Décision n° 337-AT-A-2008
le 26 juin 2008
DEMANDES déposées en vertu des paragraphes 172(1) et (3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée, par Louise Bartlett au nom de feu Calvert Gibson, Elizabeth Fulton, Harold Gaynes au nom de Eugene Gaynes, Josie Gould, Margaret Rafferty et Cathleen Smith contre Air Canada, relativement à la fiabilité de son service d'oxygène.
Référence no U3570-13
INTRODUCTION
[1] Le 13 décembre 2005, l'Office des transports du Canada (l'Office) a rendu la décision no 720-AT-A-2005 (décision sur les obstacles), relativement à 26 demandes qui avaient été déposées entre mars 2000 et juin 2005 (25 contre Air Canada et une contre WestJet), par des personnes qui ont besoin d'oxygène lorsqu'elles voyagent par avion ou en leur nom. Dans cette décision, un certain nombre d'obstacles systémiques ont été relevés en ce qui concerne la politique de WestJet sur la fourniture d'oxygène et le service d'oxygène d'Air Canada, en plus d'obstacles aux possibilités de déplacement de chacune des demanderesses concernant la fiabilité du service d'oxygène d'Air Canada.
[2] En ce qui a trait à WestJet, l'Office a conclu que même si le transporteur permet aux personnes ayant une déficience d'utiliser leur propre équipement d'oxygène gazeux à bord des vols intérieurs, le fait qu'aucune mesure d'accommodement n'a été prise à l'endroit de ces personnes qui ont besoin d'oxygène à bord de ses vols transfrontaliers et internationaux a constitué un important obstacle à leurs possibilités de déplacement, du fait que le transporteur a refusé ainsi à ces personnes l'accès aux services aériens transfrontaliers et internationaux de WestJet.
[3] En ce qui concerne Air Canada, l'Office a conclu que même si le transporteur prend une mesure d'accommodement à l'endroit des personnes ayant une déficience en leur fournissant un service d'oxygène gazeux au moyen de l'unité Medipak1 à bord de tous ses vols intérieurs, transfrontaliers et internationaux, la fourniture de ce service n'a pas été sans poser de problèmes systémiques définis comme des obstacles dans les politiques, procédures et pratiques d'Air Canada qui ont amené l'Office à conclure que la mesure d'accommodement prise par Air Canada n'était peut-être pas raisonnable.
[4] Après avoir rendu sa décision sur les obstacles, l'Office a tenu une audience à Ottawa pendant une période de 12 jours, entre le 29 octobre et le 22 novembre 2007, afin qu'il puisse prendre une décision sur le caractère abusif des obstacles systémiques causés par la politique de WestJet sur la fourniture d'oxygène et le service d'oxygène d'Air Canada. Le caractère abusif de ces obstacles a été traité dans la décision no 336-AT-A-2008 de l'Office du 26 juin 2008.
[5] En ce qui a trait à la fiabilité du service d'oxygène Medipak d'Air Canada, dans sa décision sur les obstacles, l'Office a relevé les obstacles suivants aux possibilités de déplacement de chacune des demanderesses concernant la fourniture du service d'oxygène par Air Canada à des dates précises. Le caractère abusif de ces obstacles sera traité dans la présente décision :
- Le défaut de fournir l'oxygène que M. Gaynes, Mme Gould et M. Gibson avaient préalablement demandé;
- La pertinence de la réserve d'oxygène fourni par Air Canada à Mme Fulton et à Mme Rafferty;
- Le défaut de charger l'oxygène à bord de l'aéronef avant le préembarquement de Mme Fulton, de Mme Gould et de Mme Smith;
- Le défaut de fournir de l'oxygène à M. Gaynes par suite du retard de sa correspondance;
- Le défaut du personnel d'Air Canada de transmettre les demandes d'oxygène de Mme Fulton et de M. Gaynes;
- Le défaut d'Air Canada d'appliquer ses politiques et procédures concernant la fourniture d'oxygène à Mme Smith, Mme Gould et Mme Gibson.
[6] L'Office a noté, dans les paramètres de l'audience, que même si cette étape de la procédure consistait à recueillir des éléments de preuve sur le caractère abusif des obstacles relevés dans la décision sur les obstacles, il n'avait pas l'intention de demander des éléments de preuve ou des mémoires additionnels sur les circonstances propres à chacune des demanderesses, dans le cadre de son enquête et de son audience, puisque les plaidoiries avaient été fournies par écrit au sujet de chacun des obstacles.
QUESTION
[7] L'Office doit déterminer si les obstacles précités ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de M. Gaynes, M. Gibson, Mme Gould, Mme Fulton, Mme Rafferty et Mme Smith et si tel a été le cas, quelles mesures correctives devraient être prises.
POSITION D'AIR CANADA
[8] La position d'Air Canada relativement aux questions soulevées par chacune des demanderesses est énoncée ci-dessous :
i) Le défaut de fournir l'oxygène demandé au préalable
[9] L'Office a conclu que le défaut d'Air Canada de fournir l'oxygène que M. Gaynes et Mme Gould avaient préalablement demandé, à bord des vols de correspondance pour lesquels ils avaient fait une réservation entre Toronto et Edmonton et entre Edmonton et Vancouver, respectivement; l'oxygène de bord à M. Gaynes à bord du vol entre Toronto et Edmonton; et l'oxygène de bord à M. Gibson, à bord du vol entre Calgary et Toronto, a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de ces personnes.
[10] Air Canada a précisé que M. Gaynes a effectué son voyage au moment où elle venait de faire l'acquisition de la compagnie aérienne Lignes aériennes Canadien International ltée exerçant son activité sous le nom de Lignes aériennes Canadien International ou Canadi*n (Lignes aériennes Canadien). Les transporteurs procédaient à l'harmonisation de leurs activités. En raison de ces circonstances exceptionnelles, les agents de bord n'ont pas reçu les renseignements au sujet des passagers qui avaient demandé de l'oxygène. Les agents de bord ont localisé l'oxygène à bord de l'aéronef mais ils ont présumé que l'oxygène avait été délivré pour un autre vol en partance d'Edmonton, du fait qu'aucun passager n'avait fait de demande à cet égard.
[11] Air Canada a indiqué être convaincue qu'un incident de ce genre ne se reproduira pas, maintenant que les Lignes aériennes Canadien et elle-même ont fusionné. Air Canada a précisé qu'elle avait présenté des excuses sincères à M. et Mme Gaynes, car le service qui leur a été fourni à cette occasion était bien en deçà de ses normes habituelles. Air Canada a remboursé à M. Gaynes le coût total de l'oxygène immédiatement après son voyage et lui a offert un bon de voyage de 400 $ dans un geste additionnel d'excuses.
[12] En ce qui a trait à l'absence d'un réservoir d'oxygène pour le vol de correspondance de Mme Gould entre Edmonton et Vancouver, Air Canada a expliqué que l'équipement avait été livré, en provenance de Montréal, trois jours auparavant mais qu'il n'avait pas été retiré de l'aéronef à son arrivée à Edmonton. Lorsque Mme Gould s'est présentée pour prendre son vol de correspondance, Air Canada a immédiatement pris d'autres arrangements pour qu'un nouveau réservoir soit livré à partir de Calgary et a réservé une place pour Mme Gould à bord d'un vol prévu plus tard à destination de Vancouver. Air Canada s'est excusée auprès de Mme Gould pour le retard causé par ce problème de service.
[13] Air Canada n'a pas formulé de commentaires sur l'incident concernant M. Gibson.
ii) La pertinence de la réserve d'oxygène fourni par Air Canada en cours de vol
[14] L'Office a conclu que la quantité d'oxygène fournie par Air Canada à Mme Fulton, à bord de ses vols entre Toronto et San Diego et entre San Francisco et Vancouver ainsi qu'à Mme Rafferty, lors de son vol entre Toronto et Vancouver, a constitué un obstacle à leurs possibilités de déplacement.
[15] Dans sa décision sur les obstacles, l'Office a fait observer que malgré certaines irrégularités relevées dans les positions de Mme Fulton et d'Air Canada, notamment la cause possible de l'épuisement précoce de sa réserve d'oxygène avant la fin du vol entre Toronto et San Diego, il était évident que l'oxygène de Mme Fulton s'était épuisé avant son arrivée. Elle a mentionné que le débit du second réservoir d'oxygène a été haussé de 2 à 3 litres par minute (L/min.) pendant une demi-heure, tandis que selon Air Canada, le débit a été fixé à 3 L/min. pour toute la quantité d'oxygène que contenait le réservoir.
[16] Air Canada a précisé que le vol a duré environ cinq heures, sans retard, et que les deux réservoirs d'oxygène prévus pour Mme Fulton auraient dû avoir une durée de 6 heures et 14 minutes, avec un débit réglé à 2 L/min. Air Canada a émis l'hypothèse que l'oxygène de Mme Fulton s'est épuisé du fait qu'elle avait réglé le débit à un niveau supérieur à celui que son médecin avait prescrit pour la durée du second réservoir.
[17] Malgré les questions soulevées par Mme Fulton relativement à la pertinence de la réserve d'oxygène qui lui a été fourni, Air Canada lui a fourni de l'oxygène de secours après que son réservoir d'oxygène se soit vidé, et la quantité ainsi fournie a été suffisante pour le reste du vol. Cela dit, Mme Fulton a prétendu que le personnel de bord a refusé de lui fournir de l'oxygène de secours et qu'on a acquiescé à sa demande seulement lorsque d'autres passagers se sont faits insistants et que son teint a commencé à bleuir.
[18] Lors du vol entre San Francisco et Vancouver, Mme Fulton a également manqué d'oxygène 15 minutes avant l'arrivée. Air Canada a précisé que le vol avait une durée d'environ deux heures et qu'il n'a pas été retardé dans ce cas-ci également. Air Canada a ajouté qu'elle a chargé deux petits réservoirs d'oxygène à bord de l'aéronef pour Mme Fulton, et qu'ils auraient dû être suffisants pour une période de 3 heures et 44 minutes. Air Canada a indiqué qu'il est regrettable que Mme Fulton soit devenue malade pendant ses vacances, mais elle n'a pu établir de lien entre son état et les vols qu'elle a pris avec Air Canada. Dans la décision sur les obstacles, l'Office a fait observer que malgré les calculs d'Air Canada et la quantité d'oxygène fournie à Mme Fulton, celle-ci a manqué d'oxygène avant son arrivée.
[19] En ce qui concerne Mme Rafferty, les renseignements fournis par les deux parties comprenaient également des irrégularités. Cela dit, les éléments de preuve démontrent que Mme Rafferty a obtenu de l'oxygène pendant tout le vol entre Toronto et Vancouver grâce à l'un des deux réservoirs qu'Air Canada avait chargés à bord de l'aéronef, mais le débit avait été fixé à un niveau inférieur à celui prescrit.
[20] Air Canada a indiqué que le besoin d'oxygène de Mme Rafferty à un débit continu de 2 L/min. avait été consigné dans son dossier Meda Desk d'Air Canada, sur son formulaire portant sur l'état de santé des personnes désirant voyager et dans son Dossier passager (DP), lequel renferme des renseignements sur le passager, notamment ses besoins spécifiques. Air Canada a d'abord mentionné que même si elle était incapable de vérifier l'allégation selon laquelle le débit avait été fixé à un niveau inférieur, cela était peu probable vu l'instabilité qui résulterait d'un débit de moins de 2 L/min. Par la suite, Air Canada a précisé que son équipe de bord a la responsabilité de régler le débit d'oxygène en fonction des exigences médicales afférentes au passager. D'autre part, Air Canada a mentionné que le débit le plus bas d'un réservoir d'oxygène normal est de 0 L/min., mais qu'il a été conçu pour être utilisé selon un débit stable et que le minimum prévu doit être de 2 L/min. Air Canada a précisé que ses agents de bord ont reçu pour instruction de ne pas fixer le débit à un niveau inférieur à 2 L/min.
iii) Défaut de charger l'oxygène à bord de l'aéronef avant le préembarquement
[21] L'Office a conclu que le défaut d'Air Canada de charger l'oxygène à bord de l'aéronef avant le préembarquement a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Fulton, Mme Gould et Mme Smith.
[22] Dans le cas de Mme Fulton, Air Canada a fait valoir que l'agent de bord responsable a vérifié auprès du Centre de Coordination des opérations d'escale et s'est adressé au pilote pour localiser l'oxygène de Mme Fulton. En ce qui concerne Mme Gould, Air Canada a indiqué que le préembarquement est offert aux passagers qui ont besoin d'oxygène, du fait que cette procédure peut offrir du temps et de l'espace additionnels pour que ces personnes puissent accéder à leur siège et que conformément à ses procédures internes, l'équipement d'oxygène est installé dans la cabine avant l'embarquement des passagers. Toutefois, Air Canada a ajouté que dans certaines situations, il n'est pas possible de procéder à l'installation préalable de l'équipement d'oxygène, si bien que cela doit être fait une fois l'embarquement terminé.
[23] Air Canada n'a pas fourni de commentaires sur l'incident mettant en cause Mme Smith.
iv) Défaut de fournir de l'oxygène lors des vols de correspondance retardés et des escales
[24] L'Office a conclu que le défaut d'Air Canada de fournir de l'oxygène à M. Gaynes par suite du retard de son vol de correspondance a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
[25] Air Canada a indiqué que même s'il ne s'agit pas d'une procédure officielle, le Meda Desk a pour pratique courante de commander de l'oxygène au point de correspondance pour répondre aux besoins des passagers dont le vol a été retardé à la dernière minute, ce qui a été le cas la journée du départ de M. Gaynes. Lorsque l'agent du Meda Desk a effectué une nouvelle réservation pour un vol de correspondance ultérieur entre Toronto et Edmonton pour M. et Mme Gaynes, il n'a pas demandé de réservoirs additionnels pendant la période d'attente prolongée de sa correspondance à Toronto. Par la suite, Air Canada a modifié ses procédures de façon à assurer que les agents du Meda Desk prennent des mesures pour fournir de l'oxygène aux passagers aux points de correspondance, lorsque surviennent des irrégularités ou des retards imprévus.
[26] Même si Mme Gaynes a rappelé à l'agent d'Air Canada qui les a escortés jusqu'au salon du service à la clientèle, à l'aéroport de Toronto, que M. Gaynes avait besoin d'oxygène, celui-ci n'en a pas obtenu durant l'attente de huit heures pour son vol de correspondance. Air Canada a mentionné qu'elle n'a pu déterminer pourquoi M. et Mme Gaynes n'avaient pas reçu d'assistance appropriée pendant qu'ils attendaient leur vol de correspondance. Elle a précisé qu'elle ne peut pas identifier l'agent des Lignes aériennes Canadien qui était de service cette journée-là dans le salon du service à la clientèle ni celui qui a accompagné les clients jusqu'à la salle d'attente. Air Canada a ajouté que la gestionnaire du service à la clientèle qui était responsable du salon du service à la clientèle à l'aéroport de Toronto s'est rendue sur place quatre fois, au cours de l'après-midi, et n'a pas été avisée qu'un client avait besoin d'oxygène. D'après Air Canada, la gestionnaire du service à la clientèle a indiqué que si elle avait remarqué que des clients attendaient depuis longtemps, elle aurait essayé de déterminer ce qu'il fallait faire pour les aider.
v) Défaut du personnel d'Air Canada de transmettre les demandes d'oxygène
[27] L'Office a conclu que le défaut du personnel d'Air Canada de transmettre les demandes d'oxygène a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Fulton et de M. Gaynes.
[28] Air Canada regrette que Mme Fulton ait été mal informée par un agent du centre d'appel, qui lui a demandé de communiquer avec le Meda Desk dans les 24 heures précédant son vol, relativement à sa demande d'oxygène additionnel pour son vol entre Vancouver et Ottawa. Air Canada a fait valoir qu'on aurait dû lui dire de communiquer sur-le-champ avec le Meda Desk. Air Canada a indiqué qu'on a donné suite à la demande lorsqu'on a demandé au Meda Desk de modifier ses besoins concernant l'oxygène. Air Canada a fait valoir que Mme Fulton a obtenu l'oxygène additionnel qu'elle avait demandé pour son vol à destination d'Ottawa.
[29] Air Canada a fait observer que M. et Mme Gaynes ont effectué leur voyage au cours d'une étape importante de l'intégration des activités des Lignes aériennes Canadien et d'Air Canada. Elle a indiqué qu'en raison de la confusion qui a résulté d'un manque de communication entre les systèmes de réservation des deux transporteurs aériens à ce moment-là, la demande initiale d'oxygène a été perdue. Air Canada a précisé que depuis le 22 octobre 2000, par suite de l'intégration de ses systèmes de réservation, les changements d'horaire sont maintenant saisis et traités via une plate-forme unique. Selon le transporteur, la confusion qui a causé l'annulation de la demande d'oxygène de M. Gaynes serait éliminée.
[30] En ce qui concerne la communication du besoin d'oxygène de M. Gaynes au cours de l'attente pour son vol de correspondance à Toronto, comme il a été mentionné ci-dessus, l'agent du Meda Desk a omis de demander des réservoirs additionnels pour la période d'attente prolongée à Toronto. Air Canada a pris des mesures à cet égard en ajoutant des instructions dans ses procédures officielles pour la fourniture d'oxygène au sol lorsque surviennent des irrégularités.
[31] En ce qui concerne la communication du besoin d'oxygène de M. Gaynes à bord du vol entre Toronto et Edmonton, Air Canada a indiqué, comme il est énoncé plus haut, qu'en raison des circonstances exceptionnelles entourant l'harmonisation des procédures des Lignes aériennes Canadien et d'Air Canada, les agents de bord n'ont pas reçu les renseignements nécessaires qui identifiaient les passagers qui avaient demandé de l'oxygène.
vi) Défaut d'Air Canada d'appliquer ses politiques et procédures relativement à la fourniture d'oxygène aux passagers ayant une déficience
[32] L'Office a conclu que le défaut d'Air Canada d'appliquer ses politiques et procédures concernant la fourniture d'oxygène a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Smith, de Mme Gould et de M. Gibson.
[33] En réponse aux demandes formulées par l'Office avant l'audience, Air Canada a précisé qu'elle était au courant que l'Office avait conclu que M. Gibson avait été autorisé à utiliser son propre équipement d'oxygène à bord d'un vol, le 10 août 2001. Air Canada a fait valoir qu'elle n'est au courant d'aucune situation où elle a permis à des passagers d'utiliser leur propre équipement d'oxygène et a soutenu que sa politique ne permet aucune exception concernant l'interdiction de l'équipement d'oxygène gazeux fourni par les passagers.
[34] Air Canada a mentionné avoir été surprise d'apprendre qu'un agent de bord avait demandé à Mme Gould de produire un certificat médical pour justifier son besoin d'oxygène, puisque cette pratique n'est pas du tout conforme à ses procédures concernant le service d'oxygène. Air Canada a soutenu qu'elle informe l'agent de bord responsable des demandes d'oxygène qui sont formulées au préalable, dans le cadre d'un processus interne, et sa politique consiste à administrer de l'oxygène aux passagers lorsque besoin est.
[35] Air Canada n'a pas formulé de commentaires sur l'incident mettant en cause Mme Smith.
ANALYSE ET CONCLUSION
[36] Ayant conclu que le niveau de service fourni dans les cas précités a constitué des obstacles aux possibilités de déplacement de M. Gaynes, de M. Gibson, de Mme Gould, de Mme Fulton, et Mme Rafferty et de Mme Smith, l'Office doit maintenant déterminer si ces obstacles étaient abusifs.
[37] L'accessibilité du réseau de transport fédéral signifie que chaque étape du processus de transport, qui prévoit l'intervention de nombreux éléments, est accessible et permet à une personne ayant une déficience de voyager dans le réseau sans rencontrer d'obstacles abusifs. L'échange de renseignements clairs et précis par chaque partie au sujet de l'accessibilité au moment de la réservation et la journée même du voyage en cause, y compris des renseignements sur les politiques et les procédures du transporteur et la fourniture d'une assistance appropriée, sont des éléments importants et indispensables pour l'expérience de voyage des personnes qui ont une déficience et pour un réseau de transport fédéral exempt d'obstacles abusifs.
[38] Comme il a déjà été mentionné, des lacunes ont été relevées dans le service d'oxygène d'Air Canada et ont nui à sa fiabilité et réduit la confiance des personnes qui dépendent d'un tel service pour voyager comme prévu. Les lacunes ont causé du stress émotionnel et physique en raison de la nature vitale du service, sans parler de l'incertitude et des désagréments causés pour certains passagers.
[39] Nombre d'incidents liés à la fourniture du service d'oxygène d'Air Canada à M. Gaynes, Mme Gould, Mme Fulton et Mr. Gibson sont en grande partie attribuables au défaut de son personnel de suivre les politiques et procédures en vigueur au moment du voyage. Dans certains cas impliquant M. Gaynes, Mme Gould, Mme Fulton et M. Gibson, Air Canada a reconnu que le service fourni était inférieur à ses normes et a présenté des excuses, offert une indemnisation ou modifié sa politique. Dans d'autres cas au cours du voyage de M. Gaynes, le transporteur a soutenu que les incidents étaient survenus alors que l'on procédait à l'harmonisation des procédures des Lignes aériennes Canadien et des siennes, ce qui a créé une certaine confusion et des obstacles, comme il a été indiqué ci-dessus.
[40] En ce qui concerne le défaut de charger l'oxygène à bord de l'aéronef avant le préembarquement de Mme Fulton, Mme Gould et Mme Smith, Air Canada a fait observer que même si sa politique prévoit le chargement d'oxygène avant le préembarquement, dans certaines situations il doit être effectué après l'embarquement. Même s'il reconnaît qu'Air Canada ne peut pas toujours suivre sa politique à cet égard, en raison de l'incidence possible des changements d'horaire et des demandes imprévues sur la capacité de son personnel d'accéder à l'aéronef avant le préembarquement des passagers, l'Office fait observer que les commentaires d'Air Canada ont trait à une restriction de sa politique et n'expliquent pas les incidents qui ont mis en cause Mme Fulton, Mme Gould et Mme Smith.
[41] D'autres incidents ont soulevé des préoccupations au sujet de la pertinence de la réserve d'oxygène fourni par Air Canada et les plaidoiries à cet égard ont été litigieuses. Malgré des irrégularités dans les éléments de preuve fournis par les parties dans les cas impliquant Mme Fulton et Mme Rafferty, l'Office a conclu que dans le cas de Mme Fulton, sa réserve d'oxygène s'est épuisée, tandis que Mme Rafferty a obtenu de l'oxygène pendant tout le vol entre Toronto et Vancouver en utilisant un des deux réservoirs, mais à un débit inférieur à celui prescrit.
[42] Dans le cas de Mme Fulton, deux possibilités peuvent servir à expliquer l'insuffisance de sa réserve d'oxygène : soit qu'Air Canada n'a pas fourni suffisamment d'oxygène, par suite d'une erreur de calcul ou d'approvisionnement, soit que la réserve d'oxygène s'est épuisée plus rapidement que prévu en raison d'un facteur intervenu en cours de vol. L'Office n'est pas en mesure de déterminer précisément ce qui s'est produit dans ce cas, mais il est évident que si le personnel d'Air Canada avait géré son utilisation d'oxygène, les réservoirs auraient été remplacés avant qu'ils ne soient vides.
[43] En ce qui concerne Mme Rafferty, l'Office a fait observer dans la décision sur les obstacles que si le second réservoir d'oxygène qu'Air Canada soutient avoir chargé à bord de l'aéronef lui avait été fourni, elle n'aurait probablement pas soulevé de préoccupations sur la quantité d'oxygène qui lui a été fournie.
[44] La politique d'Air Canada qui était en vigueur lorsque Mme Fulton et Mme Rafferty ont voyagé n'exigeait pas de surveillance par son personnel de l'utilisation d'oxygène des passagers. Dans le cas de Mme Fulton, l'Office n'est pas en mesure de déterminer exactement ce qui s'est passé à bord du vol entre San Francisco et Vancouver. Cela dit, les éléments de preuve fournis portent sur les réglages de débit qui ont été effectués à bord du vol de Mme Fulton entre Toronto et San Diego et de celui de Mme Rafferty entre Toronto et Vancouver, qui ont fait en sorte que les deux passagères ont obtenu une quantité d'oxygène insuffisante.
[45] Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que le niveau de service fourni dans ces cas a constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de M. Gaynes, de M. Gibson, de Mme Gould, de Mme Fulton, de Mme Rafferty et de Mme Smith.
Changements intervenus depuis la décision sur les obstacles
[46] Beaucoup de temps s'est écoulé depuis que la décision sur les obstacles a été rendue, et Air Canada a apporté des modifications à ses politiques et procédures qui ont amélioré la fiabilité de son service d'oxygène. Ainsi, les politiques et les procédures du transporteur exigent actuellement que les unités Medipak soient gérées par son personnel et vérifiées toutes les 15 minutes par le personnel de cabine, qui a reçu la formation nécessaire pour effectuer les lectures sur une unité Medipak et savoir quand procéder à leurs changements. Au cours de l'audience, Air Canada a expliqué également que la vérification des unités Medipak permet de traiter des situations où des passagers ont l'impression de ne pas obtenir suffisamment d'oxygène vont modifier le débit, d'où le risque d'épuisement de leur réserve d'oxygène en cours de vol. Air Canada a également modifié ses procédures pour assurer que les agents du Meda Desk prennent des mesures pour fournir de l'oxygène aux passagers aux points de correspondance, lorsque surviennent des irrégularités ou des retards imprévus.
[47] De plus, l'Office a été saisi d'importants éléments de preuve par Air Canada, au cours de l'audience, concernant les diverses étapes et les divers groupes d'employés qu'implique maintenant la fourniture de son service Medipak, notamment un tableau détaillé des divers processus liés à la fourniture du service, qui nécessite la coordination des efforts de plusieurs services et de nombreuses personnes. D'après Air Canada, les habitudes de travail récurrentes normales facilitent la fourniture sécuritaire et fiable de son service Medipak.
[48] Les éléments de preuve ont démontré que le système de fourniture d'oxygène d'Air Canada est très complexe et comprend des tâches bien précises et gérées que doivent exercer à cet égard les groupes d'employés et des services spécialisés. L'Office est d'avis que les politiques, les procédures et les vérifications mises en place par Air Canada ont pour effet d'améliorer la fiabilité de son service Medipak, si bien que les personnes qui ont une déficience et qui utilisent son service d'oxygène peuvent maintenant s'attendre à un degré de fiabilité approprié. Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que des mesures ont été prises à l'égard des obstacles abusifs qu'ont rencontrés M. Gaynes, M. Gibson, Mme Gould, Mme Fulton, Mme Rafferty et Mme Smith et, de ce fait, qu'aucune autre mesure n'est requise à leur égard.
[49] Par ailleurs, depuis que la décision sur les obstacles a été rendue, la nouvelle technologie des concentrateurs d'oxygène portatifs (COP) a fait son apparition. Ainsi, une personne peut utiliser un appareil portatif qui extrait l'oxygène de l'air ambiant et le concentre pour qu'il puisse être administré. Cette importante technologie évolue de façon rapide et permet aux personnes ayant une déficience de mieux gérer leur approvisionnement d'oxygène. Les éléments de preuve fournis indiquent que cinq de ces types d'appareils sont largement utilisés à bord des aéronefs à l'échelle de la planète. Air Canada a commencé à permettre l'utilisation des COP personnels des passagers sur ses routes intérieures et à bord de ses vols transfrontaliers, de l'Amérique centrale, des Caraïbes et du Mexique depuis février 2008. Il convient de noter que dans la décision no 336-AT-A-2008, l'Office a conclu que la mesure d'accommodement la plus appropriée pour les personnes qui ont besoin d'oxygène lorsqu'elles voyagent par avion, à bord des vols transfrontaliers et autres vols internationaux, consiste à permettre l'utilisation des COP personnels des passagers.
- Air Canada fournit un service d'oxygène thérapeutique sous la forme d'un réservoir d'oxygène comprimé, d'un régulateur, d'une canule nasale et d'un tube transportés dans un boîtier de métal.↑
Membres
- Geoffrey C. Hare
- Beaton Tulk
- J. Mark MacKeigan
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