Décision n° 38-C-A-2002
le 23 janvier 2002
RELATIVE à une plainte déposée par Patricia Morgan contre Air Canada concernant la pénalité imposée pour des changements de réservations applicables aux vols intérieurs.
Référence no M4370/A74/01-732
PLAINTE
Le 25 avril 2001, Patricia Morgan a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la plainte énoncée dans l'intitulé.
Le 18 juin 2001, le personnel de l'Office a demandé qu'Air Canada traite la plainte à la lumière du paragraphe 67.2(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC).
Dans une lettre du 26 juillet 2001, Air Canada a demandé une prolongation jusqu'au 25 août 2001 pour déposer sa réponse à la plainte et, par la décision no LET-C-A-353-2001, l'Office a accordé à Air Canada une prolongation du délai jusqu'au 10 août 2001. Le même jour, Air Canada a déposé sa réponse et le 5 septembre 2001, Mme Morgan y a répliqué.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la LTC, l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la plainte, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
Même si Mme Morgan a fait parvenir sa réplique après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, l'accepte, la jugeant pertinente et nécessaire à son examen de la présente affaire.
Dans sa réponse à la plainte, Air Canada a demandé des détails au sujet de la plainte de Mme Morgan. Après un examen attentif de la demande d'Air Canada, l'Office estime que les faits en cause sont énoncés clairement dans la plainte. Par conséquent, l'Office rejette, par les présentes, la demande de renseignements d'Air Canada au sujet de la plainte de Mme Morgan.
QUESTIONS
L'Office doit déterminer :
- si Air Canada a appliqué, aux fins de ses services intérieurs, des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC; et, si tel est le cas,
- si l'Office devrait suspendre ou annuler cette condition ou lui en substituer une nouvelle.
POSITIONS DES PARTIES
Mme Morgan a acheté un billet pour le voyage qu'elle projetait de faire de Vancouver à Toronto le 19 avril 2001 avec retour à Vancouver le 22 avril 2001. Elle fait valoir que, lorsqu'elle a avisé Air Canada qu'il lui était impossible de voyager aux dates prévues, le transporteur l'a informée qu'elle devait payer une pénalité de 145 $ CAN pour modifier le billet. Mme Morgan affirme que cette pénalité a continué d'augmenter et est maintenant tout à fait déraisonnable. Elle soutient qu'elle souscrirait à des frais d'administration modiques, mais pas à un montant exorbitant comme celui-ci.
Dans sa réponse à la plainte, Air Canada explique que la pénalité se veut une protection ou une restriction efficace, une condition standard dans la vente de billets d'avion et un élément clé de la pratique en vigueur au sein de l'industrie du transport aérien en ce qui concerne l'établissement de prix différentiels. Cette pratique est utile pour répartir les clients selon différents segments de marché, y compris les clients disposés à payer des tarifs supérieurs pour jouir d'une plus grande flexibilité et ceux qui sont prêts à sacrifier cette flexibilité pour payer des tarifs réduits. Selon Air Canada, l'absence d'une pénalité aurait pour effet de compromettre son système de prix différentiels, elle serait dans l'impossibilité de recouvrir ses coûts fixes, et si les clients payant des tarifs réduits jouissaient de la même flexibilité que ceux assumant des tarifs supérieurs, personne ne verserait de montant supplémentaire pour un tarif sans restriction. Comme la pénalité est un moyen efficace pour maintenir l'intégrité de son système de prix différentiels, Air Canada fait valoir que l'augmentation de cette pénalité représente une solution de rechange qui est préférable à l'annulation de son tarif restreint le plus bas, ou encore à l'interdiction d'effectuer des changements à ce tarif.
En outre, Air Canada soutient que la pénalité est un élément clé dans ses systèmes de gestion du rendement et des revenus, du fait que ces systèmes non seulement lui permettent d'établir des prévisions précises sur la demande et d'augmenter le degré de précision de la gestion de sa flotte d'aéronefs, comme la planification des horaires et de la capacité, mais contribuent également au contrôle des ventes et des réservations, ce qui permet de réduire le nombre de défections et de refus d'embarquement.
Enfin, le transporteur soutient que la pénalité ne représente pas une condition déraisonnable du fait que le montant de 145 $ CAN a été établi en fonction des forces du marché, les transporteurs américains ayant procédé à une hausse similaire de leur pénalité. Air Canada ajoute que, si Mme Morgan ne voulait pas accepter les conditions inhérentes aux tarifs restreints, elle aurait dû payer un tarif plus élevé, sans restriction et avec plus de flexibilité.
Dans sa réplique, Mme Morgan affirme que les allégations d'Air Canada n'expliquent pas pourquoi le transporteur impose cette pénalité ni pourquoi il la juge raisonnable. Elle reconnaît le droit d'Air Canada à la différenciation de ses prix, mais s'interroge sur la prétention d'Air Canada selon laquelle la pénalité est l'élément clé de cette différenciation. Se fondant sur les prix et conditions de voyage que lui a mentionnés Air Canada, Mme Morgan affirme que cette prétention est clairement inexacte, la même pénalité de 145 $ CAN étant appliquée par le transporteur à tous ses types de tarif restreint. Elle fait valoir que ces données confirment clairement que la pénalité n'est pas une partie fondamentale de la structure de différenciation des prix.
Mme Morgan ajoute qu'Air Canada n'a pas prouvé le bien-fondé de son allégation selon laquelle la pénalité est importante en ce qu'elle permet au transporteur de prévoir la demande avec précision, d'augmenter le degré de précision de la gestion de sa flotte d'aéronefs et de suivre de près ses ventes et ses réservations. Elle soutient que le lien direct entre ces activités et la pénalité, s'il existe, n'est pas évident.
Enfin, Mme Morgan affirme qu'elle ne voit pas la pertinence des forces et des données du marché américain aux conditions du marché canadien, d'autant que les transporteurs américains dont il est fait mention dans l'argumentation d'Air Canada n'offrent même pas de services entre Vancouver et Toronto.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a également étudié les dispositions tarifaires d'Air Canada relatives à la pénalité imposée dans le cas de Mme Morgan, telles qu'établies à la catégorie 16, règle 4274, du tarif énonçant les règles canadiennes applicables aux services intérieurs, publié par la Airline Tariff Publishing Company. Ces dispositions prévoient en partie ce qui suit :
Le billet est non remboursable.
Changements
Avant le départ
Des frais de 145 $ CAN sont imposés au moment de la réémission ou de la revalidation du billet.
Note –
- Des changements volontaires d'itinéraire sont autorisés à condition que le nouvel itinéraire soit conforme aux dispositions du nouveau tarif;
- Que le nouvel itinéraire soit de valeur égale ou supérieure.
- Si le nouvel itinéraire est de valeur inférieure, aucun remboursement ne sera accordé.
[traduction]
La compétence de l'Office en ce qui concerne les plaintes portant sur les tarifs intérieurs est définie aux articles 67, 67.1 et 67.2 de la LTC. Aux termes du paragraphe 67.2(1) de la LTC, l'Office peut prendre certaines mesures correctives sur réception d'une plainte, lorsqu'il estime que le titulaire d'une licence intérieure a appliqué à son service intérieur des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires. Plus explicitement, le paragraphe 67.2(1) prescrit ce qui suit :
S'il conclut, sur dépôt d'une plainte, que le titulaire d'une licence intérieure a appliqué pour un de ses services intérieurs des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires, l'Office peut suspendre ou annuler ces conditions ou leur en substituer de nouvelles.
En premier lieu, l'Office juge qu'en imposant une pénalité de 145 $ CAN, Air Canada a respecté ses dispositions tarifaires relatives aux pénalités pour des changements de réservations.
La pénalité d'Air Canada pour des changements de réservations applicables au transport entre des points situés au Canada est-elle « déraisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC?
Selon les principes d'interprétation législative, les mots utilisés dans le libellé d'une loi doivent être lus dans leur contexte entier et selon leur sens usuel et leur acceptation courante en tenant compte du régime législatif, de l'objet de la loi et de l'intention du Parlement. Comme l'a mentionné le juge Rouleau de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire ECG Canada Inc. v. M.N.R., [1987] 2 F.C. 415 :
Il ne fait aucun doute que l'approche littérale constitue une méthode reconnue dans le domaine de l'interprétation des lois. Néanmoins, la Cour peut toujours examiner l'objet d'une loi non pas pour modifier ce qui a été dit par le législateur, mais afin de comprendre et de déterminer ce qu'il a dit. L'objet de la loi et les circonstances qui entourent son adoption constituent des considérations pertinentes dont il faut tenir compte non seulement lorsqu'il y a un doute, mais dans tous les cas.
Le terme « déraisonnable » n'est pas défini dans la LTC ni dans le Règlement sur les transports aériens DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA). Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « déraisonnable » comme suit : « going beyond the limits of what is reasonable or equitable; not guided by or listening to reason ». (« au delà des limites de ce qui est raisonnable ou équitable; n'est pas guidé par la raison ou n'entend pas raison ») [traduction]. Le Black's Law Dictionary définit le terme « déraisonnable » comme suit : « irrational; foolish; unwise; absurd; silly; preposterous; senseless; stupid » (« irrationnel, fou, imprudent, absurde, sot, contraire au bon sens, insensé, stupide ») [traduction].
Même si la portée du mot « déraisonnable », par rapport aux conditions de transport, n'a pas été considérée du point de vue juridique au Canada, les tribunaux se sont maintes fois penchés sur sa signification dans des contextes comme la révision judiciaire (C.U.P.E. v. New Brunswick Liquor Corporation, [1979] 2 R.C.S. 227) ou la révision d'une décision discrétionnaire basée sur un facteur non pertinent, un but illégitime ou la mauvaise foi (Associated Provincial Picture Houses v. Wednesbury Corporation, [1948] 1 K.B. 233; Ville de Montréal v. Beauvais, (1909) 42 S.C.R. 211; décision no 445-R-2000 de l'Office des transport du Canada en date du 30 juin 2000). Alors qu'il est difficile d'extrapoler des principes distincts sur la signification du mot « déraisonnable » à partir de ces cas, les tribunaux ont toujours maintenu ce qui suit :
- La signification du mot ne peut pas être déterminée à partir d'un dictionnaire;
- Une signification fondée sur le contexte doit être donnée au mot;
- En général, le mot signifie « sans fondement rationnel ».
Le paragraphe 67.2(1) de la LTC fait partie de la section intitulée « Service intérieur », de la partie II de la LTC (Transport aérien). Cette section renferme 10 dispositions législatives qui prévoient des solutions précises pour les voyageurs tout en imposant des obligations aux titulaires de licence intérieure dans le but de redresser les situations où il est déterminé qu'un prix, un taux, des frais ou d'autres conditions de transport établis de façon unilatérale par un transporteur aérien sont déraisonnables, injustement discriminatoires ou non appliqués par le transporteur. De l'avis de l'Office, le libellé du paragraphe 67.2(1) de la LTC tient compte du fait que le Parlement reconnaît la nécessité d'une réglementation pour atteindre l'objectif établi par la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC qui prévoit en partie ce qui suit :
[...] les liaisons assurées en provenance ou à destination d'un point du Canada par chaque transporteur ou mode de transport s'effectuent, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas :
(i) un désavantage injuste pour les autres liaisons de ce genre, mis à part le désavantage inhérent aux lieux desservis, à l'importance du trafic, à l'ampleur des activités connexes ou à la nature du trafic ou du service en cause,
Cette position correspond à l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, qui prévoit que :
Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.
Pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur est « déraisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, l'Office doit donc s'assurer de ne pas interpréter la disposition de façon à compromettre la capacité des voyageurs d'utiliser avec efficience le recours instauré par le Parlement afin de les protéger contre l'établissement unilatéral de conditions de transport par les transporteurs aériens.
Inversement, l'Office doit également tenir compte de ce qui suit :
- les obligations opérationnelles et commerciales du transporteur aérien visées par la plainte;
- les autres dispositions de la partie II de la LTC visant la protection des consommateurs, qui obligent les transporteurs aériens à publier, afficher ou rendre disponibles des tarifs qui renferment les renseignements requis par le RTA et à n'appliquer que les conditions de transport énoncées dans ces tarifs;
- le fait que les transporteurs aériens sont tenus d'établir et d'appliquer des conditions de transport qui s'adressent à tous les passagers et non pas à un seul en particulier.
Par conséquent, l'Office est d'avis que pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien intérieur est « déraisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, un équilibre doit être établi entre, d'une part, les droits des passagers d'être assujettis à des conditions de transport qui soient raisonnables et, d'autre part, les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien concerné.
L'enquête de l'Office sur la plainte de Mme Morgan a révélé que la pénalité d'Air Canada pour des changements de réservations vise uniquement les tarifs à rabais, est conforme à l'objectif qui consiste à dissuader les voyageurs de changer la date de leur voyage et n'est pas excessive en ce qu'il est toujours possible d'apporter des changements. En outre, l'Office estime que l'imposition de frais pour apporter des changements de réservations est une pratique courante des transporteurs aériens en ce qui concerne les tarifs réduits. Cette pratique aide les transporteurs aériens à établir des prix différentiels pour différents segments de marché et à administrer des systèmes de gestion du rendement et des revenus pour établir des prévisions assez fiables sur les coefficients de remplissage des vols et ainsi maximaliser le rendement. De même, l'Office reconnaît que les tarifs très réduits de transporteurs aériens comportent souvent plus de restrictions que celui d'Air Canada offert à Mme Morgan, y compris une condition interdisant d'apporter des changements aux billets d'avion.
La pénalité d'Air Canada pour des changements de réservations applicables au transport entre des points situés au Canada est-elle « injustement discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC?
Comme pour le mot « déraisonnable », l'expression « injustement discriminatoire » n'est pas définie dans la LTC ou dans le RTA.
En ce qui concerne la signification du mot « discriminatoire », la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Andrews v. Law Society (British Columbia), [1989] 1 C.S.C. 143, a statué que : « (...) la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. »
En outre, dans l'affaire O'Connell v. Canadian Broadcasting Corp. (1988), 88 C.L.L.C. 17, 017, le Tribunal canadien des droits de la personne a statué « qu'une ligne de conduite ou une règle peut être jugée discriminatoire, qu'elle comporte (...) une « discrimination directe » (une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction pour un motif prohibé), ou « une discrimination par suite d'un effet préjudiciable » (une règle ou une norme qui est neutre à première vue et qui s'applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d'employés). ».
Les interprétations judiciaires ci-dessus du mot « discrimination » sont bien reconnues au Canada et ont été utilisées par divers tribunaux et diverses cours (Brooks v. Canada Safeway Ltd., [1989] 4 W.W.R. 193; Canada (Solliciteur général) v. George, [1991] 1 F.C. 344; Headley v. Canada (Commission de la fonction publique), [1987] 2 F.C. 235.). Toutefois, l'Office observe que, contrairement aux contextes des droits de la personne et des relations de travail dans lesquels ces décisions ont été rendues et où le principe dominant est celui de l'intolérance à l'égard de la discrimination, la LTC prévoit que des conditions de transport « discriminatoires » peuvent être tolérées dans la mesure où elles ne sont pas « injustement discriminatoires » [soulignement ajouté à dessein].
Par conséquent, le processus utilisé pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur sur une route intérieure est « injustement discriminatoire » comprend deux étapes. En premier lieu, il incombe à l'Office de déterminer si cette condition de transport est « discriminatoire ». S'il n'y a pas discrimination, l'Office peut mettre fin à son enquête. Toutefois, si l'Office conclut que la condition appliquée par le transporteur intérieur est « discriminatoire », il doit alors déterminer si elle l'est « injustement ».
La signification du mot « indu » a fait l'objet d'une analyse détaillée par la Cour fédérale d'appel dans l'affaire Via Rail Canada Inc. v. Office national des transports et Jean Lemonde, [2001] 2 F.C. 25. Ainsi, la Cour a statué comme suit :
Bien qu'« indu » soit un mot d'usage courant dénué d'un sens technique précis, la Cour suprême du Canada a défini de diverses façons ce terme comme signifiant « illégitime, immodéré, excessif ou oppressif » ou comme exprimant « la gravité ou l'importance ». À cette liste de synonymes, le Concise Oxford Dictionary of Current English ajoute « disproportionate » (disproportionné).
Ce qui ressort clairement de l'ensemble de ces termes, c'est que le caractère indu est une notion bien relative. Je souscris à l'avis exprimé par le juge Cartwright (plus tard juge en chef) dans l'extrait suivant :
[TRADUCTION] « Indu » et « indûment » ne sont pas des termes absolus dont le sens coule de source. Leur utilisation présuppose l'existence d'une règle ou norme définissant ce qui est « dû ». Il ne me semble pas que l'on facilite leur interprétation en leur substituant les adjectifs « illégitime », « immodéré », « excessif », « oppressif » ou « mauvais », ou les adverbes correspondants, en l'absence d'une détermination de ce qui, sous ce rapport est légitime, modéré, tolérable ou bon.
Ainsi donc la bonne façon d'établir si quelque chose est « indu » est d'examiner le contexte. Le caractère indu doit se définir en fonction de l'objet de la disposition législative pertinente. Il peut s'avérer utile d'évaluer les conséquences ou répercussions qu'entraîne l'omission de supprimer la chose indue.
La Cour suprême a également reconnu que ce terme implique la pondération des intérêts des diverses parties. Dans une affaire où il fallait décider si un employeur avait tenu compte du droit d'un employé de pratiquer sa religion sans qu'il en résulte de contrainte excessive, Mme le juge Wilson, se prononçant pour la majorité, a jugé utile de dresser une liste de certains facteurs applicables à une telle appréciation, puis a conclu : « Cette énumération ne se veut pas exhaustive et les résultats qu'on obtiendra en mesurant ces facteurs par rapport au droit de l'employé de ne pas faire l'objet de discrimination varieront nécessairement selon le cas ».
Par conséquent, l'Office est d'avis que, lorsqu'il s'agit de déterminer si une condition de transport appliquée par le transporteur intérieur est « injustement discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, il faut adopter une méthode contextuelle qui permet d'établir un équilibre entre, d'une part, le droit des voyageurs de ne pas être assujettis à des conditions de transport discriminatoires et, d'autre part, les obligations statutaires, opérationnelles et commerciales des transporteurs aériens exerçant leurs activités au Canada. Cette position est également conforme à la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC.
Ainsi, l'Office doit se demander en premier lieu, pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien est « injustement discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, si la condition de transport est discriminatoire.
L'Office conclut que rien au dossier ne laisse croire que la pénalité d'Air Canada pour des changements de réservations est discriminatoire ou qu'elle a été appliquée de façon discriminatoire.
Étant donné que la pénalité d'Air Canada n'est pas « discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, l'Office n'a pas besoin de déterminer si la pénalité est « injustement » discriminatoire.
Compte tenu de ce qui précède, l'Office estime que la pénalité imposée par Air Canada pour des changements de réservations n'est ni déraisonnable ni injustement discriminatoire.
CONCLUSION
À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office rejette, par les présentes, la plainte.
Membres
- Marian L. Robson
- Keith Penner
- George Proud
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