Mark MacKeigan
Date de modification :