Décision n° 28-R-2023
Demande présentée par Stephen Harding, John Short, Viliam Sivamnec et Tom Hudacin (demandeurs) contre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et la municipalité régionale de Waterloo (Région) concernant le bruit et les vibrations
Résumé
[1] Les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) au titre de la Loi sur les transports au Canada (LTC) contre CN et le service de transport en commun rapide ION, un système léger sur rail (SLR), concernant le bruit et les vibrations découlant des activités de CN à l’embranchement de Waterloo (embranchement), qui s’étend de la subdivision Guelph-la gare de triage Lancaster à Kitchener (Ontario) jusqu’à la ville d’Elmira (Ontario).
[2] Les demandeurs soutiennent qu’en raison de l’installation d’une aiguille de déraillement derrière leurs résidences aux environs du point milliaire 1,53 (dérailleur) de l’embranchement, les trains de CN s’immobilisent et fonctionnent au ralenti en attendant l’autorisation d’entrer dans le tronçon à usage conjoint de l’embranchement, qui s’étend sur environ quatre kilomètres, du centre commercial Waterloo Town Square jusqu’à la promenade Northfield. Les demandeurs réclament que le dérailleur et le signal soient déplacés plus loin de leurs résidences. Ils demandent également que les activités de CN soient limitées aux heures du jour jusqu’à ce que le dérailleur ait été déplacé.
[3] CN soutient qu’elle a pleinement satisfait aux exigences de la LTC et qu’elle ne cause que le bruit et les vibrations raisonnables dans les circonstances. Par conséquent, CN soutient que la demande devrait être rejetée.
[4] À titre d’observations préliminaires, l’Office se penchera sur la présentation tardive des demandeurs et déterminera s’il a le pouvoir d’ordonner une réparation contre CN et la Région.
[5] L’Office se penchera également sur les questions suivantes :
- Le bruit et les vibrations causés par les activités de CN à proximité des résidences des demandeurs constituent-ils une perturbation importante du confort ordinaire ou des commodités de l’existence selon des normes qui s’appliquent à une personne moyenne?
- Le cas échéant, CN respecte-t-elle son obligation de limiter les vibrations et le bruit produits à un niveau raisonnable, compte tenu de ses obligations relatives au niveau de services, de ses besoins en matière d’exploitation et du lieu d’exploitation ?
[6] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut qu’il a le pouvoir d’ordonner une réparation contre CN, mais pas contre la Région, et conclut également que :
- le bruit et les vibrations causés par les activités de CN constituent une perturbation importante;
- CN ne respecte pas son obligation, car le bruit et les vibrations causés par le fonctionnement au ralenti des trains de CN au dérailleur ne sont pas raisonnables.
[7] Par conséquent, l’Office ordonne à CN de cesser d’arriver au dérailleur avant d’avoir obtenu l’autorisation de l’exploitant afin d’éviter le fonctionnement au ralenti des trains à l’embranchement entre les points milliaires 0 et 1,53.
Contexte
[8] En 2001, CN a cédé à la Région ses droits, titres et intérêts dans l’embranchement et a conclu un accord sur les droits de circulation (Entente sur les droits relatifs au transport de marchandises) lui permettant de poursuivre ses activités de transport de marchandises sur la ligne afin de desservir les installations d’Elmira.
[9] En 2014, la Région a conclu un accord de projet avec un consortium pour la conception, la construction et l’exploitation du SLR.
[10] En juin 2019, le SLR a été mis en service par Keolis Grand River (exploitant). Pendant cette période, le dérailleur a été installé derrière les résidences des demandeurs, où les trains de CN s’immobilisent parfois et fonctionnent au ralenti en attendant l’autorisation d’entrer dans le tronçon à usage conjoint. La résidence la plus proche des demandeurs est située à environ 8 mètres de l’embranchement.
Observations préliminaires
Présentation des demandeurs du 14 octobre 2022
[11] Le 14 octobre 2022, les demandeurs ont déposé une modification à leur réplique, sans déposer de requête en application des Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances) (Règles).
[12] CN et la Région ne se sont pas opposées à la présentation des demandeurs.
[13] L’Office conclut que la modification apportée à la réplique des demandeurs ne cause aucun préjudice à CN ou à la Région et, par conséquent, l’Office versera la modification apportée à la réplique des demandeurs au dossier du cas.
Compétence
Pouvoir de l’Office d’ordonner une réparation contre CN
[14] CN affirme que la seule réparation réclamée par les demandeurs vise la Région, car ils demandent à l’Office d’ordonner à la Région de déplacer le dérailleur. À ce titre, CN affirme que la Région est la seule défenderesse légitime dans cette affaire compte tenu de la portée de la demande, dans la mesure où l’Office a compétence sur la Région à cet égard.
[15] Toutefois, l’Office conclut que la plainte des demandeurs porte essentiellement sur le bruit et les vibrations causés par les trains de CN qui fonctionnent au ralenti au dérailleur.
[16] Contrairement à l’argument de CN, le pouvoir de l’Office d’ordonner une réparation n’est pas limité à la réparation demandée par les demandeurs. La LTC attribue à l’Office le pouvoir d’acquiescer à tout ou partie d’une demande ou prendre un arrêté, ou, s’il l’estime indiqué, accorder une réparation supplémentaire ou substitutive. Par conséquent, l’Office a compétence pour entendre cette plainte contre CN.
Le pouvoir de l’Office d’ordonner une réparation contre la Région
[17] La Région affirme que l’Office n’a pas compétence sur elle ou sur ION en ce qui concerne le bruit et les vibrations ferroviaires. Elle affirme que les dispositions de la LTC relatives à une société de transport publique (STP) et à une « administration de transport de banlieue »doivent être interprétées conformément à la disposition d’application de la LTC et de la Loi constitutionnelle de 1867,car elles ne s’appliquent qu’à une « administration de transport de banlieue » exploitée sur une ligne de chemin de fer qui relève de la compétence exclusive du Parlement du Canada.
[18] La LTC prévoit que l’Office a compétence sur les STP pour les questions de bruit et de vibrations. La LTC définit les STP comme incluant les administrations de transport de banlieue, qui sont également définies par la LTC comme une entité qui est contrôlée par le gouvernement fédéral ou provincial ou une administration municipale, ou qui lui appartient, et qui fournit des services publics de transport de passagers.
[19] Toutefois, la définition d’une administration de transport de banlieue dans la LTC doit être lue conformément à la répartition des pouvoirs prévue par la Loi constitutionnelle de 1867 et à la lumière des dispositions attributives des compétences de la LTC.
[20] Dans l’affaire The Queen v Board of Transport Commissioners, 1968 SCR 118, la Cour suprême du Canada a jugé que le train GO (ouvrage de nature locale), qui devait être exploité seulement en Ontario, mais sur les voies d’un chemin de fer interprovincial, relevait de la compétence fédérale parce que la compétence constitutionnelle dépend de la nature de la ligne de chemin de fer et non de la nature d’un service particulier fourni sur cette ligne. On y lit également qu’il est clairement établi que le Parlement du Canada a compétence sur tout ce qui fait physiquement partie d’un chemin de fer relevant de sa compétence (page 127). Inversement, cela signifie que le Parlement du Canada n’a pas compétence sur une compagnie de chemin de fer locale qui ne mène pas ses activités sur une ligne de chemin de fer fédérale.
[21] Dans la décision 69-R-2014, l’Office a expliqué que les municipalités prennent des risques lorsqu’elles approuvent des aménagements résidentiels à proximité d’activités ferroviaires. De plus, les municipalités ont la responsabilité d’évaluer les questions de compatibilité avant d’approuver et de réaliser des projets de transport à côté d’aménagements sensibles, y compris des zones résidentielles, afin de s’assurer que les mesures d’atténuation nécessaires sont mises en œuvre de manière proactive pour prévenir ou réduire au minimum les conflits futurs et les effets négatifs créés par ces projets sur les utilisations sensibles des terrains.
[22] Les éléments de preuve n’indiquent pas clairement que la Région a tenu compte des répercussions qu’aurait le dérailleur à cet endroit avant de l’installer. Si elle l’avait fait, elle aurait pu anticiper que le choix d’installer le dérailleur à moins de 10 mètres des habitations entraînerait une plainte pour bruit et vibrations. Toutefois, étant donné que la Région exploite une ligne de chemin de fer qui ne relève pas de l’autorité du Parlement, l’Office n’a pas le pouvoir d’ordonner des mesures correctives contre la Région. Par conséquent, l’Office doit se concentrer sur la cause du bruit et des vibrations : le fonctionnement au ralenti des trains de CN au dérailleur.
La loi
[23] La LTC impose à une compagnie de chemin de fer l’obligation de limiter les vibrations et le bruit produits à un niveau raisonnable compte tenu de ses obligations en matière de niveau de services, de ses besoins en matière d’exploitation et du lieu d’exploitation du chemin de fer.
[24] La LTC prévoit également que l’Office peut, sur réception d’une plainte et après avoir conclu qu’une compagnie de chemin de fer ne se conforme pas à ses obligations en matière de bruit et de vibrations prévues par la LTC, ordonner à la compagnie de chemin de fer de prendre les mesures qu’il estime raisonnables pour assurer qu’elle se conforme à ces obligations.
[25] Le cadre législatif et la politique nationale des transports contenue dans la LTC établissent clairement que, dans l’exercice de son mandat relatif au bruit et aux vibrations ferroviaires, l’Office doit soupeser les intérêts des différentes parties. D’une part, les compagnies de chemin de fer participent à des activités qui causent nécessairement du bruit et des vibrations. Ces activités sont nécessaires pour leur permettre de respecter leurs diverses obligations légales relativement au niveau de services et aux exigences opérationnelles, ainsi que pour maintenir « un système de transport national compétitif et rentable qui […] est essentiel à la satisfaction des besoins de ses usagers et au bien-être des Canadiens et favorise la compétitivité et la croissance économique dans les régions rurales et urbaines partout au Canada ». D’autre part, les compagnies de chemin de fer doivent prendre en compte les intérêts des collectivités touchées afin de déterminer la meilleure façon de mener leurs activités tout en respectant leur obligation au titre de la LTC de limiter les vibrations et le bruit produits à un niveau raisonnable.
Cadre d’analyse
[26] Dans la décision 35-R-2012 (Normandeau et Tymchuk c CP), l’Office a établi le cadre d’analyse pour décider si une compagnie de chemin de fer remplissait ses obligations relativement au bruit et aux vibrations. L’Office a statué que la première étape consistait à déterminer si les compagnies de chemin de fer avaient causé du bruit et des vibrations qui constituent une perturbation importante du confort ordinaire ou des commodités de l’existence selon des normes qui s’appliquent à une personne moyenne (perturbation importante).
[27] Pour statuer sur l’existence de bruit ou de vibrations qui pourraient constituer une perturbation importante pour les demandeurs, l’Office tiendra compte de plusieurs éléments, énoncés dans ses Lignes directrices sur la résolution des plaintes relatives au bruit et aux vibrations ferroviaires (lignes directrices) et dans la décision 35‑R-2012, notamment :
- la présence de bruits environnants autres que ceux émanant de l’exploitation ferroviaire, tels que le bruit d’une autoroute;
- les activités ferroviaires dans le lieu touché, y compris tout changement pertinent (volume de trafic, vitesse, longueur et fréquence des trains, méthodes d’exploitation, augmentation ou concentration des activités);
- les caractéristiques et l’importance du bruit ou des vibrations (comme le niveau et les types de bruit [ponctuel ou continu], l’heure, la durée et la fréquence);
- les normes pertinentes pour évaluer l’importance des effets du niveau de bruit et des vibrations;
- les répercussions, sur les personnes touchées, des perturbations causées par le bruit ou les vibrations (et les méthodes d’atténuation disponibles);
- les efforts déployés par les parties pour atténuer l’effet du bruit ou des vibrations.
[28] Si l’Office conclut que le bruit et les vibrations ne constituent pas une perturbation importante, il rejettera la demande. S’il conclut, à l’inverse, qu’ils constituent une perturbation importante, il passe à l’étape suivante de l’analyse. Cette étape consiste à soupeser les différents facteurs liés au bruit et aux vibrations par rapport aux critères énoncés dans la LTC – à savoir les obligations relatives au niveau de services, les besoins en matière d’exploitation et le lieu d’exploitation du chemin de fer – pour déterminer si le bruit et les vibrations produits sont à un niveau raisonnable dans les circonstances.
Positions des parties
Les demandeurs
[29] Les demandeurs affirment que la mise en œuvre du SLR par la Région en avril 2019 a modifié les activités de CN, ce qui a entraîné une situation inacceptable en matière de bruit et de vibrations en raison de l’installation du dérailleur derrière leurs maisons.
[30] Selon les demandeurs, le dérailleur fait en sorte que les trains de CN s’immobilisent et fonctionnent au ralenti en attendant d’avoir l’autorisation d’entrer dans le tronçon à usage conjoint qu’ION et CN utilisent tous deux pour exercer leurs activités. Les demandeurs soutiennent que deux locomotives fonctionnent au ralenti directement derrière leurs résidences les soirs de semaine entre 23 h et 1 h et que cela réveille tous les occupants des résidences adjacentes. Les demandeurs affirment que les trains fonctionnent au ralenti pendant une période de 5 à 30 minutes et que cela fait trembler leurs maisons et les empêche d’avoir une conversation normale sans élever la voix.
[31] À l’appui de leur demande, les demandeurs présentent des enregistrements vidéo réalisés au cours de la période d’avril 2020 à avril 2022 qui mettent en évidence 102 incidents sur 285 mouvements de train, ce qui correspond selon les demandeurs à un taux d’incidents de 36 %. Leurs éléments de preuve comprennent également des journaux des événements de trains pour 2019-2020 et 2020-2021, des cartes et des photos des lieux.
[32] Les demandeurs soutiennent que rien n’indique que la Région ait mené des études pour évaluer les répercussions de la restriction des activités des trains de CN aux heures de 23 h à 5 h et l’incidence que l’emplacement du dérailleur aurait sur les résidents à cet endroit. Les demandeurs soutiennent que de laisser fonctionner au ralenti deux locomotives la nuit, à proximité de leurs résidences, n’est pas raisonnable.
[33] Les demandeurs sont d’avis que les efforts déployés n’ont pas permis d’éliminer les problèmes de fonctionnement au ralenti. Ils souhaitent que le dérailleur soit déplacé et ont proposé d’autres emplacements. Les demandeurs réclament que les activités de CN soient limitées aux heures du jour et que cette restriction soit en vigueur jusqu’à ce qu’il n’y ait pas plus d’un incident de fonctionnement au ralenti sur une période de trois mois.
[34] Par rapport à la réponse de la Région, les demandeurs déclarent qu’ils ne comprennent pas le raisonnement selon lequel les trains de CN doivent être exploités de nuit plutôt que de jour pour des raisons de sécurité. Avant la mise en place d’ION, les trains de CN circulaient sur l’embranchement aussi bien de jour que de nuit. Les demandeurs soutiennent que l’argument selon lequel il s’agit d’une question de sécurité ne tient pas, car les trains circulent tout près du sentier Spur Line Trail qui longe l’embranchement et qui est utilisé par les piétons 24 heures sur 24 et qu’il n’y a pas de barrière entre le sentier et la voie ferrée.
[35] Les demandeurs soutiennent que la Région n’a pas évalué correctement l’emplacement du dérailleur et qu’elle refuse maintenant de mener une étude et de déplacer le dérailleur. Les demandeurs déclarent que la question des coûts de l’étude et du déplacement du dérailleur ne les concernent pas compte tenu du coût global du projet ION et des coûts personnels importants pour les occupants des résidences adjacentes à l’emplacement où les trains fonctionnent au ralenti.
CN
[36] CN soutient que les demandeurs n’ont pas rempli la première étape du cadre de l’Office sur le bruit et les vibrations, comme cité dans la décision 63-R-2019. Les demandeurs n’ont pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour permettre à l’Office de conclure que le bruit ou les vibrations à l’emplacement du dérailleur causent une perturbation importante.
[37] CN soutient que les demandeurs n’ont pas fourni le type d’éléments de preuve empiriques que l’Office reçoit habituellement dans ce genre d’affaires, et qu’ils n’ont pas non plus modifié leur demande pour y inclure des résultats de modélisation ou des études sonores. Par conséquent, l’Office ne dispose pas de renseignements suffisants sur les niveaux sonores ou vibratoires habituels à l’emplacement du dérailleur, ni d’éléments de preuve empiriques sur les sons ou les vibrations directement causés par les activités ferroviaires à l’emplacement du dérailleur.
[38] CN affirme qu’en tant que compagnie de chemin de fer de compétence fédérale, elle est assujettie aux obligations en matière de niveau de services prévues par la LTC. CN soutient que, par le passé, elle exerçait ses activités de jour, mais que la Région a décidé de réserver l’embranchement aux trains de voyageurs de jour, ce qui l’a obligée à exercer ses activités de nuit.
[39] CN indique qu’il arrive qu’elle doive laisser ses trains fonctionner au ralenti à l’emplacement du dérailleur en attendant le signal lui permettant d’accéder au tronçon à usage conjoint de façon à pouvoir circuler en toute sécurité sur l’embranchement. Cette situation entraîne à son tour des vibrations à l’emplacement du dérailleur. CN soutient qu’immobiliser ses trains à la gare de triage Lancaster plutôt qu’à l’emplacement du dérailleur en attendant l’autorisation de passer pour réduire au minimum le fonctionnement au ralenti est incompatible avec ses délais déjà serrés compte tenu du temps additionnel qu’il faudrait à ses trains pour se rendre de la gare de triage Lancaster au dérailleur. De plus, conformément à un protocole de communication qu’elle a établi avec la Région, CN doit communiquer avec l’exploitant avant d’arriver au dérailleur.
[40] CN souligne que les retards dans l’exploitation des trains de voyageurs et l’utilisation intermittente possible du tronçon à usage conjoint pendant la fenêtre d’exploitation de CN l’obligent à communiquer avec la Région chaque fois qu’elle veut accéder à l’embranchement, plutôt que de laisser le dérailleur ouvert de 23 h à 5 h, cinq jours par semaine.
[41] CN affirme que le bruit et les vibrations dont se plaignent les demandeurs n’étaient pas un problème en novembre 2018, même si CN a repris ses activités à ce moment-là. C’est plutôt en avril 2019, immédiatement après que la Région a installé le dérailleur à son emplacement actuel afin d’accueillir son nouveau SLR, que les plaintes ont commencé, et une plainte officielle a été déposée auprès de l’Office dès août 2019.
[42] CN affirme que sa fenêtre d’exploitation actuelle est à peine suffisante pour mener ses activités sur le tronçon à usage conjoint. Compte tenu des obligations de CN en matière de niveau de services, de ses besoins en matière d’exploitation sur le site du dérailleur et du lieu d’exploitation du chemin de fer, CN soutient que, dans la mesure où les demandeurs ont démontré l’existence d’une perturbation importante, le bruit et les vibrations qu’elle crée au dérailleur sont raisonnables au sens de la LTC.
[43] CN croit comprendre que la Région refuse maintenant de déplacer le dérailleur. CN a accepté de prendre part à un protocole de communication afin de tenter de réduire les vibrations.
[44] CN affirme que les problèmes techniques et les problèmes d’entretien de l’équipement et de l’infrastructure de la Région limitent ses activités sur l’embranchement.
[45] CN soutient que, lors de la construction de la ligne ION, la Région semble ne pas avoir calculé la largeur d’une locomotive de transport de marchandises, y compris le chasse‑pierre (chasse-neige), de sorte que la Région doit aligner ses aiguilles en les éloignant des plates-formes de voyageurs chaque jour avant le début des activités de CN, ce qui peut entraîner des retards supplémentaires.
[46] CN affirme également que la Région possède des détecteurs de matériel roulant hors gabarit sur le tronçon à usage conjoint, et que le détecteur en direction sud fonctionne parfois mal, ce qui entraîne des retards.
La Région
[47] La Région fait valoir qu’ION exerce ses activités de 5 h à minuit chaque jour, soit toutes les 10 minutes de 7 h à 19 h et toutes les 15 à 30 minutes de 19 h à minuit.
[48] La Région affirme que les trains de CN empruntent le tronçon à usage conjoint quatre fois par semaine, généralement les jours de semaine, en fin de soirée ou en dehors des heures d’ouverture d’ION. La Région affirme que, pour des raisons d’exploitation et de sécurité, les trains de CN ne peuvent pas circuler sur le tronçon à usage conjoint pendant la journée.
[49] La Région fait valoir qu’elle collabore avec l’exploitant et CN depuis 2019 pour coordonner les activités d’ION et de CN dans le tronçon à usage conjoint. La Région a fourni à CN une fenêtre d’exploitation fixe pour la circulation des trains en direction nord dans le tronçon à usage conjoint pendant les fenêtres d’exploitation d’ION, toutes les 30 minutes à partir de 22 h (heures prévues). La Région indique qu’avant les plaintes des demandeurs en 2019, l’exploitant donnait la priorité à ION pour l’utilisation du tronçon à usage conjoint et visait à limiter le fonctionnement au ralenti de CN à 15 minutes.
[50] La Région fait valoir que, pour des raisons de sécurité, l’exploitant contrôle deux dérailleurs afin d’empêcher les trains de CN d’entrer dans le tronçon à usage conjoint en même temps qu’ION.
[51] La Région affirme qu’il y a généralement quatre raisons opérationnelles pouvant expliquer le fonctionnement au ralenti d’un train au dérailleur :
- Les trains de CN arrivent au dérailleur avant l’heure prévue et attendent de recevoir l’autorisation;
- L’exploitant retarde l’entrée du train de CN dans le tronçon à usage conjoint en raison de problèmes d’aiguillage généralement causés par la glace;
- L’exploitant doit retarder l’entrée des trains de CN dans le tronçon à usage conjoint parce qu’il doit éteindre manuellement le signal du dérailleur nord;
- Les trains de CN déclenchent le détecteur de matériel roulant hors gabarit à l’approche du dérailleur, ce qui le verrouille. CN et l’exploitant doivent alors enquêter sur les problèmes liés à la hauteur et à la largeur, ce qui entraîne un fonctionnement au ralenti au dérailleur.
[52] La Région affirme qu’elle a évalué les données fournies par les demandeurs pour 2021 et qu’elle a déterminé que les trains de CN ont circulé 130 fois en direction nord sur le tronçon à usage conjoint et ont subi 33 retards au dérailleur, ce qui a entraîné certaines périodes de fonctionnement au ralenti. Selon la Région, cela signifie qu’environ 25 % des trains de CN ayant circulé dans le tronçon à usage conjoint ont accusé des retards au dérailleur.
[53] De plus, la Région affirme que 22 des 33 événements consignés en 2021 étaient liés à l’arrivée hâtive des trains de CN au dérailleur. La Région soutient que ces retards auraient pu être évités si les trains de CN étaient restés dans la subdivision Guelph-à la gare de triage Lancaster jusqu’à l’heure prévue.
[54] La Région indique qu’elle a également déterminé que 11 des retards au dérailleur en 2021 ont été causés ou aggravés par l’exploitant. La durée totale de ces retards en 2021 était de 123 minutes. Toutefois, deux incidents uniques survenus en 2021 ont causé 73 minutes de retard, soit 60 % de la durée totale des retards. Les incidents du 27 janvier 2021 et du 22 novembre 2021 ont été causés par de la glace sur les aiguilles et de la glace sur l’équipement du dérailleur à l’extrémité nord du tronçon à usage conjoint. Dans les 9 autres retards aggravés par l’exploitant, la cause du retard était l’intervention manuelle requise au dérailleur à l’extrémité nord du tronçon à usage conjoint.
[55] La Région affirme que le déplacement du dérailleur est une solution déraisonnable étant donné les coûts que cela entraînerait, le temps qu’il faudrait pour réaliser un tel projet et le risque que le problème soit simplement déplacé dans un autre quartier.
[56] La Région se dit préoccupée par l’utilisation et l’appréciation par les demandeurs de leurs résidences et souligne que la Région, l’exploitant et CN ont pris des mesures importantes pour éliminer les retards et le fonctionnement au ralenti au dérailleur afin d’éviter toute perturbation importante pour les demandeurs. Si des mesures supplémentaires s’avèrent nécessaires, la Région fait valoir que CN peut modifier davantage ses activités à peu de frais et sans incidence opérationnelle.
[57] La Région affirme que la plupart des retards au dérailleur sont causés par le fait que CN ne coordonne pas correctement l’arrivée de ses trains. La Région affirme que CN pourrait apporter des changements opérationnels pour résoudre ce problème en ayant recours à la technologie, en faisant appel aux mêmes équipes de CN qui connaissent bien le protocole, en publiant un bulletin opérationnel quotidien pour rappeler les exigences aux équipes de CN et en utilisant de l’équipement qui n’empiète pas sur le gabarit de chargement.
[58] La Région soutient que CN pourrait faire appel à des exploitants ferroviaires tiers, notamment Waterloo Central Railway, pour réduire son temps d’exploitation en dehors des heures du service ION.
[59] De plus, la Région déclare qu’elle a engagé Hatch, un expert-conseil connaissant bien la signalisation et l’exploitation des chemins de fer, pour examiner les réglages du détecteur de matériel roulant hors gabarit afin de s’assurer qu’ils ne sont pas trop conservateurs. La Région mettra en œuvre toutes les recommandations qu’elle recevra.
Analyse et déterminations
Le bruit et les vibrations causés par les activités de CN constituent-ils une perturbation importante?
[60] Il incombe aux demandeurs de démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le bruit ou les vibrations causés par les activités courantes d’une compagnie de chemin de fer constituent une perturbation importante.
[61] Bien que les demandeurs n’aient pas déposé de données sur le bruit ou une étude sur le bruit et les vibrations à l’appui de leur position, ils ont fourni des enregistrements vidéo et des journaux détaillés pour étayer leur description du problème de fonctionnement au ralenti.
[62] Afin d’évaluer le bruit et les vibrations que les demandeurs prétendent subir, l’Office conclut qu’il est approprié d’utiliser la Méthodologie de mesure et de présentation d’un rapport sur le bruit ferroviaire de l’Office (méthodologie).
[63] Dans le cas présent, bien que les parties n’aient fourni aucune information relative aux niveaux du bruit de fond dans le cadre des actes de procédure, les demandeurs résident dans une communauté résidentielle de banlieue et, à ce titre, l’Office considère que la zone en question peut être classée comme une communauté de type « banlieue résidentielle normale », telle que décrite au tableau 3 « Niveaux de bruit de référence pour estimation » de la méthodologie. En utilisant ces niveaux de bruit de référence, le bruit de fond nocturne est estimé à 45 dBA pendant la nuit.
[64] L’Office note que, d’après les éléments de preuve (vidéos et journaux) présentés par les demandeurs, les périodes de fonctionnement au ralenti durent généralement de 5 à 15 minutes alors que, dans de rares cas, elles peuvent durer jusqu’à 60 minutes ou plus.
[65] Afin d’estimer le niveau sonore équivalent (Leq) du fonctionnement au ralenti sur une période d’une heure, conformément à la méthodologie, l’Office a pris en compte les facteurs suivants :
- il y a un train avec une seule locomotive qui tourne au ralenti pendant chaque événement de fonctionnement au ralenti;
- la voie la plus proche est située à environ 8 mètres de la résidence d’un des demandeurs;
- chaque événement de fonctionnement au ralenti dure en moyenne 15 minutes au cours de la période d’une heure, selon les éléments de preuve (vidéos et journaux) présentés;
- il n’y a pas d’obstacles entre les résidences de la plupart des demandeurs et les activités ferroviaires.
[66] Compte tenu de ces facteurs, l’Office conclut que le niveau sonore équivalent du fonctionnement au ralenti sur une période d’une heure est estimé à 72 dBA aux résidences des demandeurs.
[67] Étant donné que l’Office a déterminé que le bruit de fond nocturne à cet endroit est de 45 dBA, l’augmentation du niveau de bruit causé par les locomotives qui fonctionnent au ralenti pourrait atteindre 27 dBA.
[68] Dans la décision LET-R-148-2012 (Bysterveld c CP) et la décision LET-R-21-2017 (Scott et al c CN), l’Office a indiqué que des niveaux sonores supérieurs à 5 dBA peuvent entraîner des effets négatifs sur les résidents. Par conséquent, l’Office estime que des niveaux sonores considérablement supérieurs au bruit ambiant (dans ce cas, une augmentation de 27 dBA) peuvent augmenter la perturbation et avoir une incidence sur le sommeil et les communications, ce qui peut avoir des effets négatifs sur la santé, qui sont décrits dans la méthodologie.
[69] Les locomotives sont munies de moteurs capables de tirer et de pousser des wagons lourds. Contrairement au bruit de la circulation sur les autoroutes, les moteurs fonctionnant au ralenti sont bruyants, même dans le cas des locomotives modernes en bon état mécanique. L’Office conclut que les demandeurs sont soumis à des niveaux de décibels élevés pendant une période où les gens dorment et sont plus sensibles au bruit. L’estimation ne tient compte d’aucun ajustement pour les vibrations ou les effets du bruit à basse fréquence, comme les tremblements et les secousses dans les maisons, qui entraîneraient une perturbation encore plus grande. L’Office conclut donc que la présentation des demandeurs concernant la perturbation du sommeil, les secousses dans les maisons et l’impossibilité de tenir une conversation normale lorsque les trains fonctionnent au ralenti concorde avec les niveaux de décibels élevés estimés.
[70] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que le bruit et les vibrations causés par les activités de CN constituent une perturbation importante. Par conséquent, l’Office passera à la deuxième étape, qui consiste à évaluer si le bruit et les vibrations sont raisonnables conformément à la LTC.
CN respecte-t-elle son obligation de limiter les vibrations et le bruit produits à un niveau raisonnable, compte tenu de ses obligations relatives au niveau de services, de ses besoins en matière d’exploitation et du lieu d’exploitation ?
[71] Dans l’étape suivante de l’analyse, l’Office examine si le bruit et les vibrations sont raisonnables en tenant compte des critères établis dans la LTC : les obligations de la compagnie de chemin de fer en matière de niveau de services, ses besoins en matière d’exploitation et le lieu d’exploitation du chemin de fer.
Obligations en matière de niveau de service
[72] L’Office reconnaît que CN a des obligations en matière de niveau de services envers ses clients d’Elmira et que, pour respecter ces obligations, elle mène des activités sur le tronçon à usage conjoint en vertu de l’Entente sur les droits relatifs au transport de marchandises conclue avec la Région. Cependant, l’Office note qu’il n’y a pas eu de plaintes concernant le bruit et les vibrations des trains de CN circulant sur la voie ferrée derrière les maisons des demandeurs jusqu’à ce que le dérailleur soit installé et que CN commence à laisser ses trains fonctionner au ralenti à cet endroit en attendant d’entrer dans le tronçon à usage conjoint.
Besoins en matière d’exploitation
[73] Les éléments de preuve montrent que les activités de CN ont considérablement changé lorsque la Région a installé le dérailleur, car CN a dû convertir ses activités de jour en activités de nuit. Les demandeurs ont fourni des données statistiques de 2021 (pour la période du 1er janvier 2021 au 22 novembre 2021) que la Région a analysées. Selon la Région, sur les 130 mouvements de trains de CN en direction nord dans le tronçon à usage conjoint, il y a eu 33 retards au dérailleur, ce qui représente environ 25 % des mouvements. La Région affirme que de ces 33 retards, 22 retards (environ 67 %) ont été causés par l’arrivée hâtive des trains de CN au dérailleur, deux retards étaient attribuables à la glace et à la neige sur les aiguilles ou le dérailleur nord, et les neuf autres retards étaient attribuables au fait que le dérailleur situé à l’extrémité nord du tronçon à usage conjoint a dû être dégagé manuellement en raison des dommages causés par une inondation. La Région indique que, comme la réparation du dérailleur nord était prévue pour 2022, l’exploitant recevait l’autorisation à distance et cette cause de retard a été éliminée.
[74] Une autre raison pour laquelle les locomotives fonctionnent au ralenti derrière les maisons des demandeurs est le déclenchement par les trains de CN des détecteurs de matériel roulant hors gabarit, mais on ne sait pas exactement à quelle fréquence cela s’est produit. L’Office reconnaît que la Région a obtenu les services de la société Hatch pour régler ce problème. Bien que les problèmes liés au détecteur de matériel roulant hors gabarit soient des problèmes qu’il incombe à la Région de résoudre et que l’Office n’ait pas compétence sur la Région dans ce cas, l’Office note que la Région a retenu les services d’un expert pour tenter de résoudre les problèmes.
[75] L’Office reconnaît les efforts déployés par CN et la Région pour réduire le fonctionnement au ralenti, notamment le fait que CN avise l’exploitant lorsque ses trains quittent la gare de triage Lancaster; la création et le respect de délais alloués à CN; la modification du service ION en soirée; l’installation d’un détecteur près de la gare de triage Lancaster qui envoie des courriels automatiques pour aviser l’exploitant que les trains de CN approchent du dérailleur; et la possibilité de circuler librement lorsque le tronçon à usage conjoint n’est pas utilisé par ION. Toutefois, malgré ces mesures d’atténuation, le fonctionnement au ralenti au dérailleur n’a pas été complètement éliminé et, selon la Région, concerne environ 25 % des trains de CN qui entrent dans le tronçon à usage conjoint.
[76] Les trains de CN sont mis en attente à la gare de triage Lancaster avant de se diriger vers le dérailleur, qui se trouve à environ trois kilomètres. CN soutient que sa fenêtre d’exploitation actuelle est à peine suffisante pour mener ses activités dans le tronçon à usage conjoint, ce qui l’oblige à laisser le train fonctionner au ralenti au dérailleur dès son ouverture. Compte tenu de la limite de vitesse de 10 mi/h prévue dans l’Entente sur les droits relatifs au transport de marchandises, CN devrait être en mesure d’atteindre le dérailleur à partir de la gare de triage Lancaster en 12 minutes environ. De plus, CN pourrait coordonner et planifier le parcours, comme le suggère la Région, de sorte que le train de CN arrive au dérailleur juste après son ouverture. L’Office est d’avis que cela n’aurait pas de répercussions importantes sur la fenêtre d’exploitation de CN.
[77] L’Office note que CN n’a pas expliqué pourquoi elle ne pouvait pas modifier ses activités de façon à ce que ses trains restent à la gare de triage Lancaster, au lieu de fonctionner au ralenti au dérailleur en attendant de recevoir la confirmation de l’exploitant que le dérailleur est ou sera ouvert et/ou que les voies sont libres. L’Office est d’avis que les raisons du fonctionnement au ralenti au dérailleur sont le résultat d’une mauvaise planification, d’un manque de coordination, du non-respect des protocoles et d’une communication bilatérale inadéquate entre CN et l’exploitant, ce qui entraîne un fonctionnement au ralenti inutile.
[78] Les compagnies de chemin de fer ont l’obligation de limiter le bruit et les vibrations à un niveau raisonnable en fonction des besoins en matière d’exploitation. À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que CN n’a pas établi que le bruit et les vibrations causés par le fonctionnement au ralenti de ses trains au dérailleur sont justifiés par ses besoins en matière d’exploitation.
Lieu
[79] Bien que les demandeurs vivent très près de l’embranchement, il ne semble pas y avoir d’autres sources importantes de bruit et de vibrations dans le secteur et il n’y a pas eu de plaintes relatives au bruit et aux vibrations concernant les activités ferroviaires sur l’embranchement avant l’installation du dérailleur du SLR. Comme il est indiqué précédemment, l’Office estime que les activités ferroviaires de CN associées au fonctionnement au ralenti des locomotives augmentent les niveaux sonores jusqu’à 27 dBA sur une période d’une heure pendant la nuit, un niveau largement supérieur aux 5 dBA qui peuvent avoir un effet négatif sur les résidences voisines.
[80] L’Office a noté, dans la décision 301-R-2013, que les locomotives fonctionnant au ralenti créent un bruit de basse fréquence et que la construction résidentielle type ne permet pas de réduire ce bruit et les vibrations qui en résultent. L’Office conclut que les demandeurs sont assujettis au bruit des moteurs de locomotives à des niveaux de décibels élevés, à un moment où les gens dorment et sont plus sensibles au bruit.
[81] Les lignes directrices indiquent que l’Office tiendra compte des efforts déployés par les parties pour réduire le bruit ou les vibrations à leur source ou au point de réception, ou les deux, de manière à prévenir la propagation et atténuer les répercussions sur les personnes touchées. Dans le cas présent, CN n’a présenté aucun élément de preuve montrant qu’elle a pris en considération l’effet que les changements dans ses activités auraient à cet endroit ou sur les demandeurs. Depuis la plainte initiale déposée par les demandeurs auprès de la Région, CN et la Région affirment qu’elles ont apporté des modifications à leurs activités afin de réduire le bruit et les vibrations causés par le fonctionnement au ralenti. Toutefois, l’Office note que CN et la Région n’ont pas établi l’efficacité des mesures d’atténuation et, en fait, les demandeurs affirment dans une présentation datée du 25 septembre 2022 que leur expérience concernant le fonctionnement au ralenti des locomotives à partir de juste avant 23 h demeure intolérable.
[82] À la lumière de ce qui précède, compte tenu du fonctionnement au ralenti inutile des trains de CN au dérailleur et de l’absence d’éléments de preuve démontrant l’existence de mesures d’atténuation visant à réduire l’effet du bruit et des vibrations à cet endroit, l’Office conclut que, lorsque les trois critères énoncés dans les dispositions de la LTC relatives au bruit et aux vibrations sont pris en considération, l’augmentation du bruit et des vibrations causés par les trains de CN qui fonctionnent au ralenti derrière les résidences des demandeurs depuis l’installation du dérailleur est déraisonnable.
[83] CN affirme que ses trains doivent être au dérailleur pour 23 h afin de maximiser le temps dont elle dispose pour remplir ses obligations en matière de niveau de services envers ses clients. Toutefois, l’Office conclut que rien ne démontre que d’attendre à la gare de triage Lancaster, plutôt qu’au dérailleur, jusqu’à l’obtention de l’autorisation de circuler empêcherait CN de servir ses clients. Les trains de CN devraient rester à la gare de triage Lancaster jusqu’à ce que l’exploitant les autorise à passer.
Conclusion
[84] L’Office conclut que les niveaux de bruit et de vibrations causés par les trains de CN qui fonctionnent au ralenti à l’embranchement derrière les résidences des demandeurs constituent une perturbation importante. Bien que les activités de CN à l’embranchement soient nécessaires pour que CN respecte ses obligations en matière de niveau de services, l’Office conclut que le fonctionnement au ralenti au dérailleur n’est pas nécessaire lorsqu’il est causé par l’arrivée hâtive des trains et par les problèmes techniques et les problèmes d’entretien de l’exploitant (p. ex. des problèmes de neige et de glace). L’Office conclut donc que CN n’a pas respecté son obligation de ne causer que le bruit et les vibrations qui sont raisonnables au sens de la LTC. De plus, l’Office s’attend à ce que CN continue de collaborer avec la Région pour résoudre le problème des détecteurs de matériel roulant hors gabarit.
Ordonnance
[85] Par conséquent, l’Office ordonne à CN de cesser d’arriver au dérailleur avant d’avoir reçu l’autorisation de l’exploitant et de provoquer ainsi le fonctionnement au ralenti de ses trains à l’embranchement entre les points milliaires 0 et 1,53, le plus tôt possible mais au plus tard le 27 avril 2023.
Dispositions en référence | Identifiant numérique (article, paragraphe, règles, etc.) |
---|---|
Loi constitutionnelle de 1867 | 92(10) |
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 | 27(1); 87; 88, 95.1; 95.3(1); 95.4; 113; 114; |
Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances), DORS/2014-104 | 34 |
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