Décision n° 370-W-2006
le 30 juin 2006
RELATIVE aux plaintes déposées par Neil Surry et al; à une plainte conjointe déposée par Amigo Airways Corporation, Seair Seaplanes Ltd. et Kenmore Air Harbor Inc.; et à une intervention déposée par Nanaimo Harbour Link Corporation contre l'Administration portuaire de Nanaimo en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi maritime du Canada, L.C. (1998), ch. 10.
RELATIVE à une audience tenue à Nanaimo (Colombie-Britannique) du 9 au 11 mai 2006.
Référence no W9150-6
TRIBUNAL
Guy Delisle - Membre et Président du tribunal, Office des transports du Canada
Marian Robson - Membre et Présidente de l'Office des transports du Canada
Beaton Tulk - Membre, Office des transports du Canada
PARTICIPANTS
Robert W. Grant - Kenmore Air Harbor Inc., 547471 BC Ltd. (anciennement Amigo Airways Corp.) et Seair Seaplanes Ltd.
Simon R. Wells - Administration portuaire de Nanaimo
CONTEXTE
[1] Le 11 octobre 2005, Neil Surry a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) alléguant que les différents droits imposés par l'Administration portuaire de Nanaimo (ci-après l'APN) aux différents services de transport de passagers comportaient une distinction injustifiée contraire à l'article 50 de la Loi maritime du Canada (ci-après la LMC). Après la réception de la première plainte, 51 autres plaintes ont été déposées pendant la période allant du 12 octobre 2005 au 3 janvier 2006.
[2] Le 17 octobre 2005, une plainte conjointe a été déposée auprès de l'Office par Amigo Airways Corporation (ci-après Amigo) et Kenmore Air Harbor Inc. (ci-après Kenmore). Ces sociétés exploitent des services d'hydravion pour les passagers qui veulent entrer dans le port de Nanaimo ou le quitter.
[3] À la suite du dépôt de la plainte conjointe par Amigo et Kenmore, Seair Seaplanes Ltd. (ci-après Seair) a informé l'Office qu'elle avait acheté l'actif de la société Amigo et qu'elle souhaitait être ajoutée comme plaignant dans la procédure en cours. Seair a indiqué qu'elle était d'accord avec tous les exposés d'Amigo et qu'elle supporterait entièrement l'issue de cette procédure. Étant donné l'intérêt constant que Seair a affiché dans ce dossier, l'Office lui a accordé la qualité de plaignant dans cette procédure.
[4] Le 5 décembre 2005, Nanaimo Harbour Link Corporation (ci-après HarbourLynx), qui, à ce moment, exploitait un traversier rapide entre Nanaimo et Vancouver, a demandé et s'est vu accorder la qualité d'intervenant à l'égard des plaintes déposées contre l'APN. HarbourLynx a appuyé les plaintes.
[5] À la suite d'une demande de l'APN pour clarifier la qualité d'Amigo et de HarbourLynx, étant donné la vente de l'actif de l'une et la faillite de l'autre, l'Office a statué, dans la décision no LET-W-81-2006 datée du 23 mars 2006, que les sociétés Amigo et HarbourLynx maintenaient leur qualité respective de plaignant et d'intervenant.
[6] Dans cette procédure, l'Office a informé les parties de son intention de tenir une audience de trois jours à compter du 9 mai 2006 dans le cadre de son enquête découlant des plaintes déposées en vertu du paragraphe 52(1) de la LMC. Des directives procédurales ont été publiées le 23 mars 2006 et l'audience s'est tenue à Nanaimo, en Colombie-Britannique, les 9, 10 et 11 mai 2006.
QUESTION
[7] L'Office doit déterminer si les différents « droits par passager » imposés par l'APN à certains services passagers réguliers comportent une distinction injustifiée au sens de la LMC.
FAITS
[8] Les transporteurs aériens Amigo, Kenmore et Seair (ci-après les plaignants) exploitent des services d'hydravion pour passagers dans le port de Nanaimo. Actuellement, les plaignants n'utilisent aucune installation de l'APN pour leurs passagers ou leurs opérations.
[9] En décembre 2004, l'APN a informé certains exploitants d'hydravion, dont Amigo et Kenmore, qu'à compter du 1er mars 2005, ils seraient tenus de payer un nouveau « droit par passager » à l'APN. Le « droit par passager » s'élèverait à 1,50 $ par passager transporté à bord d'un hydravion de passagers pour entrer dans le port de Nanaimo ou le quitter, même si l'hydravion n'utilise aucune installation de l'APN.
[10] Avant le 1er mars 2005, l'APN n'imposait aucun droit aux plaignants pour entrer dans le port ou le quitter, sauf s'ils utilisaient l'hydroaérodrome public exploité par l'APN. Lorsqu'ils utilisaient l'hydroaérodrome public, ils devaient payer un droit d'amarrage et un droit de 1,50 $ par passager embarquant ou débarquant à l'installation publique.
[11] Le « droit par passager » ne serait toutefois pas imposé à Harbour Air Ltd. ou à Baxter Aviation Limited (Harbour Air et Baxter), bien qu'elles exploitent aussi des services d'hydravion pour passagers dans le port de Nanaimo et qu'elles livrent une concurrence directe aux sociétés Seair et Amigo. Harbour Air et Baxter payaient déjà un droit par passager aux termes de contrats de location de longue date avec l'APN pour l'utilisation des installations portuaires à l'hydroaérodrome public.
[12] L'APN a aussi conclu un contrat avec BC Ferries pour le paiement d'un « droit par passager ». Comme les plaignants, BC Ferries n'utilise pas les installations de l'APN pour ses passagers ou ses opérations. Aux termes du contrat, BC Ferries perçoit un droit de 0,15 $ par adulte payant son droit d'entrée et 0,10 $ par enfant payant son droit d'entrée. Aucun droit n'est perçu pour les passagers qui voyagent gratuitement. Aux termes du contrat, BC Ferries prélève un « droit par passager » à ses clients, déduit une commission non divulguée et remet le reste du montant à l'APN.
[13] L'APN a aussi établi de nouveaux « droits par passager » pour les exploitants de « services de traversier rapide pour passagers ». Les droits s'établiraient à 0,65 $ par passager transporté à bord d'un traversier rapide pour entrer dans le port de Nanaimo ou le quitter et augmenteraient à 1,00 $ par passager en octobre 2006. Cependant, les « droits par passager » pour les services de traversier rapide ne seraient pas imposés au seul exploitant de traversier rapide, soit HarbourLynx, tant et aussi longtemps qu'il continue de louer les installations de l'APN. HarbourLynx payait déjà un droit par passager aux termes d'un contrat de location existant pour l'utilisation des installations de l'APN au terminal de traversier rapide.
[14] Finalement, l'APN n'a pas imposé de « droits par passager » aux exploitants commerciaux qui transportent des passagers uniquement à l'intérieur du port de Nanaimo, y compris au traversier Gabriola Island de B.C. Ferries, au traversier Protection Connexion vers Protection Island et au traversier Newcastle Island vers Newcastle Island.
FONDEMENT LÉGISLATIF
[15] En vertu de la LMC, les administrations portuaires sont habilitées à fixer les droits pour leurs services conformément aux dispositions suivantes :
49.(1) L'administration portuaire peut fixer les droits à payer à l'égard :
a) des navires, véhicules, aéronefs et personnes entrant dans le port ou en faisant usage;
b) des marchandises soit déchargées de ces navires, chargées à leur bord ou transbordées par eau dans le périmètre portuaire, soit passant par le port;
c) des services qu'elle fournit ou des avantages qu'elle accorde, en rapport avec l'exploitation du port.
(2) L'administration peut fixer le taux d'intérêt frappant les droits impayés.
(3) Les droits que fixe l'administration portuaire doivent lui permettre le financement autonome de ses opérations et également être équitables et raisonnables.
50.(1) L'administration portuaire est tenue d'éviter la discrimination injustifiée entre les utilisateurs ou catégories d'utilisateurs, ou l'octroi d'un avantage injustifié ou déraisonnable, ou l'imposition d'un désavantage injustifié ou déraisonnable, à un utilisateur ou à une catégorie d'utilisateurs.
(2) Ne constitue pas une discrimination injustifiée ou un désavantage injustifié ou déraisonnable la distinction fondée sur le volume ou la valeur des marchandises transportées ou sur toute autre caractéristique généralement admise commercialement.
[16] Aux termes de la LMC, l'Office a le mandat d'examiner les plaintes concernant les droits fixés par les administrations portuaires comme suit :
52.(1) Tout intéressé peut déposer auprès de l'Office une plainte portant qu'un droit fixé aux termes du paragraphe 49(1) comporte une distinction injustifiée; l'Office examine la plainte sans délai et communique ses conclusions à l'administration portuaire qui est liée par celles-ci.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
1. Type de droits
[17] Dans la décision no LET-W-15-2006 datée du 19 janvier 2006, l'Office a rendu une décision préliminaire dans ce dossier laissant entendre que, même si les plaignants Kenmore et Amigo (à ce moment-là) étaient des utilisateurs commerciaux du port, ils ne payaient pas eux-même les droits portuaires contestés. L'Office a plutôt indiqué dans cette décision qu'il concluait que, d'après les éléments de preuve présentés devant lui, les passagers des exploitants d'hydravion payaient le droit lorsqu'ils utilisaient les services de transport offerts. Cela a amené l'Office à conclure que les passagers des hydravions ne sont pas des utilisateurs commerciaux au sens de la LMC et que, par conséquent, l'article 50 de la loi ne s'appliquait pas.
[18] L'Office a invité les participants de l'audience à formuler des observations au sujet de cette constatation préliminaire. Les mémoires reçus, y compris ceux présentés à l'Office lors de l'audience et du plaidoyer final, demandaient tous que l'Office réexamine sa constatation antérieure. Les parties demandaient notamment à l'Office de conclure que les droits portuaires en question étaient des droits « d'utilisation » et non des droits par passager. L'essentiel de leur argumentation reposait sur le fait que les transporteurs paient le droit en le remettant régulièrement à l'APN - et le paiement total dans chaque cas était fondé sur le nombre de passagers transportés. Ce droit, affirmaient les parties, représente un coût d'exploitation que les transporteurs peuvent décider d'imposer ou non aux passagers.
[19] Même s'ils ne s'entendent pas sur le fond du présent cas, les plaignants et l'APN s'entendent pour dire que les droits en cause sont des droits d'utilisation. L'Office annule sa décision préliminaire et prend acte de cette position commune, soit celle que les droits sont des droits d'utilisation, et passera à la prochaine question de droit.
2. Article 49 de la LMC - « entrant dans le port ou en faisant usage »
[20] En vertu de l'alinéa 49(1)a) de la LMC, une administration portuaire est habilitée à fixer les droits à payer à l'égard « des navires, véhicules, aéronefs et personnes entrant dans le port ou en faisant usage » (soulignement ajouté). Au cours de la procédure, il a été reconnu que cette formulation pouvait être restrictive car elle ne faisait référence qu'aux droits perçus pour entrer dans le port - et ne faisait pas référence à un droit perçu pour « quitter le port ». Fondamentalement, cette situation est devenue un problème parce qu'en plus d'une lecture restrictive de la disposition, une partie du tarif de l'APN pouvait être ultra vires, car elle vise à percevoir un droit aux passagers qui quittent le port. Autrement dit, l'élargissement de la portée du tarif pour inclure les passagers « quittant le port » pourrait s'étendre au-delà des pouvoirs juridiques de l'administration portuaire de fixer les droits énoncés à l'alinéa 49(1)a) de la LMC.
[21] Les plaignants soutiennent que l'omission de l'expression « quittant le port » dans l'alinéa 49(1)a) de la LMC est délibérée. Ils reconnaissent qu'un passager qui débarque est une personne qui entre dans le port - et qu'un passager qui embarque, par exemple, pour entrer dans le port à partir de la ville de Nanaimo, entre aussi dans le port. Pourtant, ils affirment qu'un passager « en transit » entre dans le port seulement pour faire son escale. Il n'entre pas de nouveau dans le port pour poursuivre son voyage lorsque le transporteur part vers sa destination finale. En conséquence, ils maintiennent que le « droit par passager » contenu dans le tarif qui s'applique aux passagers d'hydravion en transit quittant le port n'est pas autorisé en vertu de l'article 49 de la LMC.
[22] L'APN a contré cet argument en affirmant qu'une lecture contextuelle de la disposition autorise une administration portuaire à fixer des droits pour les personnes qui entrent dans le port et qui le quittent. Pour appuyer cette affirmation, elle fait référence à la décision rendue par la cour suprême du Canada dans l'affaire Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002, R.C.S. 26, et à E.A. Dreidger dans son document intitulé Construction of Statutes (deuxième édition, 1983).
[23] L'APN soutient que l'article 49 de la LMC est ambigu étant donné la référence subséquente contenue dans l'alinéa a) relative aux droits imposés d'une façon générale aux personnes « utilisant » (ainsi qu'à celles entrant dans le port) le port et que si une telle ambiguïté était présente, elle devait être résolue au profit de l'objet général de la LMC - qui est d'approuver d'une façon générale l'imposition de droits qui aideront le port à conserver sa viabilité commerciale.
[24] Cette question a été soulevée par l'Office lors de l'audience et elle est, par les présentes, résolue au profit d'une lecture générale de la loi. Bien qu'une lecture strictement grammaticale de l'alinéa 49(1)a) de la LMC laisse entendre une intention de restreindre les droits à une personne entrant dans le port, la véritable portée du pouvoir visant l'établissement des droits doit être examinée sans se limiter uniquement aux mots utilisés.
[25] La formulation utilisée à l'alinéa 49(1)a) de la LMC est importante lorsqu'on tente de comprendre le fondement politique de la disposition. Le texte qui suit est d'ordre général puisqu'il autorise des droits pour « utiliser » le port. L'étendue ou la portée d'une administration qui impose des frais pour « utiliser » le port est clairement conforme à l'objectif général de la loi qui favorise l'autonomie et la viabilité financière du port (voir par exemple l'article 4 ainsi que le paragraphe 49(3) de la LMC). Autrement dit, la loi donne une grande latitude à l'administration portuaire pour imposer des droits pour tous les services ou toutes les installations qu'elle peut offrir. La lecture plus étroite qui consisterait à autoriser un droit pour entrer simplement dans un port est contraire à cet objectif parce que cela signifierait que l'administration portuaire peut simplement imposer un droit à l'arrivée ou un droit d'entrée à la barrière - et cela pourrait priver l'administration d'une source de revenu, provenant des utilisateurs du port qui entrent dans le port pour quitter Nanaimo.
[26] L'Office s'est déjà prononcé sur son interprétation de la politique d'imposition de droits en vertu de la LMC lorsqu'il a décrit l'évolution de la politique portuaire du Canada dans l'affaire Harlequin Cruises Inc. et al, c. l'Administration portuaire de Toronto (Décision de l'Office no 437-W-2003 datée du 31 juillet 2003) (ci-après la décision Harlequin). Il a conclu ce qui suit :
Mises à part ces exceptions législatives, et sous réserve de toutes exigences dérogatoires en matière de sécurité et de navigation, l'administration portuaire peut exploiter et gérer ses affaires commerciales courantes. Cette liberté est plutôt nouvelle et devrait être comparée à la gestion portuaire traditionnelle au Canada lorsque les ports appartenaient au gouvernement et étaient gérés par lui.
[27] Les « exceptions » notées dans la citation ci-dessus font référence aux restrictions se rapportant aux biens portuaires énoncées aux articles 44 à 48 de la LMC et à la manière dont une administration portuaire peut fixer des droits (articles 49 à 53).
[28] Finalement, et en plus de tout ce qui précède, l'alinéa 49(1)c) de la LMC fait référence aux droits que peut imposer une administration portuaire pour les services qu'elle fournit ou les avantages qu'elle accorde. Un droit de sortie imposé aux utilisateurs du port, ce qui est essentiellement l'objet de la présente affaire, est un droit imposé aux personnes qui bénéficient directement de l'infrastructure et des services fournis par une administration portuaire. Par conséquent, c'est un droit prévu à l'alinéa 49(1)c) de la LMC.
[29] Placé dans le contexte général des dispositions législatives en vertu de la LMC et d'une stratégie portuaire canadienne en constante évolution qui favorise l'autonomie et l'autosuffisance financière, l'Office conclut que le tarif contesté dans cette affaire est conforme à l'alinéa 49(1)a) de la LMC dans la mesure où il impose un droit pour « quitter le port ».
3. Fardeau - Fardeau de la preuve
[30] Dans leurs mémoires, les plaignants ont affirmé que l'article 52 de la LMC constitue une « inversion du fardeau » dans la loi dans la mesure où tout ce qu'un plaignant doit faire en vertu de la loi est d'établir qu'il s'agit à première vue d'un cas de discrimination. Après quoi, il incombe à l'administration portuaire de fournir une explication concernant la discrimination - sans quoi l'Office rendra sa décision en faveur des plaignants.
[31] Pour appuyer cette proposition, ils ont fait valoir que dans des affaires relevant de la LMC, les utilisateurs portuaires comme les plaignants ne sont jamais en position de connaître les détails concernant les raisons pour lesquelles l'administration portuaire impose des droits particuliers. Par conséquent, et comme dans les cas de discrimination dans le domaine des droits de la personne, il revient au répondant de fournir une justification.
[32] L'Office conclut que les politiques et la jurisprudence à l'égard des droits de la personne ne devraient pas automatiquement déterminer la manière dont seront traités les cas relevant de la LMC. Contrairement aux lois sur les droits de la personne, la LMC est une loi qui réglemente des aspects économiques et qui a été établie, comme il a été susmentionné, pour compenser l'abus possible de l'emprise sur le marché que détient une administration portuaire. Quoi qu'il en soit, il existe un point de ressemblance qui mérite d'être comparé. Dans les deux genres de cas, c.-à-d. les droits de la personnes et les aspects économiques, les plaignants peuvent être désavantagés sur le plan de la production de la preuve concernant la justification possible de la discrimination présumée. Dans les deux cas, les éléments de preuve ayant trait à la justification sont à la portée du répondant.
[33] Dans le cas présent, les plaignants doivent, en vertu de l'article 52 de la LMC, convaincre l'Office, selon la prépondérance des probabilités, que les droits de l'APN comportent une distinction injustifiée. Il s'agit d'un fardeau ultime et demeure la responsabilité de ceux-ci à titre de plaignants. Ce fardeau ne revient pas à l'administration portuaire, à la suite d'une présomption ou d'une inférence suivant la présentation d'un cas prima facie à l'Office par les plaignants.
[34] Le fardeau qui revient à l'administration portuaire est un fardeau probant. Il oblige fondamentalement l'administration portuaire à répondre à la cause des plaignants en produisant une preuve justifiant la ou les discriminations présumées. L'Office évalue ensuite la preuve et l'argument juridique déposés par chacune des parties et détermine s'il s'agit ou non d'un cas de discrimination injustifiée en vertu de l'article 52 de la LMC.
4. Personnes qui ont déposé des formulaires de plainte
[35] Comme il a été mentionné plus haut dans la présente décision, un total de 52 formulaires de plainte ont été déposés auprès de l'Office alléguant que les « droits par passager » imposés par l'APN comportaient une distinction injustifiée. Aucun de ces plaignants n'a répondu à la correspondance de l'Office, aucun d'entre eux n'a présenté d'autres observations ou arguments écrits lorsqu'ils avaient l'occasion de le faire et aucune de ces personnes n'a participé à l'audience tenue à Nanaimo. Par conséquent, l'Office conclut que la participation de ces personnes dans cette procédure s'est limitée au dépôt d'un formulaire de plainte. Puisque aucune de ces personnes ne s'est montrée intéressée à jouer un rôle actif dans la procédure ou n'a participé activement aux diverses étapes de la procédure, l'Office ne fera plus mention de ces personnes dans la présente décision.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Aperçu de la discrimination injustifiée
[36] L'Office a rendu deux autres décisions relevant de la LMC qui expliquent sa compréhension du contexte juridique de cette loi, tant sur le plan de son évolution que sur son fondement politique actuel. Ces décisions sont les suivantes : la décision Harlequin et la décision Adventure Tours Inc. c. l'Administration portuaire de St. John's (décision no 656-W-2005 datée du 31 octobre 2005) (ci-après la décision Adventure Tours).
[37] Ces deux décisions portent sur des plaintes déposées auprès de l'Office en vertu de l'article 52 de la LMC et elles s'avèrent des documents de référence utiles dans l'analyse de la présente plainte déposée contre l'APN.
[38] L'Office ne répétera pas ces conclusions, mais il réitère comme proposition de base que la gestion des ports fédéraux au Canada a évolué au cours des dernières années. Initialement, l'exploitation courante des ports était entre les mains du gouvernement fédéral, tandis qu'ils sont aujourd'hui exploités en autonomie par les divers ports avec une ingérence minimale du gouvernement. La politique claire de la nouvelle loi, établie en 1998, est que chaque port est autonome sur le plan commercial en ce qui concerne les questions de sécurité et de sûreté - qui sont énoncées dans le cadre de la politique maritime nationale.
[39] Cette autonomie d'exploitation n'est pas absolue. Par exemple, le Parlement a placé une restriction sur les droits pouvant être imposés par une administration portuaire en ce qui concerne les « avantages qu'elle accorde, en rapport avec l'exploitation du port » (articles 49 à 53 de la LMC). Ces dispositions donnent aux utilisateurs portuaires un recours ou une protection contre certains types d'abus tarifaire, qui en théorie, peuvent découler de l'utilisation par l'administration portuaire de son emprise sur le marché.
[40] En conséquence, l'article 52 de la LMC protège les utilisateurs contre une « discrimination injustifiée ». Sa signification est expliquée à l'article 50 de la LMC où l'interdiction est identifiée comme incluant une protection contre l'octroi d'un avantage injustifié ou déraisonnable et l'imposition d'un désavantage injustifié ou déraisonnable à un utilisateur ou à une catégorie d'utilisateurs.
[41] Les décisions antérieures de l'Office relevant de cet article ont aussi établi que la loi vise une discrimination injustifiée - une simple discrimination, sans plus, n'est pas un argument suffisant pour contrevenir à la loi. La même explication s'applique à l'avantage ou au désavantage relatif à un droit, qui ne devient problématique que lorsque l'avantage ou le désavantage est « injustifié » ou « déraisonnable ».
[42] À titre de question de politique générale, l'Office conclut que la discrimination concernant les droits (ou l'avantage ou le désavantage concernant les droits) devient injustifiée (ou déraisonnable) lorsque les droits ne sont pas fonctionnellement et rationnellement reliés aux coûts de fourniture du service, ou comme dans la décision Adventure Tours, ne font pas partie intégrante de la stratégie économique générale établie de l'administration portuaire. À ce dernier égard, par exemple, le membre Tulk a conclu qu'il était commercialement acceptable pour l'Administration portuaire de St. John's de donner aux exploitants de bateaux d'excursion le choix entre louer un kiosque du quai 7 ou payer un droit par passager pour l'utilisation du quai 7 à titre de solution raisonnable pour la viabilité commerciale du quai 7.
[43] L'Office conclut que le contraire de « droits injustifiés » est droits « équitables » ou « justifiables ». Dans le contexte des articles 49 à 53 de la LMC, cela signifie que les droits doivent, à tout le moins, faire partie d'un plan financier convaincant, un plan accepté comme une pratique commerciale générale qui, lorsqu'un port est concerné, établi un équilibre entre la viabilité commerciale du port, la sécurité, la sûreté et l'équité envers les utilisateurs portuaires. Si les éléments de preuve, dans tout cas particulier, démontrent que les droits en question sont fixés au hasard ou de façon arbitraire, même s'ils sont établis avec la meilleure intention possible, ils peuvent contrevenir à l'article 50 de la LMC.
Discrimination - Exploitants d'hydravion de l'arrière-port
[44] Les plaignants ont soutenu qu'il y avait une discrimination injustifiée entre eux et les deux exploitants d'hydravion (Baxter et Harbour Air) qui utilisent les installations portuaires à l'hydroaérodrome compte tenu du fait que le « droit par passager » ne s'applique à aucun de ces deux transporteurs. Ils ont allégué que cette manière de faire a créé un avantage et un désavantage injustifiés à l'encontre de Baxter et Harbour Air étant donné qu'ils concurrencent directement les plaignants. L'APN a affirmé que Baxter et Harbour Air paient déjà des « droits par passager » au moyen des paiements qu'ils font aux termes de leur convention de location pour l'utilisation de l'hydroaérodrome. De plus, l'APN a soutenu que les droits par passager payés par Baxter et Harbour Air n'étaient pas liés à l'utilisation des installations portuaires.
[45] Les éléments de preuve présentés devant l'Office indiquent que Baxter a payé un droit par passager aux termes d'une convention de location pendant plus de vingt ans et que Harbour Air paie le même droit aux termes d'une convention de location depuis sa création en 1999. Lorsqu'elle a été questionnée à l'audience, l'APN ne savait pas comment le droit de 1,50 $ par passager avait été fixé pour Baxter. Les éléments de preuve présentés devant l'Office permettent d'établir que lorsque Amigo a communiqué avec l'APN pour louer un espace à l'hydroaérodrome, l'APN aurait permis à Amigo d'exploiter ses services à partir de cet endroit que si elle ne concurrençait pas directement Baxter et Harbour Air. Par la suite, Amigo a décidé de louer des installations de McCully Aviation Ltd. situées à un autre endroit dans le port. Comme il s'agissait d'une installation privée, Amigo n'a fait aucun paiement à l'APN pour l'utilisation de ses installations.
[46] Les éléments de preuve fournis par l'APN indiquent que lorsque les nouveaux « droits par passager » ont été établis avant leur application en mars 2005, l'APN avait décidé d'imposer aux plaignants le même droit de 1,50 $ par passager que celui payé depuis de nombreuses années par Baxter et Harbour Air. L'APN a affirmé que l'imposition de « droits par passager » aux plaignants permettrait de corriger une situation discriminatoire dans laquelle Baxter et Harbour Air paient un droit par passager alors que les plaignants n'en paient pas. Selon l'APN, les plaignants seraient maintenant traités sur le même pied d'égalité que Baxter et Harbour Air. Sur le plan économique, l'Office n'accepte pas cette façon de raisonner de la part de l'APN. Les paiements faits par Baxter et Harbour Air aux termes de leurs conventions ont longtemps fait partie de leur structure de coûts. Les plaignants, compétiteurs de Baxter et Harbour Air, ont aussi une structure de coûts établie pour leurs opérations. La décision de l'APN d'exclure Baxter et Harbour Air des nouveaux « droits par passager » établis pour accroître ses revenus a placé les plaignants dans une situation désavantageuse. Contrairement à leurs concurrents, les plaignants ont dû ajouter un autre élément de coûts dans leur structure.
[47] En ce qui concerne les paiements faits aux termes des conventions, les plaignants et l'APL ont présenté leurs opinions sur la question. Dans le présent cas, l'Office est guidé par la position prise par la cour fédérale dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Westshore Terminals c. l'Administration portuaire de Vancouver ([2002] C.J.F. 260). Dans cette décision, la cour a conclu que les paiements faits aux termes des conventions ne constituaient pas des droits fixés par une administration portuaire en vertu de l'article 49 de la LMC. En appliquant ce raisonnement aux paiements faits par Baxter et Harbour Air aux termes de leurs conventions respectives, ces paiements ne constituent pas des droits.
[48] L'Office n'accepte pas l'argument de l'APN selon lequel les paiements de droits par passager faits par Baxter et Harbour Air aux termes de leurs conventions ne sont en aucun cas liés à l'utilisation des installations portuaires, c.-à-d. les droits s'appliqueraient peu importe si un exploitant d'hydravion utilise ou non les installations portuaires. Si une telle affirmation était vraie, l'APN aurait dû imposer ce droit par passager aux plaignants lorsqu'ils ont commencé leurs services d'hydravion pour entrer dans le port et le quitter. L'Office conclut donc que tous les paiements faits par Baxter et Harbour Air aux termes de leurs conventions sont faits pour l'utilisation des installations portuaires.
[49] L'Office conclut que l'APN a infligé une discrimination aux plaignants en excluant Baxter et Harbour Air du « droit par passager » imposé en mars 2005. Cette discrimination est injustifiée car elle crée un avantage injustifié pour Baxter et Harbour Air et un désavantage injustifié pour les plaignants.
Discrimination - HarbourLynx
[50] Bien que HarbourLynx, l'ancien exploitant de traversier à grande vitesse entre Nanaimo et Vancouver, ait cessé son exploitation à la fin de février 2006, l'Office est d'avis qu'il est utile d'évaluer cet ancien utilisateur portuaire.
[51] Les éléments de preuve présentés devant l'Office indiquent que HarbourLynx avait conclu une convention de location avec l'APN pour l'utilisation des installations portuaires. Une partie des paiements faits aux termes de la convention de location se basait sur le volume de passagers transportés par HarbourLynx pour entrer dans le port ou le quitter. Les droits par passager payés par HarbourLynx aux termes de sa convention ont été utilisés par l'APN comme base pour établir les « droits par passager » introduits en mars 2005 et ils s'appliquaient aux exploitants de services de traversier rapide.
[52] L'APN a indiqué que la convention de location conclue avec HarbourLynx se fondait sur une ancienne convention de location conclue avec la compagnie Royal Sealink en 1992 lorsque celle-ci a commencé à exploiter un service de traversier à grande vitesse entre Nanaimo et Vancouver. Royal Sealink a par la suite cessé ses activités en juin 1993, après une exploitation de 11 mois.
[53] L'APN n'a pas pu fournir une explication sur la façon dont le montant des « droits par passager » payables par les exploitants de services de traversier rapide a été déterminé pas plus qu'elle n'a été en mesure d'expliquer si les « droits par passager » étaient liés à l'importance du service offert aux exploitants de services de traversier rapide. Elle s'est limitée à dire que les « droits par passager » correspondaient au fardeau que ces exploitants imposaient au port.
[54] L'APN a allégué que les nouveaux « droits par passager » établis en mars 2005 ne s'appliquaient pas à HarbourLynx puisque l'exploitant payait déjà des droits par passager aux termes de sa convention. À cet égard, l'APN a affirmé que si HarbourLynx avait décidé de construire son propre terminal et de ne pas utiliser les installations portuaires, elle aurait tout de même été assujettie au même niveau de droits par passager et elle n'aurait pas pu se prévaloir des droits moins élevés s'appliquant à BC Ferries. De plus, si HarbourLynx avait décidé de vendre son traversier à BC Ferries, c'est le droit le plus élevé pour un traversier rapide qui se serait appliqué et non le droit inférieur qui s'applique à BC Ferries.
[55] Comme l'a précédemment mentionné l'Office, les paiements faits aux termes de conventions de location ne constituent pas des droits fixés par une administration portuaire en vertu de l'article 49 de la LMC. Par conséquent, l'Office est d'avis que tout paiement fait par un exploitant de services de traversier rapide aux termes d'une convention ne peut correspondre au paiement d'un droit fixé en vertu de l'article 49 de la LMC. Étant donné qu'un nouvel exploitant de services de traversier rapide serait assujetti aux « droits par passager » établis en mars 2005, contrairement à un exploitant qui a déjà une convention de location, l'Office est d'avis que cela constitue une discrimination injustifiée quant à la manière dont sont appliqués les « droits par passager ».
[56] L'Office conclut que les « droits par passager » s'appliquant aux exploitants de services de traversier rapide ont été fixés d'une manière arbitraire, c.-à-d. en fonction des droits qui avaient été fixés quelques années auparavant sans connaître la façon dont le niveau des droits avait été déterminé. L'Office reconnaît que l'APN a imposé des « droits par passager » aux exploitants de services de traversier rapide pour produire des revenus supplémentaires. Toutefois, l'Office conclut que la manière dont les « droits par passager » ont été établis et la manière de les appliquer sont injustement discriminatoires.
Discrimination - Services de traversier intraportuaires
[57] Les « droits par passager » établis par l'APN en mars 2005 ne s'appliquent pas aux trois services de traversier intraportuaires, soit le traversier Gabriola Island de BC Ferries, le traversier Newcastle Island et le traversier Protection Island. Selon les plaignants, ces services de traversier imposent de plus grandes demandes sur les services portuaires que celles des exploitants d'hydravion. Les plaignants affirment aussi que l'APN n'a pas essayé de justifier pourquoi ces services de traversier ne payaient pas de « droits par passager ».
[58] L'APN a affirmé dans son mémoire que la politique sur les « droits par passager » a pour objet d'imposer des droits aux exploitants offrant des services réguliers aux passagers qui souhaitent entrer dans le port ou le quitter. L'APN a soutenu que les services de traversier intraportuaires ne faisaient pas partie de la politique sur les « droits par passager ». De plus, l'APN a allégué que ces services de traversier ne concurrençaient en aucune manière les services d'hydravion.
[59] L'Office note que les services de traversier intraportuaires bénéficient de nombreux services fournis par l'APN, tout comme les exploitants d'hydravion, l'exploitant des services de traversier rapide et les services de BC Ferries vers Departure Bay et Duke Point. Par conséquent, les services de traversier intraportuaires sont à l'origine d'une partie du fardeau imposé à l'APL.
[60] Le traversier Gabriola Island de BC Ferries peut être classé comme un service essentiel pour les 5 000 résidants permanents de cette île. Le traversier fournit le lien principal vers l'île de Vancouver et assure environ 14 traversées allers-retours quotidiennes à longueur d'année et des traversées hebdomadaires spéciales pour les marchandises dangereuses. Newcastle Island est un parc provincial desservi par le traversier de passagers sur une base saisonnière et celui-ci assure des traversées quotidiennes entre les mois de mai et d'octobre. Protection Island compte un petit nombre de résidants permanents et le Dingy Dock Floating Pub et ceux-ci sont desservis par le traversier de passagers sur une base quotidienne à longueur d'année.
[61] La description ci-dessus des services de traversier intraportuaires indique qu'ils servent des fins et des marchés complètement différents de ceux des exploitants d'hydravion, de l'exploitant de traversier rapide et des services de BC Ferries à destination et en provenance de Departure Bay/Duke Point. Même s'il ne fait aucun doute que l'application des droits par passager constitue une discrimination, en raison de l'exclusion des services de traversier intraportuaires par l'APN, l'Office est d'avis que ce n'est pas une discrimination injustifiée. Le fait que l'APN ne récupère pas de revenus pour compenser certains de ses frais de fonctionnement est, d'après l'Office, conforme à l'objectif de l'APN de promouvoir la région de Nanaimo et de contribuer à la vie communautaire de cette région.
Discrimination - BC Ferries
[62] BC Ferries est une société indépendante qui exploite des services de traversier côtier au nom du gouvernement de la Colombie-Britannique aux termes d'un contrat de services de traversier côtier de 60 ans qui a été conclu le 1er avril 2003. Le préambule de ce contrat contient, entre autres choses, les énoncés suivants :
Le réseau de traversier côtier fait partie intégrante de la croissance économique et de l'évolution de la Colombie-Britannique et il est essentiel de transporter les personnes et les marchandises vers leur destination en toute sécurité, efficacement et à temps....
BC Ferries fait partie intégrante du réseau de traversier côtier de la Colombie-Britannique, il relie l'île de Vancouver à la partie continentale de la Colombie-Britannique et relie de nombreuses autres collectivités côtières. [Traduction]
[63] Ce qui précède illustre que BC Ferries fournit des services de transport essentiels qui permettent de relier l'île de Vancouver à la partie continentale et de relier de nombreuses autres collectivités côtières. Par conséquent, BC Ferries est une entité distincte des exploitants d'hydravion et du service de traversier rapide à Nanaimo puisque aucun de ces derniers ne sont essentiels. Ils sont plutôt des services offerts aux passagers pour des raisons de commodité et pour répondre à la demande de services de rechange pour voyager à destination et en provenance de la région de Vancouver.
[64] Le « droit par passager » qui s'applique à BC Ferries est le montant le moins élevé de tous les « droits par passager » imposés par l'APN depuis mars 2005. L'APN a affirmé qu'elle avait en tête un niveau prévu de revenus pour BC Ferries et que le droit avait été fixé au niveau qui lui permettait de produire ce revenu. À la lumière du fait que l'APN a admis que ses « droits par passager » n'étaient pas liés aux coûts particuliers du port et qu'aucune analyse n'avait été menée pour déterminer le fardeau imposé à l'APN par les différents services, l'établissement du niveau de droit pour BC Ferries semble, selon l'Office, arbitraire. Le « droit par passager » de BC Ferries est discriminatoire comparativement au niveau du « droit par passager » imposé aux autres fournisseurs de services de passagers. Cette situation ne contrevient pas en soi aux dispositions de la LMC, toutefois l'Office est d'avis que la façon arbitraire de fixer les « droits par passager » introduit un élément de discrimination injustifiée.
Discrimination - fournisseurs de services de passagers
[65] La discussion qui précède concernant les divers fournisseurs de services de passagers a fait valoir un certain nombre d'arguments présentés par les parties au sujet d'une discrimination injustifiée. Cependant, d'autres arguments provenant des parties ont été examinés par l'Office et ils constituent une partie importante de son examen des « droits par passager » fixés par l'APN qui comportent une distinction injustifiée.
[66] Dès le début, l'APN a affirmé que l'imposition de « droits par passager » était un moyen de produire des revenus supplémentaires pour couvrir les pertes de fonctionnement enregistrées au cours des dernières années en raison d'une perte de revenu dans l'industrie forestière en baisse. En ce qui concerne les plaignants, l'APN a fait valoir qu'elle voulait mettre fin à la discrimination concernant les droits par passager imposée à Baxter et à Harbour Air et qu'elle voulait traiter tous les exploitants d'hydravion sur le même pied d'égalité.
[67] L'APN a fait valoir que les exploitants d'hydravion, HarbourLynx et BC Ferries se classent dans trois catégories différentes d'utilisateurs. Par conséquent, l'APN a expliqué qu'elle avait le droit d'établir une discrimination entre ces exploitants puisque la LMC le permettait. À cet égard, l'APN a maintenu d'emblée que le volume de passagers est une base légitime pour établir une discrimination entre les utilisateurs et que l'article 50 de la LMC le permettait expressément.
[68] Les plaignants ont reconnu d'emblée que l'APN devait avoir suffisamment de revenus pour couvrir ses frais de fonctionnement de sorte que le port soit autonome financièrement. Les plaignants ont aussi reconnu le droit de l'APN d'imposer des droits pour produire des revenus, mais ces droits ne devaient pas contrevenir aux interdictions contenues dans la LMC. Les plaignants ont allégué que la mention du « volume ou de la valeur des marchandises » à l'article 50 de la LMC ne fait pas référence aux passagers et qu'on ne peut donc pas supposer que les passagers sont inclus. Par conséquent, les plaignants ont fait valoir que la discrimination concernant les droits par passager devait donc relever de ce qui est généralement admis commercialement. À cet égard, les plaignants ont maintenu que l'APN n'a produit aucun élément de preuve pour démontrer que cette pratique était utilisée ailleurs et elle peut donc être jugée comme étant généralement admise commercialement.
[69] Un autre argument présenté par les plaignants est que les « droits par passager » établissent une discrimination injustifiée entre les utilisateurs qui se livrent une concurrence directe pour le même marché de passagers. Les plaignants ont fait valoir que si un passager devait choisir entre divers services de transport, il aurait tendance à choisir le service offrant le droit par passager le moins élevé. Les plaignants ont fait remarquer que les organisateurs de voyages et les agents de voyages ne pouvaient comprendre le niveau différent de « droits par passager » entre les différents fournisseurs de services de transport.
[70] L'Office note que Baxter et Harbour Air exploitent des services à destination et en provenance de l'arrière-port de Vancouver et à destination et en provenance du terminal sud de l'aéroport international de Vancouver. HarbourLynx assurait par le passé des services à destination et en provenance de l'arrière-port de Vancouver. Seair exploite des services à destination et en provenance du terminal sud de l'aéroport international de Vancouver. En conséquence, Harbour Air, Baxter et HarbourLynx se livraient une concurrence directe pour le trafic de passagers à destination et en provenance de la région de l'arrière-port de Vancouver, et Baxter, Harbour Air et Seair se livraient une concurrence directe pour le trafic de passagers à destination et en provenance du terminal sud de l'aéroport international de Vancouver.
[71] En ce qui concerne BC Ferries, les plaignants ont déclaré qu'ils étaient en concurrence avec BC Ferries. Étant donné que BC Ferries est le principal fournisseur de services de transport entre Vancouver et Nanaimo, il y a une concurrence entre BC Ferries et les autres fournisseurs de services de transport qui se sont établis dans le marché Vancouver-Nanaimo. Par conséquent, les exploitants d'hydravion, un exploitant de services de traversier rapide et BC Ferries se livrent tous concurrence pour le trafic de passagers entre Vancouver et Nanaimo.
[72] Même si l'article 50 de la LMC permet d'établir une distinction au chapitre des droits entre les catégories d'utilisateurs, l'Office est d'avis que lorsque les catégories d'utilisateurs se livrent une concurrence directe entres elles, un concurrent ne peut être favorisé ou défavorisé injustement par rapport à un autre concurrent. Si le concept selon lequel un traversier rapide, BC Ferries et un exploitant d'hydravion se classent dans des catégories différentes d'utilisateurs est accepté et que les passagers transportés par chacun d'entre eux sont utilisés à titre de base pour établir un droit, ces passagers devraient recevoir le même traitement. L'Office est d'avis que le fait que l'APN a fixé un « droit par passager » pour les exploitants de services de traversier rapide moins élevé que celui qu'elle a fixé pour les exploitants d'hydravion et qu'elle a fixé un « droit par passager » beaucoup moins élevé pour BC Ferries que ceux qu'elle a fixés pour ces deux usagers a introduit un avantage et un désavantage injustifiés entre des concurrents directs. L'Office conclut que cette situation a introduit un autre élément de discrimination injustifiée dans les « droits par passager ».
Conclusion
[73] Après avoir examiné tous les mémoires et exposés écrits et verbaux, l'Office est d'avis que l'APN agissait de bonne foi lorsqu'elle a tenté, en mars 2005, d'obtenir des revenus supplémentaires au moyen des nouveaux droits imposés aux passagers. D'après l'Office, l'APN n'aurait pas non plus agi sciemment de façon à accorder à certains usagers du port un traitement de faveur ni à en désavantager d'autres injustement. L'Office a toutefois conclu que la façon dont l'APN a appliqué les nouveaux « droits par passager », jumelée à l'établissement arbitraire de ces derniers, a donné lieu à des situations qui contreviennent aux dispositions de la LMC portant sur les distinctions entre utilisateurs ou catégories d'utilisateurs qui sont jugées acceptables. L'Office conclut que les « droits par passager » actuels, qui s'appliquent aux exploitants d'hydravion, aux exploitants de services de traversier rapide et à BC Ferries, contenus dans le tarif passager de l'APN établi en mars 2005 comportent une distinction injustifiée.
[74] Après s'être penché sérieusement sur la situation de l'APN, où il est impossible d'établir une relation directe entre certains coûts et divers utilisateurs portuaires et où il est difficile d'évaluer le fardeau relatif imposé à l'APN par ces différents utilisateurs, l'Office est d'avis qu'une approche plus raisonnable consisterait à traiter tous les utilisateurs sur le même pied d'égalité. Autrement dit, si une administration portuaire est confrontée à ce genre de situation et qu'elle doit se concentrer sur les volumes de passagers transportés par les différents utilisateurs à titre de base pour produire d'autres revenus, les passagers devraient tous être traités sur le même pied d'égalité. Cette approche a été proposée par les plaignants et elle vise à imposer à tous les passagers le même droit, peu importe le type de services de passagers utilisé. Une telle approche serait aussi un moyen direct de produire d'autres revenus, dans le but de couvrir les manques à gagner. De plus, cette approche n'entraînera pas un avantage ou un désavantage injustifié.
Recommandation
[75] L'Office recommande que l'APN remplace son tarif actuel concernant les droits par passager établi en mars 2005 par un tarif révisé dans lequel les droits par passager s'appliquant aux exploitants d'hydravion, aux exploitants de traversier rapide et à BC Ferries ne seront pas injustement discriminatoires. Lors de l'établissement du nouveau tarif de droits par passager, l'APN ne doit pas oublier que les paiements faits aux termes des conventions de location ne constituent pas un paiement des droits fixés en vertu de l'article 49 de la LMC.
Membres
- Guy Delisle
- Marian L. Robson
- Beaton Tulk
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