Décision n° 89-C-A-2022
DEMANDE présentée par Owen Lareau contre WestJet au titre de l’article 67(3) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC), concernant une annulation de vol.
[1] Owen Lareau devait initialement voyager de Regina (Saskatchewan) à Ottawa (Ontario), via Toronto (Ontario), le 18 juillet 2021. Son vol de Regina à Toronto a été annulé la journée du départ en raison d’une pénurie de membres d’équipage. WestJet a réservé pour M. Lareau un vol dont le départ était prévu le lendemain. Il est arrivé à sa destination 21 heures plus tard que son horaire initial.
[2] WestJet a fourni à M. Lareau une nuitée à l’hôtel et des bons de repas. M. Lareau a demandé une indemnisation au titre du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA)Note 1; WestJet a toutefois rejeté sa demande au motif que le vol a été annulé en raison de la disponibilité des membres d’équipage et que cette annulation était nécessaire par souci de sécurité.
[3] Dans la présente décision, le rôle de l’Office des transports du Canada (Office) consiste à déterminer si WestJet a correctement appliqué les règles qui s’appliquent au billet que M. Lareau a acheté, telles qu’énoncées dans son tarif Note 2. Les dispositions pertinentes de la LTC, le RPPA et le tarif sont énoncées à l’annexe.
[4] Au titre du tarif et du RPPA, les indemnités pour inconvénients sont dues uniquement dans les situations attribuables au transporteur.
[5] Dans le cas présent, M. Lareau indique que l’annulation a été effectuée au dernier moment et il soutient qu’elle est attribuable à WestJet, puisque cette dernière manquait vraisemblablement de personnel.
[6] WestJet soutient que l’annulation lui était attribuable, mais qu’elle était nécessaire par souci de sécurité, et qu’aucune indemnité n’est donc due. Elle affirme que le premier officier a pris congé pour cause de maladie environ une heure avant le départ prévu et que le personnel du service de planification de l’horaire des équipages a tenté en vain d’affecter un autre premier officier au vol. WestJet soutient que les ressources en équipage étaient limitées puisque Regina n’est pas une de ses bases d’affectation et qu’elle n’a pas été en mesure de trouver un autre premier officier pour exploiter le vol de façon sécuritaire.
[7] Bien que le fardeau de la preuve repose sur le demandeur, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas appliqué correctement les règles qui s’appliquent à son billet, lorsqu’un transporteur affirme qu’une perturbation lui était attribuable, mais qu’elle était nécessaire par souci de sécurité, ou qu’elle ne lui était pas attribuable, le transporteur doit établir le bien-fondé de son affirmation. Puisque les informations pertinentes sont en la possession du transporteur, le transporteur est responsable de fournir les éléments de preuve pour justifier comment il catégorise une perturbation.
[8] Dans la décision 122-C-A-2021, l’Office a conclu que pour catégoriser une perturbation de vol causée par une pénurie de membres d’équipage, il faut tenir compte des circonstances entourant cette pénurie, notamment des facteurs comme la catégorisation des événements ayant causé la pénurie, et à savoir si le transporteur a dressé et mis en place des plans de continuité raisonnables. L’Office a reconnu que la capacité d’un transporteur à éviter une perturbation en faisant venir des membres d’équipage de remplacement peut être affectée par des éléments comme le lieu où se produit la perturbation ou une situation extraordinaire, comme un conflit de travail ou une maladie touchant un nombre important de membres d’équipage. L’Office a également indiqué que dans le contexte du règlement de plaintes liées à des perturbations causées par des pénuries de membres d’équipage, l’Office se penchera sur les éléments de preuve déposés par les transporteurs en lien avec ces facteurs.
[9] Comme il est indiqué dans la décision 122-C-A-2021, un transporteur ne devrait pas être pénalisé si lui ou son équipage a pris une décision discrétionnaire concernant l’exploitation sécuritaire d’un aéronef. Toutefois, les perturbations attribuables au transporteur mais nécessaires par souci de sécurité devraient être limitées aux événements qui ne peuvent être anticipés ou évités ou, autrement dit, qui ne peuvent être évités par la prudence et la diligence du transporteur.
[10] En général, les transporteurs ont le contrôle sur les problèmes d’effectifs. Par exemple, ils contrôlent le nombre d’employés qu’ils engagent, combien de temps à l’avance les employés sont engagés et formés, l’endroit où les employés sont affectés, la fréquence des affectations des employés et les grands centres où les employés sont situés.
[11] À la lumière de ce qui précède, le seuil pour établir qu’une pénurie de membres d’équipage n’est pas attribuable au transporteur aux termes de l’article 12 du RPPA est élevé. Le transporteur doit démontrer qu’il ne pouvait pas prévenir de façon raisonnable la perturbation malgré une planification adéquate. Cette planification comprend non seulement les plans de continuité, mais aussi la planification à l’avance pour que le transporteur s’assure de la disponibilité de suffisamment de personnel pour exploiter les services qu’il offre en vente étant donné que divers événements peuvent avoir une incidence sur les activités quotidiennes d’un transporteur.
[12] L’Office reconnaît qu’un aéronef ne peut pas être exploité sans le nombre nécessaire de membres d’équipage à bord. Toutefois, si une pénurie de membres d’équipage est attribuable aux actions ou à l’inaction du transporteur, la perturbation sera considérée comme attribuable au transporteur aux fins du RPPA. En effet, une perturbation causée par une pénurie de membres d’équipage ne devrait pas être considérée comme étant « nécessaire par souci de sécurité » lorsque le transporteur est celui qui a causé le problème de sécurité à la suite de ses propres actions.
[13] Dans le cas présent, le seul élément de preuve pertinent que WestJet a fourni sont des notes de son centre de contrôle des opérations indiquant que le personnel de son service de planification de l’horaire des équipages a tenté en vain d’affecter un autre premier officier au vol. Les éléments de preuve ne permettent pas d’établir la raison pour laquelle les efforts pour trouver un premier officier de remplacement ont échoué. De plus, WestJet n’a pas indiqué si elle a envisagé la possibilité de faire venir un premier officier de remplacement à Regina pour exploiter le vol, quitte à ce qu’il soit retardé, et elle n’a présenté aucun élément de preuve concernant les plans de continuité qu’elle avait en place pour s’assurer de la disponibilité d’autres premiers officiers en cas de pénurie de membres d’équipage. Les éléments de preuve déposés par WestJet n’établissent pas de façon suffisamment concluante que l’annulation découlant de la pénurie de membres d’équipage était inévitable malgré une planification adéquate, et ils ne démontrent pas que l’annulation n’était pas attribuable aux propres actions ou à la propre inaction de WestJet.
[14] L’Office conclut donc que l’annulation du vol de M. Lareau était attribuable à WestJet. Conformément à l’alinéa 12(3)(d) et au sous-alinéa 19(1)(a)(iii) du RPPA et de la règle 95(C) du tarif, M. Lareau a droit à une indemnité pour inconvénients de 1 000 CAD.
ORDONNANCE
[15] En vertu de l’article 67.1 de la LTC, l’Office ordonne à WestJet de verser à M. Lareau une indemnité de 1 000 CAD le plus tôt possible, mais au plus tard le 19 août 2022.
ANNEXE À LA DÉCISION NO 89-C-A-2022
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10
67.1 S’il conclut, sur dépôt d’une plainte, que le titulaire d’une licence intérieure a, contrairement au paragraphe 67(3), appliqué à l’un de ses services intérieurs un prix, un taux, des frais ou d’autres conditions de transport ne figurant pas au tarif, l’Office peut, par ordonnance, lui enjoindre :
(a) d’appliquer un prix, un taux, des frais ou d’autres conditions de transport figurant au tarif;
(b) d’indemniser toute personne lésée des dépenses qu’elle a supportées consécutivement à la non-application du prix, du taux, des frais ou des autres conditions qui figuraient au tarif;
(c) de prendre toute autre mesure corrective indiquée.
Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150
Obligations – attribuable au transporteur
…
Annulation de vol
12(3) Dans le cas de l’annulation, le transporteur :
…
(d) s’ils ont été informés quatorze jours ou moins avant l’heure de départ indiquée sur leur titre de transport initial que leur arrivée à la destination indiquée sur ce titre de transport sera retardée, verse aux passagers l’indemnité minimale prévue à l’article 19 pour les inconvénients subis.
…
Indemnité pour retard ou annulation de vol
19(1) Si les alinéas 12(2)d) ou (3)d) s’appliquent au transporteur, celui-ci verse l’indemnité minimale suivante :
(a) dans le cas d’un gros transporteur :
…
(iii) si l’heure d’arrivée du vol du passager à la destination indiquée sur le titre de transport initial est retardée de neuf heures ou plus, 1000 $;
Local Domestic Tariff
Remarque : Le tarif de WestJet a été déposé en anglais seulement.
Rule 95: Compensation for Delays, Cancellation and Denial of Boarding
…
(C) For Flights Departing On or After December 15, 2019: Compensation for Inconvenience resulting from Delays or Cancellations within the Control of the Carrier
If a passenger is informed 14 days or less before the departure time on their ticket that the arrival of their flight at the destination that is indicated on their ticket will be delayed by at least three hours, and the delay is a caused by a situation under the Carrier’s control, compensation will be provided if a passenger files a request for compensation with the carrier before the first anniversary of the day on which the flight delay occurred.
Within 30 days from the date on which the carrier receives the request, the carrier will provide the compensation or an explanation why the compensation is not payable.
The Carrier will provide compensation in the following amounts to Guests who are delayed due to delay or cancellation and when that delay is within the Control of the Carrier and when the passenger was informed 14 days or less about the delay. Regardless of the Fare paid, Guests are entitled to a monetary compensation as follows:
- no compensation if the delay is less than three hours;
- $400, if the delay is three hours or more but less than six hours;
- $700, if the delay is more than six hours but less than nine hours; and
- $1000, if the delay is more than nine hours.
It a passenger is informed 14 days or less before the departure time on their ticket that the arrival of their flight at the destination that is indicated on their ticket will be delayed and the passengers ticket is refunded, the Carrier will compensate the passenger in the amount of $400, if compensation is requested by the passenger.
…
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