Décision n° 442-R-2008

le 28 août 2008

le 28 août 2008

PLAINTE déposée par Trackside Holdings Ltd. en vertu de l'article 116 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée, en vue d'obtenir un arrêté exigeant de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada qu'elle s'acquitte de ses obligations de transporteur public.

Référence no T7375-3/07-11


Contexte

[1] Trackside Holdings Ltd. (Trackside) aménage une parcelle cadastrale à Chilliwack (Colombie-Britannique) appelée Parc industriel Trackside. Trackside et ses agents immobiliers font la promotion de ce parc industriel comme site desservi par une ligne de chemin de fer. Actuellement, il n'y a pas d'accès ferroviaire. Trackside tente d'obtenir une voie d'accès par le biais de discussions avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) depuis cinq ans et se dit prête à régler la facture de toutes les améliorations qu'il faudra apporter aux aiguillages et aux épis. CN a étudié la possibilité de fournir le service ferroviaire demandé et les obligations qui lui incombent et, à l'issue de cet examen, CN avisé Trackside qu'elle ne lui fournirait pas le service en question et elle nie que la législation lui impose une obligation à cet égard. Trackside estime que CN agit en contravention des articles 113 à 115 de la Loi sur les transports au Canada (LTC).

Question

[2] CN manque-t-elle à ses obligations de transporteur public en refusant d'autoriser le raccordement d'un épi ferroviaire desservant le Parc industriel Trackside?

Observations préliminaires

Médiation

[3] Trackside a présenté une demande à l'Office en vue d'obtenir les services de médiation pour résoudre cette plainte. Le 22 avril 2008, l'Office a soumis le différend à un médiateur. Aux termes du paragraphe 36.1(6) de la LTC, la médiation a pour effet de suspendre, jusqu'à ce qu'elle prenne fin, les procédures dans toute affaire dont l'Office est saisi.

[4] Le 25 août 2008, l'Office a appris que les parties n'étaient pas parvenues à un règlement au moyen de la médiation. Par conséquent, en vertu de l'alinéa 36.1(6)b) de la LTC, l'échéance du délai dont dispose l'Office pour rendre une décision est le 2 septembre 2008.

Demande de renseignements supplémentaires

[5] Trackside a également demandé que CN fournisse, à elle et à l'Office, des précisions sur les parcs industriels en Colombie-Britannique dans lesquels CN est impliquée. Après le dépôt de la réponse formelle de CN à la plainte de Trackside, Trackside a également demandé que CN fournisse, à elle et à l'Office, des renseignements sur ses clients et des données sur l'exploitation de ses trains sur la subdivision Yale de CN, ainsi que des copies de la correspondance ou des accords conclus avec d'autres promoteurs dans la région.

[6] CN a également posé des questions à Trackside au sujet des points énoncés dans sa plainte.

[7] L'Office a étudié la demande de renseignements déposée par Trackside. Les renseignements sollicités par Trackside n'ont pas pour objectif d'aider l'Office à s'acquitter de son mandat, mais ils ont trait uniquement à la crédibilité de CN et ne soulèvent aucune question de fond. Par conséquent, l'Office n'a pas enjoint à CN de répondre à une quelconque question de Trackside.

[8] L'Office a étudié les questions de CN à Trackside. Même si CN a indiqué que les réponses à ces questions étaient nécessaires pour permettre à l'Office de bien comprendre les points en litige, l'Office a conclu qu'aucun renseignement supplémentaire n'était requis. Par conséquent, l'Office n'a pas enjoint à Trackside de répondre aux questions de CN.

Faits, positions des parties et mémoires

[9] Trackside a acheté une parcelle cadastrale sise au 8180, Aitken Road, à Chilliwack en mai 2005. Cette parcelle est située le long de la subdivision Yale de CN. La subdivision Yale est utilisée pour acheminer du trafic à destination de Vancouver. Compte tenu d'un accord de « circulation directionnelle » conclu avec la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP), le trafic sur cette ligne ne circule qu'en direction ouest.

[10] Trackside fait valoir que la proximité et la disponibilité du service ferroviaire ont joué un rôle décisif dans sa décision d'acheter et d'aménager ce bien-fonds. Trackside fait référence à une étude préparée par Urban Systems pour le compte de la Ville de Chilliwack qui a révélé la possibilité d'aménager un parc industriel/commercial susceptible d'être desservi par une voie ferroviaire.

[11] CN fait valoir que cette étude précise que d'autres discussions avec CN devraient avoir lieu pour assurer la possibilité d'aménager un épi ferroviaire. CN ajoute que Trackside n'a fait que présumer qu'un accès ferroviaire était possible. CN ajoute qu'avant de se porter acquéreur du bien-fonds, Trackside n'a pas communiqué avec elle pour déterminer si un raccordement à cet emplacement était possible. Trackside ne partage pas cet avis et affirme que des discussions multipartites ont eu lieu avec CN, Southern Railway of British Columbia (SRY) et Pacific Northern Rail Contractors Inc. (PNR).

[12] Selon Trackside, au moins 50 à 60 acres de son terrain de 80 acres peuvent être desservies par une voie ferrée. Trackside ajoute que certains clients qui ont manifesté de l'intérêt pour le parc exigeront possiblement des volumes allant de 2 à 3 wagons jusqu'à 25 wagons par semaine. Trackside fait également valoir que ces volumes pourraient passer de 30 à 35 wagons par semaine moyennant le juste amalgame de clients. Aucun de ces éventuels clients ne prendra l'engagement d'emménager dans le parc à moins que Trackside ne puisse confirmer ou garantir qu'un service ferroviaire sera disponible.

[13] CN indique que même si Trackside envisage d'aménager diverses parcelles situées le long de l'emprise de CN, il n'y pas de travaux de construction en cours et ce parc industriel demeure à l'état de projet.

[14] CN fait observer que les éventuels clients qui souhaitent se prévaloir d'un service ferroviaire doivent s'entretenir directement avec elle. CN pourra alors concevoir des plans de desserte qui tiendront compte des produits à expédier ou à recevoir, des origines et des destinations du trafic, de la fréquence des liaisons et des volumes. CN ajoute que Trackside n'a pas elle-même de marchandises à expédier ou à recevoir et qu'il n'y a ni entreprises ni expéditeurs qui soient situés à cet endroit.

[15] Trackside affirme que CN cherche à obliger Trackside à abandonner son projet en majorant progressivement les coûts de tout raccordement pour qu'ils atteignent un niveau déraisonnable. Trackside prétend que, sur une période de trois ans, CN a majoré le coût d'un aiguillage d'environ 150 000 $ à 600 000 $. De plus, Trackside fait valoir que CN a discuté de la possibilité que deux aiguillages soient nécessaires, ce qui entraînerait la création d'une voie de dépassement qui doublerait les coûts de raccordement de Trackside à la voie principale de CN.

[16] CN indique qu'elle a prévenu à maintes reprises Trackside que l'emplacement prévu du parc industriel présentait des difficultés importantes et que la configuration d'une voie d'évitement devait à tout prix tenir compte du trafic sur la subdivision Yale. CN soumet que la subdivision Yale est l'une des lignes les plus achalandées de CN qui accueille du trafic à destination de Vancouver. CN ajoute qu'il y a des répercussions très significatives en matière de sécurité et que l'ajout d'un épi aurait des conséquences importantes sur l'exploitation ferroviaire et la capacité de la voie.

[17] Trackside soutient que les arguments d'exploitation de CN sont trompeurs et que les difficultés dont CN fait état sont normales dans le cadre d'un service ferroviaire. En outre, Trackside affirme qu'advenant que des passages à niveau soient obstrués par des activités de manœuvre, la circulation routière sera déroutée vers d'autres routes existantes. Quant aux préoccupations de CN sur le plan de la sécurité, Trackside s'attend à ce que l'Office saisisse Transports Canada de ces questions.

[18] Selon CN, la question est de savoir si les obligations qui lui incombent en matière de niveau de services englobent l'obligation : 1) de construire un raccordement ferroviaire vers un site qui n'est actuellement pas desservi par chemin de fer; 2) d'assumer les coûts et les risques liés à la construction d'un raccordement ferroviaire vers un site éventuel à l'avance et en prévision de la création d'une demande pour un tel service ferroviaire; 3) d'aider un propriétaire à aménager et à donner de la plus-value à ses terrains; 4) de participer à l'aménagement d'un éventuel site en construisant un raccordement qui risque d'avoir de graves effets nuisibles sur l'exploitation ferroviaire du corridor dans son ensemble.

[19] Trackside soutient que la construction d'aiguillages et d'embranchements privés s'inscrit généralement dans la construction d'une industrie desservie par chemin de fer et se fait toujours avant le début du service ferroviaire. En outre, Trackside affirme que tous les coûts des infrastructures ferroviaires seraient à la charge de Trackside et/ou de ses clients qui utiliseront ce service. Trackside ajoute que, même si un raccordement risque d'avoir des effets néfastes sur les activités ferroviaires, c'est du caractère raisonnable de l'impact qu'il faut tenir compte.

[20] Trackside soutient que CN est en contravention des articles 113 à 115 de la LTC :

  • en refusant à Trackside tous les droits d'un service local de manœuvre;
  • en se livrant à de longues tactiques dilatoires et en refusant de fournir des services de manœuvre ou d'approuver les droits de circulation de SRY;
  • en refusant de promouvoir Trackside comme parc industriel desservi par chemin de fer ou de collaborer aux efforts de Trackside en vue d'aménager un parc industriel desservi par chemin de fer;
  • en n'autorisant pas Trackside à se raccorder à la voie de CN pour acheminer des wagons vers d'autres lignes de chemin de fer;
  • en refusant de répondre au souhait de Trackside d'utiliser le chemin de fer comme une voie de communication continue;
  • en refusant de desservir l'embranchement privé ou la voie d'évitement privée de Trackside et de collaborer au raccordement de ce tronçon de voie avec la ligne de CN.

[21] CN soutient que les obligations qui lui incombent en tant que compagnie de chemin de fer consistent à fournir des aménagements convenables pour le trafic à acheminer. Selon CN, cela signifie que le trafic doit exister pour que les dispositions des articles 113 à 115 de la LTC s'appliquent. CN affirme que le fait d'insinuer qu'une compagnie de chemin de fer est tenue de relier une quelconque de ses lignes de chemin de fer à une propriété attenante à la demande du propriétaire de ladite propriété imposerait des contraintes sans précédent à la LTC. CN affirme que l'alinéa 113(1)a) de la LTC a trait au transport des marchandises et que, même si l'article 114 de la LTC n'est pas une question litigieuse en l'espèce, il importe de tenir compte du fait que l'obligation imposée par l'article 114 concerne le trafic existant. En outre, CN fait valoir que l'obligation de fournir des aménagements convenables pour le raccordement de la ligne de chemin de fer à des voies latérales et à des épis privés est une obligation qui découle expressément des intentions des paragraphes 113(1) et 114(1) de la LTC. Étant donné qu'aucun trafic n'existe à titre de marchandises à transporter, CN indique que l'article 115 de la LTC ne peut pas s'appliquer. CN ajoute que les obligations imposées par les articles 113 à 115 de la LTC ont toujours été interprétées en tenant compte des principes du caractère raisonnable qui doivent englober les questions de sécurité, la nature des activités et le trafic sur le reste du réseau.

[22] CN en déduit qu'il n'y a actuellement pas de trafic ou d'installations sur ce site qui nécessitent d'être desservis par chemin de fer. En outre, CN soutient que les activités prévues à cet emplacement nuiraient à la sécurité de l'exploitation ferroviaire; que tous les expéditeurs utilisant ce tronçon de la subdivision Yale seront incommodés en ce qui a trait à l'avantage résultant de la prestation de ce service, surtout dans le contexte de « l'accord de circulation directionnelle »; et que l'absence de tout trafic rend non applicables les dispositions de la LTC portant sur le niveau de services. CN fait valoir qu'alors qu'il est permis à quiconque de déposer une demande en vertu de l'article 116 de la LTC, les exigences sous-jacentes relatives à un expéditeur et au trafic que l'on se propose d'acheminer demeurent néanmoins.

[23] Trackside affirme que l'interprétation par CN des dispositions portant sur le niveau de services repose sur une thèse circulaire et n'est pas conforme à une interprétation franche de la LTC. Trackside affirme que, même si CN prétend qu'il n'y a pas de trafic et que, par conséquent, la LTC ne s'applique pas, CN refuse également de confirmer qu'en cas d'existence de trafic, CN en assurerait l'acheminement. Trackside soutient que CN a créé un climat où il n'y a pas de trafic ou il n'y en aura jamais étant donné que CN refuse de confirmer la disponibilité ainsi que le coût et la méthode du service ferroviaire. Trackside fait valoir que si l'Office partage l'avis de CN, les dispositions de la LTC portant sur le niveau de services seront neutralisées à moins que des wagons n'attendent d'être expédiés immédiatement. Trackside partage l'avis de CN selon lequel la LTC doit être interprétée en vertu du principe du caractère raisonnable et qu'il appartient à l'Office de déterminer si CN peut raisonnablement refuser de desservir Trackside et ses clients ou si CN doit, au titre de ses obligations de transporteur public, collaborer à l'implantation d'industries le long de sa ligne.

[24] Trackside affirme par ailleurs que CN enfreint les articles 95.1, 127 et 130 de la LTC, en plus d'avoir abandonné l'exploitation de sa ligne de chemin de fer traversant Chilliwack, ce qui va à l'encontre de la section V de la partie III de la LTC.

[25] L'article 95.1 de la LTC traite du niveau raisonnable du bruit et des vibrations attribuables à la construction ou à l'exploitation d'un chemin de fer. Trackside établit un lien entre cette infraction et son affirmation selon laquelle CN a abandonné le service de manœuvre local. Trackside affirme que si CN a cessé l'exploitation du service, elle n'a pas le droit d'émettre du bruit et des vibrations en faisant circuler des trains par Chilliwack et le long de la propriété de Trackside. CN indique qu'elle n'a pas cessé l'exploitation du service de manœuvre local et, quoi qu'il en soit, affirme que l'article 95.1 ne s'applique nullement au recours sollicité par Trackside.

[26] Trackside affirme par ailleurs qu'étant donné que sa propriété est située dans un rayon de 30 kilomètres des jonctions avec SRY, CP, la ligne de CN qui longe la propriété de Trackside et sur laquelle CP a des droits de circulation, BNSF Railway Company (BNSF) et les voies de BNSF sur lesquelles Union Pacific Railway Company a des droits de circulation, CN entrave les droits de Trackside de bénéficier d'une interconnexion en vertu de l'article 127 de la LTC, ce qui, à son tour, empêche Trackside d'avoir accès aux prix de ligne concurrentiels en vertu de l'article 130. CN soutient que l'article 127 ne s'applique qu'à l'interconnexion du trafic à destination d'un expéditeur et que cette disposition de la LTC ne s'applique pas à Trackside car il n'y a pas de trafic à acheminer et Trackside n'est pas un expéditeur.

[27] La section V de la partie III de la LTC traite du processus de transferts et de cessation de l'exploitation de lignes de chemin de fer. L'objet de ces dispositions est d'autoriser une compagnie de chemin de fer à se dessaisir de voies qui, selon elle, ne font plus partie intégrante de son réseau. Comme elle l'a affirmé au sujet de l'article 95.1 de la LTC, Trackside soutient que CN a cessé l'exploitation de lignes en contravention de la section V de la partie III de la LTC. CN soutient pour sa part qu'elle n'a pas cessé l'exploitation de lignes, mais plutôt que la demande de services a cessé d'exister en l'absence de tout expéditeur à desservir.

Analyse et constatations

[28] Les obligations imposées par la loi aux compagnies de chemin de fer de compétence fédérale sont énoncées aux articles 113 à 115 de la LTC. Ces articles font état des services qu'une compagnie de chemin de fer doit fournir pour accueillir du trafic. L'article 113 de la LTC traite des dispositions sur le niveau de services d'une compagnie de chemin de fer ou ce que l'on appelle généralement les obligations de transporteur public. En vertu de cet article, une compagnie de chemin de fer doit fournir, dans le cadre de ses attributions, des installations convenables pour la réception, le chargement, le transport, le déchargement et la livraison des marchandises à transporter par chemin de fer. Aux termes de l'article 116 de la LTC, l'Office peut enquêter sur une plainte relative au niveau de services. En outre, l'Office est investi du pouvoir d'ordonner réparation s'il détermine que les obligations en matière de services ne sont pas respectées.

[29] En ce qui concerne les marchandises « à transporter par chemin de fer », l'expression n'est pas définie dans la LTC, même si on l'a interprétée comme désignant les marchandises effectives par opposition aux marchandises éventuelles dans diverses décisions émises par l'Office et les organismes qui l'ont précédé.

[30] En 1998, l'Office a rendu la décision no 475-R-1998 à l'égard d'une plainte déposée par la Commission canadienne du blé. En l'espèce l'Office a déterminé que :

Les dispositions de la LTC sur le niveau de services portent qu'une compagnie de chemin de fer doit fournir « des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises à transporter par chemin de fer ». Ainsi qu'il a été dit, cette obligation n'est pas absolue, mais l'Office convient que le nombre de déchargements, déterminé grâce au processus relatif au GPAW [Groupe de la politique d'affectation des wagons], est un indicatif raisonnable du niveau de services que doit fournir le CP à moins que les circonstances ne justifient le contraire. Toute autre conclusion enlèverait toute pertinence à ce processus.

[31] Dans la décision no 103-R-2000 rendue à la suite d'une plainte déposée par le village de Stenen, l'Office a conclu que :

La preuve présentée par les parties indique que l'embranchement appartient au CN et qu'il est présentement loué au SWP [Saskatchewan Wheat Pool]. Les obligations du CN à Stenen se limitent donc au seul trafic du SWP. Quant au silo-élévateur situé tout près de l'embranchement à Stenen, il appartient au SWP. En 1998, la Commission canadienne des grains a retiré la licence du silo-élévateur à la demande du SWP. La preuve démontre que le SWP a cessé ses activités à Stenen et qu'il ne requiert plus une desserte ferroviaire à cet endroit. La preuve démontre également qu'aucun envoi de grains n'a été acheminé en provenance de Stenen depuis 1998.

[32] Dans la décision no 323-R-2002 à l'égard d'une plainte sur le niveau de services déposée par Naber Seed and Grain Co. Ltd. (NSG), l'Office a décidé que :

Au cours de l'instance, les parties ont présenté diverses séries de statistiques pour décrire le niveau de service fourni à NSG, notamment en ce qui a trait au nombre de wagons-trémies commandés par NSG et au nombre de wagons fournis par CN. Le nombre ou l'importance des commandes et le nombre de wagons affectés a varié d'une semaine à l'autre, mais la série d'indicateurs de rendement de CN a, dans l'ensemble, été semblable à celle de NSG.

[33] Et plus récemment dans la décision no 344-R-2007, l'Office, dans l'examen d'une plainte sur le niveau de services déposée par la Great Northern Grain Terminals Ltd.(GNG) contre CN, a déterminé que :

La nature et la portée du manquement de CN dans le cas à l'étude et les répercussions pour GNG, advenant le maintien du statu quo, justifient une réparation pour cet expéditeur qui correspond à ce dont il a raisonnablement besoin pour pouvoir exercer ses activités de façon viable. En d'autres mots, l'Office a conclu que le service ferroviaire offert à GNG était sporadique et marqué par une insuffisance de wagons.

[34] La caractéristique commune à toutes ces décisions est que les obligations relatives au niveau de services sont déterminées en tenant compte des marchandises à transporter par chemin de fer et que toutes les décisions traitent de trafic ferroviaire effectif. Dans l'affaire de la Commission canadienne du blé, l'un des facteurs décisifs a été le niveau effectif de déchargement des wagons. Dans la plainte déposée par le Village de Stenen, les obligations de service se sont limitées aux marchandises effectives à transporter par chemin de fer pour le compte du Saskatchewan Wheat Pool; dans la plainte de NSG, les omissions avaient trait au nombre de wagons commandés par opposition aux wagons reçus; et dans la plainte de GNG, un nombre insuffisant de wagons a été fourni à l'expéditeur.

[35] L'organisme que l'Office a remplacé, l'Office national des transports (ONT), a dû lui aussi évaluer les marchandises à transporter par chemin de fer dans l'examen de demandes relatives à la cessation de l'exploitation de lignes de chemin de fer. La législation en vigueur exigeait de l'ONT qu'il détermine si l'exploitation d'un embranchement dont on demandait l'abandon était économique ou non et, si elle n'était pas économique, s'il y avait des chances raisonnables que l'exploitation devienne économique dans un avenir prévisible. Bon nombre des décisions de l'ONT ont été rendues alors que les compagnies de chemin de fer cherchaient à se dessaisir d'embranchements ferroviaires déficitaires. On trouve un exemple concret dans la décision no 54-R-1993 au sujet d'une demande présentée par CP en vue d'obtenir l'autorisation d'abandonner l'exploitation de tronçons de ses épis St. Andrews et Champlain. Dans sa décision, l'ONT a fait observer que :

[...] même si d'autres intervenants ont fait référence à la disponibilité du trafic aux installations de Moore-Clark, cette compagnie n'est pas intervenue, en son propre nom, pour s'opposer à la demande du CP et elle n'a pas indiqué non plus qu'elle n'était pas satisfaite des arrangements ou des services actuels de transport. Par ailleurs, l'Office n'a aucune preuve documentée au dossier pour confirmer que Bison [Bison Chemicals] envisage sérieusement d'établir une installation dans le Parc industriel Champlain, qu'elle a l'intention d'utiliser des services ferroviaires directs pour transporter ses expéditions et que l'installation qu'elle propose produirait quatre wagons de résines chimiques par semaine.

[36] L'ONT a ordonné la cessation de l'exploitation de ces épis en fonction de ces critères. Dans la décision no 155-R-1995 au sujet d'une demande présentée par CN en vue d'obtenir l'autorisation d'abandonner, entre autres, l'exploitation d'un tronçon de sa subdivision Owen Sound, l'ONT a conclu que :

[...] compte tenu du trafic actuel et du trafic potentiel, de l'absence d'ententes qui entraîneraient vraiment une augmentation du trafic sur l'embranchement et du coût élevé du rétablissement d'une desserte ferroviaire de l'installation d'IEDC [Integrated Energy Development Corporation], l'Office conclut qu'il n'y a aucun motif de croire que l'embranchement puisse devenir rentable dans un avenir prévisible.

[37] Bien que l'Office ne soit pas lié par des précédents, il estime que les thèses invoquées dans les cas susmentionnés sont convaincantes.

[38] L'Office est d'avis que, même si Trackside a offert des marchandises potentielles à transporter par chemin de fer, elle n'a pas fourni à CN la moindre preuve expresse de marchandises effectives à transporter. Il n'est pas nécessaire que les marchandises effectives soient « immédiatement disponibles », mais il faut qu'elles soient plus que « prévues ». Au mieux, l'Office estime que Trackside mentionne des volumes de marchandises purement spéculatifs. Bien que Trackside affirme que des discussions sérieuses ont eu lieu avec deux industries tributaires du chemin de fer, aucun de ces expéditeurs n'a déposé de mémoire directement ou indirectement à l'appui de la demande de Trackside. En outre, Trackside prétend que d'autres clients intéressés pourraient devoir expédier chaque semaine des wagons dont le nombre pourrait aller de 2 à 3 et passer à 35 wagons. Toutefois, aucune preuve n'a été produite par ces clients potentiels.

[39] L'Office estime par ailleurs que la compagnie de chemin de fer doit avoir des attentes raisonnables des marchandises qu'on lui offre de transporter. Or, ce n'est pas le cas ici. L'absence de toute preuve étayée par des documents d'éventuels expéditeurs ferroviaires, notamment de plans, d'ententes, de la construction d'installations et des volumes de trafic prévus de la part d'éventuels expéditeurs, a un effet direct sur le poids des preuves déposées par Trackside. L'Office est d'avis que si ces éventuels expéditeurs avaient produit ce type de preuves ou les avaient produites par l'entremise de Trackside, cela aurait conféré une certaine crédibilité au cas de Trackside. Aussi, l'Office conclut que CN n'a pas manqué à ses obligations de transporteur public qui lui sont imposées par les articles 113 à 115 de la LTC.

[40] Pour ce qui est de l'article 95.1 de la LTC, l'Office partage les thèses avancées par CN et estime que cet article de la LTC a exclusivement trait au bruit et aux vibrations et qu'il ne s'applique pas à cette demande.

[41] En ce qui a trait aux articles 127 et 130 de la LTC, l'Office conclut qu'étant donné qu'il n'y a pas de marchandises à transporter et que Trackside n'est pas un expéditeur, ces articles ne s'appliquent pas à la présente demande.

[42] Pour ce qui est de la section V de la partie III de la LTC, l'Office conclut qu'il n'y a pas eu cessation de services par CN et que, par conséquent, cette section de la LTC ne s'applique pas à cette demande.

[43] En ce qui a trait aux mémoires de CN et de Trackside relatifs à l'incidence possible sur l'exploitation de la ligne de chemin de fer et aux répercussions possibles sur le plan de la sécurité si un raccordement avec un épi devrait être aménagé, il n'est pas nécessaire que l'Office étudie ces questions car l'Office a établi sur la base d'autres motifs qu'aucun épi ne doit être aménagé par CN pour desservir le Parc industriel Trackside.

Conclusion

[44] L'Office rejette cette demande.

Membres

  • John Scott
  • Raymon J. Kaduck
Date de modification :