Décision n° 312-AT-A-1999
Suite - Décision no. 255-AT-A-2000
le 4 juin 1999
DEMANDE présentée par Doug Chaulk, en vertu des paragraphes 172(1) et (3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, relativement aux difficultés qu'il a éprouvées lors d'un voyage entre Toronto (Ontario) et Deer Lake (Terre-Neuve) avec Air Canada et Air Nova Inc.
Référence no U3570/99-6
DEMANDE
Doug Chaulk a déposé une demande auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) en ce qui concerne l'affaire énoncée dans l'intitulé. La demande a été reçue le 4 février 1999.
Par la décision no LET-AT-A-66-1999 du 15 mars 1999, l'Office a accordé à Air Canada jusqu'au 29 mars 1999 pour fournir une réponse à la plainte déposée par M. Chaulk. Ce dernier a été informé qu'il aurait 10 jours suivant la date de réception de la réponse d'Air Canada pour déposer sa réplique auprès de l'Office.
Le 29 mars 1999, Air Canada a déposé une réponse en son nom et au nom d'Air Nova Inc. (ci-après Air Nova) et M. Chaulk y a répliqué le 8 avril 1999.
QUESTIONS
L'Office doit déterminer :
- si les sièges assignés à M. Chaulk et les dommages causés à son fauteuil roulant ont constitué des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, les mesures correctives qui devraient être prises; et
- si Air Canada s'est conformée aux modalités de son tarif intérieur en ce qui a trait aux dommages causés à ses bagages.
FAITS
M. Chaulk utilise un fauteuil roulant et a besoin d'aide au moment de l'embarquement et du débarquement d'un aéronef. Le 20 décembre 1998 et le 7 janvier 1999, respectivement, M. Chaulk a effectué un voyage entre Toronto et Deer Lake. Au moment de la réservation, il avait demandé qu'on lui assigne des sièges côté hublot et côté allée, situés dans des rangées de sièges munis d'accoudoirs mobiles. Les rangées de sièges munis de tels accoudoirs facilitent le transfert du passager à partir du fauteuil roulant utilisé pour l'embarquement. M. Chaulk a reçu la confirmation du personnel d'Air Canada responsable de la réservation que les sièges assignés étaient situés dans des rangées de sièges munis d'accoudoirs mobiles.
Le vol de départ a été assuré par Air Canada entre Toronto et Montréal et par Air Nova, entre Montréal et Halifax et Deer Lake. Les sièges préassignés ont été les suivants : siège 13A pour le vol entre Toronto et Montréal, siège 6A entre Montréal et Halifax et siège 1A entre Halifax et Deer Lake. Lors du retour, c'est le siège 1A qui a été préassigné à M. Chaulk entre Deer Lake et Halifax et le siège 24F pour le vol entre Halifax et Toronto. Tous les sièges étaient situés dans des rangées de sièges munis d'accoudoirs mobiles.
Malgré la confirmation des sièges préassignés, c'est le siège 6A et non le siège 1A qui a été assigné à M. Chaulk, au moment de son embarquement à bord du vol entre Halifax et Deer Lake, soit un siège qui est situé dans une rangée de sièges non munis d'accoudoirs mobiles. Ayant constaté cet état de fait, les agents responsables de l'aide à l'embarquement ont amené M. Chaulk jusqu'au siège 3A, siège côté allée muni d'un accoudoir mobile, et ont avisé l'agent de bord de ce changement. À l'arrivée à Deer Lake, M. Chaulk a constaté que son fauteuil roulant avait été endommagé et a déposé une demande d'indemnité. Le montant des dommages lui a été remboursé par la voie d'un chèque émis le 24 février 1999.
Pendant qu'il était à Deer Lake et avant de monter à bord du vol de retour prévu, M. Chaulk a téléphoné au Centre téléphonique d'Air Canada au Nouveau-Brunswick afin de vérifier les sièges qui lui avaient été assignés, et on lui a répondu que pour le vol entre Deer Lake et Halifax, le siège 1A avait été remplacé par le siège 3A étant donné que le siège 1A était situé dans une rangée de sièges menant à une issue de secours. De même, pour le vol entre Halifax et Toronto, le siège 24F avait été remplacé par le siège 16F. On l'a assuré que les nouveaux sièges étaient tous situés dans des rangées de sièges munis d' accoudoirs mobiles. Toutefois, le siège 16F n'était pas situé dans une rangée de sièges munis d'accoudoirs mobiles, ce qui fait que les agents d'embarquement l'ont amené à son siège original situé dans la rangée 24.
À l'arrivée à Deer Lake, M. Chaulk a également constaté qu'on avait forcé ses bagages et que trois cartes de Noël avaient disparues. En outre, à son arrivée à Toronto, ses bagages, qui renfermaient des médicaments d'ordonnance dont il avait besoin, ne se trouvaient pas à bord du vol et sont arrivés à Toronto deux jours plus tard seulement. Air Canada a émis un chèque pour couvrir les frais de remplacement de la serrure forcée et des cartes de Noël et a également remboursé les dépenses de M. Chaulk entraînées par le retard dans la livraison de ses bagages.
POSITION DES PARTIES
Assignation des sièges
M. Chaulk affirme que même si Air Canada l'avait rassuré quant à ses réservations de vol, il a fait face aux mêmes problèmes qu'il a déjà rencontrés avec Air Canada. Il se demande combien de plaintes doivent être déposées avant qu'Air Canada n'apporte les corrections nécessaires à sa procédure d'assignation de sièges. M. Chaulk déclare que si Air Canada exerçait les contrôles nécessaires et établissait une politique ou une procédure uniforme pour tous ses agents, cela représenterait une amélioration notable au chapitre de l'assignation des sièges.
M. Chaulk a précisé que lors du vol entre Toronto et Montréal, les employés d'Air Canada ne savaient pas comment soulever les accoudoirs des sièges et qu'ils ont renoncé à la tâche après plusieurs tentatives infructueuses. Il soutient que pour prendre place lui-même dans le siège, il n'a eu d'autre choix que de se soulever de son fauteuil roulant et de s'asseoir directement sur l'accoudoir avant de se laisser tomber dans le siège. Il déclare qu'une fois installé, il a remarqué un bouton situé sur la partie inférieure arrière de l'accoudoir et après l'avoir enfoncé, l'accoudoir s'est soulevé facilement. M. Chaulk ajoute qu'il a porté ce point à l'attention du personnel du transporteur aérien et l'un des employés a eu cette remarque : « On apprend à chaque jour ».
Il se déclare lui-même client assidu et loyal d'Air Canada et compte tenu des nombreux problèmes qu'il a eus, il s'attend à des excuses et à un remboursement intégral des dépenses.
Air Canada affirme qu'aucun membre de l'équipage de cabine pour le vol entre Toronto et Montréal, le 20 décembre 1998, ne se rappelle avoir aidé M. Chaulk. Cela dit, l'un d'eux se rappelle avoir été témoin à distance de la procédure de transfert et d'avoir vu M. Chaulk, aidé par des membres de l'équipe SPAT (équipe spéciale d'aide), effectuer lui-même son transfert pour prendre place dans son siège et ce, sans incident. Air Canada note qu'elle a identifié le membre concerné de l'équipe SPAT qui a prêté assistance à M. Chaulk, mais ce dernier ne se rappelait pas l'incident en question. Air Canada ajoute que la formation qu'il fournit à son personnel de bord porte sur l'utilisation et l'emplacement des accoudoirs mobiles, mais les instructions qui sont données aux membres de l'équipe SPAT dans le cadre de leur formation portent uniquement sur l'emplacement de ces accoudoirs. Air Canada indique qu'il est à revoir ses manuels de formation pour y inclure des instructions sur la façon de relever l'accoudoir dont sont munis les sièges de chaque type d'aéronef.
Pour ce qui est de l'assignation des sièges, Air Canada note que tous les sièges préassignés à M. Chaulk étaient bel et bien situés dans des rangées de sièges munis d'accoudoirs mobiles. Le transporteur déclare que les changements apportés à l'assignation des sièges par son personnel pour les deux vols entre Deer Lake et Halifax sont attribuables à des irrégularités dans les procédures qui avaient été communiquées à ses agents.
Air Canada explique que les sièges 1A et B de l'aéronef Dash 8 n'étaient pas assignés auparavant aux personnes ayant une déficience et ce, pour des raisons de sécurité. Toutefois, en 1998, à la demande d'Air Nova, Transports Canada a décrété que les sièges 1A et B à bord de ce type d'aéronef sont maintenant accessibles aux personnes ayant une déficience, sauf si la personne qui y prend place obstrue l'espace libre. Air Canada soutient qu'en avril 1998, Air Nova a traité de ces changements dans un bulletin adressé à son personnel de bord et en novembre 1998, Air Canada a inclus ces sièges dans son tableau d'assignation des sièges accessibles publié dans son bulletin intitulé InterAction.
Air Canada déclare qu'elle a été informée ultérieurement que la politique de réassignation des sièges 1A et B de l'aéronef Dash 8 aux personnes ayant une déficience était toujours à l'étude par ses transporteurs partenaires. Selon Air Canada, c'est pendant cette période que M. Chaulk a effectué son voyage et ajoute qu'à ce moment-là, la politique CIC36/24 d'Air Canada (restrictions relatives aux sièges) n'avait pas encore été modifiée et que les agents qui s'y étaient référés avaient été induits en erreur lorsqu'on les a avisés que l'accès aux sièges 1A et B était restreint. La politique CIC36/24 a depuis lors été modifiée et le sera à nouveau lorsque les transporteurs partenaires auront adopté la nouvelle politique.
En ce qui concerne le remplacement du siège 3A par le siège 6A pour le vol entre Deer Lake et Halifax, Air Canada soutient avoir rappelé à l'agent concerné, l'importance d'assigner un siège qui correspond aux besoins du client et de l'informer de tout changement dans l'assignation d'un siège. En ce qui concerne le remplacement du siège 24F par le siège 16F pour le vol entre Halifax et Toronto, Air Canada déclare qu'elle est dans l'impossibilité d'identifier l'agent qui a effectué ce changement mais précise que l'incident sera examiné dans le cadre de rencontres avec tous les agents du Centre téléphonique de Saint John (Nouveau-Brunswick).
Dommages au fauteuil roulant et aux bagages
Air Canada indique que la demande d'indemnité pour les dommages causés au fauteuil roulant de M.Chaulk a été traitée par le service des bagages d'Air Nova et d'Air Canada et qu'un remboursement intégral lui a été accordé. En ce qui concerne ses commentaires au sujet des dommages causés à son sac de voyage, le transporteur, malgré qu'il n'ait reçu aucune demande d'indemnité à cet égard, accepte, en guise de geste de bonne volonté, de rembourser les frais visés. Pour ce qui concerne le retard dans la livraison des bagages, Air Canada se réfère aux conditions qui figurent sur le billet d'avion et qui précisent que le transporteur fera tout en son pouvoir pour transporter passagers et bagages dans les meilleurs délais. Néanmoins, il a accepté d'assumer les frais liés à ce retard.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné tous les éléments de preuve que lui ont fournis les parties.
L'Office estime qu'il y a trois questions à l'étude dans la plainte de M. Chaulk :
- attribution d'un siège accessible;
- responsabilité du transporteur relative au transport des aides à la mobilité;
- conditions applicables à des bagages perdus, endommagés ou dont la livraison a été retardée.
1) Assignation d'un siège accessible
L'Office note que conformément à sa demande, M. Chaulk s'est vu assigner, pour tous les vols, des sièges situés dans des rangées de sièges munis d'accoudoirs mobiles. En ce qui a trait au remplacement du siège 1A par le siège 6A et du siège 24F par le siège 16F, l'Office note que les agents d'embarquement du transporteur, après avoir discuté avec M. Chaulk du type de siège réassigné, lui ont fait prendre place dans une rangée de sièges munis d'accoudoirs mobiles. L'Office reconnaît que ces changements ont été effectués à la satisfaction de M. Chaulk.
Toutefois, l'Office constate que les agents d'embarquement qui se sont occupés de M. Chaulk à Toronto, le 20 décembre 1998, ne savaient pas comment soulever l'accoudoir. L'Office estime que cette ignorance a eu pour effet de causer un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Chaulk et que cet obstacle était abusif du fait qu'il aurait pu facilement être évité si les employés qui ont prêté assistance à M. Chaulk avaient reçu une formation pertinente sur la façon de soulever l'accoudoir. L'Office note qu'Air Canada a reconnu cette lacune dans sa formation à l'intention des agents de bord. Par conséquent, Air Canada devrait fournir à l'Office une version à jour du manuel ainsi qu'un plan énonçant en détail la procédure à suivre pour porter cette question importante de la formation à l'attention de tous ses agents de bord et ce, le plus tôt possible.
L'Office accepte également l'explication d'Air Canada portant sur la confusion au sujet des sièges à bord de l'aéronef Dash 8 qui sont réservés aux personnes ayant une déficience. Bien que M. Chaulk n'ait pas pris place dans le siège situé dans la rangée 1, il s'est vu assigner un siège dans la rangée 3, lequel est muni d'un accoudoir mobile. L'Office estime que ce changement de siège n'a pas causé d'obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Chaulk. L'Office prend note également de la modification de la politique CIC36/24. Par conséquent, lorsque les agents des réservations se référeront à la politique, ils auront accès à des renseignements à jour et seront ainsi en mesure de prévenir des obstacles comme ceux qu'a rencontrés M. Chaulk.
2) Responsabilité du transporteur relative au transport des aides à la mobilité
En ce qui concerne le fauteuil roulant endommagé, l'Office reconnaît les inconvénients que cela a causés à M. Chaulk, mais il précise que conformément au Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA) Air Canada a assumé le coût total des réparations au fauteuil roulant e M. Chaulk. Par conséquent, l'Office estime qu'il n'y a pas eu contravention aux dispositions du RTA à ce sujet.
En ce qui a trait à la demande de M. Chaulk concernant le remboursement de ses billets d'avion, l'Office note que seules les dépenses engagées par une personne ayant une déficience en raison d'un obstacle abusif peuvent être remboursées en vertu du paragraphe 172(3) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC). Dans le cas présent, l'Office estime que le coût des billets d'avion ne correspond pas à une telle dépense.
3) Conditions applicables à des bagages perdus, endommagés ou dont la livraison a été retardée
Les dommages causés aux bagages d'un passager ou le retard dans la livraison de ses bagages font partie des conditions de transport des bagages et ne sont donc pas liés au transport des personnes ayant une déficience. Par conséquent, l'Office n'examinera pas cette question en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC. Néanmoins, d'après les renseignements qui ont été présentés au cours des plaidoiries, rien n'indique qu'Air Canada ou Air Nova a contrevenu aux dispositions de son tarif de transport intérieur en ce qui concerne le transport des bagages de M. Chaulk.
L'Office note également que de par la nature de l'industrie du transport aérien, des retards peuvent se produire dans le transport des bagages et ce, indépendamment de la volonté du transporteur. Comme tous les voyageurs peuvent faire face à ces difficultés, l'Office est d'avis qu'il incombe à chaque passager de prendre si possible les mesures nécessaires pour que les bagages considérés comme essentiels (par exemple les médicaments), fassent partie de ses bagages de cabine et non pas des bagages enregistrés.
CONCLUSION
Compte tenu de ce qui précède, l'Office demande à Air Canada de lui soumettre, dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de la présente décision, un exemplaire de ses manuels de formation à jour, en ce qui concerne les instructions qui seront fournies aux membres de l'équipe SPAT d'Air Canada sur l'utilisation des accoudoirs pour chaque type d'aéronef, et un plan faisant état de la façon dont ces renseignements importants seront transmis à ses agents, soit dans le cadre d'une formation de recyclage ou sous la forme d'un communiqué et ce, le plus tôt possible.
Après avoir examiné ces documents, l'Office déterminera si d'autres mesures doivent être prises.
- Date de modification :