Décision n° 359-AT-A-2004

le 30 juin 2004

le 30 juin 2004

DEMANDE présentée par Scott Holt en vertu des paragraphes 172(1) et (3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant l'assignation des sièges sur les vols nos TS 220 et 221 exploités par Air Transat A.T. Inc., exerçant son activité sous le nom d'Air Transat, entre Vancouver, Colombie-Britannique, Canada et Varadero, Cuba, en mai 2003.

Référence no U3570/03-34


DEMANDE

[1] Le 29 septembre 2003, Scott Holt a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé. Cette demande contenait également la correspondance soumise à l'appui de la demande de M. Holt par des amis qui ont voyagé sur les vols en question.

[2] Le 31 octobre 2003, Air Transat A.T. Inc., exerçant son activité sous le nom d'Air Transat (ci-après Air Transat), a déposé sa réponse à la demande. M. Holt a déposé sa réplique à la réponse du transporteur le 17 novembre 2003.

[3] Le 10 décembre 2003, l'Office a demandé qu'Air Transat fournisse des éclaircissements sur sa réponse au plus tard le 16 décembre 2003. Le 12 décembre 2003, Air Transat a demandé une prolongation jusqu'au 23 décembre 2003 pour fournir les éclaircissements demandés et, par la décision no LET-AT-A-251-2003 du 16 décembre 2003, l'Office a acquiescé à la demande.

[4] Le 23 décembre 2003, Air Transat a déposé les éclaircissements demandés par l'Office. M. Holt a déposé une réponse le 30 décembre 2003 et fourni des éclaircissements le 12 janvier 2004.

[5] Par la décisions nos LET-AT-A-50-2004 et LET-AT-A-49-2004 datées du 17 février 2004, l'Office a demandé à M. Holt et au voyagiste, Sunquest, qui fait partie de MyTravel Canada Holidays Inc., des renseignements supplémentaires. Le 23 février 2004, Sunquest a demandé une prolongation jusqu'au 27 février 2004 pour déposer sa réponse et l'Office, par voie de la décision no LET-AT-A-56-2004 datée du 24 février, a accordé la prolongation demandée. Le 24 février 2004, M. Holt a demandé une prolongation jusqu'au 27 février 2004 pour déposer sa réponse à la décision no LET-AT-A-50-2004, ce à quoi l'Office a acquiescé par la décision no LET-AT-A-59-2004 datée du 25 février 2004. Le 26 février 2004, Sunquest a déposé sa réponse à la décision no LET-AT-A-49-2004; des annexes ont été reçues le 27 février 2004. M. Holt a déposé sa réponse à la décision no LET-AT-A-50-2004 le 27 février 2004. Sunquest a fourni des renseignements supplémentaires le 3 mars 2004.

[6] Le 5 mars 2004, Air Transat et M. Holt se sont vu accorder un délai de cinq jours pour commenter les arguments de Sunquest. Air Transat s'est également vu accorder un délai de cinq jours pour commenter les renseignements supplémentaires de M. Holt. Le 16 mars 2004, Air Transat a demandé une prolongation jusqu'au 22 mars 2004 pour déposer sa réponse aux arguments de Sunquest et de M. Holt. Par la décision no LET-AT-A-77-2004 du 16 mars 2004, l'Office a accordé à Air Transat la prolongation demandée.

[7] Le 16 mars 2004, Mme Stewart a déposé ses commentaires à l'égard des arguments de Sunquest. Le 23 mars 2004, Air Transat a déposé ses commentaires à l'égard des arguments du 27 février de M. Holt et des arguments de Sunquest déposés les 26 et 27 février et 3 mars 2004.

[8] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 30 juin 2004.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

[9] Bien que M. Holt et Air Transat aient déposé leurs commentaires à l'égard des arguments de Sunquest après le délai prescrit, l'Office, conformément à l'article 8 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS 88/23 (ci-après les Règles générales), les accepte les jugeant pertinents et nécessaires à son examen de la présente affaire.

[10] L'Office note que la demande soulève également des erreurs de communication au sujet des places de M. Holt et de Mme Stewart sur le vol d'Air Transat. L'Office admet que M. Holt et Mme Stewart croyaient que des sièges situés près des sorties avaient été réservés, puisque leur agent de voyage leur avait fourni une confirmation à cet égard. Cependant, l'Office note qu'Air Transat a prouvé que les sièges situés près des sorties n'étaient pas libres lorsque l'agent de voyage en a fait la demande initiale, puisqu'ils avaient été réservés depuis longtemps par d'autres passagers. Étant donné que cette erreur de communication est survenue avant le 3 mai 2003, date de l'accident de M. Holt, elle n'avait aucun lien à la déficience de M. Holt. Par conséquent, l'Office n'en tiendra pas compte dans son examen de la demande en vertu du paragraphe 172 de la LTC.

[11] En outre, le 23 mars 2004, Air Transat a demandé que l'Office consulte l'agent de voyage afin d'obtenir d'autres éclaircissements sur les circonstances entourant les préparatifs de voyage de M. Holt. Compte tenu des circonstances du présent cas, et des renseignements qui ont été recueillis au cours des plaidoiries, l'Office juge qu'il n'est pas nécessaire d'interroger davantage l'agent de voyage.

QUESTION

[12] L'Office doit déterminer si l'assignation des sièges par Air Transat a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Holt et, dans l'affirmative, quelles mesures correctives devraient être prises.

FAITS

[13] Le 4 avril 2003, Scott Holt et sa fiancée, Dawn Stewart, ont acheté de Sunquest, par l'entremise d'un agent de voyage, des forfaits de vacances tout compris à destination de Varadero, Cuba, au départ de Vancouver (Colombie-Britannique), Canada. M. Holt et Mme Stewart avaient prévu voyager avec Air Transat sur le vol no TS 220 le 12 mai 2003 et se marier à Varadero, Cuba, le 16 mai 2003.

[14] Le 3 mai 2003, M. Holt a eu un accident. Il a par la suite été contraint de subir une chirurgie à la jambe gauche.

[15] Le 5 mai 2003, le médecin de M. Holt lui a donné la permission d'entreprendre comme prévu son voyage à Cuba, à condition de surélever sa jambe gauche pendant toute la durée du vol afin de prévenir une thrombose veineuse profonde et de porter une « attelle gonflable » sur sa jambe gauche pendant les vols. Le médecin a également recommandé à M. Holt que, pendant les vols, Mme Stewart surveille sa jambe, lui donne ses médicaments et veille à lui assurer le confort physique nécessaire en raison de son état. Sur les recommandations du médecin, M. Holt s'est procuré une attelle gonflable au coût de 200 $.

[16] Le 12 mai 2003, M. Holt et Mme Stewart ne se sont pas rendus à Varadero, Cuba, comme prévu. De plus, comme M. Holt et Mme Stewart n'avaient contracté aucune assurance voyage pour leurs vacances, ils n'ont pu bénéficier de quel que type de remboursement que ce soit pour le voyage.

[17] Avant de présenter une demande à l'Office, M. Holt et Mme Stewart ont fait parvenir une plainte directement à Sunquest et à Air Transat. Le 29 juillet 2003, Sunquest a fourni sa réponse à la plainte de M. Holt et de Mme Stewart; Air Transat l'a fait le 25 août 2003. N'étant pas satisfait des réponses obtenues, M. Holt a déposé une demande à l'Office.

[18] La majorité des vols d'Air Transat sont affrétés, c'est-à-dire que les vols d'Air Transat sont exploités aux termes de contrats passés avec des voyagistes qui contrôlent l'inventaire et l'achat des sièges dans les aéronefs. Les voyagistes achètent les sièges d'Air Transat et les vendent au grand public par l'entremise d'agences de voyage. Le service d'attribution des sièges est un mécanisme indépendant qui ne fait que sélectionner des sièges à partir du plan des sièges d'un vol particulier et qui n'est aucunement lié à la vente de sièges réels à des fins de réservation.

[19] L'aéronef utilisé pour les deux vols en question était un Airbus A330-200, pouvant recevoir 363 passagers. Le nombre final de passagers était de 334 sur le vol de départ et de 356 sur le vol de retour.

[20] La politique de « sélection de sièges » d'Air Transat énonce, en partie, ce qui suit :

[traduction]

Pour toute demande spéciale de sélection de siège auprès du Club Transat (pour les enfants, les mineurs non accompagnés et les passagers ayant des besoins médicaux), prière de communiquer avec le Centre d'information et de Sélection de sièges au numéro 1-877-TRANSAT.

Note : pour réserver un siège en classe économique, prière de communiquer avec le Centre d'information et de Sélection de sièges au numéro 1-877-TRANSAT.

[21] Air Transat a des dispositions en place pour s'assurer qu'un passager qui a besoin d'un siège particulier en raison de troubles médicaux ou d'une déficience soit en mesure de bénéficier de ce service, que la demande ait été faite avant le voyage ou au comptoir d'enregistrement.

POSITIONS DES PARTIES

M. Holt

[22] M. Holt déclare que son chirurgien lui a assuré que de nombreuses personnes apportent des appareils de mobilité, y compris des fauteuils roulants, lorsqu'elles voyagent et qu'il pouvait demander qu'on laisse un siège libre à côté du sien ou qu'on lui assigne un siège près cloison qui lui permette de surélever sa jambe; l'espace supplémentaire ainsi fourni servirait à protéger sa jambe, à lui procurer suffisamment d'espace pour garder sa jambe gauche surélevée et à éviter que les autres passagers ne trébuchent sur sa jambe gauche pendant le vol.

[23] M. Holt allègue que l'agente de voyage de laquelle ils ont acheté les forfaits de voyage n'a pu aider le couple à réserver des sièges accessibles pour les vols après qu'il se soit blessé à la jambe gauche, puisque l'agente était elle-même en vacances à ce moment.

[24] M. Holt soutient que lorsque Mme Stewart a communiqué avec « Air Transat et le voyagiste, ou les deux » par téléphone à de nombreuses reprises les 5, 6, 7, 9, 10 et 11 mai 2003, on lui a toujours dit qu'il était impossible de faire quoi que ce soit pour répondre aux besoins de M. Holt pendant le voyage aller-retour entre Vancouver et Cuba, étant donné que tous les sièges sur les vols avaient déjà été achetés et assignés à d'autres passagers.

[25] M. Holt soutient précisément que les 5, 6 et 7 mai 2003, Mme Stewart a communiqué avec Sunquest pour les informer de la blessure de M. Holt et pour prendre les dispositions nécessaires pour répondre à ses besoins de voyage. M. Holt indique qu'à chaque fois, les représentants de Sunquest ont mentionné qu'ils ne pouvaient rien pour répondre aux besoins d'une personne ayant une déficience, et qu'il vaudrait mieux que M. Holt annule son voyage s'il lui fallait réellement de telles dispositions. Finalement, M. Holt ajoute que chaque fois que Mme Stewart a demandé à parler à un superviseur de Sunquest, les différents représentants lui ont constamment répondu qu'aucun d'entre eux n'était disponible.

[26] M. Holt affirme qu'au cours de la conversation du 6 mai 2003 entre Mme Stewart et un employé d'Air Transat au sujet du besoin qu'on lui assigne un siège offrant plus d'espace pour les jambes, la seule option suggérée par l'agent consistait à installer M. Holt dans un siège côté allée non près d'une cloison, ce qui lui permettrait d'étendre sa jambe gauche dans l'allée. M. Holt mentionne qu'en réponse à cette suggestion de l'agent d'Air Transat, Mme Stewart a répondu qu'une place côté allée n'offrirait pas à M. Holt la position requise à l'égard de sa jambe et mettrait les autres passagers et le personnel de bord en danger de trébucher sur la jambe M. Holt et de se blesser eux aussi. M. Holt déclare que l'agent du transporteur a alors informé Mme Stewart qu'il n'y avait aucune autre solution pour répondre à ses besoins en matière de siège.

[27] M. Holt soutient qu'au cours de la conversation du 7 mai 2003 avec un agent d'Air Transat, Mme Stewart a exposé de nouveau les besoins de M. Holt en matière de siège et s'est renseignée sur la possibilité de défrayer un supplément pour obtenir un siège pour M. Holt en Classe Club qui lui procurerait l'espace supplémentaire nécessaire. M. Holt soutient qu'en réponse à cette demande de Mme Stewart, l'agent d'Air Transat lui a indiqué que tous les sièges de l'aéronef, y compris ceux de la Classe Club, avaient déjà été achetés et assignés à d'autres passagers et qu'il ne restait aucun siège disponible sur le vol pour M. Holt.

[28] M. Holt soutient que les 9, 10 et 11 mai 2003, Mme Stewart a de nouveau communiqué avec Air Transat et qu'on lui a répété qu'on ne pouvait rien faire pour répondre aux besoins de siège de M. Holt, pas plus qu'on ne pouvait surclasser son billet en Classe Club, ce qui lui aurait permis d'occuper un siège répondant à ses besoins durant le vol. M. Holt ajoute qu'il n'« avait d'autre choix que d'annuler » leur voyage à Varadero, Cuba, puisqu'ils n'ont pas réussi à obtenir une confirmation d'un siège accessible répondant à ses besoins avant le voyage.

[29] M. Holt affirme que le dernier agent à qui Mme Stewart a parlé lui a mentionné qu'elle et M. Holt devraient simplement annuler leur voyage, étant donné qu'il n'y avait rien d'autre qu'Air Transat puisse faire pour eux. M. Holt ajoute que Mme Stewart a ensuite demandé si elle devrait se rendre à l'aéroport le matin du vol, ce à quoi ce même agent lui a répondu que le couple ne pourrait monter à bord puisqu'il n'y avait aucun siège accessible disponible pour M. Holt.

[30] M. Holt déclare que lui et Mme Stewart ont dû annuler leur voyage à la dernière minute parce que ni Air Transat ni Sunquest n'ont pu lui confirmer l'assignation d'un siège répondant à ses besoins.

[31] M. Holt explique que lui et Mme Stewart ont été très surpris d'apprendre en lisant les arguments d'Air Transat que ce transporteur offre précisément un service qui répond aux demandes de présélection de sièges des personnes qui ont besoin d'assistance, et que tous ses employés connaissent les procédures internes qui doivent être suivies lorsqu'un client appelle pour poser des questions ou se renseigner sur l'accessibilité des services. M. Holt ajoute que si l'un des appels qu'a faits Mme Stewart auprès d'Air Transat avait été transféré à ce « service », ils ne se retrouveraient peut-être pas dans une telle situation à l'heure actuelle.

[32] M. Holt estime qu'il ne lui incombe pas, en tant que personne ayant subi un mauvais traitement ou un refus d'accès légal, de découvrir les motifs à l'origine de la situation ou les employés en cause. De plus, M. Holt soutient que lui et Mme Stewart ont été privés de leurs sièges sur les vols en question, et de leur cérémonie de mariage, et qu'ils ont dû annuler leur voyage à la suite du refus d'Air Transat de répondre à ses besoins comme une personne « nouvellement atteinte d'une déficience ».

[33] M. Holt note qu'il n'est pas surpris d'apprendre qu'Air Transat ne possède aucun dossier sur les appels de Mme Stewart, étant donné qu'elle a dû répéter toute la situation à chaque appel.

[34] Selon M. Holt, « si le système informatique d'Air Transat enregistre avec précision le nom des agents qui accèdent au fichier d'attribution des sièges », alors les agents auxquels Mme Stewart a parlé « n'ont même jamais ouvert le fichier pour accomplir leurs tâches ». M. Holt juge par conséquent que c'est Air Transat qui « a annulé » leur voyage en refusant de leur accorder l'accès à leurs vols.

[35] M. Holt mentionne que bien que lui et Mme Stewart aient dû débourser environ 7 000 $ en relation avec l'annulation du voyage prévu, ils ne demandent que le remboursement des 4 660 $ demandés à l'origine dans la demande initiale.

[36] M. Holt affirme avoir téléphoné à sa compagnie de téléphone pour demander une copie de sa facture téléphonique détaillant les appels effectués à partir de sa ligne entre le 3 et le 11 mai 2003. M. Holt explique que, malheureusement, aucun appel à un numéro d'appel sans frais n'apparaît sur sa facture. Par ailleurs, M. Holt indique qu'il a demandé à sa compagnie de téléphone s'il était possible de retracer les appels effectués à un numéro d'appel sans frais, ce à quoi la compagnie a répondu qu'il n'y avait aucun enregistrement des appels effectués à des numéros d'appel sans frais, étant donné que le suivi ou la consignation des appels résidentiels n'est pas « une plate-forme [pour la compagnie] », à moins de dispositions spécifiques à l'avance, à la demande d'un client ou d'un responsable de l'application de la loi.

Air Transat

[37] Air Transat soumet qu'elle a été surprise d'apprendre que M. Holt et Mme Stewart étaient insatisfaits de ses services, puisqu'il en va de la mission d'Air Transat d'offrir à ses clients le meilleur service possible dans tous les secteurs de son exploitation. Air Transat affirme qu'elle est dotée d'un programme de formation poussée qui vise à fournir à son personnel d'accueil des passagers et à son personnel de bord les compétences nécessaires pour répondre adéquatement aux besoins particuliers de tous les passagers.

[38] Air Transat soutient qu'elle ne possède aucun dossier, fichier ou document de réservation concernant le voyage prévu de M. Holt, étant donné que les voyagistes consignent les renseignements sur les réservations des passagers dans un système distinct de celui d'Air Transat. Air Transat explique que le voyagiste n'envoie au transporteur la liste des passagers que quarante-huit heures avant le départ du vol en question, puis que le transporteur inscrit manuellement le nom des passagers dans son propre système, afin de créer une liste complète des noms des passagers, qui, bien qu'elle ait été créée et utilisée par le transporteur pour le vol, ne peut [par la suite] être récupérée par le transporteur.

[39] Air Transat explique qu'au sujet des vols de M. Holt et Mme Stewart, Sunquest a contrôlé la vente de tous les sièges de l'aéronef et que, par conséquent, il était impossible pour Air Transat d'obtenir, de contrôler ou de vendre des sièges sur l'un ou l'autre de ces vols, ou même de donner des informations sur la disponibilité des sièges de la Classe Club de l'aéronef. En outre, elle mentionne que le nombre restreint de sièges en Classe Club peut dans certains cas rendre impossible un surclassement.

[40] Air Transat confirme que rien en particulier ne permet à son personnel de savoir si tous les sièges d'un vol donné ont été achetés, étant donné que ses agents d'attribution des sièges n'ont pas accès aux renseignements sur l'occupation prévue des sièges d'un vol donné et qui leur permettraient de dire si, de fait, tous les sièges ont été achetés. De plus, le transporteur mentionne que son service d'attribution des sièges n'est aucunement lié, ni relié, à la vente des sièges.

[41] Air Transat note qu'elle offre à tous les passagers, par l'intermédiaire de son centre téléphonique de Montréal au Québec, un service de présélection de sièges, de trois mois à deux jours avant le départ de ses vols. Air Transat explique que, bien que ce service soit habituellement offert par Air Transat pour un léger supplément, il est généralement gratuit pour les personnes ayant une déficience. En outre, Air Transat mentionne qu'un passager ayant une déficience qui s'est vu imputer par le transporteur un supplément pour la présélection de son siège peut communiquer avec son centre téléphonique pour obtenir un remboursement.

[42] Air Transat mentionne que son service de présélection de sièges a été mis en œuvre pour permettre aux passagers de choisir l'emplacement de leur siège avant la date de départ. Air Transat explique que ce service est un mécanisme indépendant qui sélectionne les sièges à partir du plan de sièges d'un vol donné. Air Transat précise que des dispositions sont en place pour veiller à ce qu'un passager qui a besoin d'un siège particulier en raison de troubles médicaux ou d'une déficience puisse se prévaloir de ce service que sa demande soit présentée à l'avance ou au comptoir d'enregistrement le jour du vol. Par ailleurs, le transporteur note qu'un certain nombre de sièges est toujours disponible pour répondre aux besoins des passagers ayant des besoins particuliers. Cependant, Air Transat souligne que par mesure de sécurité, les passagers ayant une mobilité réduite ne peuvent s'asseoir dans une rangée d'issue de secours, même si ces sièges offrent plus d'espace pour les jambes.

[43] Air Transat soutient que ses agents de sélection des places peuvent uniquement aviser si tous les sièges qui peuvent être réservés à l'avance ont été attribués. La majorité des sièges peuvent être présélectionnés, à l'exception de ceux des rangées moins avantageuses, notamment les rangées où les sièges ne sont pas complètement inclinables ou les sièges côté hublot qui n'ont pas un hublot complet. Lorsqu'un passager ayant une déficience dépose une demande de siège accessible, le personnel d'Air Transat passe en revue l'assignation de sièges déjà confirmés pour d'autres passagers dans l'aéronef et il doit faire tout en son pouvoir pour répondre aux besoins particuliers de la personne ayant une déficience. Air Transat ajoute que si le siège le mieux adapté est déjà assigné à un autre passager ayant une déficience, le client doit choisir un autre siège disponible qui répondra à ses besoins particuliers. Lorsqu'aucun autre siège adéquat n'est disponible, Air Transat prendra toutes les mesures possibles pour accorder la demande, notamment en déplaçant d'autres passagers.

[44] Air Transat soutient que tous les agents de son centre téléphonique ont reçu la formation nécessaire pour transférer les appels des passagers ou des agents de voyage au comptoir chargé du traitement des demandes de sièges formulées par ou pour des personnes ayant une déficience, dès que le passager s'identifie comme une personne ayant besoin d'un siège particulier en raison de troubles médicaux ou d'une déficience. Air Transat précise qu'elle déploie tous les efforts nécessaires pour répondre aux demandes particulières soumises par ou pour un passager ayant une déficience, et ce en fonction des renseignements obtenus à l'égard de celui-ci pour déterminer les besoins qui lui sont propres et le siège le mieux adapté à ses besoins.

[45] Air Transat note qu'au cours de la journée à laquelle M. Holt affirme que Mme Stewart a été informée que le vol de départ était complet, plus de 60 p. cent des sièges pouvant être présélectionnés étaient encore disponibles. Il lui est cependant impossible de confirmer si cette information erronée a été transmise à Mme Stewart et de quelle façon. Air Transat ajoute qu'elle serait « disposée à étudier cette question plus à fond » avec M. Holt et Mme Stewart pour tenter d'identifier le représentant ou les représentants d'Air Transat à qui ils ont parlé, si d'autres informations s'avéraient nécessaires à cet égard, puisqu'Air Transat est également soucieuse de savoir si des informations erronées ont été transmises par ses représentants dans la présente affaire.

[46] Air Transat se dit incapable d'expliquer les conversations rapportées par M. Holt au sujet des tentatives faites pour obtenir une confirmation à l'avance de sièges accessibles, étant donné que son dossier de réservation ne contient aucune remarque ni demande à cet égard. Air Transat ajoute que lorsqu'un passager téléphone pour se renseigner sur la possibilité de changer une présélection de siège déjà confirmée, le dossier interne du passager est ouvert pour fins de consultation de l'attribution des sièges en cours et, lorsque le dossier interne est ainsi consulté, le système le date automatiquement au moyen d'un timbre aux initiales de l'agent, même si aucune remarque ni modification n'est apportée à ce moment au siège assigné au passager. Air Transat insiste cependant sur le fait qu'aucune note dans le dossier de M. Holt n'indique que l'attribution initiale de son siège a été révisée par qui que ce soit au service de sélection de sièges, à la suite de la confirmation de sa demande de siège initiale. Par conséquent, Air Transat insiste sur le fait qu'elle ne possède aucun enregistrement des conversations alléguées entre le personnel d'Air Transat et M. Holt au sujet de la possibilité d'obtenir des sièges accessibles. Air Transat ajoute néanmoins qu'elle regrette toute méprise pouvant être survenue à ce moment.

[47] Air Transat reconnaît l'allégation du demandeur qui soutient que Mme Stewart a composé chaque fois le 1-877-872-6728, ce qui est en fait son numéro sans frais. Air Transat se dit toutefois perplexe quant à certains appels téléphoniques que prétend avoir faits Mme Stewart, en particulier l'appel qui aurait été effectué à son centre téléphonique le dimanche 11 mai 2003. À cet égard, Air Transat mentionne que son centre téléphonique est fermé les dimanches, ce qui laisse croire au transporteur que les appels cités par le demandeur pourraient en fait être des appels effectués par Mme Stewart à Sunquest et non à Air Transat. Par ailleurs, Air Transat fait valoir que tout passager qui demande l'aide d'un superviseur est automatiquement transféré par l'agent à un superviseur pour toute aide subséquente.

[48] Air Transat note que Mme Stewart a mentionné qu'un agent d'Air Transat lui avait dit qu'un surclassement dans la Classe Club était impossible, étant donné que tous les sièges avaient été achetés pour le vol de départ. Néanmoins, Air Transat soutient que ses agents ne sont pas en mesure de confirmer de telles informations. Air Transat ajoute que les surclassements à la Classe Club sont traités par le voyagiste. Air Transat note que Sunquest avait peu de sièges disponibles en Classe Club sur le vol en question.

[49] Air Transat indique avoir examiné les dossiers de ses employés en fonction les autres jours mentionnés par Mme Stewart, mais qu'elle n'a pu trouver aucun agent qui corresponde à la description donnée par le demandeur qui se rappelle les conversations rapportées dans les arguments de M. Holt et de Mme Stewart. Par ailleurs, Air Transat note que tous ses agents ont répondu qu'ils auraient transféré l'appel au « bureau spécialisé » ou demandé l'aide d'un superviseur. Air Transat soutient que si l'un de ses agents avait ouvert le dossier de sélection de sièges de M. Holt ou de Mme Stewart, le système informatique aurait horodaté le dossier. Or, les dossiers de M. Holt et de Mme Stewart ne contiennent que l'information inscrite au moment de la réservation initiale.

[50] Air Transat souligne que bien qu'il existe une certaine divergence quant aux communications possibles au sujet des tentatives effectuées pour obtenir une confirmation de l'assignation de sièges accessibles avant la date du voyage, elle juge que le siège le plus accessible pour M. Holt aurait été en fait une place côté allée, puisqu'il aurait pu étendre sa jambe gauche sous le siège devant lui et, au besoin, vers l'allée. Air Transat explique que tous les sièges de l'aéronef qui offrent expressément un espace supplémentaire pour les jambes se trouvent dans une rangée près cloison, qui fait face à un mur fixe et qui aurait ainsi empêcher M. Holt de laisser sa jambe gauche étendue devant lui pendant un vol. En outre, les seuls sièges près cloison qui ne font pas directement face à un mur se trouvent dans une rangée d'issue de secours et, en vertu des règlements de Transports Canada, il est interdit à toute personne ayant une déficience de s'asseoir dans ces sièges pour des raisons de sécurité.

[51] Air Transat s'excuse et affirme qu'elle est consciente des moments difficiles qu'ont dû vivre M. Holt et Mme Stewart, et qu'elle est désolée d'apprendre qu'ils ont dû annuler leurs plans de voyage initiaux, qu'elle reconnaît l'importance du voyage et qu'elle regrette que le couple n'ait pas acheté d'assurance médicale ou annulation lorsqu'ils ont réservé leur forfait auprès de Sunquest, étant donné qu'une telle assurance aurait pu les rendre admissibles à une indemnité pour le voyage.

[52] Air Transat maintient qu'elle s'engage à offrir des services de qualité et des transports accessibles. Air Transat déclare qu'à la suite de l'examen du dossier, elle n'est pas en mesure de déterminer de façon irréfutable qu'il y a eu méfaits de la part de ses agents ni d'accepter quelle que responsabilité que ce soit pour l'incapacité de M. Holt à voyager.

Sunquest

[53] Sunquest soutient qu'elle n'a pas confirmé de sélection de sièges, étant donné que ce service relève directement du transporteur aérien. Par ailleurs, Sunquest indique que les appels effectués au service de réservation sont enregistrés de façon aléatoire à des seules fins de formation. Sunquest affirme que le prétendu refus d'accommoder des passagers dans l'aéronef est indépendant de la volonté du voyagiste, puisque Sunquest « ne possède ni n'exploite aucune société de transport aérien ».

[54] Sunquest explique que lorsqu'un appel provient d'un agent de voyage ou d'un passager, les employés ajoutent au dossier de réservation une remarque concernant les questions abordées et les conseils prodigués. Le système informatique saisit automatiquement le code d'ouverture de session de l'employé et la date à laquelle les remarques ont été inscrites.

[55] Sunquest confirme que les 60 sièges achetés d'Air Transat pour les vols en question étaient tous réservés. Sunquest soutient que les 58 sièges de classe économique et les 2 sièges de classe affaires achetés pour le vol de départ avaient été vendus; et qu'il en avait été ainsi également pour les 56 sièges de classe économique et les 4 sièges de classe affaires achetés pour le vol de retour.

[56] Sunquest mentionne que les renseignements fournis par M. Holt n'identifient pas la personne de Sunquest à qui ils ont parlé les 5, 6 et 7 mai 2003. Sunquest ajoute que les renseignements n'indiquent pas non plus si des messages vocaux ont été laissés. Sunquest prétend que si un passager ou un agent de voyage communique avec son bureau pour discuter de l'achat d'un siège supplémentaire, d'une annulation, etc., son personnel est formé pour noter de telles demandes au dossier du passager, par souci de commodité et pour obtenir une confirmation des renseignements qu'il contient, au besoin. Sunquest affirme que, dans le cas présent, s'il y avait eu échange de renseignements sur l'annulation de la réservation, M. Holt aurait été informé, conformément à sa brochure, que des frais d'annulation seraient imputés. Sunquest ajoute que son personnel n'aborde pas les tarifs ni les montants avec les clients; il leur conseillera plutôt de demander à leur agent de voyage de communiquer avec le bureau de Sunquest pour lui faire part de leur décision.

[57] En outre, Sunquest soutient que toute remarque au sujet de la nécessité de fauteuils roulants ou d'un besoin d'aide aurait été ajoutée à son manifeste de vol. Sunquest affirme qu'aucune remarque n'a été ajoutée au manifeste de vol.

[58] Sunquest explique que lorsqu'une demande lui est formulée par un client pour l'achat d'un siège supplémentaire et qu'aucun n'est disponible, elle se renseigne auprès d'autres voyagistes qui vendent des sièges sur le même vol sur la possibilité d'en acheter un. Sunquest précise qu'elle conseille à ces clients de demander à leur agent de voyage de communiquer avec le bureau de Sunquest pour demander le siège supplémentaire. Sunquest ajoute que l'autre voyagiste est en droit d'accepter ou non de lui vendre un siège. Par ailleurs, Sunquest soutient que rien n'indique qu'une telle demande a été reçue pour M. Holt.

[59] Sunquest note que le 12 mai 2003, son service des opérations a communiqué avec l'agent de voyage pour l'informer que M. Holt et Mme Stewart n'avaient pas pris place sur le vol de départ et pour s'informer de leur vol de retour. Sunquest explique que l'agent de voyage l'a informé le 14 mai 2003 que M. Holt et Mme Stewart ne voyageraient pas.

Réponse de Mme Stewart aux allégations de Sunquest

[60] Mme Stewart déclare que la semaine du 3 mai 2003 s'est avérée un période de « crise et de stress intenses » pour elle et pour M. Holt. Tandis que M. Holt subissait une chirurgie et reposait à l'hôpital, Mme Stewart effectuait les derniers préparatifs de leur voyage, travaillait à plein temps et passait toutes ses soirées avec M. Holt dans sa chambre d'hôpital.

[61] Mme Stewart ajoute qu'elle a d'abord téléphoné à Sunquest, puis à Air Transat (à la recommandation du représentant de Sunquest), dans le but d'obtenir de l'aide au sujet des nouvelles exigences de voyage de M. Holt. Par ailleurs, Mme Stewart indique qu'elle ne savait pas qu'il lui incombait de s'assurer que les représentants du service aux clients ouvraient leur dossier et y consignaient des notes au sujet de leurs conversations. Mme Stewart ajoute que près d'un an plus tard, elle se demande encore si elle est responsable du fait qu'aucune note n'a été consignée, qu'on n'a pu répondre aux besoins en matière de siège de M. Holt et qu'ils n'ont pu voyager comme prévu.

[62] Mme Stewart réitère que toutes les déclarations, tous les souvenirs de conversation et tous les renseignements soumis à Air Transat et à l'Office sont honnêtes et précis. Mme Stewart affirme que tout ce qu'ils ont pour appuyer leur version des événements, ce sont ses propres notes inscrites dans son agenda au cours de la semaine du 5 mai 2003, les déclarations de leurs amis, les conversations avec son agent de voyage au retour de vacances de cette dernière, et leurs propres déclarations au sujet de ce qu'ils ont vécu.

Réponse d'Air Transat aux allégations de Sunquest

[63] Air Transat soutient qu'elle corrobore les renseignements fournis par Sunquest, à savoir qu'elle ne peut commenter qu'à propos de l'assignation des sièges relevant de sa responsabilité. Air Transat réaffirme que ses agents du service de sélection de sièges n'ont pas accès aux renseignements sur le nombre de passagers enregistrés sur un vol donné.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[64] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

[65] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience aux termes du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si la personne visée dans la demande est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions de la LTC en matière d'accessibilité.

[66] À cet égard, l'Office estime qu'il convient d'adopter une méthode libérale et fonctionnelle dans l'interprétation de son mandat en vertu de la Partie V de la LTC. Dans la décision no 482-AT-A-1998, l'Office a déterminé que le terme « personnes ayant une déficience » comprend à la fois les déficiences permanentes et temporaires résultant, par exemple, de troubles médicaux. Dans le cas présent, M. Holt avait subi une opération à la jambe et devait surélever cette jambe pendant toute la durée des vols. Ses possibilités de déplacement étaient par conséquent réduites en raison de troubles médicaux. À la lumière de cette décision antérieure de l'Office, et conformément à la méthode qu'il a adoptée pour s'acquitter de son mandat, l'Office juge que M. Holt est une personne ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC.

[67] L'Office doit ensuite déterminer si les possibilités de déplacement de la personne visée dans la demande étaient restreintes ou limitées par un obstacle et, dans l'affirmative, si cet obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.

Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle?

[68] L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.

[69] Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.

Le cas présent

[70] L'Office reconnaît l'importance de ce voyage pour M. Holt et Mme Stewart et constate la frustration qu'ils ont subie en tentant de régler les arrangements de voyage de M. Holt. L'Office relève également qu'Air Transat a reconnu que M. Holt et Mme Stewart avaient dû connaître des moments difficiles et a présenté ses excuses. À cet égard, et à la lumière des renseignements obtenus, M. Holt a compris qu'il ne pourrait obtenir un siège répondant à ses besoins compte tenu de sa déficience temporaire, et s'est par conséquent senti contraint d'annuler son voyage. L'Office détermine donc que l'assignation des places a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Holt.

L'obstacle était-il abusif?

[71] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[72] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.

Le cas présent

[73] Ayant déterminé que l'assignation des places a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Holt, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.

[74] L'Office reconnaît que des mesures ont été prises par le demandeur et sa fiancée pour faciliter le voyage de M. Holt, notamment par l'achat d'une « attelle gonflable » pour répondre à certains de ses besoins. Néanmoins, Air Transat et Sunquest ne possèdent aucun enregistrement concernant les appels ou les demandes effectués par le demandeur ou par Mme Stewart. L'Office note que Mme Stewart n'est pas certaine de savoir à qui elle s'est adressée à Air Transat ou à Sunquest au sujet des demandes de siège pour M. Holt. De plus, M. Holt n'a pu fournir une liste des appels téléphoniques effectués à des numéros d'appel sans frais, étant donné que ces appels n'apparaissent pas sur les factures téléphoniques à moins de le demander spécifiquement à l'avance. À la lumière des éléments de preuve inconcluants fournis par M. Holt, Mme Stewart, Air Transat et Sunquest, l'Office n'est pas en mesure de déterminer si l'assignation des places a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Holt.

[75] Nonobstant ce qui précède, l'Office juge qu'il se doit de commenter d'importantes questions.

[76] L'Office estime que cet incident souligne l'importance de la tenue de dossiers tant par la personne ayant une déficience que par le fournisseur de transport. L'Office incite, en particulier, les personnes ayant une déficience, que ce soit dans le cadre d'une réservation réelle ou de l'intention de le faire, ou au moment d'apporter des changements à une réservation ou aux arrangements de voyage qui ont été pris, de tenir des dossiers les plus complets possibles, qui consignent les conversations, le nom des personnes-ressources et les dates.

[77] Par ailleurs, l'Office juge que tous les services fournis aux personnes ayant une déficience sont uniques et que des dialogues approfondis sont requis entre toutes les parties, notamment les agents de voyage, les voyagistes et les transporteurs, afin d'éviter tout problème de communication et d'assurer une compréhension claire des besoins des personnes ayant une déficience lors d'un voyage.

[78] En outre, l'Office estime qu'il est essentiel que les transporteurs aériens s'assurent que les voyagistes avec qui ils font affaire connaissent leurs politiques, procédures et services, afin que les personnes ayant une déficience puissent prendre des décisions éclairées quant à leurs options de voyage. L'Office estime aussi que lorsqu'un transporteur aérien et un voyagiste signent un contrat pour la vente de sièges à bord d'un aéronef, ils se doivent alors d'établir clairement la responsabilité de chacun à l'égard de la présélection de sièges et de la prestation d'autres services pour les personnes ayant une déficience, de sorte que le passager ayant une déficience puisse savoir à qui il doit exprimer ses préoccupations en matière d'accessibilité, y compris ses besoins en matière de sièges, afin d'obtenir des réponses.

COMPENSATION

[79] Le paragraphe 172(3) de la LTC prévoit que :

En cas de décision positive, l'Office peut exiger la prise de mesures correctives indiquées ou le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l'obstacle en cause, ou les deux.

[80] Dans le cas présent, l'Office n'est pas en mesure de déterminer qu'il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Holt et par conséquent M. Holt n'a pas droit à une indemnisation en vertu du paragraphe 172(3) de la LTC.

CONCLUSION

[81] À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office conclut que l'assignation des places a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Holt. Cependant, l'Office n'est pas en mesure de déterminer si cet obstacle était abusif. Par conséquent, l'Office n'envisage aucune mesure dans cette affaire.

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