Décision n° 41-AT-A-2008

le 31 janvier 2008

le 31 janvier 2008

RELATIVE à la décision no 555-AT-A-2004 du 20 octobre 2004 – Florence Fineberg contre Air Canada.

Référence no U3570/01-25


CONTEXTE

[1] Dans sa décision no 555-AT-A-2004 du 20 octobre 2004 (ci-après la décision), l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) a statué sur une demande présentée par Florence Fineberg concernant le niveau d'assistance avec fauteuil roulant et l'assignation des sièges lorsqu'elle et son mari ont voyagé avec Air Canada entre Toronto (Ontario) Canada et Fort Lauderdale, Floride, États-Unis d'Amérique, le 8 février 2001, et entre Miami, Floride, et Toronto (Ontario), le 1er mars 2001.

[2] En raison de questions découlant de la restructuration interne d'Air Canada en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, le traitement de ce dossier par l'Office a été interrompu de janvier à août 2005.

[3] Les 30 janvier, 23 février et 16 mars 2007, Air Canada a déposé des éléments de réponse aux exigences prescrites dans la décision.

[4] Le 23 mars 2007, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement au sujet de l'affaire Conseil des canadiens avec déficiences c. Via Rail Canada Inc. 2007 CSC 15 (ci-après le jugement) qui se rapporte au règlement des plaintes par l'Office en vertu des dispositions en matière de transport accessible de la partie V de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (ci-après la LTC). Ce jugement a des répercussions pour l'Office dans le cadre de l'examen du présent dossier, car, en raison du renversement du fardeau de la preuve, il incombe maintenant aux fournisseurs de services de transport intimés de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, tout obstacle décrit dans la demande n'est pas abusif. À la lumière de ces changements sur le plan du cadre analytique de l'examen de l'Office et de l'inversion du fardeau de la preuve, l'Office a rendu la décision no LET-AT-A-154-2007 le 16 août 2007 afin de fournir à Air Canada l'occasion de soumettre d'autres éléments de preuve, si elle le jugeait nécessaire, pour s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe concernant la demande de justification prescrite dans la décision, comme il est indiqué ci-dessous. En réponse, Air Canada a déposé un autre mémoire le 17 septembre 2007.

[5] Dans la décision, l'Office a conclu que le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni à Mme Fineberg à l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (ci-après l'aéroport de Toronto) le 8 février et le 1er mars 2001 a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement. Par conséquent, l'Office, par voie de la décision, a ordonné à Air Canada de prendre les mesures correctives qui suivent dans les trente (30) jours suivant la date de la décision, et il a indiqué qu'il se prononcerait sur le caractère adéquat des mesures prises :

  • Air Canada était tenue de modifier ses politiques afin de clarifier que le code « WCHR » signifie l'obligation de fournir au passager l'assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à l'aéronef ou le quitter, et ce, à toutes les étapes du voyage du passager, y compris les transferts pour prendre un vol de correspondance;
  • Air Canada était tenue de transmettre une note de service à son personnel faisant état de la situation vécue par Mme Fineberg, sans la nommer, soulignant l'importance de fournir aux personnes ayant une déficience les services demandés et précisant la signification du code « WCHR ». Dans la note de service, le transporteur était aussi tenu de rappeler aux agents de réservations et aux autres employés qui, dans le cadre de leurs fonctions, sont appelés à interagir avec des personnes ayant une déficience l'importance d'entamer un dialogue avec ces personnes pour bien saisir leurs besoins particuliers; d'aviser les agents de réservations d'informer les personnes ayant une déficience qui demandent de l'aide avec fauteuil roulant au moment de la réservation qu'un service de voiturette électrique est également disponible; de souligner que certaines personnes qui utilisent des fauteuils roulants ne sont peut-être pas capables d'utiliser une voiturette électrique d'une manière sécuritaire et confortable, en raison de leur déficience; et, advenant qu'un passager indique que le service de voiturette électrique ne convient pas, d'inciter le personnel à inclure une note à cet égard dans le dossier passager;
  • Air Canada était tenue de fournir à l'Office une copie de ses politiques modifiées et de la note de service précitée.

[6] Dans la décision, l'Office a aussi fait une observation préliminaire, à savoir que la politique d'Air Canada de ne pas déplacer les passagers qui n'ont pas de déficience à qui on a assigné des sièges qui avaient initialement été réservés à des passagers ayant une déficience, lesquels se présentent en temps pour se prévaloir de ces sièges, constitue un obstacle abusif. À cet égard, l'Office a ordonné à Air Canada de prendre les mesures suivantes dans les soixante (60) jours suivant la date de la décision :

  • modifier sa politique d'assignation des sièges afin de refléter ce qui suit :
    • les sièges accessibles et, en particulier, les sièges qui sont spécifiquement réservés à l'usage des personnes ayant une déficience, car ils répondent à des besoins précis, devraient être les derniers sièges libérés;
    • lorsque les passagers ayant une déficience se présentent à temps pour se prévaloir des sièges qui leur ont été réservés, à l'origine, les passagers qui n'ont pas de déficience qui sont assis dans ces sièges doivent être déplacés.

[7] Dans l'éventualité où Air Canada jugeait une telle modification irréalisable, elle était tenue d'expliquer clairement les raisons qui justifiaient cette position et d'exposer en détail d'autres méthodes pouvant être prises afin d'éliminer l'obstacle. L'Office a aussi indiqué qu'Air Canada pouvait déposer tout autre renseignement qu'elle considérait pertinent. L'Office a énoncé qu'il rendrait une décision finale sur cette observation préliminaire sur réception de la réponse d'Air Canada à la demande de justification et de tous renseignements supplémentaires que l'Office pourrait exiger d'Air Canada.

QUESTIONS

[8] Dans la présente décision, l'Office doit déterminer si :

  • Air Canada a mis en œuvre les trois (3) mesures correctives ordonnées dans la décision en ce qui a trait au niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni à Mme Fineberg à l'aéroport de Toronto;
  • Air Canada a justifié les raisons pour lesquelles l'Office ne devrait pas conclure que la politique du transporteur de ne pas déplacer les passagers qui n'ont pas de déficience à qui on a assigné des sièges qui avaient initialement été réservés à des passagers ayant une déficience, lesquels se présentent à temps pour se prévaloir de ces sièges, a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Fineberg.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Mesures correctives

[9] En ce qui a trait aux mesures correctives susmentionnées touchant les difficultés éprouvées par Mme Fineberg à obtenir de l'assistance avec fauteuil roulant dans l'aérogare 2 de l'aéroport de Toronto, l'Office a étudié les mémoires d'Air Canada et examiné les mesures prises. L'Office note que, selon les indications au dossier passager, lequel contient les renseignements à propos du passager, y compris les besoins particuliers, Air Canada a fourni la preuve au sujet de la communication des demandes de fauteuil roulant; les répercussions sur l'utilisation du dossier passager et sur les activités; et comment ces demandes sont transmises à ses employés qui assurent le suivi des demandes.

[10] L'Office note aussi que les questions soulevées par Mme Fineberg, au sujet du niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni par Air Canada, ont été réglées par l'Office dans le contexte de décisions qui ont été rendues à la suite de la décision originale visée aux présentes, y compris les décisions nos 249-AT-A-2007, 128-AT-A-2006 et 663-AT-A-2006.

[11] L'Office est d'avis que la preuve soumise par Air Canada en réponse aux mesures correctives concernant le niveau d'assistance fourni à Mme Fineberg et les mesures prises par Air Canada, devraient aider à prévenir la répétition de situations semblables à celle vécue par Mme Fineberg. Par conséquent, l'Office n'envisage pas d'autres mesures relativement à cette affaire.

Demande de justification

[12] En ce qui a trait à la demande de justification au sujet de l'assignation des sièges à bord du vol no 908 d'Air Canada entre Toronto et Fort Lauderdale, l'Office étudiera la réponse d'Air Canada à la demande de justification et la conclusion touchant le caractère abusif de l'obstacle tirée de la décision de l'Office. Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de la personne visée dans la demande au sens de l'article 172 de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de cette personne ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle est abusif. Ce qui suit résume ce que l'Office peut envisager lorsqu'il détermine le caractère abusif des obstacles.

Démarche de l'Office pour déterminer si l'obstacle est abusif

[13] Si l'Office conclut qu'un élément du réseau de transport fédéral constitue un obstacle pour certaines personnes ayant une déficience, il doit par la suite déterminer si celui-ci est abusif, car ce n'est qu'à la suite d'une décision affirmative en ce sens qu'il peut enjoindre au fournisseur du service de transport de prendre les mesures qui s'imposent pour corriger la situation.

[14] Ainsi, dès que le demandeur établit dans sa demande qu'il y a obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, le fardeau de la preuve est déplacé vers le fournisseur du service de transport visé qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif. À cette fin, il doit établir que la source de l'obstacle :

  • est rationnellement liée à un objectif légitime, par exemple aux objectifs établis dans la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC;
  • a été adoptée de bonne foi en croyant sincèrement qu'elle est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;
  • est raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif, de sorte qu'il lui est impossible de répondre aux besoins de la personne ayant une déficience sans se voir imposer une contrainte excessive.

[15] Le fournisseur du service de transport doit démontrer que des efforts d'accommodement raisonnable ont été déployés, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il se soit vu imposer une contrainte excessive. Dans chaque cas, l'« accommodement raisonnable » varie dans une certaine mesure selon les circonstances et dépend d'un équilibre entre les intérêts des personnes ayant une déficience et ceux des fournisseurs de services. Il faut également tenir compte de l'importance et du caractère répétitif ou permanent de l'obstacle et de l'incidence de celui-ci sur les personnes ayant une déficience et sur les considérations et les responsabilités d'ordre commercial et opérationnel du fournisseur de services.

[16] Dans la plupart des cas, plusieurs options s'offriront pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience ou d'un groupe ayant les mêmes caractéristiques. Dans chaque cas, la meilleure option est celle qui respecte la dignité de la personne, répond à ses besoins et promeut l'indépendance, l'intégration et la pleine participation des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral. Tout compte fait, l'accommodement raisonnable se traduira par la solution la plus convenable qui n'imposera pas de contrainte excessive au fournisseur du service de transport.

[17] Afin d'établir qu'il est soumis à une contrainte excessive, le fournisseur du service de transport doit démontrer qu'il a considéré et déterminé qu'il n'y avait aucune autre solution pouvant mieux répondre aux besoins d'une personne ayant une déficience qui se trouve en présence d'un obstacle et qu'en raison de ces contraintes il serait déraisonnable, peu pratique, voire impossible, d'éliminer l'obstacle. À titre d'exemple de contraintes auxquelles sont soumis les fournisseurs de services visés et que l'Office pourrait examiner afin de déterminer si elles sont excessives, notons les suivantes : les questions structurales, de sécurité, d'ordre opérationnel, financier ou économique. Il peut également s'agir de mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et mettre en œuvre, d'horaires ou d'indicateurs qu'ils tentent de respecter pour des raisons commerciales, de la configuration du matériel et d'incidences d'ordre économique qu'entraînerait l'adaptation des services. Ces contraintes peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience, car elles pourraient ne pas être en mesure de voyager avec leur propre fauteuil roulant, être obligées d'arriver à l'aérogare plus tôt pour l'embarquement, et devoir attendre plus longtemps que les personnes n'ayant pas de déficience pour obtenir de l'assistance au débarquement.

[18] Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des contraintes auxquelles les fournisseurs de services de transport sont soumis dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Un équilibre doit cependant être établi entre les diverses responsabilités de ces fournisseurs de services et le droit des personnes ayant une déficience de voyager sans rencontrer d'obstacle. C'est dans la recherche de cet équilibre que l'Office applique les concepts de caractère abusif et de contrainte excessive.

Derniers sièges libérés

[19] Air Canada indique que son système de réservation et de fonctionnement actuel date des années 1980. Puisqu'il ne répond plus à ses besoins, le transporteur élabore actuellement un nouveau système de réservation informatisé qui fournira plus de souplesse. La première phase de ce nouveau système ne sera complétée qu'au printemps 2008.

[20] Air Canada affirme qu'avec le système actuel, l'enregistrement pour les vols intérieurs est automatiquement fermé du côté de l'enregistrement (avant de passer à la sécurité), dans les kiosques et sur le site Web trente (30) minutes « avant le vol », après quoi les passagers ne peuvent s'enregistrer. Au même moment, le système se met en mode « protégé » et seuls les agents d'embarquement peuvent enregistrer des passagers sans bagages. En mode « protégé », tous les sièges sont attribués selon les réservations. Toutefois, cinq minutes plus tard, le système passe au mode « fermé » et tous les sièges attribués aux passagers qui ne sont pas enregistrés sont libérés. C'est alors que les passagers en attente sont enregistrés. En ce qui concerne les passagers déjà enregistrés qui ne se sont pas présentés à la porte d'embarquement dans les 12 minutes avant le départ, leurs sièges seront manuellement libérés. Air Canada fait valoir que cette « règle des 12 minutes » a été adoptée depuis le voyage de Mme Fineberg en 2001 et qu'il s'agit de la limite de temps permise par le transporteur avant de libérer les sièges en raison des mesures de sécurité adoptées en vertu du Règlement de l'aviation canadien (ci-après le RAC).

[21] L'Office accepte la « règle des 12 minutes » d'Air Canada et reconnaît que cette règle illustre le temps maximum qu'Air Canada peut attendre avant de libérer les sièges demandés pour tous les passagers qui, à ce moment, ne se sont pas présentés à l'embarquement. Toutefois, l'Office note que cette « règle des 12 minutes » n'est pas clairement établie dans ses chapitres d'information centraux (c.-à-d., son registre interne des politiques et procédures; ci-après CIC). Par conséquent, Air Canada doit clairement refléter sa « règle des 12 minutes » dans ses CIC et en déposer copie auprès de l'Office dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision.

Réassignation des sièges

[22] L'Office reconnaît que les politiques et les procédures de fermeture de l'enregistrement d'Air Canada sont conçues de manière à favoriser le respect des délais de départ de ses aéronefs et, comme l'a mentionné Air Canada, à garantir la ponctualité essentielle à l'exploitation de l'horaire d'un réseau. L'Office reconnaît que les politiques de fermeture de l'enregistrement d'Air Canada et la volonté légitime de respecter l'horaire sont étroitement reliées et que ces politiques ont été adoptées de bonne foi dans le but d'atteindre cet objectif.

[23] Air Canada indique que, conformément à sa politique, elle n'a pas réassigné de sièges aux passagers qui avaient obtenu les sièges des Fineberg puisque le fait de réassigner des sièges dans de telles situations entraînerait des retards qui s'accumuleraient si les passagers étaient continuellement déplacés une fois à bord de l'aéronef.

[24] Air Canada fait valoir que des décisions doivent être prises afin de répondre aux besoins de ses passagers lors de délais prolongés et « progressifs ». Air Canada explique que l'exploitation irrégulière d'un vol donne lieu à l'arrivée continue de passagers à la porte d'embarquement et qu'à un moment donné, une décision doit être prise de ne plus accepter de passagers et permettre au vol de décoller. Les passagers restant sont alors enregistrés à bord du prochain vol disponible. Le transporteur ajoute que le déplacement à la dernière minute des passagers déjà assis peut être très dérangeant. Air Canada fait valoir que le RAC exige que les passagers soient assis, que leurs bagages soient rangés, que les ceintures soient bouclées et que les sièges et les tables soient en position verticale avant la circulation au sol. Air Canada ajoute que, dans le cas présent, comme l'aéronef attendait la permission de procéder à la baie de dégivrage, « chaque minute comptait ». De plus, Air Canada note que les Fineberg avaient confirmé des sièges répondant à leurs besoins à bord du prochain vol et que, si leur vol initial n'avait pas été retardé, leurs besoins auraient été satisfaits. Air Canada soutient que, puisque la situation des Fineberg est un incident isolé dans des circonstances inhabituelles, cela ne devrait pas servir de fondement pour changer des procédures qui « semblent autrement adéquates ».

[25] En ce qui concerne le temps disponible au déplacement des passagers dans le cas présent, comme l'a noté l'Office dans la décision, Mme Fineberg est restée assise dans son siège pendant quatre heures et demie avant le dégivrage et le départ, pendant que les passagers se levaient et attendaient en ligne pour utiliser les toilettes et que de nombreux autres aéronefs étaient dégivrés.

Meilleure mesure d'accommodement

[26] L'Office est d'avis que la meilleure mesure pour Mme Fineberg est le siège qui répond le mieux à ses besoins; c'est-à-dire celui qu'elle a demandé, qui lui a été assigné à l'avance par Air Canada, mais qu'elle n'a pas obtenu parce qu'il a été libéré juste avant l'embarquement en raison de l'arrivée tardive de son vol précédent. La meilleure mesure dans le cas présent est toujours le siège que Mme Fineberg a demandé à l'avance. Malgré tout, l'Office note que la réglementation canadienne en matière de sécurité exige que les passagers soient assis et que leurs bagages soient rangés avant le départ. De plus, l'Office accepte la position d'Air Canada voulant que la réassignation de passagers dans les quelques minutes avant le départ pourrait être perturbatrice et pourrait avoir un effet cumulatif lorsque les passagers se présentent pour leur vol à la dernière minute. L'Office note aussi la position d'Air Canada voulant que, dans le cas des Fineberg, chaque minute comptait parce que l'aéronef attendait la permission de circuler au sol pour se rendre à la baie de dégivrage. À la lumière de ces considérations de fonctionnement et de sécurité, l'Office conclut, dans le cas présent, qu'il aurait été déraisonnable, jusqu'à créer une contrainte excessive, de s'attendre à ce qu'Air Canada réassigne un siège à Mme Fineberg alors qu'elle montait à bord.

[27] Ayant déterminé que le fait de fournir la meilleure mesure susmentionnée aurait constitué une contrainte excessive pour Air Canada, la prochaine étape est de déterminer si Air Canada a démontré qu'elle a fourni la deuxième meilleure mesure sans se voir imposer une contrainte excessive.

À défaut de la meilleure mesure

[28] Tel qu'il est mentionné dans la décision, la preuve au dossier a démontré qu'il y a eu, après l'embarquement, un retard de plus de quatre heures avant le décollage et que, pendant ce temps, les passagers n'étaient pas tenus de rester assis et que de nombreux passagers ont fait la file pour utiliser les toilettes. À la lumière de ce qui précède, l'Office est d'avis qu'à défaut de la meilleure mesure d'adaptation, un siège répondant aux besoins de Mme Fineberg aurait dû lui être assigné. Toutefois, Air Canada n'a déposé aucune preuve indiquant que de telles mesures ont été entreprises. Par conséquent, l'Office est d'avis qu'Air Canada n'a pas démontré que le fait de déplacer Mme Fineberg après l'embarquement aurait été déraisonnable, voire impossible, sans que le transporteur se voit imposer une contrainte excessive. L'Office conclut donc que l'obstacle posé par la politique d'Air Canada de ne pas déplacer les passagers sans déficience lorsque les passagers ayant une déficience se présentent à temps pour utiliser les sièges qui leur ont été initialement assignés est abusif.

CONCLUSION

[29] À la lumière de ce qui précède et en ce qui a trait aux mesures correctives concernant le niveau d'assistance avec fauteuil roulant fourni à Mme Fineberg à l'aéroport de Toronto les 8 février et 1er mars 2001, l'Office n'envisage pas d'autres mesures relativement à cette affaire.

[30] En ce qui a trait au siège assigné à Mme Fineberg pour son vol entre Toronto et Fort Lauderdale, l'Office estime que l'obstacle posé par la politique d'Air Canada de ne pas déplacer les passagers sans déficience à qui a on assigné des sièges qui avaient initialement été réservés à des passagers ayant une déficience, lesquels se présentent à temps pour se prévaloir de ces sièges, est abusif. Par conséquent, Air Canada est par les présentes tenue, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision :

  • de préciser sa « règle des 12 minutes » dans les CIC et d'en déposer copie auprès de l'Office;
  • d'élaborer une politique d'inclusion dans ses CIC qui exige du personnel qu'il évalue chaque cas dans le but de redresser les situations où les passagers ayant une déficience n'obtiennent pas le siège qui répondrait le mieux à leurs besoins, et de déterminer la possibilité de déplacer un autre passager, avant ou après le décollage, à un moment où il serait sécuritaire de le faire, comme lors du retard de dégivrage pour le vol dont il est question dans l'affaire à l'étude, et avec un niveau acceptable de dérangement pour les autres passagers et les activités à bord. Air Canada doit déposer auprès de l'Office la confirmation qu'elle s'est conformée à cette exigence et a informé son personnel en conséquence.

Membres

  • Gilles Dufault
  • Beaton Tulk
Date de modification :