Décision n° 432-AT-A-2001

le 1 août 2001

le 1er août 2001

DEMANDE déposée par Neil Fecteau, en vertu des paragraphes 172(1) et (3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, relativement au niveau de service qui lui a été offert au cours de son voyage avec Air Canada entre Moncton (Nouveau-Brunswick) et Toronto (Ontario) le 8 septembre 1999.

Référence no U 3570/00-25


DEMANDE

Le 31 mars 2000, Neil Fecteau a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.

Le 4 mai 2000, Air Canada a fait parvenir sa réponse à la plainte et le 18 mai 2000, M. Fecteau y a répliqué.

Le 21 juin 2000, le personnel de l'Office a demandé à Air Canada des précisions supplémentaires. Le 23 juin 2000, Air Canada a demandé une prorogation du délai fixé pour faire parvenir les précisions demandées. Dans sa décision no LET-AT-A-200-2000 datée du 5 juillet 2000, l'Office a accordé à Air Canada jusqu'au 20 juillet 2000 pour lui faire parvenir lesdites précisions. Air Canada a fourni les renseignements demandés le 19 juillet 2000.

M. Fecteau a soumis des commentaires additionnels le 31 juillet 2000 ainsi que le 10 août 2000. Air Canada en a fait autant le 12 octobre 2000. À la demande du personnel de l'Office, la Corporation des Soins de Santé du Sud-Est (ci-après la CSSSE) a fourni des renseignements le 16 octobre 2000 et Air Canada a déposé des renseignements supplémentaires le 27 novembre 2000.

Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Même si la réponse d'Air Canada et la réplique de M. Fecteau ont été déposées après les délais prévus dans les Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23 (ci-après les Règles générales), l'Office, conformément à l'article 6 des Règles générales, les accepte comme étant pertinentes et nécessaires à l'examen de la présente affaire.

QUESTION

L'Office doit déterminer si le niveau de service offert à M. Fecteau a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, les mesures correctives devant être prises.

FAITS

Après avoir été opéré pour une fracture au cou subie lors d'un accident, M. Fecteau a été transféré de l'hôpital de Moncton au Nouveau-Brunswick à l'hôpital général d'Oshawa en Ontario. Le 8 septembre 1999, M. Fecteau, accompagné de son épouse, a fait le voyage Moncton-Toronto comme patient sur civière à bord d'un vol d'Air Canada.

À bord des aéronefs DC-9 munis d'une double rangée de sièges, Air Canada prévoit l'attribution de six sièges pour les passagers sur civière et la personne qui les accompagne. Dans son cas, M. Fecteau s'est vu attribuer trois sièges pour la civière, un pour son épouse et deux autres pour de l'espace privé.

Les employés de la CSSSE, la compagnie d'ambulance en cause dans la présente instance, ont la responsabilité de prêter assistance au passager au moment de l'embarquement et du débarquement. Cette assistance comprend le transfert du passager entre la civière de l'ambulance et celle d'Air Canada et vice-versa. Les employés d'Air Canada doivent fournir les instructions nécessaires aux ambulanciers au sujet de la méthode utilisée pour l'embarquement et le débarquement du passager et toute autre assistance requise, mais ils ne procèdent pas au transfert comme tel et ne prennent aucune décision à cet égard.

Au moment du préembarquement à Moncton, comme la civière utilisée par les ambulanciers ne passait pas par la porte d'entrée du DC-9 et parce que l'utilisation de la civière d'Air Canada n'a pas été envisagée, les ambulanciers ont amené M. Fecteau à bord de l'aéronef au moyen d'un fauteuil roulant de type Washington, conçu pour aider les passagers à prendre place dans leurs sièges passagers et à les quitter. Une fois à l'emplacement désigné à bord de l'aéronef, M. Fecteau a suivi les instructions des ambulanciers et, par ses propres moyens, a grimpé sur les sièges repliés pour se rapprocher de la civière du transporteur. Avec l'aide des ambulanciers et des agents de bord, M. Fecteau a pu monter sur la civière. À l'arrivée du vol à Toronto, M. Fecteau n'a connu aucun ennui ni lors du transfert ni au débarquement.

Le tarif demandé par Air Canada pour le transport sur civière est six fois supérieur au tarif classe économique, selon son tarif publié. Les frais de voyage de M. Fecteau ont été assumés par sa compagnie d'assurance de soins médicaux.

POSITIONS DES PARTIES

M. Fecteau fait savoir qu'il avait été informé avant le voyage qu'on le monterait à bord de l'aéronef sur une civière d'Air Canada qui devait être installée sur trois sièges. Il n'en a toutefois pas été ainsi.

M. Fecteau affirme qu'aucune tentative n'a été faite par les ambulanciers pour faire passer la civière de l'ambulance par la porte de l'aéronef. Il a ajouté qu'à sa grande surprise il a été transféré sur ce qu'il qualifie de « chariot pour personne » à l'embarquement. M. Fecteau fait valoir que même s'il n'a pas été en proie à des souffrances aiguës lorsqu'il est monté à bord de l'aéronef, sa mobilité a été considérablement restreinte en raison de son état médical. Il a, de plus, été étonné d'être avisé de grimper sur les sièges repliés à bord de l'aéronef. Il soutient que son transfert sur la civière d'Air Canada, qui a duré approximativement de 10 à 15 minutes, l'a exposé à un sérieux danger en raison de la nature de sa blessure.

M. Fecteau indique qu'il a demandé au personnel d'Air Canada si la civière pouvait être détachée pour faciliter son transfert, et on lui a répondu que cela n'était pas possible. Il soutient que ni les ambulanciers ni les agents de bord n'avaient d'expérience relativement à la civière qui avait été installée. M. Fecteau est d'avis que si la civière avait été détachée, cela aurait permis d'éviter beaucoup de manœuvres non sécuritaires qui ont été effectuées lors du transfert sur la civière.

M. Fecteau se plaint également de l'emplacement et du confort de la civière d'Air Canada. Selon M. Fecteau, l'emplacement de la civière n'était pas adéquat, son visage étant placé à six pouces du compartiment à bagages au-dessus de lui. M. Fecteau affirme que la civière avait été placée directement contre la fenêtre, ce qui ne lui laissait d'autre choix que de garder ses bras repliés sur lui ou de laisser pendre son bras gauche sur le côté de la civière, position qu'il a trouvé inconfortable. Outre le fait que la civière soit étroite, M. Fecteau déplore le fait qu'on ne lui ait pas offert l'usage des rallonges latérales dont était munie la civière pour appuyer ses bras.

M. Fecteau précise qu'à son arrivée à Toronto, le personnel des services d'ambulance à cet endroit ont apporté une civière à bord de l'aéronef, ce qui, de toute évidence, n'avait pas été envisagé à Moncton. Il estime que son transfert à bord de l'aéronef à Moncton aurait dû se dérouler aussi bien que son transfert à son arrivée à Toronto.

M. Fecteau indique que bien qu'il ait dû faire l'acquisition de cinq sièges pour lui-même, Air Canada ne lui a attribué des points Aéroplan que pour un seul siège. Selon lui, cette politique est tout à fait injuste.

Air Canada indique que la civière du transporteur avait été installée à bord de l'aéronef à Toronto la veille du départ de M. Fecteau. En conformité avec la procédure habituelle d'Air Canada, la civière, qui mesure 72 pouces sur 27 pouces, a été arrimée sur trois sièges repliés. À bord des DC-9, ces civières sont à 36 pouces au-dessus du sol et à 24 pouces au-dessous du compartiment à bagages. Air Canada affirme que ses agents de bord connaissent très bien les procédures à suivre pour ce qui concerne les civières puisqu'elles sont énoncées dans sa publication no 356 intitulée Mesures de sécurité et d'urgence - Personnel de cabine, et qu'ils en ont toujours un exemplaire avec eux dans l'exercice de leurs fonctions.

En ce qui concerne l'embarquement des passagers sur civière, Air Canada explique qu'il incombe aux ambulanciers d'effectuer le transfert des passagers sur les civières et de prendre les décisions qui s'imposent à cet égard. Son personnel est tenu de fournir les renseignements nécessaires aux ambulanciers au sujet de la méthode utilisée pour l'embarquement et le débarquement des passagers, mais ce ne sont pas eux qui effectuent les transferts et ils ne prennent aucune décision à cet égard. La décision finale au sujet de l'équipement médical ou de la technique de transfert à utiliser dans les circonstances revient au personnel des services d'ambulance.

Air Canada précise que selon le personnel de piste qui a prêté assistance à M. Fecteau à Moncton, la civière utilisée par les ambulanciers ne passait pas par la porte d'entrée du DC-9 et l'utilisation de la civière d'Air Canada, qui pouvait être détachée de son cadre, n'a pas été envisagée. Le transporteur explique que les ambulanciers ont pris la décision de transporter M. Fecteau à bord de l'aéronef dans un fauteuil roulant.

Air Canada reconnaît que son personnel de piste à Moncton a fourni des renseignements partiels aux ambulanciers au moment de l'embarquement. Air Canada signale que le transport de passagers sur civière est monnaie courante mais que la plupart des activités d'installation sont effectuées dans les dépôts d'Air Canada à Toronto et Montréal. En conséquence, le personnel du transporteur qui œuvre dans d'autres aérogares s'acquitte rarement d'une telle tâche. Air Canada fait observer que les directives prévues à l'intention de son personnel précisent que la civière est détachable du cadre mais le personnel de Moncton qui a prêté assistance aux ambulanciers a affirmé que cela n'était pas possible.

Air Canada affirme qu'après cet incident son directeur du service à la clientèle à Moncton a passé en revue la procédure à suivre relativement au transport de passagers sur civière établie dans les articles pertinents de la publication no 70 (manuel des opérations de piste) avec chacun des employés présents au moment du transfert de M. Fecteau. Air Canada souligne qu'il leur a été expressément mentionné que la civière comprend deux pièces qui peuvent être enlevées pour faciliter les transferts. La publication no 70 précise notamment le rôle et les responsabilités du personnel de piste et des ambulanciers, donne des précisions sur l'installation des civières et fait état des rallonges latérales qui peuvent être utilisées pour servir d'appui aux bras des passagers, au besoin.

Air Canada ajoute qu'elle a complété ses instructions sur la manipulation des civières en ajoutant dans son CIC 57/20 des instructions d'embarquement et de débarquement précises selon le type d'aéronef. Air Canada est d'avis que ces nouvelles instructions permettront d'améliorer le rendement de son personnel au moment de prêter assistance aux ambulanciers dans l'exercice de leurs fonctions. Air Canada ajoute que ces mêmes instructions ont également été incluses dans la publication no 356.

À la lumière des observations de M. Fecteau, Air Canada a complété un examen de la procédure à suivre relativement au transport de passagers sur civière à bord des DC-9. À la suite de son enquête, Air Canada a conclu qu'elle n'acceptera plus de faire monter des passagers sur civière à bord de tels aéronefs en raison des contraintes d'espace à bord de ceux-ci. Air Canada acceptera toutefois de transporter les passagers sur civière qui pourront être embarqués et débarqués à l'aide d'un fauteuil roulant ou avec l'aide d'un accompagnateur. Air Canada a par la suite modifié le CIC 57/20 en y ajoutant ces nouvelles instructions, et en a fourni une copie à l'Office. Air Canada les a également fait parvenir à ses agents d'aéroport par l'entremise d'un communiqué, dont copie a également été signifiée à l'Office.

Air Canada fait savoir que toutes ses civières ont été remplacées le 15 décembre 1999 et que de l'espace additionnel est maintenant offert aux clients. Par exemple, à bord des DC-9, les civières sont installées à 30 pouces au-dessus du plancher et à 30 pouces au-dessous du compartiment à bagages.

En ce qui concerne les points Aéroplan, Air Canada explique qu'aux termes des conditions de son programme, les passagers peuvent accumuler des points pour des billets achetés en leur nom et qu'un maximum de un billet par vol est prévu. Le transporteur, même si au départ il avait fait savoir qu'il regrettait de ne pouvoir donner satisfaction à M. Fecteau à cet égard, a accepté de quintupler le nombre de points attribués pour ce voyage pour compenser le problème de service.

M. Fecteau estime que les 3 745 points Aéroplan ne représentent guère une consolation. Il répète qu'il a dû acheter cinq billets pour son voyage en raison de ses besoins d'ordre médical, qui exigeaient le transport sur civière.

En réponse à une demande de renseignements de la part du personnel de l'Office, la CSSSE a fait savoir que les deux (2) ambulanciers en cause n'ont pas tenté de monter M. Fecteau à bord de l'aéronef sur la civière de l'ambulance car celle-ci ne passait pas par la porte de l'aéronef. Ils ajoutent ne pas avoir tenté l'expérience avec la civière d'Air Canada. La CSSSE fait valoir que le personnel d'Air Canada a avisé ses ambulanciers qu'une chaise d'embarquement était disponible et que ces derniers se sont par la suite enquéris de l'emplacement de la chaise d'embarquement et de l'endroit où M. Fecteau prendrait place à bord de l'aéronef.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

Pour déterminer s'il existe ou non un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience aux termes du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord établir si le demandeur est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions de la LTC en matière d'accessibilité parce que l'Office reconnaît que certaines définitions du terme « déficience » excluent les déficiences temporaires.

À cet égard, l'Office estime qu'il convient d'adopter une méthode libérale et fonctionnelle dans l'interprétation de son mandat en vertu de la Partie V de la LTC. Dans la décision no 482-AT-A-1998, l'Office a considéré que le terme « personnes ayant une déficience » comprend à la fois les déficiences permanentes et temporaires résultant, par exemple, de troubles médicaux. En l'espèce, M. Fecteau avait été opéré au cou et voyageait sur une civière. Ses déplacements étaient donc restreints en raison de son état de santé. Compte tenu de la décision qu'il a rendue antérieurement et de son mandat, l'Office estime que M. Fecteau, pour les raisons précitées, est une personne ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC.

L'Office doit ensuite déterminer si les possibilités de déplacement du demandeur étaient restreintes ou limitées en raison d'un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.

1. Les possibilités de déplacement du demandeur ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle?

L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui signifie implicitement que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation de quelque chose.

Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. L'Office a déjà conclu qu'il y avait eu des obstacles dans des circonstances très variées. Par exemple, dans certains cas, des personnes n'ont pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité ou de sûreté, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.

Utilisation de la civière

La première partie de la demande de M. Fecteau porte sur l'utilisation de la civière. En vertu du Règlement sur la formation du personnel en matière d'aide aux personnes ayant une déficience de l'Office, Air Canada dispose de programmes de formation et de publications connexes à l'intention de son personnel au sol et de ses agents de bord. Les trois publications suivantes renferment des procédures concernant les civières : La publication no 70 (manuel des opérations de piste), la publication no 356 (Mesures de sécurité et d'urgence - Personnel de cabine) et le CIC 57/20. Toutefois, seule la publication no 70 traite des pièces détachables et des rallonges latérales des civières.

En ce qui concerne l'embarquement des passagers sur civière, dans sa publication no 356, Air Canada mentionne qu'il faut utiliser une de ses civières (paragraphe 82). La publication no 70 (paragraphe 3.01.1, chapitre 14) décrit les responsabilités du personnel d'Air Canada affecté aux services aéroportuaires, notamment celle qui consiste à fournir des renseignements aux ambulanciers sur la méthode utilisée pour l'embarquement ou le débarquement du passager et à leur prêter l'assistance requise. Aux termes du paragraphe 3.01.2, chapitre 14, de la publication no 70, les ambulanciers ont, entre autres, la responsabilité de prêter assistance au passager à l'embarquement, aux arrêts intermédiaires et au débarquement ainsi que d'assurer son transfert entre leur civière et celle d'Air Canada et vice-versa. Ces transferts peuvent se dérouler sur la piste ou à bord même de l'aéronef, la décision revenant aux ambulanciers, qui doivent prendre en considération le type de civière utilisé et la possibilité de la manœuvrer à bord ou à l'extérieur de l'aéronef. La publication no 70, article 3.04, chapitre 14, renferme la procédure à suivre pour détacher la civière.

Conformément aux politiques précitées d'Air Canada :

  • l'embarquement de M. Fecteau devait s'effectuer au moyen d'une civière d'Air Canada;
  • les ambulanciers avaient la responsabilité de l'embarquement de M. Fecteau à bord de l'aéronef;
  • le personnel de service en vol d'Air Canada devait fournir aux ambulanciers les instructions nécessaires sur la méthode à utiliser pour l'embarquement ou le débarquement de M. Fecteau et leur prêter l'assistance requise.

Alors qu'on avait affirmé à M. Fecteau qu'il monterait à bord de l'aéronef sur une civière d'Air Canada, c'est à l'aide d'un fauteuil Washington que l'embarquement s'est effectué. Les ambulanciers ont déterminé que leur civière n'avait pas les dimensions voulues pour qu'ils puissent la faire passer par la porte de l'aéronef. Air Canada a reconnu que son personnel de service en vol n'a même pas envisagé l'utilisation d'une de ses civières, qui aurait pu être détachée de son cadre. Par conséquent, les ambulanciers n'ont eu d'autre choix que de procéder à l'embarquement de M. Fecteau à l'aide d'un fauteuil Washington.

Compte tenu de ces circonstances, l'Office conclut que le personnel d'Air Canada n'a pas exécuté ses obligations. Le transporteur ne peut s'attendre à ce que les ambulanciers connaissent les différentes caractéristiques des civières que les transporteurs utilisent. Il incombe au personnel d'Air Canada de connaître les deux pièces détachables de la civière qui auraient pu faciliter le transfert de M. Fecteau sur la civière de bord. En outre, le personnel d'Air Canada aurait dû communiquer les renseignements nécessaires aux ambulanciers à propos des équipements du transporteur. Le fait que le personnel d'Air Canada en place à Moncton n'a pas à utiliser fréquemment une civière peut expliquer pourquoi l'embarquement de M. Fecteau ne s'est pas effectué en conformité avec la politique d'Air Canada, mais ne peut constituer une excuse.

L'Office estime que lorsque des politiques sont établies pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience, le transporteur a l'obligation de s'assurer que son personnel connaît non seulement l'existence de telles politiques mais est également en mesure de les appliquer. Des politiques bien définies et une mise en œuvre uniforme par les employés sont un des moyens dont disposent les transporteurs aériens pour vérifier que les personnes ayant une déficience ont accès à des services qui répondent à leurs besoins. Les principes énoncés dans les politiques guident les employés dans l'exécution de leurs fonctions reliées au transport des personnes ayant une déficience. L'Office estime que lorsque des services sont offerts de façon uniforme et universelle, les personnes ayant une déficience hésitent moins à faire des projets de voyage et à utiliser le réseau de transport de compétence fédérale puisqu'ils sont confiants qu'on répondra à leurs besoins.

Compte tenu de ce qui précède, l'Office estime qu'il y a eu obstacle aux possibilités de déplacement de M. Fecteau dans la mesure où le personnel de piste et de service en vol d'Air Canada n'a pas détaché la civière de son cadre et n'a pas fourni aux ambulanciers l'assistance nécessaire pour que l'embarquement de M. Fecteau à bord de l'aéronef se déroule conformément à la politique d'Air Canada.

Utilisation des rallonges latérales de la civière

L'utilisation des rallonges latérales est mentionnée dans la publication no 70 et la publication no 356. À l'article 3.02 de la publication no 70, il est précisé que les rallonges latérales peuvent servir d'appuie-bras au client si nécessaire. Dans la publication no 356, l'article 82 prévoit, en partie, que la civière d'Air Canada a été conçue précisément en vue d'assurer le confort des passagers voyageant sur civière à bord des aéronefs d'Air Canada.

En l'espèce, M. Fecteau n'a pu profiter du confort offert par les rallonges latérales, le personnel d'Air Canada n'ayant fait aucune mention de ces pièces. Encore une fois, il incombe au personnel d'Air Canada de connaître les caractéristiques des équipements du transporteur, que ce type de service soit utilisé fréquemment ou non. Comme les rallonges latérales font partie intégrante de la civière, elles contribuent au confort du passager et auraient dû être offertes à celui-ci.

Par conséquent, l'Office juge qu'il y a eu obstacle aux possibilités de déplacement de M. Fecteau dans la mesure où le personnel de piste et de service en vol d'Air Canada ne lui a pas offert l'utilisation des rallonges latérales, conformément à la politique d'Air Canada, ce qui aurait fourni à M. Fecteau un niveau de confort raisonnable au cours du voyage.

2. Les obstacles étaient-ils abusifs

À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, pour permettre à l'Office d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » est également large et signifie habituellement que quelque chose excède ou viole le caractère approprié ou convenable (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte dans lequel l'allégation d'un obstacle abusif est faite. Selon cette approche contextuelle, l'Office doit établir un équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui porte, entre autres, que les modalités selon lesquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

L'industrie des transports conçoit ses services pour répondre aux besoins de ses utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains facteurs doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'instauration d'un service sur les transporteurs aériens. Ces facteurs peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes pourront ne pas être en mesure de monter à bord d'un aéronef avec leur propre fauteuil roulant, elles pourront devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles pourront devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des difficultés que les fournisseurs de services de transport peuvent rencontrer dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut établir un équilibre entre les obligations des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacles abusifs, et c'est dans l'établissement de cet équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.

La civière

Ayant conclu à l'existence d'un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Fecteau, l'Office doit maintenant décider si cet obstacle était abusif.

Outre le fait que les politiques d'Air Canada prévoient expressément que la civière puisse être détachée de son cadre pour éviter que des situations comme celle qu'a vécue M. Fecteau ne se produisent, Air Canada a reconnu d'une part que son personnel de piste n'a pas envisagé d'utiliser la civière d'Air Canada et indiqué d'autre part que le personnel de Moncton qui a prêté assistance aux ambulanciers a affirmé que la civière n'était pas détachable. Quoi qu'il en soit, il est clair que la civière était détachable, puisqu'elle avait été installée la veille à Toronto, et qu'elle n'a pas été utilisée pour le transfert de M. Fecteau.

Qui plus est, l'Office ne peut ignorer que la méthode peu conventionnelle utilisée pour transférer M. Fecteau sur la civière d'Air Canada aurait pu avoir de sérieuses conséquences d'ordre médical en raison de l'opération au cou qu'il avait subie. Lorsqu'une personne ayant une déficience qui voyage sur civière est tenue d'effectuer une manœuvre dangereuse, comme dans le cas de M. Fecteau, cela peut avoir de graves conséquences sur son état physique ou entraîner d'autres blessures. Non seulement une personne ayant une déficience qui utilise une civière dans ses déplacements doit-elle pouvoir voyager avec dignité, mais elle ne devrait pas être tenue d'accomplir des manœuvres peu conventionnelles pour se rendre jusqu'à son siège ou, comme dans la présente instance, jusqu'à une civière.

Par conséquent, le fait qu'Air Canada ait une politique en place pour éviter la situation qui s'est produite en l'espèce, le fait qu'Air Canada ait reconnu que cette politique n'a pas été suivie et les conséquences très sérieuses qui auraient pu en résulter sur le plan médical pour M. Fecteau amènent l'Office à conclure à l'existence d'un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Fecteau.

Les deux rallonges latérales

Ayant conclu à l'existence d'un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Fecteau, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.

L'Office reconnaît qu'un voyage sur civière comporte un certain inconfort pendant un vol. L'existence des rallonges latérales est destinée à offrir un niveau de confort raisonnable au passager sur civière. En l'espèce, M. Fecteau n'a eu d'autre choix que de placer ses mains sur son corps ou de laisser pendre son bras gauche pendant toute la durée du vol. L'Office estime que le niveau d'inconfort enduré par M. Fecteau était incompatible avec son état médical. L'utilisation des rallonges dont était munie la civière lui aurait fourni un niveau de confort minimal et compatible avec ses besoins. Le personnel d'Air Canada n'a pas été en mesure de lui offrir ce confort minimal.

Par conséquent, l'Office conclut que le défaut d'offrir à M. Fecteau l'utilisation des rallonges latérales compte tenu de son état médical, outre le fait que les politiques d'Air Canada prévoient expressément l'utilisation de rallonges latérales pour les passagers voyageant sur civière, constitue un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.

3. Mesures correctives

Mesures prises par Air Canada

L'Office observe qu'Air Canada a revu l'incident avec les employés en poste au moment où M. Fecteau a effectué son voyage et leur a rappelé les procédures énoncées dans sa publication no 70. Air Canada a tout d'abord modifié le CIC 57/20 en y ajoutant des instructions précises d'embarquement et de débarquement pour chaque type d'aéronefs puis les a intégrées également dans sa publication no 356. L'Office note qu'Air Canada a établi le besoin d'instructions particulières pour les DC-9 par suite de l'incident de M. Fecteau et a ensuite ajouté les instructions pour les DC-9 au CIC 57/20. Il est aussi à noter qu'Air Canada a fourni ces instructions à ses agents en place aux aéroports. L'Office constate également que le transporteur a remplacé ses civières en décembre 1999 par de nouvelles civières qui fournissent plus d'espace aux passagers.

Mesures que doit prendre Air Canada

L'Office reconnaît que les mesures correctives d'Air Canada devraient améliorer les conditions de transport des personnes qui voyagent sur civière mais estime que d'autres mesures sont nécessaires pour empêcher que des situations comme celle qu'a vécue M. Fecteau ne se reproduisent.

Par conséquent, le transporteur devra déposer auprès de l'Office les dossiers de formation du personnel de piste de Moncton ainsi que des membres de l'équipe de service en vol en poste au moment de l'embarquement de M. Fecteau le 8 septembre 1999. Le transporteur devra également faire parvenir à l'Office un extrait des manuels de formation à jour pour le personnel de piste et de service en vol traitant du transport de passagers sur civière.

En outre, l'Office estime que même si Air Canada a par la suite ajouté dans son CIC 57/20 des instructions propres aux DC-9, il devrait inclure dans sa publication no 356 des renseignements sur le détachement de la civière de son cadre pour faciliter le transfert du passager et sur l'utilisation des rallonges latérales de la civière pour empêcher que des situations semblables ne se reproduisent. L'Office estime également qu'Air Canada devrait publier un bulletin à l'intention des équipes de piste et de service en vol résumant l'incident de M. Fecteau et rappelant aux employés l'importance de respecter les politiques du transporteur.

4. Autres questions

Tarifs additionnels

En ce qui a trait aux tarifs additionnels, l'Office constate que M. Fecteau n'a pas eu à subir un désavantage financier, ses coûts de déplacement ayant été assumés par sa compagnie d'assurance médicale qui n'est pas partie à cette demande.

Points pour voyageurs assidus

L'Office a également pris note des commentaires de M. Fecteau au sujet de l'attribution des points Aéroplan d'Air Canada. Air Canada avait initialement accordé à M. Fecteau des points en conformité avec les conditions de son programme Aéroplan mais l'Office observe, en réponse à cette plainte, que le transporteur a accordé à M. Fecteau des points additionnels comme geste de bonne volonté pour le problème de service qu'il a rencontré.

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut qu'en n'ayant pas détaché la civière du cadre, en n'ayant pas fourni aux ambulanciers l'assistance nécessaire pour que M. Fecteau puisse être monté à bord de l'aéronef selon la politique d'Air Canada, et en n'ayant pas offert à M. Fecteau l'utilisation des rallonges latérales de la civière, le personnel de piste et de service en vol d'Air Canada a causé des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de M. Fecteau. Par conséquent, l'Office enjoint par les présentes à Air Canada de prendre les mesures correctives suivantes dans un délai de 30 jours à compter de la date de la présente décision :

  • Faire parvenir à l'Office une copie des dossiers de formation du personnel de piste de Moncton et des membres de l'équipe de service en vol en poste au moment de l'embarquement de M. Fecteau le 8 septembre 1999.
  • Faire parvenir à l'Office un extrait des manuels de formation à jour pour le personnel de piste et de vol traitant du transport de passagers sur civière.
  • Modifier sa publication no 356 en y ajoutant des instructions particulières concernant les DC-9, des renseignements sur le détachement de la civière de son cadre pour faciliter le transfert du passager et sur l'utilisation des rallonges latérales pour améliorer le niveau de confort du passager; et fournir à l'Office une copie de la publication modifiée no 356.
  • Émettre un bulletin à l'intention des équipes de piste et de service en vol résumant l'incident de M. Fecteau et rappelant aux employés l'importance de respecter les politiques du transporteur; et faire parvenir à l'Office une copie du bulletin.

Après examen des renseignements demandés, l'Office déterminera si de nouvelles mesures s'imposent dans ce dossier.

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