Décision n° 278-AT-A-2005

le 6 mai 2005

le 6 mai 2005

DEMANDE présentée par Alain Thériault en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, relativement au fait que Jazz Air, Inc. exerçant également son activité sous le nom d'Air Canada Jazz ne lui a pas fourni l'assistance avec fauteuil roulant adéquat qu'il avait demandée à l'aéroport Pierre-Elliot Trudeau de Montréal (Québec) et à l'aéroport de Rouyn-Noranda (Québec), ainsi qu'au niveau d'assistance fourni à l'aéroport Pierre-Elliot Trudeau de Montréal le 25 avril 2004.

Référence no U3570/04-39


DEMANDE

[1] Le 11 juillet 2004, Alain Thériault a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.

[2] Le 16 juillet 2004, un accusé de réception de la demande a été envoyé à M. Thériault. La lettre indiquait également que la Cour supérieure de justice de l'Ontario avait rendu une ordonnance de suspendre toutes les instances auxquelles Air Canada était partie, y compris certaines de ses filiales dont Jazz Air, Inc. exerçant également son activité sous le nom d'Air Canada Jazz (ci-après Jazz Air). Par conséquent, l'Office se voyait imposer des contraintes quant au traitement des demandes visant Jazz Air.

[3] Le 1er octobre 2004, M. Thériault a été avisé que l'ordonnance de suspension imposée par la Cour supérieure de justice de l'Ontario avait pris fin le 30 septembre 2004 et que l'Office reprenait maintenant ses activités de traitement des demandes. M. Thériault devait confirmer s'il désirait que l'Office poursuive son enquête relativement à sa demande ou s'il préférait la retirer. Le 12 octobre 2004, M. Thériault a confirmé qu'il désirait que l'Office poursuive son enquête. Le 4 novembre 2004, une lettre accusant réception de la demande de M. Thériault voulant que l'Office poursuive son enquête a été envoyée aux parties.

[4] Dans sa décision no LET-AT-A-325-2004 du 24 novembre 2004, l'Office a ouvert les plaidoiries et demandé des précisions de la part de M. Thériault. De plus, dans sa décision no LET-AT-A-326-2004 du 24 novembre 2004, l'Office a sollicité les commentaires de Club Voyages Élite, l'agence de voyages qui a vendu les billets à M. Thériault. Le 17 décembre 2004, M. Thériault a répondu à la décision no LET-AT-A-325-2004 et le 22 décembre 2004, Club Voyages Élite a répondu à la décision no LET-AT-A-326-2004.

[5] Les 11 et 13 janvier 2005, Air Canada a demandé une prolongation jusqu'au 25 janvier 2005 pour déposer la réponse de Jazz Air, ce à quoi l'Office a acquiescé dans la décision no LET-AT-A-23-2005 du 21 janvier 2005. Le 24 janvier 2005, Air Canada a déposé la réponse de Jazz Air, y compris le fichier de réservation de M. Thériault. Le 1er février 2005, M. Thériault a déposé sa réplique.

[6] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[7] Même si les soumissions de M. Thériault et de Club Voyages Élite ont été reçues après les délais prescrits, l'Office, en vertu de l'article 5 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35, les accepte les jugeant pertinentes et nécessaires à son examen de la présente affaire.

QUESTION

[8] L'Office doit déterminer si le fait que Jazz Air n'a pas fourni l'assistance avec fauteuil roulant adéquat demandée par M. Thériault à l'aéroport Pierre-Elliot Trudeau de Montréal (ci-après l'aéroport de Montréal) et à l'aéroport de Rouyn-Noranda, et le niveau d'assistance fourni à l'aéroport de Montréal ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de M. Thériault et, le cas échéant, quelles mesures correctives doivent être prises.

FAITS

[9] M. Thériault a fait ses réservations auprès de l'agence de voyages Club Voyages Élite (ci-après l'agence de voyages). Il a demandé, pour le vol de retour, l'assistance avec fauteuil roulant et a donné à son agent de voyages un certificat médical confirmant qu'il devait se rendre à Montréal en avion pour une chirurgie orthopédique et qu'il avait besoin d'un accompagnateur.

[10] Le 22 avril 2004, M. Thériault et son accompagnatrice ont quitté Rouyn-Noranda en direction de Montréal à bord du vol no 8757 de Jazz Air. Le retour s'est effectué le 25 avril 2004 à bord du vol no 8761 de Jazz Air.

[11] Le 25 avril 2004, M. Thériault est arrivé à l'aéroport de Montréal et a demandé un fauteuil roulant étant donné qu'il ne pouvait marcher que sur de courtes distances et avec l'aide de béquilles.

[12] Air Canada dispose d'un système informatisé pour enregistrer les dossiers de réservation des passagers, l'information sur les vols, ainsi que les demandes de services provenant des personnes ayant une déficience. Le fichier de réservation de M. Thériault ne renferme aucune indication qu'une demande a été faite pour recevoir de l'assistance avec fauteuil roulant. De plus, aucune mention n'est faite du fait que M. Thériault devait voyager avec un accompagnateur.

[13] Selon la politique d'Air Canada, le transporteur fournit des services aux personnes ayant une déficience lorsque les demandes sont faites 48 heures avant le départ, y compris les demandes d'assistance avec fauteuil roulant pour se rendre jusqu'à l'aéronef et en revenir.

POSITIONS DES PARTIES

[14] M. Thériault indique qu'il devait se rendre à Montréal (départ de Rouyn-Noranda) pour une chirurgie à la jambe gauche. Il fait valoir que lors de sa réservation auprès de l'agence de voyages, il a demandé l'assistance avec fauteuil roulant pour faciliter son déplacement.

[15] M. Thériault soumet qu'il a également remis à l'agence de voyages une copie de son certificat médical afin d'obtenir un tarif réduit pour son accompagnatrice.

[16] M. Thériault indique que pour le vol de retour, il est arrivé à l'aéroport de Montréal en béquilles avec son accompagnatrice. Il ajoute qu'étant donné qu'il ne pouvait parcourir de longues distances, il a demandé un fauteuil roulant et un membre du personnel de Jazz Air lui en a trouvé un. Cependant, ce fauteuil n'était pas adéquat, n'étant pas muni d'appuie-jambes réglables. M. Thériault fait valoir qu'il avait besoin d'un fauteuil roulant avec appuie-jambes réglables afin de supporter sa jambe, qu'il ne pouvait plier.

[17] M. Thériault déclare que le personnel lui a alors indiqué d'utiliser le tapis roulant pour se rendre à la porte d'embarquement. M. Thériault indique qu'en embarquant sur le tapis roulant avec ses béquilles, il a chuté et ce, malgré le fait que son accompagnatrice ait tenté de le retenir. De plus, M. Thériault fait valoir qu'un autre passager a dû l'aider à débarquer du tapis roulant et à se rendre à la porte d'embarquement.

[18] M. Thériault indique qu'il a encore une fois demandé un fauteuil roulant pour se rendre à l'aéronef. Il soumet que le personnel de Jazz Air a fait preuve d'une grande compréhension et a tout essayé pour lui trouver un fauteuil roulant pour se rendre à l'aéronef, mais les fauteuils roulants disponibles n'étaient pas munis d'appuie-jambes. M. Thériault ajoute avoir vécu la même situation à son arrivée à Rouyn-Noranda, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de fauteuil roulant avec appuie-jambes réglables et que, par conséquent, il a dû marcher à l'aide de ses béquilles.

[19] M. Thériault fait valoir que le transporteur devrait se munir d'un fauteuil roulant multifonctionnel (appuie-jambes réglables). Il mentionne que puisqu'il n'y avait pas de fauteuil roulant avec appuie-jambes réglables et que le personnel de Jazz Air ne lui a pas prêté assistance, il a dû utiliser ses béquilles pour se déplacer, ce qui lui avait été déconseillé par son médecin.

[20] Air Canada indique que les services d'assistance avec fauteuil roulant pour permettre aux personnes à mobilité réduite de se rendre jusqu'à l'aéronef et de transférer à bord sont garantis, tel que le prévoit le Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), s'ils sont demandés 48 heures avant l'heure prévue du départ du vol, ce qui permet au transporteur de s'assurer qu'un préposé soit affecté à la prestation de ces services. Air Canada ajoute que, nonobstant cette exigence, à l'aéroport de Montréal, plusieurs fauteuils roulants sont disponibles au comptoir de services spéciaux situé près de l'entrée du poste de vérification de sécurité.

[21] Air Canada indique que les fauteuils roulants normalement utilisés aux aéroports ne sont pas munis d'appuie-jambes permettant de garder la jambe droite. Air Canada précise que le fichier de réservation de M. Thériault ne fait aucune mention de l'exigence de garder la jambe allongée. Air Canada indique aussi que malgré les prétentions de l'agence de voyages, aucune demande de fauteuil roulant n'apparaît dans le fichier de réservation. Air Canada ajoute qu'il n'y a aucune mention du fait que M. Thériault devait voyager avec un accompagnateur.

[22] Air Canada précise qu'elle offre, pour les vols intérieurs, une réduction des tarifs régulier et d'excursion aux personnes qui accompagnent des personnes avec une déficience, sur présentation d'une preuve médicale attestant que le service d'accompagnateur est requis. Air Canada fait valoir que cette réduction n'a pas été demandée.

[23] Air Canada soumet qu'afin d'éviter tout malentendu, tout inconvénient ou tout obstacle dans le transport de personnes ayant une mobilité réduite, il est essentiel que la communication des besoins en matière d'assistance se fasse à l'avance et adéquatement.

[24] L'agente de voyages indique que lorsque M. Thériault a fait sa réservation, ce dernier l'a avisée qu'il devait subir une chirurgie et qu'il avait besoin d'un accompagnateur ainsi que d'un fauteuil roulant. L'agente de voyages affirme qu'elle a fait la réservation pour les deux personnes au même dossier et qu'elle a demandé le fauteuil roulant pour le départ et le retour via son système de réservation. Elle ajoute qu'elle a aussi avisé M. Thériault de bien vérifier avec l'agent au comptoir d'enregistrement que le fauteuil roulant soit bien mentionné dans le dossier.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[25] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

[26] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si la personne visée dans la demande est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions de la LTC en matière d'accessibilité.

[27] À cet égard, l'Office estime qu'il convient d'adopter une méthode libérale et fonctionnelle dans l'interprétation de son mandat en vertu de la Partie V de la LTC. Dans la décision no 482-AT-A-1998, l'Office a déterminé que le terme « personnes ayant une déficience » comprend à la fois les déficiences permanentes et temporaires résultant, par exemple, de troubles médicaux. Dans le cas présent, M. Thériault avait subi une chirurgie à la jambe et ne pouvait pas plier celle-ci et devait se déplacer à l'aide de béquilles. Ses possibilités de déplacement étaient par conséquent réduites en raison de troubles médicaux. À la lumière de cette décision antérieure de l'Office, et conformément à la méthode qu'il a adoptée pour s'acquitter de son mandat, l'Office estime que M. Thériault est une personne ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC.

[28] L'Office doit ensuite déterminer si les possibilités de déplacement de M. Thériault étaient restreintes ou limitées par un obstacle et, le cas échéant, si cet obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.

Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?

[29] L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.

[30] Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.

Le cas présent

Non-prestation d'assistance avec fauteuil roulant adéquat aux aéroports de Montréal et de Rouyn-Noranda

[31] L'Office reconnaît que M. Thériault, qui venait de subir une chirurgie, avait besoin d'assistance avec fauteuil roulant pour se déplacer à l'intérieur du terminal de l'aéroport. De plus, M. Thériault devait garder sa jambe droite tout en la supportant et il ne pouvait marcher que sur de courtes distances, à l'aide de béquilles. M. Thériault, lors de son arrivée à l'aéroport de Montréal et de son débarquement à l'aéroport de Rouyn-Noranda, a demandé un fauteuil roulant. Cependant, les fauteuils roulants normalement utilisés aux aéroports de Montréal et de Rouyn-Noranda ne sont pas munis d'appuie-jambes permettant de garder la jambe droite. Par conséquent, comme il n'y avait aucun fauteuil roulant muni d'appuie-jambes permettant à M. Thériault de garder sa jambe droite, celui-ci a dû marcher avec ses béquilles pour se déplacer à l'intérieur des terminaux des deux aéroports.

[32] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que le fait que Jazz Air n'a pas fourni l'assistance avec fauteuil roulant adéquat à M. Thériault aux aéroports de Montréal et de Rouyn-Noranda a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

Niveau d'assistance pour se rendre à l'aéronef à l'aéroport de Montréal

[33] L'Office note que le personnel de Jazz Air a tenté de trouver un fauteuil roulant répondant aux besoins de M. Thériault, et ce même si aucune demande de fauteuil roulant n'apparaissait au dossier passager. Selon M. Thériault, lorsqu'il est devenu évident qu'un fauteuil roulant adéquat pour ses besoins n'était pas disponible, le personnel de Jazz Air lui a indiqué le chemin en lui disant d'utiliser le tapis roulant.

[34] En l'absence d'une demande d'assistance avec fauteuil roulant et en l'absence d'un fauteuil roulant répondant aux besoins de M. Thériault, et puisque M. Thériault avait une accompagnatrice, le personnel de Jazz Air a suggéré à M. Thériault d'utiliser le tapis roulant. Cependant, l'Office est d'avis que les personnes ayant des déficiences connaissent mieux que quiconque leurs besoins, leurs habiletés et leurs limites et, de ce fait, M. Thériault était le mieux placé pour déterminer s'il pouvait utiliser le tapis roulant de façon sécuritaire. À cet égard, M. Thériault avait le choix d'utiliser ou non le tapis roulant.

[35] L'Office s'attend à ce que les transporteurs fassent des efforts raisonnables pour assurer la prestation de services répondant aux besoins des personnes ayant une déficience, même si ces services ne sont pas demandés au préalable. L'Office note que M. Thériault a souligné le fait que le personnel de Jazz Air a fait preuve d'une grande compréhension et a tout essayé pour lui trouver un fauteuil roulant. Compte tenu des circonstances entourant le cas présent, l'Office conclut que Jazz Air a fait des efforts raisonnables pour répondre aux besoins de M. Thériault.

[36] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que le niveau d'assistance offert par Jazz Air à M. Thériault pour se rendre à l'aéronef n'a pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

L'obstacle était-il abusif ?

[37] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[38] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.

Le cas présent

[39] Ayant conclu que le fait que Jazz Air n'a pas fourni l'assistance avec fauteuil roulant adéquat à M. Thériault aux aéroports de Montréal et de Rouyn-Noranda a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si l'obstacle en question était abusif.

Non-prestation d'assistance avec fauteuil roulant adéquat aux aéroports de Montréal et de Rouyn-Noranda

[40] L'Office estime qu'il incombe aux transporteurs aériens de s'adapter et de répondre aux besoins des passagers ayant une déficience. À cet égard, les transporteurs aériens ont adopté des politiques et mis des procédures en place. Ils doivent cependant connaître les besoins spécifiques des passagers ayant une déficience afin d'assurer que les politiques et procédures en place soient appliquées. L'Office note qu'une note au fichier de réservation d'un passager vise à attirer l'attention du transporteur, avant le voyage, au fait que ce passager a besoin de services particuliers ou d'une assistance quelconque. Cependant, le fichier de réservation de M. Thériault qu'a déposé Air Canada ne fait état d'aucune demande de service. Dans le cas présent, il semble donc que l'agence de voyages a omis d'informer Jazz Air que M. Thériault était une personne ayant une déficience et qu'il avait des besoins précis en matière de fauteuil roulant.

[41] Par conséquent, la preuve au dossier démontre clairement que Jazz Air n'a reçu aucune demande pour un fauteuil roulant au moment de la réservation ou avant la date du départ. Ainsi, Jazz Air n'était pas au courant que M. Thériault avait besoin d'un fauteuil roulant et encore moins, d'un fauteuil roulant adapté à ses besoins précis, c'est-à-dire un fauteuil lui permettant de garder la jambe droite et allongée.

[42] L'Office reconnaît que bien que les transporteurs doivent prendre toutes les mesures possibles pour optimiser l'accessibilité de l'équipement qu'ils choisissent d'utiliser afin de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience dignement et en toute sécurité, parfois cet équipement ne peut répondre à tous les besoins de tous les passagers ayant une déficience.

[43] L'Office reconnaît que, dans le cas présent, ce n'est qu'à l'arrivée de M. Thériault au comptoir d'enregistrement à l'aéroport de Montréal que Jazz Air a reçu sa demande de fauteuil roulant. Le personnel de Jazz Air a malgré tout tenté de trouver un fauteuil roulant répondant aux besoins de M. Thériault, mais en vain.

[44] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que bien que M. Thériault ait été confronté à un obstacle à ses possibilités de déplacement aux aéroports de Montréal et de Rouyn-Noranda du fait que le personnel de Jazz Air n'a pu lui fournir de l'assistance avec fauteuil roulant adéquat puisqu'aucun des fauteuils roulants des aéroports ne répondait à ses besoins, l'obstacle n'était pas abusif.

AUTRES

[45] Tout en reconnaissant le fait que la mauvaise transmission des demandes de services particuliers continue d'être une source de difficultés pour les personnes ayant une déficience, l'Office estime important le fait que les agents de voyages doivent bien comprendre les besoins des voyageurs ayant une déficience et les caractéristiques d'accessibilité des fauteuils roulants et des autres aides à la mobilité ainsi que les services dont ces voyageurs ont besoin. Grâce à une communication claire et franche, les agents de voyages peuvent ainsi s'assurer que le personnel des transporteurs est bien informé des besoins des personnes ayant une déficience. Les agents de voyages devraient connaître les politiques et les procédures des transporteurs relatives au transport de passagers ayant une déficience et s'assurer que cette information est correctement transmise à ces derniers afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées quant à leurs options de voyage. De plus, les agents de voyages devraient confirmer auprès des transporteurs les demandes de services faites par les passagers ayant une déficience. En outre, ils devraient obtenir des transporteurs une confirmation écrite des mesures qu'ils entendent prendre pour répondre, dans la mesure du possible, aux besoins des passagers lors du voyage. Une copie de cette confirmation devrait être transmise au passager afin de l'assurer des services qui lui seront fournis.

CONCLUSION

[46] À la lumière de ce qui précède, l'Office a déterminé :

  1. que le niveau d'assistance fourni par Jazz Air à l'aéroport de Montréal n'a pas constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Thériault; et
  2. que le fait que Jazz Air n'a pas fourni l'assistance avec fauteuil roulant adéquat demandée par M. Thériault aux aéroports de Montréal et de Rouyn-Noranda a constitué un obstacle, mais que cet obstacle n'était pas abusif.

[47] Par conséquent, l'Office n'envisage aucune autre mesure dans cette affaire.

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